Illittérature:La peine de mort

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La peine de mort







Je suis là, assis, sur le banc des accusés, la peur au ventre. Toute cette assemblée, qui se tient devant moi, me donne envie de frissonner. Je crois que je préférerais un jugement à huis-clos. Il m'est en effet très difficile d'affronter les regards accusateurs de tout ce monde.


Le juge fait son entrée. Tout le monde s'assoit. Un silence de mort se fait entendre dans la salle. Le juge prend la parole.


- Je déclare le procès de Monsieur Martin ouvert ! Monsieur Martin, plaidez-vous coupable ou innocent ?

- Coupable.


Oui, j'ai décidé d'assumer ce que j'ai fait. J'ai tué deux piétons alors que je conduisais. Un père et sa fille, qui venait de fêter ses 20 ans. Je n'avais pas consommé de drogues. Je n'avais pas bu d'alcool. C'était simplement une erreur d'inattention. La pire qui soit. J'aurais dû ralentir devant ce passage piéton. Il faut dire qu'ils n'ont pas spécialement fait attention, et qu'ils n'ont ni regardé à droite, ni regardé à gauche, avant de traverser. Ils étaient tous deux en train de regarder leur GPS, pour savoir dans quelle direction aller. Ils se sont mis à traverser au dernier moment, de manière imprévisible. Je n'ai pas eu le temps de réagir. Ce que je dis est peut-être horrible. Mais être jugé pour quelque chose face à laquelle on s'est senti impuissant est surement tout aussi horrible.


- La parole est à l'avocat de la famille de la victime.


Je lève la tête. J’aperçois l'avocat qui va essayer de me descendre. C'est son travail, me direz-vous. J'ai cependant l'impression de le voir sourire. Il doit surement penser aux honoraires qu'il va toucher, ce salopard ! Je suis sûr qu'il ne ressent aucune pitié pour la famille qu'il représente.


- Monsieur le Juge, permettez-moi d'insister sur les éléments qui font état de la culpabilité incontestable de l'accusé. Certains témoins ont déclaré que le présumé coupable n'avait même pas essayer de freiner avant la collision, et qu'il n'est même pas sorti de sa voiture pour essayer de les secourir. Il a fallu que ce soit des passants qui récupèrent les corps et essayent en vain de les réanimer ! D'ailleurs...


Il réussirait presque à me faire sentir coupable ce mec ! Il faut avouer qu'il fait à peu près bien son boulot. J'ai quand même globalement l'impression que les procès se jouent sur les qualités de l'avocat, et non sur l'acte de l'accusé en lui-même. Mais bon, ce n'est qu'une impression, je ne suis pas spécialiste de la question. Il faudrait que j'étudie plusieurs procès pour vraiment avoir un avis tranché sur la question.


- Vous pouvez constater que l'accusé n'a jamais avoué publiquement avoir des remords, et...


Les remords. J'ai décidé de les garder pour le procès. Peut-être est-ce une erreur stratégique, l'avocat l'utilisant contre moi. Mais devrais-je être réduit à me trouver des stratégies ? J'aurais l'impression de commettre une faute presque aussi grâce que celle pour laquelle on m'accuse. J'ai pensé que je devais prendre le temps de préparer mon discours de remords, pour éviter de le bâcler. J'ai aussi pensé que des remords prématurés pourraient être vus comme un manque de respect. Si quelqu'un avait tué ma fille et qu'il venait directement me faire des excuses, je me dirais "Comment ose-t-il me faire de si minables excuses alors que je viens de perdre ce qui était pour moi le plus cher au monde ?". Quoique... Peut-être aurais-je réagit différemment. Je ne peux pas savoir, puisque personne n'a jamais tué ma fille. Je lève la tête. Je l'aperçois en train de pleurer, au milieu de l'assemblée. Je commence à laisser échapper des larmes.


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