Urbanisme
L’urbanisme est une science dont l’ambition est de faire le bonheur de l’humanité, même contre son gré. En gros, il consiste à faire des rues et des logements, mais tout en expliquant qu’il faut organiser le tout, que c’est compliqué et que cela nécessite une immense expertise (en réalité totalement fumeuse). Aujourd’hui, le gros du travail de l’urbaniste consiste donc d’une part à faire de l’urbanisme et d’autre part, faire croire que ce travail est important, voire pertinent.
L'urbanisme se distingue de la masturbation intellectuelle essentiellement du fait des conséquences qu'il entraîne. Ainsi l'urbaniste lutte pour la sauvegarde des petits oiseaux et des chatons, mais il sait pourtant qu'ils mourront tous dans un pavillon de périphérie au crépit rose entouré de tuyas (ce qui est un peu l'enfer de l'urbaniste) ou dans un écoquartier discount.
Origines
Le terme a été utilisé pour la première fois par Ildefonso Cerdà, un Barcelonais qui a réinventé le carré à la fin du XIXe siècle. Mais le premier individu considéré comme urbaniste est Hippodamos de Milet, un grec qui avait déjà réinventé le carré au Ve siècle avant Jésus-Christ. Depuis, des urbanistes réinventent régulièrement le carré afin de passer pour révolutionnaires. Un certain nombre de ronds, voire de triangles, ont également marqué l’histoire de cette science.
Métier
Les urbanistes sont des gens qui aimeraient bien qu’on les laisse faire la ville (puisque c’est en ça que leur métier est censé consister) mais qui, dans les faits, ont toujours dû laisser la place :
- Aux architectes, surtout avant le XXe siècle,
- Aux ingénieurs, notamment au XXe siècle, avec les grands ensembles et des structures béton ou acier,
- Aux géomètres, qui en ont profité pour couvrir la France de lotissements avec raquettes de contournement.
On peut donc définir les urbanistes comme des gens incapable de faire reconnaître leurs prétentions à créer une ville[1].
En raison de leur manque de reconnaissance, les urbanistes se sont regroupés en organisations professionnelles. Toujours aussi efficaces lorsqu’il s’agit de préciser les contours de leur profession, ils ont multiplié les structures aux sigles même pas marrants : SFU, UT, FNAU, CFDU, ACAD, OPQU. Ceux qui enseignent l’urbanisme sont souvent confrontés à la dépression et à l’alcoolisme : ils sont donc regroupés au sein de l’APERAU. Dans les faits, n’importe quel connard qui a compris qu’il fallait faire des rues et des logements peut se dire urbaniste.
Ainsi, architectes, ingénieurs ou géomètres n’hésitent jamais à dire qu’ils font de l’urbanisme, mais ils se définissent d’abord comme architectes, ingénieurs ou géomètres car ils ont conscience que ceux qui se contentent d’un terme aussi galvaudé que celui d’urbaniste sont des losers.
Au demeurant, un certain nombre d’urbanistes sont des gens qui ont tentés d’être architectes ou ingénieurs (mais jamais géomètre… parce que le lotissement c’est le mal). Ils n’y sont pas parvenu, soit parce qu’ils sont trop mauvais en mathématique (ingénieurs ratés), soit parce que, sur eux, le jeans slim, le châle et les lunettes cerclées font davantage tapette qu’avant-gardiste branché (cas des architectes ratés).
Certains épistémologistes considèrent que ces frustrations originelles seraient elles-mêmes à l’origine de l’urbanisme : l’urbaniste aurait été créé pour dire à l’architecte qu’il devrait arrêter de se prendre pour un artiste et employer des concepts intelligibles, et pour dire à l’ingénieur que les modes de regroupement des populations les plus rationnels sont, malheureusement pour l’ingénierie, destinés à être habités par des êtres humains.
Méthodologie
L'urbanisme part du postulat que la ville est nouée de tumeurs. Les urbanistes font donc des diagnostics pour évaluer leur aspect et leur teneur avec des cartes faites sur Illustrator (piraté évidemment), parce qu'ils ne savent pas se servir d'autres logiciels plus performants et aussi parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour acheter des logiciels payants.
