SSII
Le bonhomme mal dessiné vous encourage à réécrire cet article : «Un peu d'effort, voyons.» |
Les SSII (Stocks de Serfs en Intérim Illicite) sont des sociétés d'informatique apparues sur le marché du travail en 1984. Elles constituent dans la législation française la principale exception au délit de marchandage.
Les différents types de prestations
L'activité des SSII est de séduire de jeunes personnes incompétentes (SDF, gothiques, chômeurs professionnels, anciens repris de justice, ingénieurs de grandes écoles) pour les remettre par la suite à l’entière disposition de riches clients : cette activité appelée prestation de conseils et d'expertises, éventuellement assistance technique si le collaborateur est vraiment atteint d’incapacité profonde, est facturée en régie.
Une fois sur place, le personnel sous-traité travaille pour un seul client officiel, dans les locaux duquel il exécutera la totalité de sa mission (s'il a un peu de chance pendant plusieurs années) selon des horaires identiques à ceux du personnel du client. L'encadrement du client lui définira les tâches et les lieux d'exécution, lui fournira son matériel, ses documents et contrôlera lui-même le suivi. Tout ceci est en plus parfait accord avec l'article L. 125-1 du Code du travail français.
Les SSII pratiquent aussi, mais à un degré nettement moindre, le forfait : beaucoup moins rentable, il est néanmoins nécessaire pour éviter un transfert immédiat des dirigeants vers la maison d'arrêt la plus proche pour proxénétisme - ce qui arrive encore malheureusement trop souvent.
Organisation
Les SSII sont constituées pour disposer à volonté d'un réservoir de main-d'œuvre servile. Pendant tout leur contrat à durée indéterminée, la déshumanisation des internés et la subordination totale aux ordres contradictoires de la hiérarchie y sont les règles de base. Le travail y est épuisant, la machine à café verse un jus de chaussette insipide, les barres de Mars sont vendues à un prix inabordable. La mortalité et le taux de suicide élevés sont compensés par le « turn-over », c'est-à-dire le recrutement massif de nouveaux « collaborateurs » par trains entiers.
La hiérarchie
À la tête de chaque SSII, on trouve deux ou trois Grands-Chefs-à-Plumes. Les Grands-Chefs-à-Plumes sont choisis pour leur capacité à se souvenir des prénoms des collaborateurs (tâche rendue extrêmement difficile à cause du taux de turnover). Ils ont officiellement autorité sur toutes les affaires de service et de personnel ; mais leur pouvoir est en réalité fantoche et ils passent la majeure partie de leur temps à se partager les activités consistant à faire semblant de reconnaître leurs employés, à jouer au golf avec les clients ou à leur faire visiter les locaux.
La direction des RSHA (ReSsources Humaines et Achats), « section vitale, chargée d'assurer la continuité des activités en cas de grippe aviaire, de nuage de type Seveso ou d'effondrement de World Trade Center » est notamment responsable de l'enregistrement des cartouches d'imprimantes, des classeurs d'archives, des chemises transparentes, des stylos Bic, des post-it et aussi des collaborateurs. Les tâches de secrétariat[1] (dont la tenue à jour du fichier des suicides et des interrogatoires annuels) sont assurées par les articles les plus sexy du matériel en stock.
Les collabos
La collaboration désigne le fait d'aider sciemment les SSII dans leur tâche de domination du monde. Cela a pu se faire par désœuvrement, par tendance suicidaire mais le plus souvent par crédulité vis-à-vis de la propagande de journaux favorables aux SSII (01 Informatique, Le Monde Informatique, Amiga News), de partis politiques soutenant les SSII (par exemple, le ridicule parti Chasse Pêche Nature Traditions dont le but réel est d'encourager le citoyen à se tourner vers le secteur tertiaire), de gouvernements obéissant aux ordres des SSII ou de films sponsorisés par l'Armée pour favoriser des campagnes de recrutement (Matrix, WarGames, Tron, Die Hard 4 : Retour en enfer).
On ne devient pas collaborateur par erreur. On justifie son comportement. Le collaborateur a profondément réfléchi à son choix : « J'accepte que la vie continue. En toute connaissance de cause, et parce que je veux travailler plus pour gagner plus, j’œuvre pour les SSII tout en adhérant aux principes politiques et idéologiques de l'Altermondialisme. Mon attitude est dictée par des circonstances qui échappent à ma volonté. La seule alternative serait la banqueroute, le chômage, la famine, la ruine, le chaos mondial et l'impossibilité de rembourser le 4x4 que j'ai acheté à crédit. »
Les collaborateurs se divisent en deux groupes : les commerciaux et les ingénieurs. Les commerciaux sont spécialisés dans les promesses, les ingénieurs dans l'impossibilité de les tenir.
