Urgences
Le terme Urgences qualifie le système hospitalier recevant les blessés nécessitant des soins dans les plus brefs délais. Absolument aucun rapport avec la célèbre série télévisée. Les médecins ne sont pas tous des beaux gosses en blouse, vivant des histoires amoureuses émouvantes et parfois tristes.
La médecine est un monde barbare, et le soin que l'on apporte aux malades nécessite souvent que des actions peu ragoûtantes soient appliquées. Croyez-vous qu'avec tout cela, les docteurs aient le temps de flirter avec les infirmières ou la possibilité de tergiverser à propos de l'homosexualité de leurs enfants ? Et bien pour appuyer cette réalité, nous vous présentons le Dr. McGyver, qui va vous raconter sa journée typique.
Même pas le temps de se réveiller
Arrivé au centre, je m'enfile un café et regarde l'horloge. Sept heures vingt. Je suis en avance de dix minutes. Je me permets d'observer les médecins de nuit qui rentrent chez eux. Je les envie. Bientôt, c'est moi qui irait vivre ce qu'ils ont vécu cette nuit. Une nouvelle journée à cavaler de bloc en bloc, de salles en salles, à opérer, rassurer, ordonner. Je me demande parfois pourquoi je fais ce travail.
Mais je n'ai pas le temps de réfléchir davantage. L'accueil reçoit un appel des ambulanciers, qui ont récupéré un patient particulièrement amoché. Un nouveau désastre, une nouvelle histoire à entendre. Une nouvelle expression de la faiblesse du corps humain. À l'interphone, j'entends la réceptionniste qui hurle.
"C'est une jeune fille ! Elle était en train de repasser une de ses robes, alors que le fil du fer s'enroulait dans le pied d'un de ses meubles ! Alors elle a tiré plus fort, la commode s'est écroulée, elle l'a évitée, et en essayant de la relever, elle a tiré trop fort sur une latte de bois qui est allée violemment heurter ses dents !"
Je vois la jeune fille arriver. Nez cassé, visage en sang, elle a réussi à garder ses morceaux de dents sous sa langue. Brave petite.
Nous courons tout en transportant le lit, et arrivons au bloc. Je prends en charge les opérations.
Alors que l'on essaye de lui appliquer le masque sur la bouche et le nez, elle hurle de douleur. Je m'efforce de la maintenir jusqu'à ce qu'elle soit endormie. Puis, je commence à lui réparer le nez.
KLANG ! KLANG ! Les coups de marteau résonnent dans tout le bloc. L'opération finie, il est huit heures dix. Je me permets de sortir, et de retourner aux urgences.
Neuf heures, un petit verre d'eau
Jean-Marc, un collègue. Je l'aime bien, mais il n'est pas assez actif et ingénieux à mon goût.
Pas un instant à perdre. Je cours aux côtés de l'infirmière, qui me raconte en chemin toute l'histoire.
J'arrive auprès du patient. Sa soutane est trempée, et il a le visage complètement ridé. Il va falloir extraire l'eau des poumons.
J'observe partout autour de moi. Puis, j'entends la voix de Mme. Dos Santos, notre dame d'entretien. Je fonce vers elle.
Je cours vers l'aspirateur et m'en saisis. Je hurle aux infirmières de maintenir la bouche de Père René complètement ouverte, et enfourne l'ustensile. Des bruits gutturaux s'échappent alors que l'engin aspire toute l'eau contenue dans le corps du brave homme. Vvvvvvvvvvvvvvv, résonne l'aspirateur.
Midi, pause-déj
C'est pas comme si les médecins ne faisaient jamais de gaffe. Pablo, mon interlocuteur, lui-même en a fait de belles. Une fois, il a reçu un enfant qui s'était coincé un Playmobil dans le nez. Ce dernier criait beaucoup, ce qui avait le don d'énerver mon confrère. Dans un accès de panique, Pablo a confondu son stéthoscope avec un défibrillateur, électrocutant l'enfant, qui a fait une crise cardiaque.
Vous n'imaginez pas la pression que nous subissons. Là encore, il me raconte sa dernière opération.
Cette fois-ci, ça se corse. C'est un pâtissier, qui, en se faisant braquer, a reçu une balle de revolver en plein estomac. Je mets mon masque et m'apprête à opérer. L'incision faite, je me rends compte d'un grave problème.
