Les Dents de la mer
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« On a déjà retrouvé des dents de requin dans l’estomac d’un Sacha Guitry. »
LES DENTS DE LA MER
THE END
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Aujourd’hui, les requins ne sont plus un danger pour l’Homme. Quand vous tapez “Shark” sur Google, Google vous propose Shakira.
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L’Homme est le dernier prédateur de l’Homme.
Réunion-ruche du comité de production
Steven Spielberg (réalisateur) : Mesdames et Messieurs, comme vous avez sans doute pu le constater, j’ai voulu montrer que l’Homme, malgré qu'il soit le prédateur ultime, l’est sans le faire exprès pendant ses voyages de plaisance. Et c’est cela qui effraie. Les Dents de la mer, c’est tout ce qui reste du requin dans le sillage de l’Homme, tel le rêveur solitaire en promenade, maugréant contre la race humaine, qui écrase les fourmis de Bernard Werber sous le talon de son pas feutré et distrait. Ce que je sous-entends par là, c’est que l’Homme est un véritable danger aveugle même pour l’Homme. Bientôt, si rien n’est fait, ce seront vos enfants que le rêveur solitaire, sous le talon de son pas feutré et distrait, écrasera sans faire exprès. L’Homme est le grand prédateur de vos enfants.
David Brown (producteur) : Dit comme ça, on dirait que l’Homme est un gros pédé.
Richard Zanuck (producteur) : Mais sans faire exprès, Dave.
Steven Spielberg : Tout de suite les attaquantes dégradantes, Dave. C’est parce que c’est la Journée Nationale de la Femme qu’on est obligés de se comporter comme elles ?
Jim Fargo (producteur délégué) : Ah, parce que la mère de Richard c’est une femme ?
Richard Zanuck : Je vois pas le rapport, ni pourquoi je devrais répondre.
Jim Fargo : Oui, tu vois pas le rapport sûrement parce que c’est elle la grosse pédée.
Richard Zanuck : Du calme, Jimmy, du calme. N’en faisons pas un scandale. Quand on voit la tienne…
Jeff Gourson (assistant monteur) : Ta mère elle est tellement grosse qu’elle est plus nationale que notre drapeau.
Jim Fargo : À qui tu t’adresses, Jeff ?
Jeff Gourson : Sait pas. À personne en particulier.
Steven Spielberg : On se croirait dans un jardin d’enfants !
David Brown : Un terrain de chasse plutôt.
Shari Rhodes (casting) : La ferme tous !
Jim Fargo : Je ne la fermerais pas. Ce type emmène tous les jours son chien pisser sur la belle pelouse synthétique toute neuve en face de ma propriété à Beverly Hills ! D’ailleurs Richard, je te préviens : si tu continues, je vais bouffer des couilles de chien à dîner !
David Brown : Fais gaffe, contrairement au cochon, tout n'est pas bon dans le chien.
Jeff Gourson : Peut-être, mais tout est bien.
Rhodes : C’est pas fini ces règlements de voisinage !
Jeff Gourson : S'il y a bien une chose de mitoyenne par ici, c’est la femme de Jimmie qui n'a rien demandé.
Jim Fargo : Eh, ma femme a rien demandé. Laissez-la en dehors de tout ça.
Jeff Gourson : Comment ça, “en dehors de tout ça” ? Tout le monde a été dedans.
Richard Zanuck : Bon Stevie, suis pas contre le concept, mais on restait pas sur une adaptation du livre Dents de la mer de Benchley ? On a quand même acheté 75 millions de dollars les droits.
Steven Spielberg : Tout n’est pas perdu, on a encore le droit de lire le livre.
Richard Zanuck : Pour ce prix là, ton requin fait un peu faire-valoir. Tu en as parlé avec Benchley ?
Steven Spielberg : Oui, je lui ai dit que l’Homme était le vrai requin de l’Homme.
Richard Zanuck : Et il a gobé ça sans broncher ?
Steven Spielberg : Ouais, telle la tortue marine qui gobe un de ces énormes sacs en plastique indégradables de chez Wal-Mart hahahahaha
Jeff Gourson : HAHAHAHAHA qu’elle est bonne !
Rhodes : Les gars, c’est pas drôle de s'amuser sur la carapace des espèces en voie de disparition.
