Stefan Derrick
Stefan Inspecteur Derrick est une figure emblématique du folklore allemand, auteur d’environ plein d’arrestations spectaculaires dans la banlieue berlinoise et d’une multitude de romans à succès, notamment ‘Sartre : une vie’, biographie très controversée du célèbre catcheur professionnel français. Son nom restera à jamais gravé dans la mémoire collective comme celui qui osa le premier dénoncer les absurdités du régime hitlerien en 1963.
Une enfance difficile
C’est en pleine période de crise que voit le jour Stefan Inspecteur Derrick : Gustave II vient à peine de retirer ses troupes du Nord que déjà France et Suède se préparent à ré-envahir la terre des Habsbourg, encore proie à la famine et aux beatbox entraînantes de Jean-Claude Borelly. « Que le Maréchal de Turenne et les clauses de la paix d'Augsbourg aillent se faire mettre », pense alors le jeune Horace Derrick, fougueux carabinier de l’Empire désireux de faire perdurer le nom de ses ancêtres. C’est à un jeune lémurien femelle de trois mois, Pinckle-Trickle, qu’il confie le devoir de porter son enfant.
La gestation est lourde, difficile, mais c’est sans problèmes que le rongeur met bas dans la nuit du 21 Brumaire 1665, ignorant qu’il vient de mettre au monde un bambin du rang des Immortels. Le destin voudra que ni Stefan ni ses frères ne connaissent l’affection parentale.
C’est la guerre, dans la rue, et dès l’âge de trois ans, le petit bonhomme comprend que c’est le plus rusé et le plus habile qui mérite de survivre. Son père vient de mourir, victime d’une charrette trafiquée par un commando-suicide séparatiste breton, et sa mère, brisée par la désespoir, est retournée vivre auprès des siens. Parce qu’il n’a pas le choix, parce qu’il les aime et que ce sera mieux pour eux, Stefan égorge ses sept frères pendant leur sommeil, les vide de leurs entrailles et vend leur têtes comme chapeaux-fantaisies sur le marché, pantin inconscient de la terrible Sélection Naturelle. « L’expérience aura été l’une des plus difficiles de ma vie », déclarera-t-il plus tard sur le sujet. La faim, le désir de manger, voilà ce qui anime le jeune garçon, comme tous ceux qui sont contraints à cette époque de vivre dans la fange berlinoise. « Je crois que c’est à ce moment-là que je me suis juré de débarrasser un jour la ville de toute cette vermine d’immigrés autrichiens », avoue-t-il. Et c’est pour tordre le coup à la misère qu’il enchaîne dès lors divers petits métiers pour gagner son sou : livreur de journaux, laveur de sols, chiropracteur, tout passe entre les doigts habiles du petit blondinet aux lunettes rigolotes qui perçoit cependant son futur comme sombre et incertain.
Mais c’est comme un coup de barre à mine dans les dents que surgit un soir de printemps le bout du tunnel. La fin semblait proche pour Stefan, alors emmitouflé dans une couverture mal cousue en peau de trappeur imprudent (« Le désespoir, voilà ce qui me poussait »), se mourant de froid, la vie le quittant comme David Gilmour quittait Pink Floyd en 1991 : pathétiquement. C’est une voix créole qui le ramène à la lumière du jour. Un petit et ventru personnage à la moustache ondulée, d’un pantalon rayé jaune et bleu et d’une veste rouge sucette, le prend dès lors sous son aile ; Stefan Inspecteur Derrick, 12 ans, devint pour un temps Stefan Inspecteur Bonzo, l’enfant-botte, ami des grands et des enfants.