La méthode fondamentale de l'urbanisme est donc la bonne vieille chimiothérapie. Il l'utilise sans parcimonie à grands coups de cheminements doux, de noues, d'éco-quartiers et d'espaces publics pacifiés (en gros du béton et du calcaire avec des plots pour délimiter l'espace respectif des piétons et de la voiture).
La réunion
Instant clé du projet d’urbanisme, la réunion est le moment où l’urbaniste tente de demander à des individus généralement dépourvus de toute imagination (élus, techniciens, responsables associatifs), la vision qu’ils auraient de leur ville/territoire à l’horizon de 10 ou 20 ans. Ces mêmes personnes dépourvues d’imagination, lorsqu’elles ont un véritable pouvoir de décision, sont généralement âgée de 60 à 80 ans et donc elles n’ont à peu près rien à foutre de ce qui se passera après leur mort.
Les urbanistes les plus réputés sont ceux qui savent le mieux parler à ces décisionnaires âgés, justement parce qu’ils ont eux aussi 60 à 80 ans (Cf. réflexion sur le grand Paris). Ils ont également l’avantage de ne pas avoir à assumer leurs conneries lorsqu’elles commenceront à chier sérieusement dans la colle (justement dans 10 ou 20 ans).
Réunions publiques et concertation
Objet :
- Faire croire à des habitants qu’ils pourront participer à la prise de décision pour un projet alors que ce dernier a déjà été voté en conseil municipal et que ça nous ferait bien chier de devoir revenir dessus.
- Résigner dès lors les habitants à se faire élire ou à changer de ville.
Préalables :
- Ne jamais arriver en 4X4 en réunion[2].
- Repérer les responsables d‘associations de quartier, environnementalistes, ou toutes autres associations douteuses et vérifier si elles habitent bien dans la commune ou le quartier concerné ; le cas échéant, les faire évacuer.
- Proposer un buffet en fin de réunion afin de limiter les questions le moment venu.
- Pour les élus, noter toutes les failles et passés douteux des intervenants potentiels au sein du public afin de pourvoir leur rabaisser le claquet le moment venu (principalement après l’intervention d’un urbaniste qui habite la commune …). Exemple : « Vous allez avoir le temps d’examiner le Plan Local d'Urbanisme une fois celui-ci approuvé puisque vous êtes au chômage », ou encore « C’est drôle, vous parlez beaucoup et en 5 ans vous n’avez jamais eu d’entretien d’embauche ».
Déroulement :
- Préméditer le rôle d’intermédiaire d’une personne honorable (sociologue principalement, mais ça marche aussi avec les assistants sociaux …) qui précisera bien le rôle de chacun : élus, « experts » (urbanistes, paysagistes, architectes, …), et « simples habitants ».
- Présentation des textes de lois et autres réglementations pompeuses qui cadrent la procédure afin de bien montrer qu’un urbaniste est un savant, mais un savant contraint.
- Essayer de faire croire à tout le monde que toutes les solutions réalisables financièrement ont déjà été envisagées.
- Si contestation, demander aux gens s’ils veulent payer plus d’impôts afin de financer des alternatives.
- Présenter une analyse d’une ville ou d’un quartier sur lequel on a travaillé une demi-journée alors que les conséquences de cette analyse vont se répercuter sur les vies des personnes que l’on a devant soi le reste de leur vie[3].
- Flouter volontairement mais délicatement toute planche cadastrale ou tout plan de zonage éventuel, afin de limiter les interventions sur des questions concrètes, et mettre les vieux au premier rang. Théoriquement, ils voient moins bien, quoi que…
- Compter sur Alzheimer pour éviter les contentieux.
- Buffet[4].
Notes
- ↑ Autrement dit, à faire des rues et des logements.
- ↑ Si, si, je vous assure, devant les élus ça va, mais en réunion publique ça fait tâche.
- ↑ Les urbanistes s’en foutent, ils vivent dans des quartiers sympas, et pas dans cette vieille commune foireuse où l’on est obligé de rester jusqu’à 22h alors qu’on préférerait regarder Barcelone-Arsenal…
- ↑ Suivez, on en a déjà parlé.
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