Les chroniques de Moncert-sur-Pouillac/Saison 3 : un été sans trop de cataclysmes

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Scarlett vous présente la 3e saison. Et pourquoi met-elle sa main là ? Parce qu'elle est toute excitée de découvrir ce qu'il va se passer. Ou alors c'est parce qu'elle me regarde ? Attendez, je me désaxe un peu de mon écran pour vérifier. Non, c'est bien à cause de la 3e saison.

Depuis le 24-12-2013, le bdo accueille dans ses colonnes un extrait de la Gazette de Moncert, "hebdomadaire d'information locale". Afin que chacun puisse saisir les tenants et aboutissants des nouveaux faits relatés à la lumière des événements passés, nous compilons ici la totalité des extraits diffusés lors de la troisième saison.

24-06-2014 : La Lune avec son télescope

L’événement regrettable que nous avions craint la semaine dernière a eu lieu sous une forme inattendue. Vous vous souvenez que nous avions anticipé une agression possible d’une personne dont il était envisageable qu’elle soit le Corbeau, bien que cela nous aurait quand même bien étonné. Eh bien Mme Grinelle a subi un attentat auquel elle a miraculeusement survécu.

C’est elle-même qui nous en a raconté les circonstances effroyables. Alors qu’elle était comme à son habitude postée à sa fenêtre pour vérifier que tout allait bien, quelle ne fut pas sa surprise et son accablement de voir un postérieur totalement dénudé situé à moins de 100m de chez elle. Cet attentat à la pudeur est d’autant plus manifeste qu’elle avait chaussé ses jumelles sans lesquelles elle pourrait manquer certains détails utiles au cas où des événements importants auraient lieu. Cette vision d’horreur l’a fait renverser de sa chaise sur laquelle elle était montée pour avoir une vue plus pertinente de ce scandale. Mme Grinelle étant une femme bien sous tous rapports bien qu’on sache qu’elle n’en a jamais eu, sa commotion a été rude et mal compensée par l’augmentation de sa connaissance de l’anatomie masculine, l’exhibitionniste impliqué étant accroupi de telle manière qu’elle a pu entr’apercevoir bien malgré elle ce qui jamais ne saurait la toucher. Elle regrette bien de n’avoir pas eu d’appareil photo pour étayer son témoignage mais elle pourra décrire à qui veut bien l’entendre l’objet de son affliction si cela peut permettre de confondre le coupable qui ne lui est apparu que de dos.

La Gazette a bien entendu résolu cette affaire promptement. Mais je pense qu’une bonne part de nos lecteurs auront fait le rapprochement avec l’incident cocasse survenu dimanche lors de notre traditionnelle Fête de la Paix Retrouvée, où le pantalon de Boniface a glissé en finale du Grand Concours de Pets. Mais pour nos lecteurs lointains utilisateurs de l’Internet, je me dois d’effectuer un bref rappel historique afin de contextualiser les péripéties survenues dimanche.

La Fête de la Paix Retrouvée, encore plus fondatrice que la Fête de la Cocaille, date de temps très anciens où notre communauté entretenait son unité lors d’une fête rassemblant toute la population. Son apothéose consistait en un sacrifice humain, généralement un étranger venu s’aventurer dans nos contrées pour sans doute nous nuire d’une façon ou d’une autre. Le temps passant, notre réputation s’étant répandue alentour et les mœurs se ramollissant avec l’arrivée de la Chrétienté, une vache lui fut substitué, puis plus tard une sorcière, puis une effigie en pailles.

La cérémonie se terminait sur un discours du prêtre qui célébrait la paix retrouvée. Or, on ne sait plus quand, mais il advint qu’un jour, au moment même où le mot « paix » était prononcé, une personne de l’auditoire ne put retenir la flatulence qui encombrait ses intestins et l’expulsa de manière fort bruyante. Le rapprochement entre les deux homophones fut vite fait par l’esprit de finesse qui nous caractérise depuis toujours et un rire nerveux parcourut toute l’assemblée, ravie qu’un tel impondérable ait mis un peu de piment dans ce qui était devenu pour beaucoup un rite assez ennuyeux. L’année suivante, plusieurs participants voulurent réitérer l’événement et, année après année, c’était à qui ferait le plus bel éclat. Comme il y eut des contestations, on décida de formaliser les choses en organisant le Grand Concours de Pets. Ces dernières années, Boniface remporte systématiquement toutes les catégories, que ce soit celles du plus bruyant, du plus long ou du plus odoriférant. Il conserve le secret de sa préparation et personne ne sait au juste ce qu’il mange le jour précédent le concours tant il prend soin d’acheter toutes sortes d’aliments divers de longues semaines à l’avance et qu’on ne sait finalement pas lesquels font partie des ingrédients de son cocktail détonnant. La difficulté de l’entreprise est aussi due au fait que la règle est stricte : ne doit sortir que du gaz pendant l’expulsion. C’est sous cette condition de bienséance que le spectacle est appréciée et toute personne y dérogeant encourt la juste colère d’une assistance outrée.

Dimanche donc, Boniface remettait une nouvelle fois son titre en jeu. Bien que favori, il ne s’est jamais reposé sur ses lauriers car il faut reconnaître que la concurrence est rude. Il s’entraîne donc souvent, y compris et surtout dans les toilettes de chez Gaston, ce dernier disposant d’un stock de pouillacola qu’il laisse Boniface l’ajouter immédiatement après l’acte afin de désinfecter l’endroit et surtout de supprimer l’odeur qui pourrait donner un indice sur son alimentation. Cette fois-ci Boniface avait tellement bien affiné sa formule que la bourrasque qui lui est sorti des entrailles est parvenue à rompre la ceinture qu’il n’avait sans doute pas assez fermement attachée. Heureusement, tout le monde sait de quoi Boniface est capable donc personne n'était sur la trajectoire du flux. Seules les mouches présentes dans le cône de danger ont profité d'une mort bienheureuse qu'elles n'auraient jamais pu espérer. L'assistance n'a donc pu voir qu'à distance très respectable ce que Boniface aurait à offrir à celle qui oserait partager sa couche. Mais de l'avis des candidates potentielles présentes, il semblerait que le risque d'une fuite de gaz ne vaille pas la chandelle.

