Activistes
Si il est un moment où le corps humain a besoin de se reposer, et je ne parle pas de la demi heure passée à tenter -en vain- de calmer le fou rire provoqué par un discours d'un quelconque membre du Front National, c'est bien après une journée de labeur, passée à essuyer avec sa langue les larmes de désespoir ruisselant sur ses joues, assis sur une chaise de bureau mal rembourrée, au milieu d'une ébullition maladive, à rêver d'une vie meilleure, loin, à caresser son St Bernard, Denis, en buvant un cocktail poire-mandarine. Après huit heures à miner son moral, il faut tant bien que mal traîner le poids de son existence vers les rames des métros, pour demeurer debout, pris au piège entre un strapontin vacant, mais inexploitable, et cette famille nombreuse -poussette incluse- qui a choisi ce moment pour rentrer en même temps que vous dans le wagon. Ensuite, terrassé par le joug de vingt-deux stations et du fond sonore mêlant cris d'enfants et grincements de roues, vous la voyez enfin. Elle est là. La gare, dans son infinie splendeur, l'aiguille des minutes pointant vers le ciel : il est dix-huit heures. Et le train tant désiré, celui qui ramènera la pauvre âme en peine, la loque que vous êtes devenu, vers la chaleur tendre d'un foyer, partira de la gare dans neuf petites minutes. Tendu, mais faisable. Vous vous dirigez d'un pas décidé vers les portes automatiques du bâtiment.
Et c'est là, à ce moment précis que votre vision périphérique s'active. Vous ne l'aviez pas vu, et maintenant vos trajectoires convergent inévitablement en un point commun. Vos regards se croisent, votre respiration se fait hâtive. Il a mit le grappin sur votre pauvre personne, et sur la place de la gare, le temps semble s'arrêter.
"Bonjour, avez-vous une minute pour discuter du rétablissement de la peine de mort dans les colonies de fourmis arboricoles ?"
Les activistes, c'est quoi d'abord, je vous le demande
Étymologiquement, le mot "activiste" vient de acti (l'acte, l'action donc) et vista (qui a donné "vice"). Un activiste, de ce point de vue, c'est donc quelqu'un qui "fait du vice", qui est donc pas beau et avec plein de pustules en plus, beurk. Mais cette espèce, bien que reliée à une famille commune, se décline en deux grandes catégories (rien que ça).
L'activiste sauvage
C'est lui, celui qui vous agresse dans la rue, faisant dépasser ses dents pointues de ses lèvres rosâtres. Celui qui s’agrippe de ses appendices courbées autour de votre bras, provoquant des frissons le long de votre échine apeurée. Celui que l'on laisse gambader peinard dans les zones urbaines, la plupart du temps autour des gares, sans se soucier une seconde de la menace qu'il représente. Et quelle menace ! En apparence, l'activiste sauvage se distingue le plus souvent par son anorak de couleur criarde, la plupart du temps jaune fluo ou bleu électrique. Une démarche semblable à un passant lambda mais ne vous y trompez pas : il s'agit là d'une véritable machine à tuer, prête à vous enfoncer dans le crâne ses idées pré-faîtes et ses convictions inébranlables. Car là est une des caractéristiques principales de cette créature barbare : la détermination. On rapporte des cas de touristes, pas assez prévenus des risques des promenades parisiennes, retrouvés morts, leur carte de crédit sucées jusqu'à la moelle, gisant sur un trottoir le long de la gare Montparnasse. L'activiste sauvage fera tout pour garder sa proie vivante tant qu'il peut s'amuser avec. On perçoit dans ses yeux la flamme de la malice. L'activiste sauvage est cruel, malgré ses airs d'étudiant en art contemporain. Méfiez-vous. Et sortez couverts (mais pas d'un anorak)
L'activiste apprivoisé
Il arrive que l'activiste se civilise un peu et passe du statut de bête sans capacité de réflexion particulière à une situation d'animal plus sociable et raisonné, capable de soutenir ses pulsions. Il est dans ce cas logé, avec ses semblables, dans des enclos appelés "associations" et acquiert peu à peu une capacité d'analyse de plus en plus fine. Il peu même lui arriver, en discutant et en pesant le pour et le contre de ses décisions, de faire des choses bien. C'est dire.
Je vous proute, je dis ce que je veux. Ça se voit que vous n'avez jamais vu d'activiste dans la réalité vraie.
Manœuvres d'approche des activistes sauvages
L'activiste sauvage, bien que primitif, s'illustre par sa capacité à développer des stratagèmes complexes pour amadouer sa proie. Au fil des années, et de l'évolution, nos chères petites bêtes ont su s'adapter, et ont mis au point des strats dignes d'un joueur de Starcraft sous EPO. Oui, à ce point.
La génération de bonne conscience
"En faisant un don, vous aidez les papillons du Mexique à produire plus de poudre de diamant et vous relancez l'économie mondiale" ou "Avec ce virement, vous permettez à des milliers de planctons abandonnés de retrouver leur famille et de vivre heureux" sont des phrases types élaborées par le vil cerveau de ces prédateurs. Agissant directement sur votre sens de l'altruisme, ils tentent de vous faire croire que votre action financière aura un impact certain sur le rétablissement de l'écosystème en Indonésie du Sud-Ouest. Au final, ce sera l'acidité de vos pleurs lorsque vous aurez raté le dernier trajet vers votre chez-vous qui viendra remplir la panse de ces immondes créatures.