La naissance d’un mythe
Les études
Le manque de reconnaissance a raison de sa patience : l’Enfant-Botte quitte le Magic Bonzo Circus le lendemain de sa quinzième année, ses économies et les testicules de son tuteur en poche (« Je n’avais pas le choix. »). Sa vie de bohème reprend, mais il compte bien changer la donne. Curriculum Vitae à l’appui, il postule pour devenir expert-comptable, où il est refusé d’office. De dépit (« C’est la seule fois de ma vie où je décidai d’entrer dans la norme »), il s’inscrit dans un collège privé et va apprendre à lire. Dès lors, les récompenses se succèdent :
- Premier prix de poésie en 1681
- Trois fois premier prix de dessin en 1681, 1682, 1684
- Deuxième prix de chant et flûte à bec en 1685
Il sort vainqueur de son école, populaire comme puissant, remplaçant en à peine quatre années Pwicky-Turp, la mascotte castor de l’équipe de hockey du lycée. C’est le triomphe. Plus rien ne lui résiste. La théorie des cordes n’a plus de secrets pour lui. Il met en évidence le Phénomène de Pwark, qui stipule que toute pomme cuite au four est délicieuse avec du jambon braisé. Il profite de son temps libre pour inventer le chiffre 453 ; c’est une révolution. Mais Stefan, au paroxysme de son épanouissement intellectuel, ne s’arrête pas là, et entame ainsi un long voyage dans son pays, prêt à enflammer toutes les écoles, à faire siennes toutes les connaissances qui croiseront son chemin. Il sera finalement arrêté au bout du troisième collège incendié, inculpé pour tentative d’homicide avec préméditation, dégradation de biens publics et le vol d’une centaine de dossiers scolaires, tous retrouvés dans le coffre de sa Renault 19.
Innocenté, Stefan reprend la voie de la quête spirituelle à travers la Prusse, renversant les théories préconçues, révolutionnant la manière de penser. Là encore, rien ne lui résiste : il sort 1er de sa promotion à la prestigieuse Ecole Nationale d’Ouverture de Portes Grinçantes, obtient l’année suivante son diplôme de Tourneur de Pages d’Annuaire et une maîtrise en Peinture sur Tarte Tatin. C’est dans ce glorieux cursus universitaire que Derrick Junior découvre sa vraie passion : il deviendra coiffeur.
La guerre
Hélas, tous ses espoirs de voir naître un jour ‘Chez Stefan’ sont balayés d’un trait, fugaces comme le vent, impuissants comme David Gilmour. La guerre sonne à la porte, et le jeune enfant se voit enrôlé de force dans l’armée germanique. On l’envoie dans la Somme, direction la 1è Trench Party de 1915 ; Soldat Derrick n’a reçu aucun entraînement, et pourtant lui saura faire la différence sur le no man’s land.
En effet, dans l’après-midi du 21 août 1915, Stefan ‘Butterhead’ Derrick, qui est alors au kung-fu allemand ce que Voltaire fut au catch français, est victime d’un drame sans précédent. Voltigeant entre les bombes, effectuant des combos d’un niveau jamais atteint, il se retrouve coincé dans un piège à loup, perdu au milieu du champ de bataille.
Recueilli par un cerf, il sera torturé plus de douze heures durant par un mouvement séparatiste écureuil avant d’être relâché dans la nature. La guerre semblait finie pour lui ; sans son amulette du dragon, impossible de se battre. « Johnny Cage n’est plus », clament les journaux nationaux. L’armée lui accorde cependant une faveur et le renvoie dans les tranchées, sous le grade d’Auxiliaire Maraîcher. Il gardera son poste jusqu’à l’armistice et recevra les honneurs de l’Etat. Son honneur est lavé, et pourtant il conservera toujours une profonde haine envers les écureuils.
Se réadapter à la vie citadine n’est pas une chose facile pour les soldats de la Grande Guerre, et c’est un Stefan nerveux, traumatisé qui revient vivre à Berlin. L’anxiété le gagne, il est à cran, chaque bruissement se muant dans ses lobes en une gigantesque déflagration mortelle. Aucun médicament ne l’aide, les thérapeutes passent sur lui comme les camions passent sur l’hérisson ; il se voit forcé d’égorger des vieillards pour continuer à vivre normalement.