01-07-2014 : Le 4e pouvoir de dire si

Le fils de M. le Comte est de retour ! Enfin, une personne se déclarant comme telle est arrivée jeudi au château et on ne l'a pas vu ressortir depuis. Il est dommage que Mme Grinelle, toujours à sa fenêtre pour vérifier si tout va bien, soit encore sous le coup de l'émotion due à l'événement que nous relations la semaine dernière. Elle a effectivement vu passer un individu de sexe masculin mais elle ne saurait décrire sa figure, ni même quoi que ce soit situé au dessus de sa ceinture. Il semble qu'elle ait un mal de cou qui l'oblige à garder la tête penchée en avant car elle ne me regardait pas non plus dans les yeux la dernière fois que je suis passé devant chez elle.

C'est quand même embêtant quand des personnes se cachent comme ça. Ca donne l'impression qu'elles ne sont pas très honnêtes. Alors après, les gens fantasment, une rumeur naît, et finalement, ce qui se dit sur la personne qui dissimule est pire que ce qu'elle voulait garder secret. Il faut reconnaître que nous avons quelques rares moncertois qui ont la langue bien pendue et l'imagination fertile. Déjà qu'il s'est dit que le Comte était mort, inverti, que son fils n'était pas de lui, alors si on nous empêche de faire notre travail de journaliste en nous interdisant l'entrée du château et en laissant les rideaux aux fenêtres, nous n'allons rien pouvoir faire pour enrayer les horreurs qui vont être dites. Tel que je vois les choses arriver, Auguste Choubillac va affirmer que c'est un imposteur dépêché par Sa Sainteté Pie XIII pour prendre la succession du comte. Mais vous savez tous que son opinion est fortement influencée par sa convoitise pour cette place. Bien entendu, être comte ou empereur ou calife lui permettrait de ne plus payer la dîme et d'augmenter encore sa fortune mais je suis bien payé par lui pour savoir que ce qui le motive est de rendre service aux habitants. Donc, s'il s'avère que le soi-disant héritier est un imposteur de sale étranger, il y a tout à parier que les moncertois furieux aillent en masse au château jeter des pierres sur les vitres, entrer par la force par les ouvertures ainsi créées, s'emparer de l'imposteur et l'amener faire plusieurs tours sur lui-même à l'ombre de l'Arbre aux Sept Pendus. Non, franchement, je crois que les gens du Château ont tout intérêt à jouer la transparence en invitant la presse locale à dissiper tout malentendu en répondant à leurs questions légitimes.

Etant donné le prestige de notre hôte, je suis prêt à me déplacer moi-même. Concernant les rafraîchissements qui seront servis, je fais confiance au bon goût de notre noblesse. Mais personnellement, j'ai un faible pour le cocaille-aïe-aïe. Comme je ne suis pas sûr que vous connaissiez ce cocktail, je vais vous l'expliquer, comme ça les autres lecteurs pourront m'en préparer aussi pour les fois où j'irai chez eux. Alors, c'est un peu comme le rhum-cocaille mais sans le rhum mais avec de l'ail et de l'ail, d'où son nom. En fait, comme ça pique un peu, on a changé l'orthographe originelle pour que ça reflète bien l'effet que ça procure. Vous pouvez en servir aux enfants lors du goûter s'ils ont fait des bêtises. Ils ne recommenceront plus. Pour les petits fours, c'est vous qui voyez, étonnez-moi. N'ayez pas peur d'en mettre une grosse quantité, j'apporterai un sac à dos.

Chers lecteurs, je vous annonce donc que la semaine prochaine, la Gazette contiendra une interview exclusive du futur successeur du Comte.

08-07-2014 : Le château de son père

Comme convenu, nous sommes allés au château interviewer le Comte et son fils. Ce fut un entretien très intéressant qui nous a permis de dissiper les rumeurs infondées qui couraient à leur sujet.

Tout d'abord, je puis personnellement vous assurer que le cadavre du Comte se porte très bien. Certes sa prestance a été bien amoindrie par son obligation de rester en permanence dans un fauteuil et son impossibilité de remuer autre chose que ses lèvres, desquelles sortent un peu de bave à chaque fois qu'il lui prend l'idée saugrenue de vouloir dire quelque chose. Mais le changement physique le plus impressionnant est celui de son fils que son long voyage en des terres inconnues de nous a complètement changé. Jugez-en plutôt : il a rapetissé, son teint est devenu jaunâtre, ses yeux se sont rétrécis, il lui manque un petit doigt et il parle bizarrement. Ça ne m'avait pas beaucoup surpris sur le coup car on m'avait servi un bon pichet de cocaille-aïe-aïe dans le salon pour me faire patienter pendant que mes hôtes se préparaient. Quoi qu'il en soit, voici ce que nous nous sommes dit :

