Le vote de ma concierge ou l'élection de maire
Pour commencer, et puisque j'obéis facilement à n'importe quel ordre, voici ce que ma concierge a voté aux dernières élections.
Je délationne : ma concierge qui ne m'appartient pas encore entièrement puisque je vis sur un coin du toit de l'immeuble a voté LE BATTOIR !
Oui, je dis bien le battoir ! je vous explique : avant d'être concierge, madame Le Tapou était lavandière à Pont-L'abbé dont je ne connaissais pas l'existence il y a deux minutes ! À cause d'une mauvaise tournure et de sa vie et de son esprit, elle a largué père, mère, enfant et époux pour aller faire du cousinage à Paris. Il y a des fantasmes qui sévissent depuis longtemps. Mais comme madame le Tapou ne savait pas lire le françouais et le comprenait encore moins, elle n'a découvert qu'une fois arrivée à la gare Montparnasse que le cousinage ne consistait pas à faire en étant payée, de la couture à l'usine mais à parler près de la bouche à des hommes tout neufs qui n'étaient pas pour autant beaux. Et surtout qui lui filaient des ramponneaux dans les côtes et des coups de tatanes dès qu'elle leur bretonnait que dans ses jupes, il n'y avait pas boutique. À force de se faire piler la glotte et plier en deux sinon en quatre par des santons pas catholiques pour un sou qu'on ne lui donnait d'ailleurs pas, elle s'est un jour rappelé que de sa Bretagne natale, elle avait gardé de son ancien métier aux mains propres un gros battoir de l'enfer des meules. Elle se mit à prendre des postures le soir à sa seule et propre (n'oubliez pas, c'est une ancienne lavandière) initiative du côté des filles-du-calvaire où, dans sa naïveté, elle avait sincèrement cru qu'elle allait rencontrer Jésus à Paris. On le lui fit rencontrer un soir de beuverie involontaire mais sous forme de Morteau. À son réveil, elle en conçut une rage féroce, une humiliation vengeresse. Elle resta dans le coin et se mit à pratiquer le battoir avec autant de plaisir que d'habileté propre (n'oubliez pas que c'est une ancienne lavandière appliquée et amoureuse du beau linge).
Comme elle avait de son ancienne alimentation au beurre de Guérande, gardé une belle figure rondement jouée (avec des joues quoi !), du bon œil bleu atlantique, du bon cheveu vaporeux des dunes et qu'elle prenait bien la pose, elle attira vite du naïf dont on fait des séances de vengeance. Et battoir en main, elle leur imposait ses séances de spécialités toujours les mêmes. Ou plutôt toujours la même. Viens par ici-chou que je te blaaaanchisse !(Entre temps, elle avait connu Arletty). Et avant que l'autre ait réalisé ce qui lui arrivait, il était battu comme plâtre avec le battoir par une belle qui lui chantonnait "Dans ma jupe, y a pas de boutique !".
Un jour, le naïf fut un propriétaire d'immeuble qui aimait que fut pratiqué sur lui le "ratatine-moi-la-face" s...", elle ne le savait pas dame Le Tapou. Elle découvrait à sa grande surprise un homme accro pas à elle mais à son battoir. Elle se confessa autant qu'elle pouvait, mais lou Christ ne la démêla pas de son naïf. Et elle découvrit qu'elle aussi aimait bien cela. Ils se mirent d'accord et comme le battu-content était embagouzé avec une autre femme et qu'il ne pouvait divorcer sans tout perdre, il installa sa conquête comme concierge dans l'immeuble ; et les ambitions sociales de son épouse l'ayant poussé d'échelon en échelon dans la politique, il a donc été élu maire aux dernières municipales avec, à son avantage, le vote groupé de toutes les concierges de son fief. Explicachon : Madame le Tapou continue de battoirer sans relâche et de temps en temps, elle "explique" à une concierge comment elle doit voter ! Et la parole porte vite chez les concierges comme tout le monde le sait. Voilà comment je sais pour qui et comment ma concierge a voté ! Là !
Et pourquoi moi je suis sur le coin du toit ? j'aime pas le battoir ! Là !
Je vais au coin ? Bon ,c'est du copyright de moi-même ; qui y touche : BATTOIR !!!
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