Valérie Damidot

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Mouhahahahahaha ! Vous pensiez être tranquille chez vous le cul dans votre canapé à mater le Tour de France en vous grattant les couilles ? Vous croyiez vivre éternellement dans ce décor certes dénué de fioritures mais auquel vous vous étiez habitué avec le temps ? Eh bien non. Pour vous faire une surprise, votre femme a discrètement écrit une zolie lettre à M6 à l’attention de… Valérie Damidot. Déjà au départ, c’est pas de chance : avoir une femme assez conne pour écrire à une chaîne de télé… Mais en plus savoir que votre candidature a été retenue parmi des milliers d’autres pour que vous bénéficiiez d’un ravalement gratuit de votre intérieur, c’est limite cause de suicide.

Mais bon, vous pensez que c’est une blague, que ça n’arrive que dans les mauvais films. Et puis un beau jour, vous êtes seul chez vous et on sonne à votre porte. « Sans doute quelque démarcheur importun ou un automobiliste en panne à la recherche d’une bonne âme et d’un téléphone en état de marche » essayez-vous de vous persuader avec une abnégation qui force le respect. Mais au fond de votre cerveau, un coin de votre mémoire s’écrie « n’ouvre pas malheureux ! C’est le diable qui sonne à ta porte ! » Et avant qu’un arc réflexe synaptique salvateur ne vous incite à vous enfuir au fond du garage en brisant au passage la télévision allumée témoin de votre présence, vous vous entendez dire :

— Qui c’est ?
— C’est D&Co !

Et vous voilà pris sans espoir de retour dans l’engrenage infernal.

L’entrée des artistes

Ce que vous aimeriez obtenir...

J'ouvre la porte. Face à moi un cadreur, un preneur de son et un individu non identifié que je classe immédiatement dans la catégorie des casses-couilles de première. Soudain, un espoir. Pas de blonde en surcharge pondérale à l’horizon. « Comment elle s’appelle déjà ? Merde, ça va me revenir. Ah oui ! » Je fais alors une tentative désespérée :

Moi : Euh, elle est pas la M’dame Damidot ? C'est annulé peut-être ?
Le casse-couilles : Non elle arrive dans 2 heures. T’as jamais vu l’émission ?
Moi : Ben justement non. C’est ma femme qui…
Le casse-couilles : T’inquiète pas on a l’habitude. Je suis le producteur, mais tu peux m’appeler Monsieur.

Et le casse-couilles de m’affranchir sur le déroulement du supplice. Et c’est là que je comprends pourquoi la grosse arrive deux heures après. Avec ses deux acolytes, le casse-couilles fait le tour de ma baraque que soit dit en passant j’ai même pas fini de payer. 3 chambres, 1 salon/salle à manger, 1 cuisine, 1 salle de bain, 1 chiotte et 1 garage.

Le casse-couilles : Bon, on a un budget pour redécorer une chambre et soit le séjour, soit la salle à manger. Tu choisis quoi ?
Moi : Une seule chambre ? Putain mais j’ai deux gosses moi ! Qu’est-ce que j’explique à celui dont on a refait la chambre ? Pourquoi on referait pas plutôt le garage et les toilettes ?
Le casse-couilles : Bon écoute coco, on n’a pas le temps pour les conneries. C’est pas le Choix de Sophie non plus. Alors fais à pile ou face ou c’est moi qui décide et je te préviens, tu n'as pas envie que ça arrive.
Moi : Ok, ok… Alors on refait le salon et la chambre de la petite. Après tout elle a que 3 ans, elle se rendra peut-être pas compte.
Le casse-couilles : Vendu ! Tu vas pas le regretter.

Et les voilà partis à filmer mon chez moi à moi avec les chaussettes qui traînent dans l'évier et la vaisselle pas faite dans le bac à linge. Des essais de lumière et de son... De mon côté c'est plutôt le blackout.

Deux heures plus tard...