La Gazette : M. Le Comte, êtes-vous mort, comme certains le prétendent ?
Le Comte : Grgl.
La Gazette : Je n'ai pas bien compris.
Le Comte : Gni gna gna.
Le fils : Honolable visiteul, mon pèle vous assule qu'il va bien.
La Gazette : Ah, tant mieux. Avec tout le respect que je dois à son rang, puis-je me permettre de lui poser la question qui brûle les lèvres de tous nos lecteurs concernant la possibilité de son éventuelle propension à avoir des préférences au niveau de son orientation ?
Le fils : Plaît-il ?
La Gazette : Ca me gêne vraiment de le demander mais avait-il des attirances du côté opposé aux traditions avec des personnes dont le genre ne lui correspondent normalement pas ?
Le fils : J'ai quelques difficultés à vous complendle.
La Gazette : En terme de rencontres, y a-t-il eu un processus ayant permis l'obtention d'une génération ?
Le fils : Que voulez-vous dile pal là ?
La Gazette : Je veux dire, a-t-il eu des relations avec la Comtesse pendant qu'elle n'était pas là mais que son majordome était présent ?
Le fils : J'ai peul ne de ne pouvoir vous suivle.
La Gazette : Peut-il d'une quelconque manière être comparé à M. Frémont dans son comportement ?
Le fils : Je ne peux vous le dile. Qui était donc ce Monsieur ?
La Gazette : Un sacré gros pédé !
Le fils : Souhaitez-vous lepaltil du château pal la polte ou pal la fenêtle ?
La Gazette : Vu que nous sommes au deuxième étage, la réponse est facile. Mais de toutes façons, j'aime bien passer par les voies traditionnelles, moi, si vous voyez ce que je veux dire.
Le fils : Je clois que je complends bien maintenant. Banzaïïïïïï.


Notre entrevue a été écourtée prématurément. J'avais pourtant plein d'autres questions à lui poser, notamment sur les liens entre sa famille et les extra-terrestres. Sinon, moi ça va. J'ai décliné le traitement que me conseillait Gaston et j'ai préféré aller me faire hospitaliser à Pécoisse. Les docteurs m'ont dit qu'il n'y paraîtrait plus dans six mois.

15-07-2014 : Le messager

Encore un scoop ! Vous vous souvenez que la semaine dernière l’interview que nous avait accordé M. le Comte et son fils s’était terminée un peu abruptement, surtout concernant différentes parties de mon anatomie. Or, le fils de M. le Comte nous a à nouveau contacté car il avait des révélations importantes à nous faire. Au départ, nous avons un peu hésité à répondre à sa demande de revenir le voir au château car nous estimions qu’une éventuelle incompréhension réciproque pouvaient conduire à des débordements que les uns comme les autres pourraient regretter. Mais, conscient de notre devoir d’éclairer nos lecteurs quel qu’en soit le prix (immense pour nous, faible pour vous, surtout si vous vous abonnez), j’ai décidé de minimiser les risques corporels en envoyant un stagiaire. Rassurez-vous, afin de garantir la fiabilité de l’information, j’ai moi-même rédigé les questions à poser. Voici la retranscription du texte que j’ai demandé à mon émissaire de lire scrupuleusement :

  • « Alors, il est pédé ou pas le Comte ?
  • Votre famille est-elle issue d’une hybridation avec des extra-terrestres ?
  • Est-il possible d’avoir un doggy bag pour les petits fours et peut-on transvaser la cocaille-aïe-aïe dans le jerrycan que nous avons apporté ? »
Mais non, ce n'est pas du vomi, c'est ce qui reste de la personne après ingestion trop rapide de la cocaille-aïe-aïe.

Clairement, quelque chose s’est mal passé car nous n’avons plus jamais entendu parler de notre émissaire. Que voulez-vous, on ne peut plus faire confiance aux jeunes d’aujourd’hui. A-t-il prononcé un mot de travers ou posé une question non prévue qui aurait irrité au Château ? Plus probablement, il n’a pas pu s’empêcher de goûter au cocktail dont j’ai l’habitude de faire une immense publicité autour de moi tout en interdisant à mes collaborateurs d’en consommer pour des raisons évidentes de lucidité professionnelle à conserver en toute circonstance. Oui, je le vois bien en avoir profité sans modération sur le chemin du retour à travers les bois et sans doute est-il en train de cuver dans un fossé depuis tout ce temps. De toutes façons, même s’il est réveillé, je ne vois pas comment il aurait pu rentrer tout seul car l’équivalent de trois doses de cocaille-aïe-aïe entraîne une cécité assez prononcée et une claudication permanente chez qui n’a pas l’habitude d’en boire (il faut procéder par petites doses sur de longues périodes afin d’habituer son corps au choc). Sans parler de l’haleine fétide. Ça me fait penser à une histoire. Je fais une parenthèse pour vous la raconter car elle est trop bonne.



Jadis, quand un étranger se permettait de fouler de ses pieds boueux notre belle terre, nous retenions notre respiration et simulions un accueil chaleureux en l’invitant à trinquer avec nous. Nous remplissions les verres de cocaille-aïe-aïe (car le pouillacola n’avait pas encore été inventé mais de toutes façons il nous aurait fallu simuler une ingestion de notre côté car même nous n’y sommes pas encore habitués) et invitions nos hôtes à le boire cul-sec en même temps que nous. A chaque fois, c’était un spectacle différent. C’est d’ailleurs étonnant quand on y pense, dans la mesure où les étrangers se ressemblent tous. Cette fois-ci c’était un couple et la femme avait voulu décliner notre invitation car elle ne buvait jamais. Voulant être polie, elle avait quand même pris le verre en comptant juste y tremper ses lèvres pour respecter le protocole. Normalement, pour une étrangère, c’est déjà suffisant pour la mettre dans un état rigolo (pour nous). Or, sans doute avait-elle un odorat trop délicat mais elle dut être saisie par l’odeur et ne parvint pas à rapprocher le verre de son visage, tandis que son mari avalait d’un trait notre spécialité locale. Quand celui-ci tomba à la renverse et fut pris de convulsions, elle se précipita sur lui pour voir ce qui lui arrivait. Or, comme elle approchait son visage du sien, celui-ci émit un rot sonore et puissant en pleine face, ce qui suffit à la faire s’évanouir. Nous tairons la suite de cette histoire car nous souhaitons préserver la partie la plus jeune de notre lectorat de certains aspects un peu trop explicites de cette aventure cocasse.