La génération de mauvaise conscience : le dilemme moral
"Quand vous mangez une glace, savez-vous que l'appareil qui l'a tenue au froid a évacué dans l'atmosphère un taux de CO2 suffisant pour tuer une portée de 56 lapins nains ?" "Êtes-vous conscient que que le manteau que vous portez a été fabriqué par une famille de pygmées travaillant trente heures par jour, tous les jours ?"
Ici, la tactique est simple : vous pousser à un choix terrible. Soit vous donnez et votre conscience est propre, soit vous vous suicidez le soir même dans votre salon, rongé par la culpabilité. Dur.
Le très classique "avez-vous une minute pour -insérer cause juste et louable ici-"
Ne vous laissez pas amadouer par ce sourire charmeur et ces yeux enjoués, et rappelez-vous que la chose qui vient de vous interpeller, non sans grossièreté, est un démon avide de votre éternelle et infinie douleur. Luttez et partez, si vous tombez dans les filets maintenant, vous ne vous en sortirez plus.
Mais alors, me direz-vous, d'une voix chétive et frêle, comme la brebis innocente et fragile : "Comment donc se promener devant les gares ou aller prendre son train sans faire de mauvaise rencontre ?"
La nana aux cheveux bleus dit : | |
Comment donc se promener devant les gares ou aller prendre son train sans faire de mauvaise rencontre ? |
Et je vous remercie d'avoir posé la question !
La nana aux cheveux bleus dit : | |
De rien ! |
Cela nous permet d'enchaîner sur notre dernière partie, qui concerne l'attitude à adopter pour éviter les activistes sauvages.
Comment éviter les activistes sauvages, dites le moi donc, cher monsieur
L'activiste est partout, où que vous alliez. Si vous oubliez que l'activiste vous regarde, alors vous êtes perdu. L'activiste est omniscient, il sait où vous êtes. Le long d'un trottoir, sur les bandes blanches d'un passage piéton (alors même que le petit bonhomme est rouge), dans les couloirs du métro, jusqu'à l'intérieur des trains, où vous pensiez -à juste titre- être tranquille : l'activiste vous suivra et vous traquera pour se nourrir de vos angoisses et de vos peurs. Le seul facteur de réussite pour annuler leurs tentatives d'agression est l'expérience, mais comme par chez moi on est des gens sympas, voici quelques techniques efficaces pour en venir à bout.
Réfléchissez sur le long terme
En effet, il ne s'agit pas de se rendre compte de la présence d'un activiste sauvage quelques secondes avant que lui ne se rendre compte de la votre. Vous devez prévoir votre trajet en fonction des positions adverses. Ne vous jetez pas dans la gueule du loup : plus de deux activistes à la fois deviendront absolument impossibles à esquiver, et croyez bien que si un ennemi est dur à terrasser, quatre le sont d'autant plus. N'hésitez pas à changer de trottoir, à rentrer dans le magasin le plus proche en attendant la nuit (ce qui n'est pas conseillé si votre objectif est de ne pas perdre de temps).
Envisagez toutes les possibilités
Personne n'est jamais à l'abri d'un activiste sauvage, qui, au comble de sa fourberie, aurait attendu à l'entrée d'une ruelle sombre et malpropre, encore couverte des restes de joies nocturnes, pour surgir de l'ombre et ainsi accomplir son redoutable dessein. Soyez sans cesse sur le qui-vive, ne prenez jamais comme acquise votre connaissance des activistes. Renouvelez sans arrêt vos stratégies, n'adoptez aucune habitude.
La technique du "Oh tiens j'ai un message sur mon portable dites-donc c'est étonnant"
Il peut arriver que vous n'ayez pas le choix : vous devez traverser un troupeau d'activistes et le temps presse. Pas de pas panique,si vous possédez un téléphone cellulaire, vous pouvez tenter de passer en prétextant un appel ou un message. En effet, l'appareil émet des ondes néfastes pour le cerveau des viles créatures. En passant près d'elles, si votre plan fonctionne, vous pourrez même vous délecter de leur douleur en les observant se tordre en hurlant. Jouissif.
Le cas critique : la confrontation
Si malgré tous ces conseils vous vous retrouvez nez à nez avec une de ces engeances cauchemardesques, vous êtes bien dans la merde. Parce que comme dit précédemment, un activiste ne vous lâchera jamais et dévorera ce qu'il vous reste d'espoir avant de vous abandonner comme un vieux slip troué, ce qui n'est pas le plus enviable, convenons-en. Néanmoins, il reste même dans ce cas extrême des astuces pour ne pas se laisser dépasser.
Regardez-le dans les yeux
Comme n'importe quel animal sauvage, vous pouvez tenter l'intimidation. Attention cependant, il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.
Soyez méchant
Mais soyez méchant de façon intelligente. Par exemple une réponse du type :
N'est pas à favoriser, car trop directe. Préférez-y :
Voilà qui est bien mieux.
Mentez
L'activiste se nourrit exclusivement de proies ayant plus de dix-huit ans et possédant un compte bancaire actif. De là, vous pouvez d'une part prétexter que vous êtes mineur, ou que votre compte en banque est inexistant, ou inactif (ou en Suisse, et là vous ne pouvez pas le dire). Attention toutefois à la crédibilité de vos paroles.
Le vieux binoclard à la barbe miteuse nous dit : | |
Donc avec moi, ce stratagème est voué à l'échec ? |
Absolument.
Le vieux binoclard à la barbe miteuse nous dit : | |
Crotte ! |
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