Envoyé Spatial

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Envoyé Spatial est une émission télévisée s’intéressant à l’actualité politico-économique, socio-culturelle, culturo-économique, et écono-culturelle de l’univers. Cette émission hebdomadaire, longtemps méconnue et trop vite oubliée, n’a été à ce jour diffusée qu’à une reprise, en raison d’une rupture de faisceau.

« Il fait froid là-haut, n'oublie pas ton chapeau ! »
~ Yvette Aldrin à propos de la température qui règne là-haut
« Si vous faites entrer tout l’univers dans une télévision, je veux bien avaler une rambarde ! »
~ André Malraux à propos de l'enthousiasme d'un reporter d'Envoyé Spatial

Origines

Un projet ambitieux

Rarement la télévision franco-française n’aura imaginé un projet si ambitieux que son émission de reportages Envoyé Spatial. C’est en novembre 1970, que Ghislaine Menue et Françoise Foly, des sœurs siamoises bien connues de la jet-set charentaise, présentèrent leur projet télévisuel au ministre de l’ORTF. Il s’agissait selon elles de surfer sur la vague mystico-lunaire sévissant depuis quelques années sur le globe, phénomène également dénommé Global Wave Surfing par les spécialistes. Bernard Pardo, ex-star du football, venu présenter son projet de débat télévisé sur les jongles pied gauche-pied droit, patientait dans la salle d’attente du ministère au moment de l’entrevue. Il a relaté en détail la discussion entre les deux journalistes et le ministre dans son autobiographie[1] dont nous tirons ici quelques citations saillantes:

« [...]or donc il ne me falut que quelques seguondes pour comprendre que la conversaçion s’aminait, et j’eu à pène bezouin de coller la porte à mon oreille pour entandre l’origine de cette enveminement [...] »

Ici nous passons sans nous attarder sur les trois chapitres, qui décrivent avec un art non dissimulé de la métaphore le timbre des voix de chaque interlocuteur, pour nous concentrer sur les dialogues clés.

« Alors le ministre, de sa voie de stator[2] réplica: »

Ministre : Une émission politique sur les planètes, les étoiles et la voie lactée, mais enfin mademoiselle, avez-vous perdu les têtes ![3] Et tant que vous y êtes pourquoi pas une émission sur le lait ?
Ghislaine : Parce que le lait, c’est moche.

Bernard Pardo indique qu’à cet instant le téléphone sonna dans le bureau du ministre et il relate les dernières phrases qu’il pu saisir avant de subir un grave trauma crânien, suite à l’ouverture brutale de la porte.

Ministre : Ah André[4] tu tombes bien ! Je te reprends dans un instant, devine avec qui je suis occupé en ce moment ?
André : [...]
Ministre : Non, pas lui, je dois voir ce crétin juste après. Figure toi que…

Nous ne pouvons émettre que des conjectures sur ce qui fît changer d’avis au ministre de l’ORTF, peu emballé par le concept de l’émission aux premiers abords. L’une des plus admises par les historiens du tube cathodique semble indiquer le rôle décisif du coup de téléphone d’André Malraux.

Un projet accepté

C’est avec une surprise non dissimulée que G. Menue et F. Foly reçurent à peine un mois plus tard une lettre en provenance du ministère de l’ORTF, leur signifiant l’acceptation de leur projet d’émission Envoyé Spatial, et leur demandant de préparer le premier numéro pour février 1971. La joie fit vite place à l’angoisse, car il restait alors à peine deux mois aux sœurs pour boucler la première émission dont, devons-nous le rappeler, l’ambition n’avait d’égale que la démesure. Ce qui les faisait le plus « flipper »[5]n’était pas tant le contenu de l’émission, que la logistique phénoménale qu’impliquait de diffuser les reportages en direct, oui vous avez bien lu : en direct ![6] Heureusement Ghislaine Menue et Françoise Foly pouvaient compter sur leurs nombreuses relations issues des soirées costumées et autres bals Paul Ricard qu’elles fréquentaient depuis leur tendre adolescence. En quelques jours, des sommités de l’audiovisuel répondirent présents pour venir participer à ce qu’il convenait d’appeler une aventure unique pour les hommes politiques, et à un massacre annoncé pour les hommes réalistes. Comme aux plus beaux jours du festival de Cannes, on vit ainsi défiler devant le domicile de nos deux journalistes les limousines de Guy Lux, William Leymergie, et autre Arthur Rimbaud (à ne pas confondre avec Arthur Rimbaud), ainsi que Michel Drucker qui insista pour venir en hélicoptère. Une fine équipe était enfin réunie pour concrétiser un rêve journalistique.

