Illittérature:Mort de décès

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Mort de décès



L'annonce


— J'ai, Madame, l'immense tristesse de vous annoncer que feu votre mari, suite à son décès, est mort.
Feu mon mari est décédé de la mort ? Mais c'est terrible. Que des mesures soient prises contre le gouvernement !
— Je peux vous assurer de ma profonde déconsidération à leur égard. Il se pourrait même qu'ils s'en trouvent affectés.
— Juste Ciel, voilà qui est cruel. Vous n'y allez pas avec le dos de la main morte.
— Que les haineux haïssent.
— Mais la haine mène à la violence.
— Que les violents violentent.
— Et la violence mène à la mort.
— Que les morts meurent.
— Ces mots m'émeuvent, ils me rappellent Georges qui vient de mourir de décès.
— Madame, loin de moi l'idée de vous vexer, mais j'ai comme l'impression que vous êtes présentement en train d'accoucher.
— Je n'accouche pas, je vêle.

Car oui, la conversation était tenue entre un taureau et une vache tout deux normands. C'est un certain monsieur de la Poutretantrelle qui s'en était fait le porteur, grâce à un harnais métallique qui le désentravait des habituelles sangles à cliquet nécessaires à sa tenue, mais revenons à nos vaches.

— Vous vêlez de nouveau ? Un printemps nous sépare désormais de la dernière fois que vous vêlâtes, je m'en souviens comme si c'était demain.
— On peut dire qu'il s'agit d'...


Une révélation


On pourrait s'interroger quant à la pertinence d'une conversation bovine et à son niveau de langage, mais nous ne le ferons pas ici, par souci de ne pas désorienter le lecteur par des propos intellectuels.

Qu'advint-il à feu le mari mort décédé de notre héroïne au courage et à la bravoure jamais encore égalés dans le monde vacher ? C'est la question que tous se posent, taraudés par le suspens, écrasés par le poids des doutes, tiraillés par les hypothèses délurées ou délirantes que chacun formule légitimement à la lecture de ce récit, aveugle dans l'obscurité des scepticismes mais entrevoyant au loin la clarté de la vérité, qui, en rais lumineux, zèbre le sol en marches de lumière ; arrêtons ici cette métaphore qui, dans de viles tentatives d'égarement, nous éloigne en circonvolutions inutiles et détours tortueux de notre but premier qui ne saurait souffrir de plus de douloureux contretemps, malheureusement sciemment disposés en fourbes embûches le long de notre chemin, telles de bottes de pailles jonchant le champ moissonné.

Oui.
— Ces vêlages sont de véritables épines dans l'épée de Damoclès.
— Oh vous savez, il faut souffrir pour être belle, bien que la réciproque ne soit tristement pas exacte. Regardez-moi, victime de sévices moraux tant que physiques, et toujours aussi désagréable à l'oeil.
— Il est vrai que votre vue me donne des haut-le-cœur que je peine à réprimer.
— Seul mon mari qui n'est désormais plus des nôtres trouvait en moi un charme. Ô Georges, reviens parmi nous !
— L'ingérer n'a pas dû être tâche facile, d'autant plus qu'il me croit avoir la souvenance que le bois provoquait en vous des crises d'aérophagie qui secouaient le département entier.
— La préfecture m'en a en effet touché un mot à plusieurs reprises, mais simultanément, et ceci dans le but de me faire croire qu'il n'y avait qu'un seul reproche, mais je n'étais pas dupe, croyez-le bien.
— On dirait que le veau est sorti.
— Il ne connaîtra jamais son père, tristesse et désolation s'emparent de moi ! Le désespoir m'envahit, tentaculaire et persistant. Je meurs. Ou du moins, j'en ai l'impression.
— Peu s'en faut.
— Vous m'en direz tant.
— Tant Noël crie-l'on, qu'il vient.
— On attrape pas les oiseaux à la tartelle.
— Vous gagnez ce concours de proverbes et dictons haut la main.
— J'eus en Georges un bon maître, il n'avait pas son pareil en ce domaine. J'espère qu'Eusèbe lui fera honneur.
— Eusèbe, c'est ainsi que vous nommâtes à l'instant votre progéniture mâle ?
— Il l'a quémandé et obtenu par référendum à majorité réduite. Que cette infortune ne nous éloigne pas de drame qui vient de se dérouler. Qu'ont-ils fait de Georges ?
— C'était hier. Nous étions l'un face à l'autre dans le champ voisin, et il regardait par-dessus mon épaule. Lorsque je me suis tourné pour voir l'objet de son attention, j'ai vu que derrière moi, Georges me regardait aussi.
— Doux Jésus, l'ubiquité s'est brusquement saisie de Georges ?
— C'est ce que je pensais, mais je me suis ensuite aperçu que je m'étais trompé en tournant la tête et que je regardais au même endroit.
— C'est une terrible tragédie, que fîtes-vous ensuite ? À quelle frénésie meurtrière vous adonnâtes-vous, vous oubliant dans la violence et la soif de vengeance ?
— Rien de tout cela ma chère, je me maîtrisai et fis appel à ce cours de yoga tellurique auquel j'assistai naguère. Canalisant les énergies terrestres, remplissant mes chakras, je ne faisais plus qu'un avec la nature, et outrepassai cette terrible épreuve.
— On fit d'hommes des chevaliers de la Légion d'Honneur pour des bien moindres exploits.
— Je suis, Madame, modeste. Aussi en être récipiendaire ne m'émeut guère.
— Avant que vous ne m'annonciez la terrible vérité sur Georges, laissez-moi vous conter notre rencontre qui, j'en suis certaine, éclairera d'un angle nouveau le prisme de la vérité, bien qu'il soit encore dans l'obscurité et ne fera de ce fait que l'éclairer, sans nouvel angle.


