Réduction des déficits budgétaires : un village périgourdin va disparaître
De notre envoyé spécial Ubersauerkraut (discussion) - le 30 juin 2013
Comment en est-on arrivé là ?
Il s'avère que, depuis longtemps, Saint-Paxille-de-Bouffresac était en tête de liste pour participer à un programme expérimental de réduction drastique des dépenses des zones rurales, le Plan d'Urgence pour les Territoires Excentrés, discuté et approuvé en catimini tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat par des parlementaires PS et UMP en 2011. Et, malheureusement pour les sympathiques Paxilliens-bouffresacois, le sort a fait de leur village la commune-pilote du programme.
« Quand j'ai reçu la première lettre du président de l'Assemblée Nationale, j'ai cru à une blague », raconte les larmes aux yeux Marcelin Dufreyssac, maire sans étiquette du village, manifestement abattu. « Puis j'ai tout tenté pour qu'on y échappe. J'ai baissé les dépenses municipales – le soir après 20h on s'éclaire à la bougie et les feux tricolores s'arrêtent. Les réverbères ? Revendus ! L'école ? Fermée. La piscine olympique (construite à crédit, ndla) ? Elle attire beaucoup de monde et on n'en change plus l'eau » clame-t-il la voix tremblante.
Des opportunités gâchées : le maire pointé du doigt
Des efforts jugés insuffisants. La nomination de Saint-Paxille-de-Bouffresac ne doit rien au hasard, selon un député qui tient à garder l'anonymat. « Une liste des communes mal gérées et méconnues du grand public circulait en interne. Le nom de ce village revenait le plus souvent » affirme-t-il. De plus, alors que le Conseil Constitutionnel envisageait initialement de donner un sursis à Saint-Paxille-de-Bouffresac, les Sages ont découvert que la bourgade n'avait pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour préserver son budget. Loin de là. En effet, au début des années 2000, le village aurait pu former une communauté de communes avec Crognac-la-Vérol, agglomération voisine de taille comparable, en vue d'économies d'échelle. Mais les discussions ont tourné court. « On dit que Marcelin Dufreyssac a fait des avances à la femme de son homologue vérolais », explique Dédé, un sexagénaire aux bonnes joues rougeaudes. « Faut dire, avec le cul qu'elle a... » soupire un vieillard au sourire édenté qui écoutait notre conversation.
Pire, en 2006, Saint-Paxille-de-Bouffresac laisse échapper une occasion unique. Areva et EDF proposent en effet plusieurs millions d'euros à la commune pour le stockage de déchets radioactifs. Leurs experts ont en effet repéré un emplacement en or : l'ancienne fosse à purin du père Lafiasse, abandonnée depuis l'occupation allemande. Elle pourrait contenir presque un millier de fûts de déchets, en les serrant un peu. Mais encore une fois, le maire Marcelin Dufreyssac fait échouer le projet, vu a posteriori comme « l'offre de la dernière chance ». « Il ne voulait pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de la veuve Lafiasse, qui est un pilier du village, une femme très écoutée » nous confie Mimile, un Paxillien-bouffresacois moustachu dont les grosse pognes rugueuses respirent la sincérité. « Déjà on a vu ce que ça a donné quand il a demandé à la mère Coty de poser une clôture pour éviter que ses poules n'aillent sur la route » renchérit sa sœur Monique, fière matrone aux aisselles ruisselantes.
Résignation ou révolution ?
Pour l'heure, à Saint-Paxille-de-Bouffresac, on sent plus de résignation que de révolte. Il faut dire qu'une odeur fétide émanant de l'ancienne fosse à purin du père Lafiasse nuit depuis soixante-dix ans au bien-être des habitants. Pourtant, à l'heure où toutes les démarches légales ont échoué, des actions désespérées ne sont pas à exclure. « On leur dira que les Boches reviennent, ils rentreront chez eux » plaisante à ce sujet un sous-officier de Gendarmerie présent. Toutefois, un voile d'inquiétude tombe sur son visage après un bref échange de regards avec la mère Coty.
Le début d'un plan plus vaste
« Si la liquidation de Saint-Paxille-de-Bouffresac est un succès, la porte sera ouverte à d'autres actions de même type, pourquoi pas pour de plus grandes agglomérations » nous explique le député cité plus haut. « Nous songeons par exemple à Guéret, Montluçon, Issoudun ou Montceau-les-Mines. Nous sommes en train de voir avec la Commission européenne si ce programme peut bénéficier de subventions, en tant que politique des régions de l'Union Européenne » nous confie-t-il. En outre, toujours selon ce parlementaire, la sous-commission chargée du Plan d'Urgence pour les Territoires Excentrés envisagerait le classement des communes de France en fonction de la gestion de leur budget, éventuellement avec l'aide de l'agence de notation Standard & Poor's. Contactée par nos services, celle-ci n'a pas souhaité confirmer ou infirmer cette information.
Bref, on le voit, l'austérité avance à grand pas, et les Paxilliens-bouffresacois ne seront sans doute pas les derniers à en faire les frais.
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