Mon père, ce héros

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Mon père, ce héros au sourire édenté,

Effectuait sa promenade de santé Sur l'immense plaine parsemée de cadavres. « Oh, mon fier compagnon, ce spectacle me navre ; Il n'y a ici-bas personne de vivant », Dit mon père à son frère, qui s'esbaudissant, Éclatait de bonheur en poussant de grands cris : « Mon cher frère, il y en a ici un qui gémit. Râlant, brisé, livide, et mort jusqu'aux trois quarts, Il souffre de la gorge en demandant à boire. » Mon père, après avoir bien ri du mécréant, Jeta une gourde à son frère en lui disant ; « Donne à boire à ce pauvre soldat qui se meurt. » L'agonisant, touché par ce geste du cœur, But à grandes gorgées ; mais, tout à coup, cracha : « C'est de la pisse, ordure, que m'as-tu donné là ? - Sache, pauvre imbécile, répondit mon père, Qu'il ne faut accepter en aucune manière Un présent qui provient d'un quelconque étranger. Tu meurs et cet adage, tu ne peux l'appliquer ; Mais tu as de la chance, pourriture manouche : Si je t'avais revu, c'eut été dans ta bouche Que j'eusse répandu la mienne sécrétion. Viens, partons, mon frère ; laissons à l'abandon Ce paltoquet inculte qui déroge aux règles. » Mon père, ce héros au sourire espiègle, S'en alla alors de la plaine ravagée, Non sans avoir préalablement infligé Un grand coup de crosse dans la mâchoire infâme Du traître aux bonnes mœurs que Lucifer réclame.