Les commerciaux
Le commercial se distingue par les auréoles sous les bras qui tachent ses chemises en synthétique coloré.
Il manie également la langue française de façon assez approximative mais étourdit tellement le client que ce dernier, hypnotisé, ne s'en rend pas compte. Ainsi peut-on l'entendre proférer au sujet d'un nouveau produit des phrases comme : « Au jour d'aujourd'hui, la problématique du futur est d'être à 200% de ses performances. ».
Ex vendeurs de pneus crevés, marchands de poêles, vendeurs de fruits et légumes pourris, les moins bons vendeurs s'y essayent, souvent embauchés par d'anciens spécimens ayant particulièrement bien réussi dans le parasitage de leur société.
Abus dans la profession ?
Le PDG de la SSII Slave Quality Infoalliance ne dément pas qu'il y ait eu parfois quelques abus dans la profession. En tant que président du SYNTEC, il relativise les dénonciations d'« esclavagisme » faites par la presse ces dernières années :
« Ces dénonciations sont très exagérées. Je m'oppose ouvertement à parler de "stages en entreprise d'une durée supérieure à trois mois" ainsi qu'à d'autres types de contrats aussi peu motivants pour les salariés ! Fervent socialiste, j'utiliserai plutôt l'expression flex-contrat de Ségolène Royal. Chez Slave Quality Infoalliance, 80% des contrats sont des CDI dits de mission, c'est-à-dire librement interruptibles sur démission souhaitée de l'employé, sans pression aucune pendant les intercontrats. C'est d'ailleurs la formule couramment appliquée dans les SSII. »
À l'exemple de Slave Quality Infoalliance, de nombreuses nouvelles jeunes SSII se veulent tout aussi exemplaires s'agissant des relations avec leur personnel.
Offres d'emploi
- Newbie Consultants (Boulogne Billancourt) cherche cuisiniers H/F pour mission d'assistance à la recette
- Aspic Services recrute un profil hautes compétences (ingénieur au minimum, 10 ans d'expérience en SSII), d'humeur nomade, vous aimez passer la nuit à l’hôtel, et vous connaissez par cœur toutes les gares de France, pour l'instant on a pas grand chose pour vous, en tout cas on vous fera faire une super application de gestion pour les besoins de notre comptable, une expérience très valorisante en Access et VBA pour 24 K€/an
- Aspic Services cherche un autre collaborateur suite à la précédente annonce et le licenciement du bac+8 précédemment embauché pour incompétence
- Lowcost Infoalliance recrute développeur multi-compétences (expertise exigée en J2EE, .Net, PHP, C++, Oracle, BO, SAP) pour plein de projets passionnants, mobilité de 15 parsecs autour de Paris, quadrilingue (français, allemand, anglais, japonais)
- Grande SSII cherche psychologue spécialiste du harcèlement moral pour son service RH
Que faire en SSII ?
Une fois devenu un collaborateur, le mieux qui vous reste à faire est d'attendre un licenciement qui ne saurait tarder. Pour patienter sans que l'expectative vous rende trop anxieux, vous disposez de deux solutions : la dépression nerveuse ou le suicide.
La dépression nerveuse
La dépression nerveuse se signale par le fait que vous commencez à vous sentir de plus en plus attiré par la perspective alléchante de monter votre propre petite entreprise de fromage de chèvre dans le Larzac. Le second stade de la dépression se signale par l'achat d'une ferme à La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries.
Or il faut savoir que les ingénieurs informatiques en fromage de chèvre ont tendance à reproduire inconsciemment sur leur cheptel les violences et harcèlements subis antérieurement en SSII, ce qui a tendance à gâter la qualité du lait, rendant ses produits dérivés non conformes aux toutes dernières directives européennes. C'est pourquoi l'auteur de cet article, fort de son savoir désencyclopédique, vous recommande sincèrement la seconde solution.
Le suicide
Pan !
Notes
- ↑ On ne dit pas secrétaire, on dit assistante c'est plus politiquement correct.
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