Un nouveau visiteur. Mais cette fois, il ne sonne pas à la porte. Il la défonce à coup de masse. C’est elle. Pertes et profits, on enchaîne. Première impression. Elle ne ressemble pas vraiment à l’image que j’ai vue d’elle en couverture de Télé Star. Si elle était moins grosse, plus grande, mieux habillée, plus brune et sentait meilleur, elle serait même presque jolie. Attention, elle va parler.

Valérie Damidot : Salut les tarlouzes ! Alors, c’est là que ça se passe cette semaine. Eh ben y a du boulot. D’un autre côté, je suis payée pour ça hein ?

Éclat de rires général moins une unité. Le prédateur semble avoir repéré sa cible.

Valérie Damidot : Tiens, tiens… Mais qu’avons-nous là ? Encore un petit mari qui s’est fait enfler par sa chère et tendre ? Bon je te le dis tout de suite : quand ça tourne tu souris et tu m’appelles Valérie, mais hors caméra c’est « maîtresse » mais à la limite je préfère que tu ne m’adresses pas la parole. Capito ?

Un frisson me parcourt. Sans même y réfléchir, je fais oui de la tête. Un léger spasme trahit ma nervosité. « Et si je m’enfuyais maintenant ? », comploté-je avec moi-même. Mais l’intruse semble déjà m’avoir cerné. "FRAAAAANK", glapit-elle alors. Dans la seconde qui suit, une créature mi-homme mi-yéti se positionne dans l’embrasure de ce qui fut ma porte d’entrée. Plus d’échappatoire. Ils maîtrisent totalement la situation. Une mouche sur une toile d’araignée.

Habillage

Ce que vous obtenez en réalité...

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me dis que ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Qu’après tout ce sera sans doute sympa d’avoir une nouvelle décoration intérieure. Espoir de courte durée. Sans crier gare, le casse-couilles me tend une espèce de toile rouge fluo pleine de taches de peinture qui ressemble vaguement à une salopette.

Le casse-couilles : Voilà ton costume de scène, coco. Et le pire, c’est qu’on va quand même te reconnaître dans la rue après.

Je fais mine de partir vers la salle de bain pour me changer. La fenêtre. Elle donne sur un arbre. Peut-être que je pourrais… Peine perdue. FRAAAAANK me barre la route et d’un grognement me fait comprendre que je dois me changer ici. Je m’exécute. Et me voilà. Portrait craché du bibendum Michelin après un bain forcé dans de la confiture de groseille. Pendant ce temps, la gorgone s’est elle aussi changée. On fait bien la paire. Elle va parler.

Valérie Damidot : Bon on va commencer par la chambre de ta naine. Tu as 3 minutes pour enlever les trucs qu’elle veut garder. Après, on jette tout. Au pilon.

Faire le vide

Putain 3 minutes. 3 minutes de quasi-liberté. Je me précipite à l’étage. Merde, rien n’est rangé. Les peluches ? Les Lego? Le château de Dora l'exploratrice ? Les 2 648 autocollants et posters qui tapissent les murs ? Il faut choisir et faire vite. Tel un final de Fort Boyard sous Extasy, je ramasse le plus d’objets possibles entre mes bras et je les jette dans ma chambre en multipliant les allers-retours, espérant sauvegarder le maximum de souvenirs. Je sacrifie les poupées et les Playmobil. Plus le temps. Plus le temps. Je les entends monter les marches. C’est fini. Un dernier lancer de livres de la collection Juliette vers ce qui me semble être mon lit et me voilà à nouveau face à mes bourreaux.

Elle me toise avec l’air de celle qui en a vu d’autres puis regarde la chambre d’un air désapprobateur. Elle murmure quelque chose à l’oreille du casse-couilles. Elle souligne du regard la présence de FRAAAAANK à ses côtés et me lance :

Valérie Damidot : Non, ça ne va pas du tout. On ne peut pas refaire cette chambre. Tout est déjà rouge et jaune avec des meubles en plastic et des rideaux horribles aux fenêtres. Je ne vois pas ce que je pourrais améliorer. On va s’occuper de votre chambre à la place.