Préparation du premier numéro

Les ennuis commencent

Quiconque, tel Peter Pan, a managé une équipe, sait que la somme des talents individuels n’est pas égale au talent total. Vous allez dire que ce n’est pas grave, du moment qu’elle est supérieure, mais là non, justement, elle se trouve être inférieure[7]. Et ceci est encore plus vrai lorsque aucun talent individuel n’appartient au sous-groupe des compétences nécessaires.
Ainsi les fameux compères éprouvèrent les pires difficultés dès qu’il s’agissait d’aborder un sujet relatif à l’astronautique, astrophysique ou autre astrodisipline.Certes les idées ne manquaient pas pour alimenter les reportages, et en cela William Leymergie, qui était toujours le premier arrivé, était sans doute le plus prolifique. On ne dénombre plus les « Et si on allait sur Jupiter ! » , et autres « Et si on ferait une traversée du Soleil avec un reportage sur le surf sur les vents ioniques », en passant par les « Oh oui ! Oh oui ! Une émission sur le harcèlement moral dans la constellation du Polype ! ». Mais à chaque fois le problème qui se posait était le même : comment y aller ? On fit un temps pression sur Michel Drucker pour qu’il prête son hélicoptère à l’équipe de tournage, mais celui-ci opposa un refus catégorique, pour le motif que ce jour là, ça ne l’arrangeait pas parce que justement il avait prévu de remplacer les essuies-glaces. Ce prétexte s’avérera bidon par la suite, mais Dieu que Michel avait eu du flair !
Au bout de quelques jours la situation s’approchait dangereusement de la frontière délimitant le mal-engagé du désespéré. Le plus rageant pour Ghislaine et Françoise était d’avoir conçu un programme sans faille qui allait instruire et tenir en haleine les téléspectateurs qui ne manqueraient pas d’être nombreux. Ainsi un informateur proche du géochimiste Tom Cruise, avait communiqué aux deux journalistes un fait anodin en apparence, mais qui promettait de réaliser le reportage du siècle, sinon de l’année. Selon Mr X une rébellion se tramait suite aux effets néfastes de la politique du remembrement dans le système planétaire de Zeta33, situé en bas à gauche de la galaxie de la Gerbille.[8] Il ne fallait plus attendre qu’un geste du destin pour débloquer la situation.

Où le destin fait parfois des erreurs

C’est le 19 janvier 1971 que le destin se manifesta à Françoise Foly sous la forme d’un rêve. Son autobiographie[9] écrite le lendemain après-midi, reprend en détail ce songe que nous résumons sans vergogne ci-après:

« [...]et il y régnait une chaleur indescriptible, pourtant je grelottais comme un morse angoissé. Il me semblait être enfermée dans une pomme, la tête reposant sur un pépin. C’est seulement lorsque mes yeux s’accoutumèrent à l’obscurité que je réalisai être enfermée dans une banane. A chacune de mes tentatives pour escalader la paroi, je glissai lamentablement pour me répandre au sol[...] »

A son réveil tout devînt évident pour Françoise, qui tourna la tête pour confier sa clairvoyance à Ghislaine « Ghislaine, réveille toi ! Nous devons lire Jules Verne ! ».
Le mot magique avait été prononcé : Jules Verne ! Il fallu à peine quelques jours pour faire le point sur ce que cela signifiait. Les deux journalistes apprirent finalement dans le tome 6 de leur collection de Tout l’Univers, entre le dossier sur l’URSS et celui sur les microbes qui vont dans les dents, que Jules Verne n’était autre qu’un écrivain ayant sévi quelques siècles auparavant (1 à 5 d’après la datation au carbone 14) et qui s’était distingué par une gerbe monumentale d’idées techniques et culinaires. Une de ses œuvres, intitulée De la Terre à la Lune pour les Nuls, retint particulièrement leur attention. Celle-ci décrit en effet de manière ultra-précise la manière d’atteindre l’espace en utilisant le principe d’homme boulet de canon, excepté que les passagers ne prennent pas place directement dans le canon, pour éviter d’avoir mal aux tympans, mais dans une sorte d’obus aménagé, avec bar intégré, masseuses et connexion wifi. La construction d’une telle infrastructure ne s’annonçait cependant pas comme une mince affaire, d’autant plus qu’il restait à peine cinq jours pour boucler la préparation de l’émission.

Nous ne le répéterons jamais assez, avoir de bons réseaux est d’une importance primordiale lorsqu’il s’agit de débloquer des situations engagées sur une mauvaise pente, pour ne pas dire mal-barrées. C’est grâce à cette culture du « j’ai l’ami d’un ami qui connaît une amie qui… » que nos deux journalistes réussirent en un temps record à entrer en contact avec l’agence tous risques, et à convaincre Hannibal Smith de défendre leur cause. En l’occurrence on notera le rôle décisif de Michel Drucker qui s’était lié d’amitié avec Looping alors qu’ils étaient étudiants à l’Ecole Nationale Supérieure de Pilotage d’Hélicoptère et de Littérature Slave, plus connue sous le nom de ENSPHLS.
C’est en alternant subtilement les déguisements de parpaing et de Vladimir Poutine, que Futé parvint à dérober à une république socialiste soviétique les 27800 tonnes de matériau nécessaires à la construction de la base de lancement. Le complément fût acheté chez IKEA pour la modique somme de 2300 euros, ce qui permit en plus de bénéficier de la location de la camionnette gratos. C’est d’ailleurs à partir de cette camionnette que Barracuda, moyennant quelques soudures à l’arc, fabriqua le module spatial qui transporterait les journalistes vedettes et leur caméraman. Le tour était joué, il ne restait plus, pour la forme, qu’à distribuer quelques rafales de mitraillette et quelques mandales sur un groupe de touriste belgo-croates, éberlués après que leur car ait fait un flip-flap latéral et soit retombé sur le toit.