Alors que nous nous affairons, je vois une de mes assistantes voler au travers de la pièce. En farfouillant dans les prises, elle s'est pris un choc assez puissant pour faire décoller Demis Roussos (et accessoirement lui rôtir tous les poils). Je mets des gants et m'occupe moi-même d'enrouler les fils autour du tournevis.
Sans bruits, je fais passer le tournevis entre les viscères, à la recherche du projectile. Il commence lentement à remonter, puis touche enfin mon aimant de fortune. Ce à quoi je n'avais pas pensé, c'est que la balle allait devenir conductrice. D'un seul coup, le pâtissier s'est illuminé, et une odeur de porc à la broche a rempli la pièce.
Le petit chimiste
En sortant du bureau du directeur, je repense à mon erreur qui a coûté la vie d'un homme et d'une infirmière. Comment ai-je pu faire une erreur aussi stupide ? Comme la fois où, pour débarrasser un patient d'un champignon, j'ai fabriqué un lance-flammes de fortune avec une fraise de dentiste, un allume-cigare et du Destop (emprunté à madame Dos Santos). Le pauvre homme a pris feu instantanément.
Puis, tel Attila foulant le sol Européen pour la première fois, bouillonnant d'envie et de rage, débarque l'infirmière Jocelyne, transportant sur un brancard un patient qui se tient le ventre. J'accours vers elle.
Alors que Jocelyne se tourne pour regarder, je lui subtilise le chariot, mais pas assez rapidement pour qu'elle ne s'en rende pas compte. Elle se retourne, y accroche à nouveau ses mains, et se débat. Je n'ai plus le choix. Je lui décoche un énorme coup de poing en plein sur la pointe du nez, lui écrasant le cartilage dans les narines. Sa tête bascule violemment en arrière, et un torrent de sang sort de son orifice nasal. Elle s'étale alors par terre, tandis que je détale.
Arrivé au bloc trois, je découvre un autre docteur en train d'opérer au foie un vieil homme. Je lui hurle de sortir du bloc et de me laisser les infirmières. Il me répond violemment, m'insulte, me dit de sortir, me dit que je suis fou et que je mériterais de me faire virer. Je n'ai plus le choix. Je lui lance avec force et hargne mon poing sur les lèvres, et sens ces dernières se broyer contre sa dentition, alors qu'une dent se déchausse légèrement. Il reste allongé par terre, inconscient, la lèvre inférieure atteinte d'une ouverture comparable au Grand Canyon. Alors qu'il barbote dans sa flaque de sang, je prends le patient qui était sur la table dans mes bras et le pose dans le couloir, le temps de finir mon opération. Les infirmières sont toujours là.
Alors que les infirmières sont parties, je commence à insérer un tube dans l'orifice buccal du patient, et un autre dans l'orifice anal, pour qu'ils se rencontrent et réagissent précisément dans l'estomac. Je m'affaire avec ardeur, alors que je suis interrompu par le docteur Maison qui rentre brusquement dans la salle d'opération.
Je lui balance alors un direct digne de Rocky Balboa dans l'oeil droit, qui enfle alors immédiatement, tandis que le sang de son arcade, maintenant ouverte, recouvre sa vieille barbe puante et mal rasée. Les infirmières reviennent avec les produits en enjambant ce sale clochard traînant au sol.
Quinze heures, je me prends un savon
Encore un savon. Même pas le temps de digérer cela, voilà que l'on me traîne de nouveau au bloc opératoire. Un accouchement prématuré ! Pas une seconde à perdre !
En l'attendant, je fignole mon ustensile. Je vais chercher une bouteille d'hélium et des préservatifs, puis attache le tout au manche de la ventouse avec des agrafes pour estomac. Je retourne au bloc opératoire, Nathalie est là avec le marteau-piqueur.
Je le fixe à mon marteau-ventouse (c'est le nom que je lui ai donné) et colle le tout au vagin de la patiente. Avec une force incroyable, j'extrais le fœtus du corps de la femme et l'attache à un ballon d'hélium. Je le transporte ainsi jusqu'à la maternité et le jette dans une couveuse. Encore une bonne chose de faite !
La reconversion du docteur McGyver
Comprenez-vous maintenant la pression constante subie aux urgences ? Pour preuve, le docteur McGyver a aujourd'hui changé de métier. Il bosse à mi-temps comme sauveur du monde. Et nous le comprenons.
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