Procrastination aiguë
Je l'écrirai demain.
Enfin, je me connais, si je n'ai pas d'échéance, ça ne pourra pas être demain ni un autre jour.
Bon, je vais quand même faire la structure de l'article, ça me motivera peut-être pour revenir dessus.
Ici, un début
Des trucs à mettre…
Là, une suite
Autres trucs…
Enfin, une conclusion
Oui, ici la conclusion.
Bon, maintenant que c'est pas mal entamé, je vais regarder la TV au cas où ils passeraient un épisode de Derrick. Ca fait au moins dix ans que ça passe plus. Ca serait étonnant qu'ils n'en passent pas un autre épisode un jour. Peut-être que le gars qui met la cassette dans le magnéto chez France 2 est un procrastinateur ? Dans ce cas, ça sert à rien que je reste bêtement devant l'écran. Je reviendrai plus tard.
C'est pas tout ça mais il faut que je pense à avoir mon bac cette année. Ou l'année prochaine. En tout cas, avant l'âge de la retraite sinon ça ne va pas me faire beaucoup d'allocs. Mais pour cela, il faudrait que j'aille en cours. Mais j'ai pas de ticket de bus pour y aller. Si on en prend à l'unité, ça finit par revenir beaucoup plus cher que si on prend un carnet ou un abonnement. Mais comme je ne sais pas encore si je vais y aller souvent à ce lycée, je ne veux pas prendre un abonnement, car au final ça risque de me coûter plus cher que si j'avais pris des tickets. Il faudrait que je fasse le calcul mais ça m'a l'air compliqué car il faut que je prenne en compte la probabilité que j'aille au lycée tel et tel jour. Et j'ai pas les connaissances suffisantes en proba car justement c'est au programme de terminale et vu que je n'y suis pas encore allé… C'est compliqué tout ça, on verra plus tard.
Bon, vu que finalement j'ai ma journée de libre, je vais téléphoner à Jennifer pour lui proposer de sortir ce soir. J'espère que je ne vais pas tomber sur son répondeur sinon je ne vais pas savoir quoi lui laisser comme message, depuis le temps. Peut-être n'est-elle plus libre, voire mariée ou même morte ? Si ça se trouve, c'est sa fille qui va me répondre. Si c'est sa fille, ça pourrait quand même m'intéresser vu comment était sa mère à l'époque. Mais peut-être que son père est moche et comme on ne sait jamais comment sont répartis les gènes, je vais plutôt m'abstenir pour l'instant. Je tenterai peut-être le coup avec sa petite-fille.
Ouh j'ai un petit creux, moi. Je me ferais bien un en-cas dès que je serai allé faire les courses. Mais il faudra que je n'achète que des conserves car mon frigo a lâché et je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire réparer. Bon, je vais chez l'arabe du coin ou à Casiprix ? Chez l'arabe c'est plus cher mais ça m'embête quand même un peu d'enrichir la grande distribution. De toutes façons, l'arabe prend pas la carte bleue et je n'ai plus de monnaie sur moi. Mais, maintenant que j'y pense, ma CB est périmée depuis quatre ans, je me souviens avoir reçu un avis de renouvellement par la poste. Alors il faudrait que j'aille la chercher à la banque. Sauf que la nouvelle carte doit aussi être périmée maintenant. Bon, je mangerai un autre jour.
Et puis, étant donné que je ne vais plus trop aux toilettes, il vaut mieux que je ne mange pas trop. J'ai de la chance d'être constipé dans ma situation. C'est pour pisser que c'est embêtant. J'ai quand même beaucoup envie. Mais les toilettes sont bouchées et maintenant elles débordent. J'aurais dû mettre du canard WC, mais j'attendais qu'ils fassent une promotion dessus avant d'en acheter. C'est pas que l'odeur de l'urine stagnant dans la cuvette me gêne trop, j'ai quand même supporté celle de la décomposition des cadavres de mes parents pendant toutes ces années. J'aurais bien appelé une ambulance pour qu'on vienne les ramasser, mais comment leur expliquer qu'ils avaient eu simultanément une crise cardiaque en me voyant arriver de chez le coiffeur ? Bon, comme ils étaient morts, c'était pas pressé qu'on s'occupe d'eux. Aujourd'hui, ils ont bien séchés, ils ne sentent plus, alors plus j'y pense, plus je me dis que c'est de moins en moins urgent.
L'histoire du coiffeur, je ne l'ai pas fait exprès. C'est vrai que mes cheveux qui traînaient par terre, ça ne faisait pas propre. Mais je n'arrivais pas à me décider quelle coupe il me faudrait. Je me connais, vu que je savais que je n'y retournerais pas de sitôt, il me fallait une coupe qui ne se démode pas et qui ait encore l'air de quelque chose quand mes cheveux auraient beaucoup repoussé. Bref, encore un problème insoluble. Jusqu'au jour où, me promenant dans la rue, je croise une bande de jeunes défavorisés, qui ont eux aussi bien des problèmes et qu'il ne faut pas stigmatiser. Ils se moquent de moi, commencent à me tirer les cheveux, me poussent, me lancent des cailloux. Hésitant sur la manière adéquate de riposter (coup de boule ? mawashi-geri dans les parties ?), je finis par prendre mes jambes à mon cou et me réfugie dans la première boutique que je vois. Eh oui, c'était un coiffeur. Il me dit de prendre place et me pose la question fatidique : "Alors, vous désirez quelle coupe de cheveux ?". Pris au piège dans ce fauteuil, plongé dans la brume de mon angoisse, je finis par marmonner qu'il fallait tout couper. Quand ce fut fini, je ne me reconnaissais plus. Ivre de ma victoire sur moi-même, je me sentais renaître, je me sentais invincible. Je rentrai chez moi (il me semble avoir croisé les déshérités à qui j'avais échappé auparavant et leur avoir réglé leur compte sans y penser, mais je ne me souviens plus comment). J'ouvris la porte de chez moi, je surgis dans le salon complètement exalté, les yeux fous. Pas étonnant que mes vieux n'aient pas tenu le choc. M'ont-ils seulement reconnu ? Ont-ils cru qu'ils allaient se faire agresser par un skin drogué qui avait volé les vêtements de leur enfant ? Ou ont-ils compris que c'était moi, ce que j'étais devenu, que je n'étais plus comme avant, qu'ils n'auraient plus à s'occuper de moi, que j'allais pouvoir maintenant voler de mes propres ailes et quitter le foyer ? Je ne le saurai jamais. Mais ce qui est sûr, c'est que c'était celui que j'étais devenu qui était l'auteur de cette catastrophe. J'avais compris ce qu'il en coûtait d'agir sans précaution sur un coup de tête. Maintenant, je fais encore plus attention qu'avant.