Steven Spielberg : Écoute mon p’tit gars, estime-toi heureux qu'on allume un requin et pas ta tortue toute molle de l’intérieur tout juste bonne pour un tournage dans le mixeur et prête à être emballée dans un film alimentaire après le clap de fin autour de son petit cou tout fripé. Parce que si c’est ça que tu veux, si c’est VRAIMENT ça que tu veux, t'as qu'à la ramener encore une fois. Juste une fois. Allez vas-y, provoque-moi voir si je suis pas cap.
Rhodes : (s’en va en pleurant)
David Brown : Ça serait possible de diminuer la taille du bateau, pour des raisons budgétaires ? Désolé de te l’apprendre, Stevie, mais on a besoin de débloquer des fonds pour Alien.
Steven Spielberg : On peut pas plutôt réduire la taille du requin ? J'y tiens à mon navire de guerre.
David Brown : Ouais mais à ce moment là, avec ton requin d’aquarium, on renomme le film Danse avec les requins et là tu dis adios au box-office.
Richard Zanuck : (prend Spielberg à part) Stevie, essaie plutôt d’imaginer ce concept fort de l’homme à bord d’une péniche qui fait gicler le requin sans faire attention.
Steven Spielberg : Ma foi, Richie, le concept de la péniche me plaît assez !
Richard Zanuck : (chuchote dans son oreille) Imagine maintenant ce concept grandiose de l’homme sur un radeau de fortune qui fait gicler le requin sans faire attention.
Steven Spielberg : (en sursautant) Ne pousse pas ! Tu sais aussi bien que moi que le syndicat des acteurs pleins aux as ferait un scandale si le héros d’un film à gros budget se déplaçait en radeau.
Tom Joyner (assistant réalisateur) : Il n’y a aucune chance que le syndicat des acteurs pleins aux as s’en mêle. Le requin de répét’ a déjà bouffé le cast original, dont la star, Angus McBay.
Richard Zanuck : Comment est-ce possible ? Vous l’avez poussé hors du navire ? Vous avez maquillé ça en accident j’espère ?
Tom Joyner : Non, mais un jour à la pause café, quelqu’un avait voulu démontrer comme quoi dans La croisière s’amuse, la vraie star, c’étaient pas les acteurs, mais le paquebot. Le jour d'après, Angus ne pensait plus qu’à ça, il rabâchait « Je veux être le bateau… Je veux être le bateau… » Et un jour, il l’a été pendant un bref instant…
David Brown : Vous allez virer les morts du cut final j'espère ? Quel désastre pour l’image de l’Homme sinon.
Verna Fields (chef monteuse) : Oui mais avec autant de décès, c’est pas impossible qu'on finisse par en oublier quelques-uns dans le tas. (NDLR: Au final, seulement 3 morts seront oubliés dans le montage final.)
David Brown : Ridley dit que l’acteur qui joue l’alien est trop maigre et qu’il faudrait le nourrir tous les jours. Franchement, en l’état, l’alien ne fait peur à personne. Sigourney n’avait aucune appréhension quand elle l’a douché au lance-flammes.
Steven Spielberg : Au lance-flammes tu dis… On peut voir une vidéo ???
David Brown : Oui, bien sûr.
(Ils visionnent la fin de Alien.)
Steven Spielberg : Putain, les Marines ils ont littéralement niqué leur race aux extraterrestres ! Si E.T. voit ça, il téléphone plus maison ! Il dit FUCK MAISON ! I RESTER HERE ! LE SEUL THING BIEN LÀ-BAS IT’S THE MEUFS ! Bon les mecs, je vous fais confiance pour atomiser sa gueule à le requin !
Rhodes : (qui vient de revenir sous la pression de sa femme au téléphone, qui menace de divorce s’il perd son job) Mais c’est complètement contraire à l’esprit du script original. Le script original dit que le bateau doit avancer passivement dans la gueule du requin. Le script original dit que…
Spielberg : Ta gueule. On parle pas la bouche pleine de merde. (Rhodes repart en pleurant) Robinou ? Je veux que tu mettes dans la gueule du requin un explosif qui le fasse gicler. Sur la carte du monde, je veux : requin = giclure. Peux pas plus clair. Et Manfred, je veux Sigourney Weaver. On renomme le film La Liste de Weaver. Il se basera sur le concept d’une liste de 1 100 requins über-terrestres qu’elle douche au lance-flammes dans la Vistule. Dans le rôle star, je mets Jurassic Weaver, ressuscitée par des scientifiques juifs polonais dans un laboratoire de bio-ingénierie à Cracovie, The Alfred…
Tom Joyner : Stevie…
Steven Spielberg : … Dreyfus New Jerusalem military ressurection center…
Tom Joyner : Stevie ! C’est trop tard, Stevie. Quand Angus a souffert de sa triple coupure sagittale du corps dans l’axe cranio-caudal, on a dû recruter en urgence l’assistant caméraman, Roy Scheider.