Mais revenons-en à notre sujet, les révélations que le fils du Comte avait à nous faire. Après l’épisode douloureux de la perte des victuailles et du breuvage, nous avons reçu un message du Château nous expliquant que c’était une déclaration que le Comte voulait nous faire par l’intermédiaire de son fils et non pas répondre à nos questions. Et qu’ils avaient voulu nous faire venir pour que nous nous entendions ensemble de vive voix sur la garantie que cette déclaration serait transcrite mot pour mot dans la Gazette sans qu’il y soit apporté de modification. Je ne vois pas pourquoi on nous soupçonnait de déformer des propos. Nos lecteurs savent notre sérieux sinon ils ne seraient pas si nombreux à se délecter de nos histoires toujours croustillantes. Bref, pour l’instant, nous en sommes au point mort. Nous ne sommes toujours pas allé au Château et le Comte refuse pour l’instant de simplement nous envoyer son texte pour que nous le reproduisions avec la fidélité qui nous caractérise. Donc, le scoop de cette semaine est que nous allons avoir bientôt un scoop. Si tout se passe comme prévu. Sinon, on aura des rumeurs, ce qui est bien aussi.

22-07-2014 : La lettre écarlate

Le scoop tant attendu est là ! Nous avons un nouveau Comte ! Après diverses tractations, nous avons accepté de reproduire une copie carbone de la lettre qu'on nous a envoyé du Château. La voici :

LettreComte.jpg

Nous nous demandons bien pourquoi les gens du Château nous ont fait toutes ces coquetteries. Le mystère des changements physiques survenu au fils du Comte est donc résolu. Ils sont la conséquence du choc produit par le reniement de son fils par le Comte, maintenant réparé par une adoption, idée géniale qui permet au Comte de ne pas revenir formellement sur sa décision, un chef ne pouvant jamais avoir tort. Les fins analystes politiques que nous sommes sont doublés de scientifiques rigoureux puisque nous sommes en mesure de garantir l'authenticité de la lettre. En effet, d'une part l'écriture du début est bien celle du Comte, d'autre part la signature est bien la sienne car, bien que fort différente de l'habituelle, il s'agit de l'initiale du 3e prénom du Comte : Xavier. Les adeptes de la théorie du complot, toujours prêts à imaginer des intrigues rocambolesques à la moindre occasion, en seront pour leur frais.

29-07-2014 : Opération ninja II : le retour

Que de choses se sont passées en une semaine ! Quand sa Sainteté Pie XIII a compris que le nouveau Comte n'était pas exactement catholique, il a émis de fortes réserves sur la possibilité que l’Église reconnaisse son pouvoir temporel. Le Comte Chang a déclaré qu'il n'en avait "lien à foutle et que Pipelette tu vas maintenant te conveltil au bouddhisme". Auguste Choubillac, dont nous rappelons qu'il se préparait à occuper le nouveau poste d'Empereur de Moncert, se demandait s'il fallait se scandaliser ou rire de ce que se permettait "ce minuscule avorton aux petits yeux sournois". Pour en avoir le cœur net, il est parti au Château expliquer à l’Étranger ce qu'il pensait de ces "agitations risibles". Le Comte l'attendait de pied ferme sur le pas de la porte. Une petite foule prévenue de l'arrivée de Choubillac était présente, visiblement très intéressée par le spectacle qui allait se dérouler. J'étais sur les lieux aussi pour voir ça. Non pas par pur voyeurisme vulgaire mais pour rendre compte fidèlement de l'événement aux lecteurs qui ne pouvaient pas se déplacer. Je remercie en passant mon porteur stagiaire de m'avoir gardé sur ses épaules tout ce temps (vous vous souvenez certainement de mon accident lors de ma dernière entrevue avec celui qui n'était encore à ce moment-là que le futur héritier du titre). Ça m'intriguait aussi de savoir comment Choubillac allait s'en sortir face à notre Comte bien-aimé, vu ce qui m'était arrivé alors que je suis quand même 5e dan de saut à pieds joints sur vers de terre.

Choubillac s'est donc avancé d'un pas décidé mais serein vers un adversaire qu'il n'estimait visiblement pas redoutable. Encouragé par une foule acquise à sa cause, lorsqu'il arriva à portée de voix, il lança un "Bouh le vilain garnement qui vient embêter les gens d'ici ! Allez petit, retourne dans ton bled maintenant". J'ai très bien vu que la tirade n'était pas appréciée par son destinataire et j'ai entendu le "BanzaÏÏÏÏÏÏÏÏ" caractéristique qui avait servi de prélude à tous mes déboires récents. A part que le résultat a fortement différé car le Comte avait beau s'agiter et faire des mouvements très compliqués qui finissaient quand même par un contact physique sur diverses parties du corps de Choubillac, ce dernier semblait ne pas en éprouver la moindre gêne. Il faut dire que ses dimensions corporelles sont sans commune mesure avec les miennes et que sa consommation importante de cocaille a très certainement des vertus insensibilisantes. Toujours est-il que le Comte finit par se fatiguer et même se faire mal. Il décida donc de rentrer promptement dans son château en prenant de bien soin de verrouiller derrière lui. L'assistance était hilare et acclamait Choubillac. On commençait à jeter des cailloux dans les vitres de la demeure du soi-disant imposteur, lorsqu'un engin volant apparut dans le ciel, le même qu'on avait vu arracher la chaise du Totem lors de cette fameuse nuit qui nous a tant marqué. Arrivé au dessus de la foule, pas moins de dix ninjas sont descendus en rappel le long de filins. Ils ont alors entouré Choubillac, qui a réussi à s'échapper en fonçant dans le tas.