Mes genoux me lâchent. Je me mets à pleurer alors même que FRAAAAANK commence à balancer par la fenêtre de ma piaule à la fois mes effets personnels et tout ce que je viens de transférer depuis la chambre de Chloé. Mes bouquins. Mes CD. La photo de ma mère. Le ficus de ma femme (ouais !). À la benne. Fini. Terminé. Suivant.

Maquillage

Murs nus avec pour seules décorations les contours jaunis des cadres présents quelques secondes auparavant et qui semblaient devoir mourir avec la maison. Sol lisse et poussiéreux. Plafond inerte et blanc.

Valérie Damidot : Bon on va commencer par la peinture. Tu aimes quoi comme couleur ?
Moi : J’aime bien le blanc.

Nouvel éclat de rires général moins une unité.

Valérie Damidot : C’est un hôpital ici ? Tiens voilà le nuancier. Choisis ce que tu veux.
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Je la regarde incrédule, croyant à une plaisanterie. Mais son regard appuyé me fait vite comprendre que non. Je pointe une teinte qui me paraît légèrement moins rouge que les autres.

Moi : Celle-ci me plaît.
Valérie Damidot : Tu vois quand tu veux. FRAAAAANK va chercher les pots et l’arroseur automatique.

Acte I

Publicité manifestement mensongère pour l'émission D&Co

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le mastodonte installe son matériel au milieu de la chambre. Un arroseur de jardin rotatif relié à une bouteille à air comprimé et à un pot de 30 litres de peinture rouge.

Valérie Damidot : C’est pour le gros œuvre. Dans 10 minutes, tu reconnaîtras plus ta chambre. Après on enchaîne avec les prises de vue pinceaux à la main pour faire comme si on avait tout fait nous-mêmes. Show business baby.

Elle ne m’a pas menti. 10 minutes plus tard, le pot est vide et je ne reconnais effectivement plus rien. Rouge. Rouge. Rouge. J’ai l’impression d’être dans le cauchemar d’un anti-communiste primaire. Elle me fourgue un pinceau dans les pattes, m’ordonne de sourire et le cadreur commence à filmer. Je fignole les coins que le jet n’a pas atteints, saluant une dernière fois du regard la teinte à jamais évanouie de mes murs d’avant.

Valérie Damidot : Alors ça te plaît ?

C’est à moi qu’elle parle ? C’est une question piège ? Où est FRAAAAANK ?

Moi : Ça change.
Valérie Damidot : Ben au moins tu as compris le but de l’émission… Bon maintenant on va s’occuper des meubles. Pour le lit, on te met un futon ras du sol.

Noooooooooooon ! Pas un futon, putain ! Je déteste ça. Ça fait mal au dos, on peut pas regarder la télé confortablement et le matelas pèse une tonne !

FRAAAAANK : Grompf.
Moi : D’accord, maîtresse.

Le lit : 20 centimètres du sol. Les tables de chevet : 1 mètre du sol. Il me faudra une échelle pour éteindre mon radio-réveil le matin maintenant. Une heure plus tard. Des glaces partout, des rideaux de fils jaunes à la fenêtre. D’autres rideaux de fils jaunes au milieu de la chambre. Un gros cœur rose dessiné au plafond. Des bougies. Des bougies. Des bougies. La caméra tourne. Ma tête aussi. Mon monde vacille.

Acte II

Bon on est à mi-chemin de croix. Mont Golgotha en vue. En avant toute. Direction le salon. Merde mon home-cinema. ils vont quand même pas me mettre des murs en rouge. Sur quoi je vais afficher l'image de mon vidéoprojecteur Sanyo Full HD ? Trop tard. Pendant que je me lamentais dans ma chambre, les meubles du salon ont déjà rejoint les rangs des antiquités du futur. L'arroseur est en place. Ouf, ce n'est pas du rouge. Putain c'est du violet. Ma salle à manger en blanc et mon salon en violet, sans séparation entre les deux. Une espèce de yin et yang psychédélique. Je veux mourir.