N'empêche, des fois, j'en ai marre de cette vie. Je vois bien que j'ai un problème mais je n'arrive jamais à me décider à faire quelque chose pour le résoudre. J'ai bien pensé au suicide mais c'est délicat, il y a tellement de moyens de le mettre en oeuvre, chacun avec ses avantages et ses inconvénients. Et avant ça, j'ai plein de choses à terminer, après ça sera trop tard. Des choses encore à faire, je n'ai pas besoin de vous expliquer que j'en ai tout une longue putain de liste. Je ne vous la montre pas car il paraît que ça ne se fait pas ici. Mais surtout, je me dis, s'il y a bien un truc qui est sûr d'arriver sans que je n'ai besoin de rien faire, c'est ma mort. C'est assez cool quand on y pense : ne rien faire et ça vient tout seul. Alors j'attends.
La petite secrétaire sexy dit : | |
Hihihi, Oups, qu'est-ce que je fais là moi ? |
Mais qu'est-ce que vous faites là vous ?
Je me demande si j'ai bien fait d'écrire tout ça (surtout si c'est pour me faire saccager mon article par une irruption intempestive d'une personne de petite vertu qui devrait faire attention à la manière dont elle ne s'habille pas).
J'aurais peut-être dû m'arrêter à "Je l'écrirai demain". Ca aurait été synthétique et pas besoin d'en dire plus. Oui, c'était parfait comme ça, qu'est-ce qui m'a pris ?
Ah oui, je me souviens maintenant. J'ai eu un malaise au moment d'appuyer sur le bouton "publier". Ca m'aurait fait terminer un truc en moins d'une minute. Rien que d'y repenser, je me sens défaillir.
Trêve de tergiversations, une petite prévisualisation de l'article pour voir ce que ça donne déjà.
Hein ? MAIS NON, J'AI PAS APPUYÉ SUR "PUBLIER" MAIS SUR "PRÉVISUALISER" !!! CA VA PAS, LES GENS VONT CROIRE QUE J'AI TERMINÉ L'ARTICLE AUJOURD'HUI ALORS QU'ON AVAIT DIT DEMAIN !!! VOIRE APRÈS_DEMAIN!!! AAAAAAAAA !
C'EST LA PÉTASSE QUI M'A FAIT TROMPÉ !!!! C'EST SON TÉTON QUI DÉPASSE, LÀ !!! CA M'A TELLEMENT OBNUBILÉ QUE J'AI CLIQUÉ DESSUS TROIS FOIS AVANT DE ME RENDRE COMPTE QUE C'ÉTAIT PAS LE BON BOUTON ET ENSUITE JE M'AI ENCORE TROMPÉ.
Oui mais non mais je voulais le terminer demain… Tu trouves qu'il est complet, qu'il tient la route en l'état ?
Punaise, j'ai bien l'impression qu'on peut dire que je viens de finir un truc.
Ca ne va pas du tout du tout du tout du tout.
Je crois que ça me reprend comme la dernière fois chez le coiffeur.
Ahhhhhhh. Je renais à nouveau. Je me sens fort, comme un camembert qui pue. En plus, cette fois-ci, j'ai acquis un sens de l'humour ma foi assez développé. Aujourd'hui, je me débarrasse de tout ce que j'avais laissé traîner. Allez hop, Papa et Maman, poubelle ! Maintenant, je téléphone au plombier.
Zut, j'ai pissé dans mon pantalon. Pas grave, je l'enlève, comme ça en plus je serai déjà prêt pour niquer Jennifer, sa fille et sa petite-fille et toutes celles qui seront sur mon chemin jusqu'à chez elles. Allez, j'y vais. Ah j'oubliais. Eh la pétasse, ramène-toi !
La petite secrétaire sexy dit : | |
Oui, qu'est-ce que… Ah oh ah. Quoi ? C'est déjà fini ? |
Oui, ce sont les inconvénients de mon nouveau tempérament. Pour me remercier, tu me nettoieras l'appart car ce soir je reçois des amis et des copines que je vais me faire en sortant maintenant. Pour la bouffe et les rafraîchissements, comme j'ai pas le temps de passer à la banque, je vais braquer l'arabe et faire mes courses au Casiprix.
Ah oui, mon bac ! Je téléphone à l'Académie pour qu'ils me préparent des sujets, une salle et un surveillant pour tout à l'heure. Bon, je crois que j'ai fait le tour, j'y vais maintenant. La pétasse, tu refermes derrière moi.
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