À l'heure actuelle, il a pris le maquis et croit sans doute qu'il pourra y comploter quelque activité terroriste. Il est activement recherché par le Comte afin d'en faire un exemple pour tous ceux qui seraient enclins à contester son autorité. Pie XIII s'est complètement tondu les cheveux et semble très intéressé par "cette nouvelle religion d'amour et de paix". Gageons que tout est en train de rentrer dans l'ordre. Nous souhaitons au Comte un règne long et heureux.

05-08-2014 : Duel au soleil levant

Depuis l'intronisation du Comte Chang, le soleil brille tous les jours, la foule en liesse célèbre en permanence sa Somptueuse et Mirifique Magnificence, le lait et le miel coulent dans le lit de la Pouillac, la production de la cocaille a augmenté de 359% en 8 jours, les papillons multicolores volettent en guirlandes aériennes pour célébrer leur joie de respirer l'air pur et vivifiant d'un havre de Paix et de Prospérité Retrouvées. Il ne peut pas y avoir d'événements dans notre Paradis. Les jours heureux vont se suivre et se ressembler jusqu'à la fin des Temps. La Gazette n'a donc plus lieu d'être, je vais retourner aux champs.

Alors que la Gazette semble devoir s'arrêter définitivement, un journal clandestin vient de paraître, l'Insoumis moncertois. Nous nous en sommes procurés un exemplaire au péril de notre vie et nous retranscrivons le contenu de sa Une.

« A TOUS LES MONCERTOIS

Moncert a perdu une bagarre ! Mais Moncert n'a pas perdu la face !

Allons-nous nous laisser diriger par le fourbe imposteur aux yeux bridés venu s'accaparer une cocaille qui ne lui appartient pas ? Allons-nous livrer le fruit d'un labeur séculier à un sale voleur d'étranger ?

Non ! Fier Moncertois, rejoins le maquis avec nous, en prenant bien soin de ne pas marcher sur mes plants de cocaille lorsque tu traverseras mes champs que je récupérerai dès qu'on aura fini notre formation accélérée en technique ninja du Temple Shaolin des Neufs Poignards Etincelants de la Montagne Céleste !

Chang, tu as cru pouvoir nous diviser en deux camps irréductibles grâce à tes manœuvres relatives au Totem. Mais j'avais tout compris dès le début et si j'ai fait semblant de m'opposer à Chandru c'est uniquement pour t'inciter à avancer tes pions et te faire tomber dans le piège machiavélique que je t'avais tendu. Piège qui va bientôt se refermer sur toi sauf si tu t'en vas tout de suite et alors je te promets de te laisser la vie sauve surtout si tu es bien caché. Nettoie bien le château avant de partir et remplace la vaisselle cassée le cas échéant (il y a un magasin de porcelaine à Pécoisse). Et ne laisse pas couler les robinets. Ferme bien la porte et laisse la clé sous le paillasson.

Tous avec moi ! Vive Moncert ! Vive moi ! »

12-08-2014 : Le procès

En annonçant la semaine dernière que la Gazette allait cesser de paraître et que j'allais retourner aux champs, j'ai parlé un peu vite. D'abord, un peu grisé par ce renouveau que constitue la dynastie inaugurée par l'Empereur Chang, j'en avais oublié que j'ai toujours quelques difficultés à utiliser mes bras pour faire rouler mon fauteuil roulant. Certes, on aurait pu me tracter avec mon appareillage pour tracer de jolis sillons dans les champs mais le temps du labourage n'est pas encore arrivé. C'est alors qu'est paru ce torchon que certains d'entre vous ont lu et dont tout le monde a entendu parler. Je reprends donc momentanément du service le temps que cette affaire soit rapidement réglée. En tant qu'organe officiel de Sa Grande Magnificence, il m'est permis de vous informer de ce qui suit.

À l'évidence, Choubillac est devenu fou. Mais il ne lui sera d'aucune utilité de plaider la démence pour excuser les crimes odieux qu'il a commis. Il sera capturé mort ou vif, jugé équitablement par Chang le Sage et Juste, puis condamné aux peines suivantes :

  • la peine de mort pour crime de lèse-comte.
  • plus la prison à vie pour tentative de coup d'état.
  • plus vingt ans de bagne dont dix avec sursis pour avoir piétiné un champ de cocaille pendant sa fuite.
  • plus une amende d'un million de pistoles, à payer au préalable de l'application de toutes les autres peines, pour pensée négative à l'égard du pouvoir.
  • plus un Mars, car sa Haute Sommité aime bien les Mars. Hmm ce caramel. Hmm cette mousse au chocolat. D'ailleurs, à partir de maintenant, tous les vendredis, chaque moncertois mangera un mars à la place du poisson, que vous ne savez d'ailleurs pas cuisiner. Réchauffer du poisson avant de le manger, on aura tout vu.

La réponse de l'Insoumis moncertois ne s'est pas fait attendre.