L’accroissement naturel allemand triple en un mois et demie ; tous, en silence, acclament le héros mystérieux. La quiétude retrouvée, Stefan peut recommencer à vivre et dormir normalement. Il ne reprend pas ses études, non ; le tout-Berlin est en ébullition, l’épanouissement culturel germanique est à son apogée. Les cabarets s’ouvrent, et entre deux soirées nibards, Stefan fréquente les soirées mondaines, se présente aux salons, apprend la belote. Il rencontre le beau monde et devient l’un des leurs ; parmi eux, un vieux docteur barbu attire son attention : Sigmund Freud. Derrick est immédiatement fasciné par la personnalité, l’esprit de cet homme aux idées révolutionnaires. La discussion devient leur passe-temps favori et une profonde amitié se noue entre eux. Et de fil en aiguille, le projet se forme. Freud transmet à Derrick sa passion bien connue, et ce dernier partage son enthousiasme, et se déclare prêt à le suivre. Ainsi, en 1923, ils créent ensemble un cabinet en plein cœur de Berlin. Dès lors, ‘Derrick & Freud, Plombiers-Zingueurs’ ne connaîtra jamais de baisse de clientèle.
L’affaire tournera bien pendant une dizaine d’années avant que Stefan ne quitte la fabrique, trop peu satisfait de la tournure psychanalytique que prenaient les interventions de son collègue.
Cependant, nous sommes en 1933, et la société est en plein changement ; pour Stefan, la reconversion semble cette fois plus qu’improbable. Dégoûté par la folie de toutes ces insensées Jeunesses Hitlériennes, il quitte le pays, et va rejoindre le gouvernement franquiste espagnol, où l’on dira plus tard de lui qu’il était un fascinant castreur de rebelles.
L’apogée mythique
Les Années Noires
Lorsqu’il revient en Allemagne après plus de douze ans d’exil, Stefan Inspecteur Derrick est comme son pays : il n’est plus le même. La guerre a ravagé le pays, les grandes villes sont détruites, Freud est mort ; tout est en ruine. C’est malheureusement aussi le cas pour la santé de Stefan. Tant de temps passé aux côtés des hispaniques ont métamorphosé le jadis fier Berlinois. Les coutumes madrilènes se sont violemment imprégnées en lui ; Stefan a perdu l’habitude de travailler, il passe son temps à dire olé cucaracha sur un timbre nasillard, prend quatre heures chaque midi pour mangear du jambon et passerait volontiers une après-midi entière à regarder un taureau courir sur du sable. Evidemment, ses instincts germaniques reprennent le dessus, mais comment réussir un sevrage aussi net, aussi immédiat dans un pays meurtri, dans l’urgence du besoin ? Tout aussi fort, expérimenté, compétent qu’il puisse être, il n’en est objectivement pas capable, et c’est le début d’une interminable descente aux Enfers. Bien loin le temps où la gloire lui dégoulinait des sphincters. Le revoilà revenu au stade de l’enfance, à errer dans les rues et à dépecer des inconnus pour survivre. Le marché du travail clandestin n’est plus ce qu’il était, et c’est la hantise, constante. Pour oublier, Stephan boit, se laisse pousser la barbe et se balade avec un sac plastique sur la tête. La vie n’a plus de sens, et son vieil ami Bonzo est beaucoup trop eunuque pour lui en redonner un. Huit ans ont déjà passé, et le tunnel ne semble toujours pas avoir d’issue.
