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La Bicyclette bleue est une satire de la société française durant la Seconde Guerre mondiale, écrite par Régine Desforges. Plusieurs tomes très documentés dépeignent avec justesse et férocité les rapports sexuels humains durant cette sombre période. Cette étude romanesque dépasse le cadre des coucheries sado-masochistes en plein maquis pour décrire avec la même verve généreuse les imbroglios politiques du derrière dans les années d’après guerre, la guerre d’Indochine, la révolution cubaine, et la guerre d’Algérie, au terme de laquelle les personnages ont tous des hémorroïdes purulents et enclavés. L’auteure de ce best seller franco-français a été poursuivie en justice pour outrage aux bonnes mœurs, n’ayant pas hésité à pomper de bout en bout le best seller américain, Autant en emporte le vent. Mais les pratiques sexuelles américaines et françaises étant diplomatiquement étrangères les unes aux autres, entre classicisme pudibond à l’endroit et gaule débridée à l’envers, la rigueur ne lui en fut pas tellement tenue, et le juge se contenta de lui faire un doigt. Un feuilleton dégénéré estampillé France Télévision a été réalisé sous l’emprise tenace de la médiocrité, avec la participation ni faite ni à faire de Laetitia Casta, dont on entrevoit cuisses, seins, fesses, et quelques autres acteurs compromis dont on entrevoit le déséquilibre psychologique.

Les personnages principaux

Léa Delmas, une jeune bordelaise de dix sept ans, insouciante, sauvage et pupute, découvre la face cachée du monde alors qu’elle ne souhaitait découvrir que la face cachée de ses fesses. A cause de la guerre, elle va se poser des questions sur le choix de ses partenaires, entre résistants viriles à l’envahisseur et légionnaires volontaires français molasses. La vigueur des premiers, capables de six positions en moins de trois minutes, la fait réfléchir sur la signification de l’engagement. Elle se décide à aider le mouvement, mais vite fait, car elle préfère baiser dans des appartements à Saint Germain plutôt que de croupir à quatre pattes dans les sous sols, et de ne pas être antisémite, alors qu’au départ, elle ne savait pas que les Juifs existaient.

François Tavernier, amant de Léa, est un individu louche qui parle au moins cinq langues avec le latin, a fait pleins de guerre qui n’ont jamais eu lieu, fabrique de l’argent dans les toilettes, et a seulement 26 ans au moment de prendre Léa à poil au clair de lune alors que c’est l’exode et que les français pleurnichards se prennent des bombes sur le bulbe, et qu’une petite fille perd ses parents et son chien, est recueillie par une famille dont le fils s’appelle Michel, et qu’ils enterrent des animaux avant que la petite fille soit obligée de partir et qu’elle appelle « Michel, Michel, Michel ». La loose totale.

Les autres personnages sont tous plus ou moins des amants de Léa, sauf sa sœur qui couche avec un Allemand, et quelques meufs sensibles à son charme de grosse bourgeoise de province.


Tome 1 : La bicyclette bleue

Dans ce premier tome, Léa est amoureuse de Laurent d’Argilat qui épouse sa cousine Camille, une fille aussi chiante qu’un quai de gare un dimanche matin. Il s’agit d’une dénonciation des mariages co-sanguins dans la France de l’époque, puisque l’enfant qui naît de cette union, Charles, a été accouché avec l’aide d’un soldat allemand : c’est un destin tragique et proprement écoeurant. Dégoûtée de la vie, Léa ne cesse de dire non à François Tavernier, qui est pourtant ultra louche, tout en ressentent un dérèglement sexuel de tous les sens et du coup, après l’avoir savonné au bord d’une route, elle se détend du slip dans une maison désertée et elle est super joasse parce que pour elle, la première fois n’est pas ce désastre douloureux et oubliable avec absence total de plaisir, mais bien un truc dément qui va lui révéler la portée du discours du général de Gaulle. L’auteure souligne les rapports étroits entre orgasme et militantisme.

Après elle couche avec François et Laurent, et elle fait une fellation à Laurent, et recouche avec François après l’enterrement de son père. C’est alors que le lecteur comprend que c’est vraiment une connasse.

J'espère que je vais pas me faire prendre !


