Franglais
Le franglais est un trouble neuro-psychologique affectant aussi bien le langage que la capacité de réflexion. Apparu après la Libération dans un effort désespéré des Français pour se la jouer ricain, il a perduré tel un furoncle et, comme toute maladie qui se respecte et qu'on laisse aller, a empiré jusqu'à atteindre des dimensions internationales. On murmure même qu'il existerait à l'heure actuelle tout un immense pays malade du franglais. Un porte-parole de l'OMS a récemment déclaré que "la situation est critique, il faut rester aware. Peace".
Histoire et développement
La petite graine
Nous sommes le 5 juin 1944. Toute la France est occupée. Toute ? Oui, toute, ( Sauf nos plages de nos colonies) et cette fois non seulement les Allemands nous l'ont mis profond, mais en plus nous nous sommes volontairement penchés en avant en leur tendant la vaseline avec un sourire. Soucieux de récupérer un point d'appui en Europe pour lutter contre les cocos, le gouvernement des États-Unis d'Amérique décide, dans un grand élan de générosité, de venir repousser l'envahisseur à moustache. Le peuple libéré est en liesse, les Françaises en mal de chibre s'en donnent à coeur-joie avec les GI, découvrant les délices de la syphilis et des douches vaginales au coca, et le gouvernement Pétain, la larme à l'oeil, s'en va cirer les bottes tachées de sable normand en bêlant "Danke schön, danke schön !". Evidemment, les soldats américains les prirent pour des teutons et les pendirent par leurs tripes au clocher de la Kommandantur.
L'étincelle qui fait déborder le vase
Le peuple de France, grand retourneur de veste s'il en est, entreprit comme à son habitude de cirer les pompes du plus fort. L'allemand étant banni, pfouh ! dehors !, il était donc temps d'intégrer le langage du nouvel envahisseur dans le parler quotidien. Ainsi naquit le franglais, enfant bâtard de notre lâcheté congénitale et de notre chauvinisme surenflé, et malheur à qui utiliserait un seul mot d'allemand à compter de ce jour, j'ai la tondeuse qui me démange ! (Cette charmante habitude de dénigrer et honnir tout ce qui a de près ou de loin trait à l'Allemagne perdure encore aujourd'hui, 52 ans après la création de l'Europe, preuve que la connerie est bel et bien héréditaire.)
Considérations chrono-illogiques
De simple trait de mode dans les années 50, le franglais devint marque d'intelligence dans les années 60, symbole de la jeunesse dans les années 70, langage technique dans les années 80, langage d'entreprise dans les années 90, langage lycéen dans les années 2000. On compte que les animaux de compagnie s'y mettront en 2010, les plantes d'appartement en 2020 et les cailloux en 2030. La croissance massive du franglais ne cesse de rendre perplexe les personnes âgées qui savent peut-être ce qu'est un parking ou un juke-box, mais se perdent en conjecture sur la signification des mots "aware", "happy slapping" ou "fist-fucking".
Avancement actuel de l'épidémie
Au 1er janvier 2009, il semblerait que la France soit largement touchée par le franglais. Des mots tels que brushing, parking, building ou Paris Hilton ont fait leur trou avec violence tel un pervers pépère dans une école maternelle, et semblent vouloir se maintenir indécrottablement dans notre belle langue française dont nous sommes si fiers. Peu importe que ces mots n'aient en vrai anglais absolument aucune signification, bien au contraire ! C'est là la beauté du franglais: non seulement il nous supprime du vocabulaire, mais en plus il efface les cellules grises qui vont avec. Même les experts sont pantois devant cette malveillance subtile et pourtant si efficace. Si ça n'avait pas existé avant Nicolas Sarkozy, on aurait dit que ça vient de lui.
Hélas, trois fois hélas, ô, rage, ô désespoir, le cas de la France n'est rien en comparaison de celui du malheureux Canada. Le franglais a atteint une telle ampleur outre-atlantique que plus personne aujourd'hui n'y parle français, même pas en Louisianne. C'est à croire que le froid, la sodomie de caribou et les chanteuses à dents longues favorisent la propagation du mal, et l'OMS a jugé plus prudent d'abandonner définitivement tout espoir de guérison pour passer le plus tôt possible à l'annihilation de ce foyer épidémique. Les missiles sont en place, le lancement aura lieu sous peu, mais chut, c'est une surprise.