Lancement et atterrissage de l'émission

Il est 20h35 en ce premier février de l’année 1971. La France entière est assise devant sa télévision. Omar Sharif vient de livrer ses pronostics pour la course hippique du lendemain à Auteuil, « il faudra tout miser sur Pépette Cinglante  ». Puis soudain, la musique de l’orchestre philharmonique du Creusot, spécialement engagé pour l’occasion, retentit harmonieuse et dissonante, jouant le premier générique d’Envoyé Spatial. Des millions d’oreilles derrière leur écran écoutent la mélodie emprunte d’un mélange de grincement de dentier sur une rambarde et de rupture des ligaments croisés du genou. S’ils n’avaient été au moment même en train de composer la BO de La Soupe aux Choux, on aurait pu croire que Dream Theater interprétait son Live anniversaire des 20 ans.Puis le silence à nouveau. Et enfin l’image. La gigantesque base de lancement a été installée dans le Brabant Flamand afin d’exploiter la planéité du terrain mise en évidence dans une publication du géographe J. Brel. Enfin elles sont là, Ghislaine et Françoise ! Assises derrière la caméra elles cachent mal leur fierté d’entrer dans l’histoire audiovisuelle. Elles nous présentent Émile le caméraman, engagé après avoir été distingué au festival de la caméra embarquée pour son documentaire sur les marteau-piqueurs. La mécanique est bien huilée, les enchaînements sont travaillés, le sommaire de l’émission est passé en revue, tout se déroule comme dans un rêve.
Ghislaine annonce « Regardons maintenant le premier reportage consacré au "making off" de l’émission. Vous assisterez ensuite au lancement de l’émission en direct et nous nous retrouvons juste après, quelque part dans la banlieue terrestre. » S'ensuit un reportage assez insipide reprenant dans les grandes lignes ce qui a été conté précédemment, avec une légère tendance à l’exagération dramatique. Fin du reportage, et gros plan sur le canon de lancement. Georges Pompidou, brandissant une torche, s’avance main dans la main avec Beaudouin I pour allumer la mèche et mettre le feu aux 27 tonnes de poudres. Derrière, dans la tribune officielle installée dans un bunker, le ministre de l’ORTF et André Malraux observent, perplexes. La mèche, longue de huit kilomètres semble se consumer pendant un temps infini, dans un silence de cathédrale.

Soudain un coup de tonnerre incroyable résonne et fait trembler le sol sur un rayon de dix kilomètres. Parmi la foule il reste quelques chanceux, qui ne sont pas en train d’essayer de juguler le saignement de leurs tympans en se plaquant les mains sur les oreilles ou qui n’ont pas été aveuglés par le flash produit lors de la détonation, et ceux là peuvent observer un spectacle peu commun : des milliers de débris incandescents décrivent des trajectoires peu newtoniennes avant de retomber et d’enflammer les survivants au sol. Quiconque assisterait à la scène depuis l’espace, ou alors depuis très très loin, trouverait le spectacle grandiose. Les caméras et les émetteurs quant à eux, placés à des endroits forts peu opportuns ont été vaporisés instantanément, entraînant une rupture de faisceau.

Ghislaine Menu et Françoise Foly achèvent ici leur carrière. Le ministre de l’ORTF, à peine intimidé par le spectacle, lâche à son assistant un laconique :

« Tâchez au moins de récupérer quelques images pour passer au bêtisier de fin d’année… ».

References

  1. Le Jongle de trop, histoire d'une vie sans but; B. Pardo; Ed Duballon
  2. Comprendre stentor
  3. Nous rappelons au lecteur que Ghislaine et Françoise étaient des soeurs siamoises
  4. Nous apprendrons plus tard par la CIA qu'il s'agissait d'André Malraux
  5. pour reprendre les termes du dauphin Louis XVII
  6. Cependant à l'époque la question ne se posait pas car le différé ne fût inventé que bien plus tard par Patrick Sabatier
  7. Pour plus d'informations sur les propriétés d'additivité des talents, se référer à la biographie de Valérie Damidot
  8. non, un peu plus bas encore…oui là !
  9. Un rêve de Foly ! F.Foly, La main droite de G. Menue; Ed. Dusommeil


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