Tome 2 : 101 avenue Henri Martin

Dans ce tome, Léa découvre avec stupeur que les Allemands sont hyper relous. Ils torturent les gens et n’aiment pas du tout les Juifs qui pourtant, sont tous très beaux et très cultivés, c’est vraiment super bizarre. Pourtant sa sœur est raide dingue d’un officier qui s’incruste chez elle, qui s’appelle Otto et qui aime la musique classique – on reviendra plus tard sur les clichés véhiculés par le roman. Mais c’est chiant quand même parce que Léa a des amis qui sont arrêtés et qu’elle ne peut plus coucher avec. L’auteure témoigne dans ce récit poignant sur les difficultés à vivre durant la période sombre de l’histoire de la France (sombre à cause du couvre-feu, évidemment, haha), de l’incommunicabilité entre les êtres en dépit de leurs emboîtements dionysiaques.

Tome 3 : Le diable en rit encore

Dans ce dernier opus, Léa couche avec ses amis d’enfance, en même temps, par un effet de la bizarrerie quantique. Léa couche ensuite avec un ami qui s’engage dans la LVF au côté des Allemands. En se donnant à lui tout en l’envoyant se faire frire, elle l’oblige à choisir une position, comme une particule, mais finalement et selon le principe d’interférence, les lois de la probabilité classique d’être un collabo plutôt qu’un résistant s’appliquent à son cas : il avait toujours été un trou du cul patenté. De son côté, Léa, qui a le cul en corolle, s’engage dans la Croix Rouge. Elle est tellement bonnasse au milieu de la fin du monde, qu’on se fiche complet des camps de concentration et de Dresde, parce que c’est pas assez frais. Elle retrouve François, qui, loin d’être un peine-à-jouir, s’est levé toutes les infirmières du cru, et ils couchent ensemble sans que cela n’émeuve le lecteur blasé. C’est la fin de la guerre, tout le monde meurt, sauf Léa et François qui baisent encore, et encore, et encore. L’auteure montre qu’il vaut mieux faire l’amour, si on veut bien faire la guerre.


Les autres tomes

Noir Tango : Léa s’embarque pour l’Argentine où elle se fait limer par le jeune Ernesto Guevara.

La dernière colline : Léa part à la guerre d’Indochine où elle se fait limer au fond d’une felouque par un Vietnamien.

Cuba libre : Léa part à Cuba retrouver Ernesto et elle se fait limer par Camilo Cienfuegos.

Alger ville blanche et Les Généraux du clair de lune : Léa part à la guerre d’Algérie, où curieusement, elle est trop vieille pour continuer à se faire limer par le tout venant. D’ailleurs elle finit par tomber malade et se sent grave dégoûtée de la vie. La pauvre louloute.

Des thèmes romanesques

L’amour

La Bicyclette bleue est avant tout un roman d’amour courtois. Léa est tellement amoureuse de Laurent d’Argilat qu’elle épouse son frère et couche avec François. Cela fait écho à la tragédie du triangle amoureux depuis la légende Arthurienne jusqu’aux Chtis à Ibiza en passant par les films de James Gray, sauf que, coup de génie de l’auteure, ils sont quatre. Tout les hommes sont amoureux de Léa qui n’a jamais la tronche à l’envers, ne pue pas le caribou le matin, n’a pas de poils incarnés sur les jambes, et n’a pas de sang au fond de la culotte, comme toute héroïne un tant soit peu crédible. Un vrai fantasme masculin. Mais il faut retenir de tout cela que c’est l’amour qui entraîne les engagements dans la résistance et non les croyances politiques. C’est pour l’amour du cul du Léa que les hommes libèrent Paris le 25 août 1944. C’est ce qu’on appelle la petite histoire imbriquée dans la Grande.

La jalousie

Evidemment, ça pue la jalousie amère tout le long des trois tomes. Parce que Léa couche avec tout le monde, les hommes sont carrément jaloux à en crever, et ils crèvent. Les Allemands enrôlent des français dévastés pour les envoyer se faire couper les jarrets sur le front russe. C’est à cause de Léa si la collaboration a pu s’épanouir, et si, aujourd’hui, les Français ont la honte, quelque chose de copieux.

La solidarité

Léa couche avec des hommes et ça leur donne un sacré courage. Elle est très solidaire.