La Résurrection
Parce que Pink Floyd avait besoin de lui, David Gilmour revient tout penaud en 1987, pour péter le top 50 des big albums avec A Momentary Lapse of Reason, compositions sombres et tourmentées d’un groupe encore sous le choc de la redevance télé. Le retour de Stefan se fait avec beaucoup plus de gloire. Nous sommes le soir du 24 juillet 1955, et il vomit de tout son être, comme si la réaction de son foie au bord de la noyade annonçait la rédemption proche de son esprit. A nouveau rejeté par une fille de rue, son désespoir et lui s’enfoncent dans une sombre impasse à l’Est du quartier latin berlinois. Il cherche un endroit pour dormir ; la lueur d’un réverbère va lui révéler l’horreur incarnée. Au sol devant lui gît un homme, le crâne et la poitrine fendus, une bouteille de punch enfoncée dans la carotide et une portée de chats logée entre ses côtes. « Un meurtre », pense Stefan aussitôt, choqué. Tout à coup, une force mystérieuse s’empare de lui. Il le sent, il en meurt d’envie : il se saisit d’une loupe, et tel un fin limier, entreprend d’étudier la scène du crime. Taches de sang, traces de pas, étoffes : de fil en aiguille il retrace le parcours de l’assassin, et se rappelle soudainement que c’était lui-même qui avait fait ça, plus tôt dans la soirée. C’est une victoire. Sa première réussite. Son esprit critique a vaincu l’ombre de l’injustice. Mais c’est plus qu’un meurtrier qu’il vient de mettre à jour, c’est une vocation : adieu coiffure, adieu barbes, Stefan Inspecteur Derrick sera inspecteur.
Il s’empare d’un bureau au commissariat central et s’y installe discrètement, revêtant alors un imper qui ne le quittera plus jamais, même pour la douche. Si la clientèle se fait au départ discrète, les requêtes se font de plus en plus importantes et bientôt l’inspecteur se retrouve submergé de travail. Berlin est élue en 1956 « Ville la plus criminelle du monde » avant même Mexico et Saint-Germain-les-Prés.
Son sens aigu de la rhétorique, ses techniques si particulières d’ouvertures de portes, sa façon à lui d’utiliser à bon escient le répondeur téléphonique le passent du statut d’inconnu à celui de référence sociale, de moteur d’une nation. Les affaires se succèdent, et toutes sont couronnées de succès :
- Résolution de l’affaire du ‘Violeur de Phasmes’, 1957
- Arrestation de Richard Clayderman avant la sortie de son nouvel album, 1960
- Capture réussie de l’orang-outan qui se faisait passer pour Tintin, 1959
- Arrestation-coup de poing du ‘Voleur de Fœtus’, 1961
Plus de 17520 mystères seront résolus lors de la première année d’activité, soit environ une affaire toutes les demi-heures. C’est la gloire ; pour la première fois de sa vie, il peut faire mettre des bouchons chromés et un aileron à sa Renault 19. ; l’orphelin a vaincu l’oppression. S’ensuit alors une tournée inspectrice mondiale ; le monde entier l’acclame, le réclame. On veut l’embaucher partout, Broadway lui consacre un spectacle, il est engagé dans une série télévisée relatant ses aventures. L’épisode pilote, « Cum on your face », connaîtra un succès immédiat. Les histoires sont haletantes, fidèles à la vérité, et son jeu très lémurien plait beaucoup. Derrick traverse les Etats-Unis de part en part, puis l’Amérique Latine, fait en tour en Australie, puis en Asie, revient en Uruguay, traverse l’Amerzone et retourne en Europe, notamment en France. Il y rencontre Jean-Paul Sartre, qui déchainait alors le Tout-Paris avec ses saltos sur glace. L’amitié naît aussitôt entre les deux hommes, amitié qui durera jusqu’à la mort du footballeur.
La carrière de l’artiste continuera par la suite en crescendo, virevoltant de scène de crime en scène de crime, occupant ses week-ends tantôt acteur (cf son nombre d’apparitions dans Friends !), tantôt membre du Conseil de l’ONU (sa proposition de revendre le Rhône aux Mexicains sera confirmée et appliquée en 2011), n’oubliant jamais sa femme ni son chien, Piggle-Trickle, un affectueux labrador. Stefan Inspecteur Derrick est et restera un symbole de la grandeur allemande, à tout jamais.
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