Les souvenirs


— Il m'avait vue dans un pré un après-midi d'automne et, alors que des spirales jaunes-orangées tournoyaient autour de nous, il me dit « Vous êtes, Madame, d'une grande beauté ». Il demanda, en gentleman qu'il était, où se trouvait mon père afin de lui demander l'autorisation de me faire la cour. Celui-ci étant décédé de la mort, pareillement à Georges, nous n'eûmes besoin que de son consentement silencieux.
— Ciel, votre père et Georges moururent dans de circonstances identiques ! Ces ressemblances sont dérangeantes, voire troublantes.

On pourrait penser qu'ils ne sont qu'une seule et même personne, mais le lecteur moyen aura remarqué que physiquement, ils n'avaient aucune ressemblance. L'un était un taureau, et l'autre aussi, mais différent. En effet, ils n'avaient pas de ressemblance entre eux et était, en cela, différents. Par ailleurs, il n'est guère prudent de cautionner de mœurs semblables à celles en pratique dans la famille royale de l'Egypte ancienne. Eusèbe ne présentait quoiqu'il en soit aucune caractéristique physique étrange, si ce n'est l'oreille légèrement plus soyeuse que la moyenne.

— Peut-être s'agit-il de la même mort qui les frappa cruellement.
— Sans doute l'ignorerons-nous à tout jamais. Je vais cependant vous révéler ce qu'il s'est ensuite passé dans ce pré chargé de mystère : il a annoncé vouloir me confier un acte terrible dont il avait été l'auteur et dont le poids des remords l'accablait au point qu'il ne puisse que péniblement vaquer à ses occupations quotidiennes. Il me souvient en effet l'avoir vu la veille tomber violemment de près de neuf mètres en se retournant dans son sommeil.
— Il vivait en effet des nuits agitées. Mais continuez, je n'ose imaginer les terribles faits qu'il vous relata.
— C'est avec une grande gravité qu'il prit la parole, ayant récemment pris de l'embonpoint. Il m'expliqua que... votre mariage avait pour seul but l'octroi de quartiers de noblesse supplémentaires en vue d'asseoir sa reconquête de la couronne de Normandie.
— Je ne peux y croire. Je défaille.
— Il a ensuite ajouté qu'il vous avait toujours trouvée d'une laideur repoussante..
— Georges...
— Horrifié par les propos qu'il venait de tenir, il se provoqua en duel à mort et s'ensuivit le décès d'un des combattants.
— Geoooooorges, Georges, pourquoi ?
— Et c'est à la suite de ce décès qu'il mourut, non sans longuement agoniser et me confier sur son lit de mort de touchantes paroles dont je ne me souviens plus.


Georges


— Georges...



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