« À TOUS LES MONCERTOIS QUI ONT DES COUILLES (OU A LEURS FEMMES QUI PORTENT LA CULOTTE)

Oui, c'est Auguste Choubillac et son armée de résistants à l'oppression, toujours plus nombreux chaque jour, qui vous font un petit coucou et vous invite à rejoindre nos rangs ! Je suis maréchal, Léon est général, donc le prochain qui arrive sera nommé colonel. Dépêchez-vous de venir grossir nos troupes sinon vous risquez de finir caporal.

Alors, Chang, il paraît que tu me cherches pour me faire des misères ? Au lieu de te terrer dans les caves du château, pourquoi ne viendrais-tu pas me chercher dans les collines ? Viens, je te ferais bouffer tes couilles et ton vermicelle en rouleau de printemps. À moins qu'il n'y en ait assez que pour un sushi : on raconte que ton petit doigt manquant a été utilisé pour ton opération de changement de sexe, qui n'a abusé personne.

Je termine cette édition avec un message personnel.

Les moncertois parlent aux moncertois. La cocaille a la coque qui caille. Je répète. La cocaille a la coque qui caille.

Vive Moncert libre ! Vive moi ! »

19-08-2014 : Par où t'es rentré on t'a pas vu sortir ?

La situation se complexifie de jour en jour. Quand le Comte Chang est tombé sur le dernier numéro de l'Insoumis moncertois, il est devenu tout orange, a poussé le "BANZAÏÏÏÏ" qu'on lui connaît puis s'est élancé vers les bois, soit pour montrer qu'il avait la plus grosse, soit pour faire taire celui qui avait révélé le pot-au-bonzaï. Je suis bien incapable de savoir laquelle des deux possibilités est la bonne car la seule intimité brève mais intense que j'ai eu avec le Comte lui a fait prendre son pied pour le lancer contre mes parties qui ne sont jamais revenues. Il a couru tellement vite qu'il a semé sa garde rapprochée de ninjas qui n'ont pu qu'essayer de le pister en faisant des bonds dans tous les sens, car il semblerait que dans la philosophie ninja la ligne droite est esthétiquement et moralement proscrite. De plus, ça permet d'éviter les projectiles en tout genre, même les missiles et les crottes de nez. Bref, je ne suis pas un grand spécialiste de la question mais j'ai lu un article à ce sujet dans un bdo gadget donc ça doit être vrai.

Depuis ce jour, on n'a plus revu le Comte. Mais Auguste Choubillac est revenu. Le voyant arriver, je m'apprêtais à célébrer le retour du Grand Héraut de Moncert Libre victorieux de la barbarie sushie quand il a filé directement au Château pour s'y barricader. Je l'ai interviewé à travers une meurtrière :

La Gazette : Auguste Choubillac ? C'est bien vous ?
Auguste Choubillac : Eh ouais ! Ha ha !
La Gazette : Et le niak ?
Auguste Choubillac : Je l'ai pas vu ! Normalement, avec tous les pièges que j'ai mis, il doit en rester à peine assez pour en faire une soupe miso. Mais je préfère assurer mes arrières : l'asiate est fourbe.
La Gazette : Mais vous allez rester au Château combien de temps ?
Auguste Choubillac : Le temps qu'il vienne ou qu'on retrouve ses morceaux. S'il revient avec ses macaques, l'endroit le plus sûr de la région est le château, que je vais aussi piéger donc normalement c'est bon aussi.
La Gazette : Longue vie à l'Empereur !
Auguste Choubillac : Mouais… On m'a dit que ton comportement vis-à-vis de mon Auguste personne avait laissé à désirer pendant mon absence.
La Gazette : Pas du tout. J'étais un agent triple tout dévoué dans l'ombre chinoise à votre cause. Toujours.
Auguste Choubillac : Hum, admettons. Mais ne t'avise pas de quadrupler.
La Gazette : Je vous promets que mes futurs multiples seront toujours impairs.


Vivement pour tout le monde, y compris pour moi, que le meilleur gagne. Même si me concernant, je trouve toujours que c'est le meilleur qui a gagné.

26-08-2014 : La main qui tue

On n'a toujours pas retrouvé le Comte Chang. Les recherches sont très délicates car les traces qu'il a laissées ont été effacées par le passage de sa garde rapprochée. C'est bien dommage car il était parti en ligne droite à travers champs de cocaille donc il aurait pu être vraiment facile à suivre. Mais ces ninjas qui sautent partout comme des boules de flipper ont complètement dévasté les environs dans toutes les directions. On en a déjà retrouvé environ quatre, morts dans des positions bizarres, tombés dans des pièges posés par l'Empereur. Mais comme on ne sait pas combien ils étaient au début tant ils bougent vite, on ne saura jamais s'il en reste encore.

C'est vrai que c'est difficile à compter les ninjas. Déjà, un tout seul, il te frappe à trois endroits à la fois comme s'il était nombreux et tu ne l'as même pas vu. Et puis un ninja, c'est quand même assez résistant. C'est pas en lui coupant les bras ou les jambes que tu vas l'arrêter. Juste ça le fait éternuer. Il paraît même que si tu lui coupes la tête, il a encore le temps de te couper la tienne pour se venger, puis celle de toute ta famille, ensuite il fait une pause pipi, puis hara-kiri à cause de la honte de s'être fait couper la tête. J'ai lu ça dans un manga dont j'ai oublié le nom. En tout cas, on comprend mieux maintenant pourquoi lors du choc entre le voleur de chaise du Totem et l’Église, c'est cette dernière qui a été détruite.