Jeff Gourson : Le maigrichon à lunettes aquaphobe avec la ligne de cheveux ? C’est un radeau ce mec.
Jim Fargo : Un radeau aquaphobe ? On aura tout essayé.
Tom Joyner : Pas trop rédhibitoire tant qu’il tombe pas à l’eau.
Jeff Gourson : Nan, quand je dis qu’il est aquaphobe, c’est dans le sens où il ne supporte pas la couleur aqua.
Jim Fargo : Un tueur à gages, un requin à pointes noires, un policier à lunettes, y’a des personnalités à gogo. Non mais où allez-vous chercher tout ça…
Jeff Gourson : Dans la boîte à caca.
Tom Joyner : Oh que c’est grossier et pas fin du tout comme humour.
Jeff Gourson : Des binoclards qui jouent les super chasseurs de requins, j’en sors tous les jours de mon cul. Ne me dites pas ce que je ne peux pas chier.
Richard Zanuck : Non mais imaginez le potentiel : un mec complètement myope et aquaphobe, sur un radeau, qui explose un requin sans faire exprès. On tient là le blockbuster de l’été.
Jim Fargo : C’est quoi un blockbuster de l’été ?
Richard Zanuck : Et moi, est-ce que je te demande c’est quoi un iPod Touch protégé par du Gorilla Glass ?
David Brown : C’est LE nouveau concept marketing. Tu mets sur l’affiche Les Dents de la mer, LE BLOCKBUSTER DE l’ÉTÉ, et tout le monde se rue aux guichets sans savoir pourquoi. Le problème, c’est qu’il ne peut y avoir qu’un seul blockbuster de l’été. Donc il faut choisir avec soin ce dont on entend faire la promotion pendant une période donnée.
Jeff Gourson : Tant qu’on a choisi avec soin un radeau aquaphobe dans le rôle principal…
Steven Spielberg : Je veux Sigourney Blockbuster… Je veux Sigourney Blockbuster… Je veux Sigourney Blockbuster… Je veux Sigourney Blockbuster…
David Brown : Je ne cesse de te le répéter, Stevie : Universal n’a plus un rond depuis que le PDG est passé à la caisse pour avoir Elizabeth Taylor, Racquel Welsh, Jane Fonda, Sophia Loren, Kim Novak et Danny de Vito en même temps dans son lit. Sinon je fais comment, moi, avec mon alien ?
Steven Spielberg : Et si vous preniez des acteurs nains ?? Ça mange pas beaucoup ces gens-là, et c’est des petits surexcités. Regardez-les quand ils marchent à côté de vous. Franchement ça mouline bien des jambes. Pour jouer le bébé alien, un nain suffira. Pour le grand, vous en mettez plein dans le costume.
David Brown : Et je suppose qu’on n’a alors plus qu’à en faire le blockbuster de l’été.
Steven Spielberg : Y’a plus qu’à.
David Brown : Ce sera la péniche, Stevie.
Steven Spielberg : Merde. Va falloir que le myope se démerde pour passer sur le corps du requin. Les gars, vous pensez qu’avec ses verres épais il peut suffisamment concentrer les rayons du soleil pour griller le requin ?
Ronald Bloom (technicien de surface) : Pardon, Monsieur?
Steven Spielberg : Quoi? Sécurité!! Qui a fait admettre ce mec ici? SÉCURITÉ!
Ronald Bloom : Excusez, Monsieur Spielberg, mais si vous l’autorisez, j’aimerais proposer un nouveau match-concept: au lieu de l’homme vs le requin, le concept de la bouteille de plongée vs le requin. Aucune chance de survie pour le stupide poisson, si vous voulez mon avis!
Steven Spielberg : N’importe quoi! Du délire! Sécurité, virez-moi tout de suite ce fucking merdeux!
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