Moi : Je ne peux pas vous laisser faire ça.
Valérie Damidot : Tu n'as pas le choix mon bonhomme. Ta dulcinée a signé le contrat et on a déjà négocié la pub avec Valentine. C'est trop tard.

N'écoutant que mon courage, je me précipite vers l'arroseur automatique. FRAAAAANK a anticipé la manœuvre. Il tente un plaquage à la hanche. Heureusement, ma salopette encore pleine de peinture fraîche se révèle très glissante et je parviens à m'extirper de l'éteau formé par ses bras. J'attrape l'arroseur et l'envoie valser à travers la fenêtre dans le jardin du voisin. Bête et disciplinée, la buse continue de projeter sa peinture pourpre sur 75 m² de gazon et sur une partie de la façade de ma maison.

J'étouffe un juron et je m'élance alors vers la bouteille à air comprimé pour en arracher les tuyaux. Cette fois c'est le casse-couilles qui s'interpose. Je le jauge et décide qu'il ne pourra pas faire le poids face à un coup de genou dans les roustons. Le bruit de mon ménisque s'écrasant sur son entrejambe me remonte le moral. Je tire sur le tuyau et après un pshiiiit assourdissant, tout s'arrête.

J'ai sauvé une partie de mon salon. Mais FRAAAAANK s'est remis debout et commence à fixer des étagères sur tous les murs. Il ajoute des appliques au plafond et au sol et étend un tapis décoré d'une tête de tigre géante qui couvre les 3/4 de la pièce. Valérie Damidot profite de la diversion pour placer des bougies partout et sort d'on ne sait où des rideaux de fils qu'elle accroche au petit bonheur la chance. Le cadreur et le preneur de son enregistrent tout. Je ne sais plus quoi faire. Droite, gauche, je titube, je vomis, je tombe, je m'évanouis. Rideau.

Arrivée des spectateurs

Un seau d'eau en pleine gueule. Je reprends connaissance. Je me relève péniblement.

Valérie Damidot : Eh ben tu nous auras pas facilité la tâche mon gaillard. Désolé, on a fini sans toi.

Je voudrais être aveugle. Je voudrais être mort. Je voudrais me réincarner en balai de chiotte ou en brosse à dents de Franck Ribéry. Je suis éveillé dans mon pire cauchemar. La scène n'est pas descriptible. C'est exactement comme à la télé.

Valérie Damidot : Allez c'est fini. Va t'habiller. Ta femme et tes gosses vont arriver. Tu as été courageux mais tu ne peux rien faire contre nous.

Je détecte un soupçon d'admiration ou en tout cas de respect dans sa voix. J'ai fait ce que j'ai pu. Mais le résultat est là. Ma vie a basculé. Vaincu par plus fort que moi, je vais mettre mon plus beau costume, comme on le ferait à un gisant avant de l'enfermer à jamais dans son cercueil. Mon cercueil rouge et violet.

Apparemment j'ai eu droit à une porte neuve. En plastique jaune. On sonne. J'ouvre, la caméra derrière moi. Je feins le bonheur. Mes proches entrent. Les yeux clos. Moi le mort, j'ai les yeux ouverts. D'abord le salon. Un, deux, trois... Ohhhhhhhh. S'exclament-ils à l'unisson. "J'adôooore", s'écrie ma femme. "C'est trop beau", aboie ma fille. "Putain c'est vachement violet", dit mon fils, "sur quoi on va projeter les films ?" Mais sa remarque est couverte par le bruit assourdissant de la musique du générique.

Même cinéma dans la chambre. Ma fille tique un peu en constatant que 90% de ses jouets ont disparu mais ma femme est ravie. "Mais où est passé mon ficus ?", demande-t-elle simplement. "À la benne, avec tout le reste", ai-je envie de hurler. Mais je n'ai plus la force. Je me mets à pleurer ce que les téléspectateurs prendront pour des larmes de joie.

"Au fait chéri, comme tu aimes cuisiner, je t'ai inscrit à Un dîner presque parfait. Tu n'en as pas fini avec la télé."


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