Illittérature:Le matin

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Il doit être environ six heures. Je sors du sommier dans lequel se repose encore ma femme. Notre maison est plutôt petite mais nous avons beaucoup d'enfants, qui nous apportent de la chaleur, même dans les moments les plus difficiles. Maintenant, il fait assez froid, ce qui est plutôt normal à cette heure là étant donné que nous sommes à la campagne et que par terre, c'est du carrelage. Je n'ai pas de chaussons. C'est donc avec une sensation de froid matinal sous la plante des pieds que je parcours le beau couloir, de deux ou trois pas, et que j'arrive vers la cuisine.

Là, je prends une orange : je peux sentir dans ma main une fraîcheur en tenant ce fruit, un peu comme si je tenais une boule de neige, mais en plus chaud et en plus lourd. Je sais bien que je ne vais pas manger ce fruit, je le tiens en fait uniquement pour la beauté et la sensibilité que cela dégage : c'est magnifique. Je repense à la nuit folle que j'ai eue comme tant d'autres soirs. Même si elle ne se lave pas et qu'elle sent plutôt mauvais, je dois avouer que ces derniers temps on fait l'amour chaque soir. Ah, sacrée elle, j'ai tiré un bon coup, j'adore ça, et même si elle ne le montre pas beaucoup, elle adore ça aussi, je suppose. Un moment, je suis surpris par l'habituelle vibration du frigo. Il fait ça souvent, car il est vieux, fragile et trop chargé.

Dans ma cuisine, il y a cet imposant et bruyant réfrigérateur-congélateur, ainsi qu'un four très ancien, et deux plaques chauffantes. C'est sur ces dernières que je casse deux oeufs et les fais cuire. J'entends les petits bruits que font les oeufs sur le plat, cette petite bataille miniature que l'on peut entendre, aussi magnifique qu'un concert de Johnny, mais en moins bruyant. Johnny, lui, me semble plus fort musicalement, que ces oeufs au plat. Johnny, lui, c'est l'idole des jeunes qui, comme moi, sont au chômage depuis presque vingt ans. Johnny, il est en poster partout dans mon salon. Ainsi, il accompagne mes douces soirées, pendant lesquelles je regarde dans la bonne humeur un spectacle des plus instructifs qui soient, à savoir le football. Quel merveilleux sport... malheureusement parfois gâché par certains évènements d'actualité. Je veux évidemment parler des Arabes, qui ne font que déstabiliser l'esprit sportif de ce jeu. Heureusement qu'ils sont pas trop là au free-fight, mais bon, au free-fight, il y a quand même beaucoup d'Américains ou de Noirs. Enfin, mes oeufs sont cuits, je les finis dans la bonne humeur, sans penser à mes problèmes. J'ai quelque chose à faire ce matin.

Je remarque en rangeant la boîte d'oeufs qu'il me restera de la bière au réfrigérateur pour ce soir. Bonne nouvelle. Je prend mon paquet et je suis prêt pour partir. Je suis encore en caleçon, mais ça ne me dérange pas pour sortir, car pour résister au froid, j'ai un t-shirt. Et puis, nous sommes dans la campagne profonde, donc personne ne peut me voir. Notre petite maison est la seule dans les environs. Nous n'avons rien qui pourrait nous faire remarquer : ni piscine, ni jeux (balançoires, etc.) pour les enfants qui de toute façon n'ont jamais dit qu'ils en voulaient, ni engins visibles tels que voitures, avions, hélicoptères, etc.

Donc c'est avec du coton blanc sur le corps que je me dirige vers la porte. J'ai l'habitude d'aller, le matin, là où je vais maintenant, dans cette tenue. Sur mon caleçon est brodée une image de Johnny Hallyday, et il y a écrit : « Johnny, we love you with a good beer and a good liver ». C'est une très belle phrase, enfin d'après ma femme... Moi je n'ai pas appris l'anglais, mais il y a treize ans quand elle me l'a brodé, elle m'a dit que ça m'irait très bien. Je l'adore. Je ne gratte plus de loto, donc je vais directement faire ce que j'ai à faire.

J'ouvre la porte de la maison. Là, devant l'extérieur rempli d'herbe verte et de vent, je peux sentir sur mon corps le doux vide aérien de la campagne, cette étendue d'air et de matin qui me passe sur les côtés et le devant du visage, et sur tout mon corps entier. Je me dirige ensuite vers ma gauche, en longeant paisiblement le mur de la maison. Arrivé devant la souche, je prends ma hache, commence à couper, termine, puis rentre à la maison me faire un feu.

Je suis là, devant la cheminée, bien au chaud dans mon trou. J'ai finalement fait assez vite. Je m'écoute un album de Johnny Hallyday, avec, cette poésie que je sens par tous mes sens, cette belle odeur. Cela sent comme à chaque fois, comme chaque matin : une odeur un peu rouge et brutale, mais si agréable à la fois. Mais dans quelques mois cela ne sera plus possible de vivre cette belle expérience. Car oui, il y a une chose qui ne fonctionne plus, ici. En effet, ma femme est endormie depuis déjà cinq ou six semaines, et donc ne peut plus produire d'enfants. Ah, si j'avais su, je ne l'aurais pas étranglée...


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