Supermarché
Lieu de culte moderne, le supermarché recouvre en fait les tendances générales de notre société.
Le temple de la consommation
Le supermarché est le lieu d'expression d'une forme de religiosité moderne, mêlant pratiques païennes sacrificielles et rites de passage en caisse, et crée une sorte de nébuleuse sociale : le supermarché fixe les regards et focalise l'attention de ses croyants. On s'y retrouve par troupeaux pour prier, on en consulte les oracles chaque jour dans notre boite-aux-lettres, et on y vénère la Sainte Carte Bleue.
Ainsi, le moindre changement de prix au temple fait sensation dans les chaumières, tant le sujet passionne une France encore obsédée par l'idée d'entrer en possession d'un quatrième écran plasma qui calmera les gosses.
Un lieu de rendez-vous incontournable pour la bonne société
Lequel d'entre nous n'a jamais été confronté à la dure injonction :"bon, on se retrouve devant le supermarché ?" Lieu incontournable de socialisation, le supermarché est donc le lieu de rendez-vous des amoureux, comme des amateurs de musique de qualité ; espace dont chacun ressort en ayant son compte (ou en l'ayant vidé, mais c'est une autre histoire).
La culture n'est elle non plus pas en reste, puisqu'elle occupe un espace dédié d'une superficie non négligeable, et regorge de produits de qualité tels les livres de Patrick Poivre d'Arvor, la biographie hagiographique de Nicolas Sarkozy, ou encore d'excellents romans à l'eau de rose pour ménagère de plus de 50 ans.
Un champ de course(s)
Les vieilles dans les starting-blocks
Le supermarché est aussi l'occasion pour les vieilles de s'adonner au dernier sport qu'elles peuvent encore pratiquer, à savoir la course à l'ouverture de la supérette. Piaffant d'impatience, nos vénérables ancêtres sont présentes sur les lieux plusieurs dizaines de minutes avant le signal d'ouverture officiel, preuve s'il en est de leur attachement profond à cette pratique valorisante.
Cette arrivée précoce est aussi l'occasion de retrouver d'autres vieilles, donc d'échanger divers ragots et de conspuer la fin de l'âge d'or, ou encore d'aborder des sujets aussi cruciaux que la fin du monde.
A noter, les vieilles ne se rendent pas à la supérette n'importe quand, en effet une règle d'or est respectée à la seconde près: aller faire ses courses à partir de 15h00 (correspondant étrangement à l'horaire de fin d'une certaine série sentimentale diffusée sur TF1) et de préférence aux alentours de 19h00, afin d'y être en même temps que toutes les honnêtes personnes travaillant dans la journée, cela rallongeant généreusement les files d'attente aux caisses.
Articles connexes : Vieux
Le supermarché, laboratoire de civilisation
Le soldes sont un grand moment de ferveur religieuse. Le fidèle en quête spirituelle se rendra sur les lieux du culte dès la veille au soir. Il entamera alors les gestes mystiques (répondre aux sms sur son iphone), censés l'apaiser durant l'attente, il répétera sa prière, qui est une variation sur le thème du "putain sa mère ça ouvre quand", et bien souvent il s'adonnera à une soirée de gavage conforme aux Écritures Publicitaires, chips coca pizza, et de privation de sommeil, signe du respect porté au lieu.
Une fois l'heure fatidique dite du début des soldes, l'observateur attentif pourra assister à divers rituels aussi curieux que passionnant. Parmi ceux-ci, il faut notamment noter :
- Les combats rituels de femelles : qui remportera la dernière culotte Gucci en soldes ? Deux femelles s'affrontant jusqu'à la mort, les coups étant rythmés de prières traditionnelles ("lâche ça salope", "fous le camp, connasse", "sale pute je l'ai vue la première") qui ont pour objectif de se libérer d'une partie du fardeau qu'est une ferveur excessive. Des cas extrêmes d'usage d'armes de fortune (string étrangleur, lancer de téléviseur) peuvent être constatés.
- La course de chariotte dans les rayons : Il s'agit en l'occurrence, pour les fidèles, d'être les premiers à toucher les Saints Objets Soldés. La règle veut que la chariotte serve de bélier contre les groupes adverses afin de libérer l'accès aux objets convoités, ceci pouvant s'agrémenter de prières diverses et colorées (voir infra).
- La promenade méditative. Bon, soyons honnête, nous l'avons piquée aux arabes. Mais on va dire que c'est à nous. Il s'agit pour le fidèle de faire le tour des objets les plus saints, souvent marqués du sceau céleste "prix sacrifiés -70%". Au sein d'un attroupement massif, le fidèle circulera entre ces saintes reliques, les admirera, les touchera, un peu comme les Arabes qui tournent comme des ânes autour de leur espèce cube bizarre à la Mecque. Mais chez nous, c'est plus noble. Ici, le fidèle affirme se sentir en communion avec le monde (celui de l'argent, évidemment).
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