De son côté, l'Empereur, toujours barricadé dans son château, dirige les opérations pour retrouver les restes de Chang, en espérant que ces restes soient en plus d'un morceau et pas vivants. Il a demandé à ses généraux de se charger de faire le tour de ses pièges. Ils ont transmis les ordres aux colonels qui eux-mêmes ont donnés des ordres aux commandants, etc. Comme ils ne sont pas assez nombreux par rapport aux grades, il n'y a qu'un seul deuxième classe, Dédé le fêlé, l'idiot du village, et c'est donc lui qui a été chargé du boulot. Quand il a été envoyé en mission, tout le village s'est réuni pour lui dire adieu, c'était très émouvant. N'empêche qu'il est revenu avec quatre têtes, neuf bras, sept jambes, trois troncs, une machine à coudre toute rouillée et un bouquet de fleurs pour sa maman. Mais rien pour l'instant qui semble avoir fait partie de Chang.

On a mis les morceaux de ninjas en quarantaine dans une grande cuve qu'on a scellée soigneusement, des fois qu'un membre se réveille et fasse des dégâts.

02-09-2014 : Il faut être sauvé par le soldat Dédé

Le Japonais est fourbe, comme le dit le bon sens populaire. C'est une nouvelle preuve que le peuple a toujours raison (quand il est d'accord avec son chef) que nous ont apporté les derniers événements de la semaine.

Dédé le fêlé a continué de nous ramener pleins de brisures de bridure. Pour une fois qu'il servait à quelque chose, il était tout content et ne ménageait pas sa peine. A chaque fois qu'il trouvait un morceau, il le déposait au milieu de la place du village et repartait aussitôt à la recherche du suivant. Mandatée par notre Auguste Empereur, une équipe était chargée d'essayer de résoudre le puzzle afin de savoir si Chang n'était pas là. Au début, il s'y sont un peu mal pris car le corps reconstitué contenait toutes les têtes, tous les bras et toutes les jambes. M. Vindemille voyant cette abomination faillit s'évanouir : il crut que nous avions tué Vishnou, un Dieu hindou (c'est-à-dire, un Dieu provenant de l'Hinde, un pays imaginaire qui serait situé encore plus loin que Pécoisse et près de la Japoniakerie, c'est M. Vindemille qui me l'a dit). Or, d'après lui, "c'est un Dieu hyper-puissant qui a pas mal d'amis Dieux haut placés et qui peut se réincarner en poisson, en tortue ou en nain, ou même d'autres trucs mais je ne sais plus lesquels mais c'est ceux-là qui sont dangereux, enfin je crois".

L'Empereur a vite changé l'équipe et ceux-ci ont pris le parti de considérer qu'on n'attribuerait qu'une tête, deux bras et deux jambes maximum à chaque corps. A partir de cette hypothèse, ils sont parvenus à reconstruire les sept nains sans les barbes et quelques membres en moins. Sauf que les sept nains de l'Histoire sont tous différents alors que les nôtres sont tous identiques, en tant qu'étrangers. C'est alors qu'on s'est rendu compte que l'auriculaire manquait à une des mains que venait de rapporter Dédé, comme celle de Chang. L'équipe s'est alors divisé en deux groupes : ceux qui doutaient car le petit doigt avait pu être sectionné par un piège et ceux qui étaient persuadés que c'était bon on avait trouvé car c'était l'heure de manger. Ils finirent par s'accorder sur le fait que l'incertitude serait levé si Dédé parvenait à "retrouver l'absence du petit doigt". C'est alors qu'on remarqua que Dédé mastiquait un os qui lui sortait de la bouche. En le questionnant là-dessus, il admit qu'il mangeait de temps en temps quelques morceaux car il ne prenait pas de pause déjeuner et qu'il oubliait parfois de mettre dans sa besace le manger du midi que sa maman lui préparait tous les matins. Quand il vit la main amputée, il rougit beaucoup.

L'Empereur remania encore son équipe en ne gardant personne et commença à se fâcher tout rouge. On sentait bien qu'il allait prendre une décision que tout le monde y compris lui allait regretter lorsque Dédé découvrit enfin la preuve qui manquait : un costume déchiré et ensanglanté qui ressemblait à celui que portait Chang. Voilà, c'était la preuve que Chang se promenait tout nu et donc qu'il était devenu complètement fou. Fou, fourbe, c'est presque le même mot donc c'est bien ce que je disais au début de l'article.

09-09-2014 : Un cadavre au dessert

Chang le fourbe imposteur a eu ce qu'il méritait. Le Pape Pie XIII a mis une perruque le temps que ses cheveux repoussent et s'est finalement entendu avec notre Très Auguste Empereur pour la répartition des pouvoirs spirituel et temporel. Mais laissez-moi vous narrer comment cette fin heureuse a pu avoir lieu.

Jeudi dernier, Mme Grinelle, tranquillement assise à sa fenêtre pour tenter de vérifier que l'anatomie des hommes qui passaient alentour était bien conforme à ce qu'elle avait découvert récemment, vit arriver vers elle ce qu'il lui apparut au premier abord être une femme totalement dénudée ayant attrapé la jaunisse. Cet être n'ayant pas la caractéristique qui méritait qu'elle s'intéressât à lui, son attention allait se détourner ailleurs lorsqu'elle eut une intuition et ajusta mieux ses lorgnons. Effectivement, il semblait que quelque chose pendait entre les jambes de cette apparition, bien que sa taille très modeste lui fit douter de ce que cela pouvait être, en tout cas rien d'aussi émouvant que ce que Boniface lui avait si maléfiquement exhibé. Cependant, les souvenirs refluant, le choc la terrassa à nouveau et elle s'évanouit. Boniface, qui se promenait par là comme tous les jours depuis l'incident qui avait failli coûter la santé mentale de Mme Grinelle, bien qu'il affirme ne jamais regarder si celle-ci fait attention à lui quand il passe à proximité, jeta un œil par hasard à l'endroit où elle aurait dû se tenir et fut surpris de ne point l'y trouver. Il en déduisit qu'il devait lui être arrivé malheur. Il se dirigea donc vers la fenêtre toujours ouverte et finit par l'apercevoir étendue sur le sol. Il réussit à la réveiller plusieurs fois mais elle s'évanouit à nouveau à chaque fois en voyant son visage penchée sur elle. Il décida donc d'aller quérir une personne plus neutre, Mme Cuque sa voisine, qui accourut sur les lieux du drame et parvint à la réveiller suffisamment longtemps pour obtenir son témoignage. Boniface se précipita alors au Château mais ne put que constater que tout était déjà fini. A partir de là, ce sont d'autres témoins qui nous ont renseignés sur le déroulement des événements.

