La crotte de nez récalcitrante

Un article de la désencyclopédie.
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Lorsque j’ai les ongles courts, alors que ma respiration nasale est un brin entravée, j’éprouve parfois quelque difficulté à déloger de mes orifices nasaux – généralement l’une des deux cavités plus que l’autre – les résidus muqueux accumulés au fil des jours, transformés par la poussière inhalée, ainsi formant ce que l’on appelle dans le jargon familier les crottes de nez.

Je vous invite donc à prendre part à l’immersion du plus improbable spéléologue dans un lieu aussi connu – parce qu’au milieu de la figure – que si rarement observé par l’œil humain, j’ai nommé la narine droite.

Gaillard et pétri d’optimisme, mon doigt – invariablement l’index, s’enfonce alors dans le méat le plus obstrué, cherchant l’étron coupable. Evidemment, la plupart du temps, il lui faut virer et revirer – je vous rappelle que l’ongle est court – pour parfois ne rapporter rien d’autre qu’un poil, baignant dans un mucus non encore corrompu par quelque poussière désireuse de nicher dans l’antre, afin d’y former avec la substance fluide cette sorte de matière plus ou moins molle, dont chacun d’entre nous, après extraction et après l’avoir plus ou moins longuement modelé entre le pouce et ledit index, réservera l’usage que bon lui semblera. J’y reviendrai.

Pour toute pêche miraculeuse, le malheureux n’a dans sa besace que ce misérable follicule pileux, qui par ailleurs aura été délogé sans provoquer la moindre douleur, mais occasionnant toujours cette imparfaite inspiration, mêlée de dépit.

Prenant son courage à deux mains, le valeureux organe onguleux repart en croisade. Redoublant d’efforts, opiniâtre, il racle méticuleusement les parois, s’aventurant un peu plus loin dans l’évent, fermement décidé à ramener – oserais-je le dire – la perle rare. Survient alors un obstacle empêchant sa progression. Et là, m’adressant à lui directement :

- « Quelle autre situation, plus que celle-ci, te permettrait de réaliser presque simultanément que cet écueil ne fait finalement qu’incarner l’objet de ta quête. Comme si le but de l’opération consistait en un voyage d’agrément jusqu’à la trompe d’Eustache, allant saluer à l’occasion les cornets inférieur, moyen et supérieur ? Dois-je te rappeler, cher index, qu’il t’est interdit d’ignorer ta chère fratrie, - les autres doigts de ma main - et que ta mission a été planifiée – de main de maître, oserais-je également le dire – par une entité tellement plus haute que ta condition, dans un dessein que je te dévoile à l’instant : la libération de mes voies aériennes. Par conséquent, tu n’iras pas plus loin, non pas que je ne le veuille pas, mais parce que mon anatomie m’interdit cette folle contorsion. »

Comme le marin après une journée de forte houle, le chasseur après une battue sanguinaire, le voilà qui revient triomphant avec pour tout gibier, deux millimètres de matière agglomérée de mucus ancien et de poussières antédiluviennes, que nous nommerons ici plus prosaïquement « croûte ».

Une fois malaxée, de sorte qu’elle prenne la forme d’une petite bille dépouillée de ses propriétés adhésives sans pour autant lui retirer son caractère gluant - afin de lui permettre de résister à la gravité -, elle se trouvera idéalement placée en un point du doigt où elle prendra son envol aidée par une vive chiquenaude qui l’enverra choir sur un meuble, le plafond, le napperon immaculé du guéridon, une table basse ou pourquoi pas, sur le plan de travail de la cuisinière.

Pour parachever l’épopée caverneuse, je m’adresserai à mon libérateur une dernière fois :

- « brave chevalier, pour ton méfait, tu ne seras pas mis à l’index mais bien au contraire félicité et je t’invite à voir avec quelle dextérité et – je l’espère - non moins quelle hardiesse, ton homologue oeuvrera à la libération de mon orifice gauche. »