Prévention et guérison
Avant toute chose, sachez ceci: le franglais, c'est pire que l'herpès ou la migraine, ça finit toujours par revenir. Néanmoins, penchons-nous sur certains détails qui permettent au bon Français de France de garder son parler natal (une phrase qui avant 1962 faisait bien rigoler les nord-africains).
Saint Jacques le Tout-Bon
Au mileu de cette horreur, de ce massacre, il en fut un, heureusement, à s'élever contre toute cette injustice et poser les bases de la renaissance de la langue de Voltaire et Montaigne (quoique je donne mon slip à quiconque, de nos jours, est capable de lire Montaigne dans le texte original sans un dictionnaire). Il s'agit, bien entendu, de Saint Jacques le Tout-Bon, religieux de droite, frustré de n'avoir jamais de sa vie été assez doué pour maîtriser une langue étrangère, et qui, trop couard (ou trop intelligent, peut-être ?) pour attaquer la source du mal, à savoir un pays très riche et très agressif de 260 millions d'habitants dont 2 millions de militaires, s'en prit aux symptômes du mal et fit la guerre aux expressions franglaises tapies dans les tréfonds moites et malodorants du langage moderne. Son slogan "Oui, nous pouvons !" devait jeter les bases d'une nouvelle compréhension du français, accompagnée d'une série de mesures aussi drôles et compréhensibles qu'un épisode de Babylon V, mais comme on dit, c'est le geste qui compte.
(et non, c'est pas lui sur la photo, ha, ha, je vous ai bien eus !)
L'enfer est pavé de bonnes intentions
Si vous avez décidé de vous débarrasser du franglais, attention ! Sachez que pour certaines expressions, il est trop tard. Un parking reste un parking. Par contre, on peut très bien utiliser "courriel" à l'a place d'"e-mail" et "texto" au lieu de "SMS", même si ça a vraiment l'air très con. Méfiez vous des abus, par contre: CD-ROM est une abréviation, et le simple rebaptisage en "cédérom" ne le rend pas moins anglais, mais par contre beaucoup plus con. De même, certains termes disparus de la mémoire collective n'existent aujourd'hui qu'en franglais. Gardez cependant en tête que le franglais, c'est comme le SIDA: on ne sait pas le soigner, mais on peut empêcher le développement de la maladie.
Le jeu de l'ingénieur européen
(Un grand merci à El von Tino 11, BSHW XIII et Skychu 7 pour l'inspiration. Ils se reconnaîtront.)
Vous pouvez en particulier essayer le jeu de l'ingénieur européen, tout particulièrement si vous jouissez, comme on dit si bien de nos jours, d'une grande ouverture internationale (ce qui ne signifie pas seulement que la moitié de l'Europe vous est passée dessus, mais un peu quand même). Le principe est simple: remplacez chaque mot anglais d'un texte par son équivalent français. Par exemple: Charles descendit de son Esquive Vipère qu'il avait mise au garage et se dirigea vers l'escalier roulant, fier de commencer sa journée de travail chez Microdoux. Il alluma son ordinateur personnel, lança Regard vers l'extérieur pour lire ses courriers électroniques, tria ses pourriels en l'espace de quelques instant et ouvrit son dernier fichier Puissance Point, qu'il allait devoir présenter devant le ménagement sous peu (le rapport sous Microdoux Mots attendrait un peu). Fenêtres tournait lentement, comme d'habitude. Prenant une tranche de jambon dans deux tranches de pain et son mal en patience, il sortit fumer une Philippe Maurice près de la machine à café.
Personne ne vous comprend ? C'est normal, et encore, estimez-vous heureux de ne pas être dans la finance ou sur le Monde de l'Art de la Guerre.
Le mot de la fin
Vous croyez que le franglais est terrible ? Vous avez raison. Mais il n'est pas seul, et déjà, divers dialectes pourris attendent, recroquevillés dans un coin obscur, pour prendre la place du franglais s'il venait à choir. Amis francophones, prudence. Le franglais n'est pas votre seul ennemi. Ensemble, luttons, saignons et mourons pour maintenir cette langue française qui est et restera un evergreen ! Eh merde...
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