Quand Chang entra dans le Château après avoir fracassé la lourde porte, la hache projetée par le mécanisme du piège qu'avait installé si astucieusement notre bien-aimé Auguste 1er était plantée dans son épaule mais ne l'incommodait manifestement pas, tant la fureur de sa vengeance décuplait ses forces. Il gravit les escaliers comme un dragon au galop et surgit dans le grand salon d'où il dût entendre des rires fuser. Quelle ne fut pas sa stupeur de se trouver nez à nombril avec pas moins de six Choubillac en train de faire leur habituelle partie de pokaille. Déjà qu'il n'est pas toujours facile pour nous de distinguer un Choubillac d'un autre Choubillac, imaginez la perplexité d'un Chang se demandant lequel parmi ces six manifestations de son pire cauchemar était celle qu'il fallait abattre. Son hésitation fut dissipée par son Altesse lorsque celui-ci tonna de la voix qu'on lui connaît : « Alors mon petit Kiki, tu es venu nous montrer ton nouveau spectacle ? ». Mais il n'eut que le temps de pousser l'apocope « banz » de son célèbre cri de guerre car l'Empereur avait déjà appuyé sur un petit bouton dissimulé sous la table de jeu.

Les détails du trépas du fourbe imposteur ne nous ont pas été communiqués. Tout au plus sait-on que la serpillière et le seau ont suffit pour nous débarrasser de ce qu'il en restait.

16-09-2014 : Le mystère de la pyramide

Comme on dit chez nous : « Quand y en a plus, y en a plus. Sauf s'il en reste encore. Mais normalement, y en a plus. Enfin, faut voir ». Oui, ce dicton n'est pas notre meilleur. Il est un peu long par rapport à son intérêt. Néanmoins, il a le mérite de bien illustrer le récit qui va suivre, même si je ne me souviens plus pourquoi. Pourtant, il y a une minute, quand j'ai commencé à rédiger cette introduction, je le trouvais très approprié…

Ah oui, je me rappelle maintenant. Avec la disparition de Chang, nous croyions retrouver enfin un peu de paix et de sérénité au village. Toutes ces dernières semaines ont été bien remplies en rebondissements en tout genre et pas que de la part des ninjas. Même si la Gazette en a beaucoup bénéficié en terme d'accroissement de son lectorat, nous autres grands reporters avons beaucoup souffert de ne pouvoir laisser libre cours à notre imagination créatrice. Tout ce qui arrivait était tellement extraordinaire que le simple compte rendu des événements suffisait. Bref, nous nous apprêtions à reprendre une vie normale quand Dédé est revenu avec un artefact métallique des plus étranges.

Il faut dire que Dédé, depuis qu'il sert à quelque chose, a chopé un melon comme ça et se croit investi de la mission de protéger la population des éventuels risques qu'elle encourt encore. Comme s'il était devenu le shérif alors que c'est le moins gradé de l'armée, qui n'a d'ailleurs plus de raison d'être depuis que Chang n'est plus un problème pour personne. Bref, Dédé s'est mis à farfouiller partout, remuant la terre par-ci par-là pour trouver d'éventuels morceaux de ninjas toujours vivants ou d'autres choses et ça commence à rendre nerveux certains qui craignent qu'il découvre des secrets qui devraient rester enfouis afin de préserver la paix dans notre communauté. Notre Auguste Empereur l'a bien démobilisé mais Dédé prétend maintenant qu'il se promène un peu partout uniquement pour se distraire en ramassant des jolis cailloux pour compléter sa collection. A mon avis, il devrait plutôt remonter dans son arbre pour chanter avec les oiseaux comme il le faisait auparavant, ça serait moins risqué pour lui. S'il lui arrivait quelque chose, on trouverait facilement un autre idiot pour notre village. La concurrence devrait même être rude, nous a dit une bien mauvaise langue dont nous nous faisons écho malgré nous dans ces colonnes uniquement par souci de bien informer notre lectorat.

Toujours est-il que Dédé est tombé sur un objet très mystérieux qui a tellement intrigué les habitants de Moncert qu'ils ont oublié pour l'instant l'inquiétude que leur donnait Dédé et ont reporté leur angoisse sur ce qu'implique l'existence de l'objet dont je vous ai parlé. C'est une pyramide métallique de 30 cm de haut sur laquelle on peut voir des séries d'inscriptions dans des langues inconnues semblant provenir du fond des âges voire d'ailleurs. Cela rappelle fortement ce qui était écrit sur le Totem qui a été malheureusement détruit - ou bienheureusement, l'avenir nous le dira peut-être.

Quelle est cette force inquiétante qui a permis l'érection du Totem ? Provient-elle de cette pyramide ou cette dernière n'est-elle elle-même qu'un produit de cette force ? Ces questions est bien d'autres auront peut-être leur réponse lors de l'automne qui arrive.

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