Le courage, justement

Léa couche avec des hommes dont on se doute qu’ils ne sont pas tous magnifiques. Même sales et refoulant du goulot, elle n’hésite pas à offrir son derrière pour précipiter la fin de la guerre. C’est de l’abnégation pornographique.


Un roman qui n’évite pas le clicheton

Malgré les qualités romanesques et la pertinence du récit, l’auteure n’évite pas les clichés, comme l’indique le titre.

Les Allemands

Les Allemands, lorsqu’ils ont la chance d’être individualisé, sont en fait de grands esprits qui sont limite pas d’accord avec Hitler, mais qui aiment la grandeur et la noblesse des sentiments. La preuve qu’on peut leur faire confiance en dépit d’Ouradour sur Glane ? Ils aiment la musique classique, et surtout Bach, comme la plupart des gens qui prétendent aimer (un peu) la musique classique. L’Allemand cultivé n’écoute que Bach et Mozart, aime la France car c’est la patrie des grands écrivains et de Gérard Depardieu, et même lorsqu’il a des tendances à se laisser aller à la cruauté, c’est toujours en écoutant du gros Bach en fond sonore. Ouffissime.

Un Allemand cultivé

Le quartier latin

Quand on se promène dans une librairie, c’est forcément à Saint Germain des Près. Hors du quartier latin, c’est la banlieue dégueu. Les Français de cette époque ne lisent que des romans à haut potentiel d’emmerdements maximum, mais ils n’avouent jamais leur abattement au moment de commencer Aurélien de Louis Aragon. D’ailleurs, à l’époque, tout était mieux que maintenant et les gens avaient du goût. Pour preuve, on ne se tapait pas l’affiche en fredonnant « je l’appelle ma petite bourgeoise, ma tonkiki, ma tonkiki, ma tonkinoise », alors que c’est incroyablement pitoyable, et raciste. Le racisme, à l’époque, est une affaire esthétique. Dans les librairies de Saint Germain, on croise des homosexuels fins lettrés, ce qui permet de passer outre ses plaisirs sodomites puisque, comme l’Allemand tout aussi douteux, il est cultivé. Le cliché consistant toujours à faire croire que la culture est un gage de confiance. L’homosexuel, puisque interlope, a ses entrées absolument partout, vend son âme a qui veut son cul, a deux sous de moralité (mais reste toujours très cultivé), voudrait être écrivain car un homosexuel ne travaille jamais de ses mains (hum, pas de double sens), et commence toutes ses phrases par « ma chère », genre condescendant, le mec.

Les Juifs

Les Juifs sont des gens comme les autres, mais supers classes. C’est sans doute pour cela que les Allemands les forcèrent à mourir. Ils sont eux aussi hyper cultivés et c’est pour ça qu’on les cache. On ne peut pas risquer sa vie pour la médiocrité. La femme juive est canon, elle est le modèle de la « beauté juive », car il y a une beauté juive, et oui, parfois, le racisme reconnaît quelques vérités qui touchent le cœur. Les Juifs qui ne sont pas beaux et pas cultivés, ben tant pis pour eux, mais on ne peut pas faire un roman sur des ratages.

L’amant

L’amant est un homme extrêmement mystérieux qui porte des pyjamas mongols. Il a beaucoup voyagé. Il est toujours là quand on n’a pas réellement besoin, n’a aucune profession connue, est un agent quintuple, donne huit orgasmes à sa meuf avec un doigt, et mange au restaurant quand tous les français crèvent la dalle sous les rigueurs de l’hiver.

Détail super important : il n’est jamais, ô combien jamais, bourré. Cela compromettrait ses performances sexuelles et ficherait en l’air le succès du bouquin.

LOUCHE

En résumé, l’œuvre gigantesque de Régine Desforges pousse la caricature jusqu’à se demander si la littérature dans son ensemble n’est pas une immonde contrefaçon merdeuse de la réalité, un foutage de gueule enrobé de connerie à la crème de méta-connerie. Cela n’empêche en rien la délectation à la lecture des aventures foufounesques de Léa. Le succès vient autant du plaisir à suivre les affirmations d’indépendance et de liberté d’une jeune femme de l’époque qui se réapproprie son corps en le donnant à qui veut, qu’à découvrir les tenants et les aboutissants des trajectoires perturbées des individus pris dans la tourmente d’un contexte politique vénéneux et morbide.