Théorie du chaos

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Le 16 avril 2008 décédait le scientifique et météorologue américain Edward Norton Lorenz. Vous ne le connaissez sans doute pas (moi-même je n’en avais jamais entendu parler avant tout à l’heure), mais vous avez sans doute entendu parler de la Théorie du Chaos dont il fut le « bâtisseur ».

Pour illustrer cette théorie qui concerne la prédictibilité des évènements (Lorenz était avant tout météorologue), il avait entamé une conférence en 1972 avec cette phrase : « le battement d’aile d’un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ?». C’est ce que l’on a coutume de nommer aujourd’hui « l’effet papillon ». Pour étrange que puisse paraître cette conjecture, elle n’est pourtant pas dénuée de fondements. Démonstration.

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Première époque : La Nature

Petit inconscient, va !

Un matin de mai, en bordure de la forêt amazonienne. Il est 7h34 heure locale. Un papillon jaune et noir, d’une espèce très commune, vit déjà, à peine sorti de sa chrysalide, ses dernières heures sur terre. Il aurait pu s'arrêter sur une fleur, sur une pierre, ou même continuer à voler dans l’espoir de retarder l’irrémédiable échéance, mais non. Il décide de se poser sur une feuille, bêtement pendue au bout d’une branche elle-même fixée au vulgaire tronc d’un arbre anonyme. Se sentant menacé par un prédateur insectivore, il déploie soudainement ses ailes puis se ravise, comme conscient que le geste qu’il vient de faire aura des conséquences qui iront bien au-delà se sa propre destinée.

La goutte d'eau qui mettra le feu aux poudres

Car aussi imperceptible soit-il, le mouvement engendré par le battement d’aile du papillon brésilien a fait légèrement trembler la feuille sur laquelle il reposait. Ayant attendu sans trop y croire ce moment propice, une goutte de rosée, qui s'était agglomérée sur cette même feuille depuis l’aube, entame alors une lente glissade le long de la nervure centrale vers son extrémité. Le soleil, déjà chaud à cette heure de la matinée, aurait eu tôt fait de faire évaporer cette goutte si elle n’avait pas choisi un autre destin.

Fin de parcours. La goutte de rosée s’étire désormais comme au ralenti à l’extrémité de la feuille, jusqu’à ce que son poids soit suffisant pour l’arracher à sa prison de chlorophylle. Elle tombe. Et juste avant qu’elle ne touche le sol pour y disparaître à jamais et faire l’aumône de ses molécules à la nappe phréatique, un cotia, rongeur assez commun au Brésil, passe à sa verticale et la reçoit en plein milieu de son œil gauche.

"Jusque là, ça va"

Affolé par cet aveuglement momentané qu’il ne s’explique pas, l’animal se met à courir droit devant lui jusqu’à entrer à son grand dam dans une clairière survolée au même moment par un caracara, un rapace falconidé plutôt impressionnant, capable d’arracher du sol des animaux d’une douzaine de kilos.

Ignorant l’épée de Damoclès aviaire qui le toise déjà, le cotia a enfin arrêté sa course. Mais au moment où il recouvre la vue et reprend ses esprits, le caracara entame son inéluctable piqué et enserre en un geste aussi sûr que mortel le rongeur avant de remonter vers les cieux apaisés.

Un connard de grande envergure

Malgré sa force, le volatile a légèrement sous-estimé la masse de sa proie. Ainsi chargé, il doit mettre en branle toute sa musculature pour parvenir à défier la gravité. Tant et si bien qu’au moment de franchir le sommet des arbres à la recherche de son aire, il touche la cime du plus grand et une de ses plumes se détache.

Emportée par la brise matinale légère mais constante en cette saison, la plume, comme attachée à un fil invisible qui serait le jouet d’un chat facétieux, se voit transportée sur plusieurs centaines de mètres avant de redescendre lentement et d’atterrir en plein cœur d’un village Guarani.

Deuxième époque : L'Homme

Marcel et René Guarani

L’un des chasseurs de la tribu était justement en train de fabriquer des sagaies et ramassant la plume, il en pare l’une de ses armes pour s’en attribuer officiellement la propriété, comme c’est de coutume dans cette tribu.

Trois jours plus tard, les vivres commencent à manquer et le chasseur Guarani décide de partir en quête de gibier. Au bout de quelques heures, il repère un cerf des marais, s’en approche et lui lance sa sagaie avec une dextérité et une précision qui n’ont de cesse d’enthousiasmer l’homme civilisé. Mais il en faut plus pour impressionner un représentant de la faune amazonienne. Blessé au flanc, l’animal s’enfuit, emportant avec lui l’arme de jet et sa plume. Il parcourt ainsi plusieurs kilomètres jusqu’à traverser la piste sablonneuse frontalière entre le Brésil et la Guyane française.

Un cerf des marais s'est caché sur cette image, sauras-tu le retrouver ?

C’est ce moment que choisit Jean-Yves Lescalier, ingénieur au Centre Spatial de Kourou pour débouler à pleine vitesse avec sa jeep 4x4 décapotable. Débouchant d’un virage, il ne peut éviter le cerf, le heurtant de plein fouet. Malgré son courage, la bête meurt sur le coup et Jean-Yves, qui n’était pas attaché, est éjecté de son véhicule. Sérieusement touché à la tête, il parvient tout de même à prévenir les secours grâce à son téléphone satellite.

Il ne faut que 17 minutes au SAMU local pour parvenir en hélicoptère sur les lieux de l’accident. Dans un état grave, souffrant d’un traumatisme crânien et de multiples plaies, Jean-Yves est rapatrié sur l’hôpital du Centre Spatial où on lui prodigue les premiers soins. Après plusieurs heures d’opération, il est déclaré hors de danger mais doit suivre une convalescence de 3 semaines avant de reprendre son activité.

Jean-Yves quelques heures avant le drame

Trois semaines plus tard, c’est un Jean-Yves Lescalier apparemment rétabli qui regagne son poste d’ingénieur. Et cela ne pouvait pas mieux tomber puisque le lanceur Ariane 5 s’apprête 15 jours plus tard à mettre sur orbite un satellite militaire pakistanais de toute dernière génération. Chargé de tout ce qui concerne le positionnement géostationnaire du satellite, Jean-Yves s’affaire à ses calculs.

Ne voulant pas rater le lancement, il n’a pas parlé à son médecin des migraines lancinantes dont il souffre depuis sont accident et qui mettent parfois à mal sa concentration. C’est pendant une de ces crises, au beau milieu d’un calcul très complexe, que Jean-Yves commettra l’erreur fatale. D’une simple décimale oubliée, totalement indétectable par les ordinateurs du Centre Spatial, le drame va survenir.

Troisième époque : La Technologie (Deus Ex Machina)

Au jour dit, le lancement se passe comme prévu. Ariane 5 s’arrache à la gravité terrestre avec sa majesté coutumière, entraînant avec elle le satellite de la destinée.

Kevin, vu ! Caché derrière la brouette près du tas de fumier !

Libéré à son orbite géostationnaire, à 35 786 km au dessus de l’équateur, le satellite pakistanais déploie ses panneaux solaires tout à fait normalement. Mais au lieu de se retrouver au-dessus de l’Inde comme c’était prévu au départ, il se positionne à la verticale d’une base militaire secrète américaine située en plein cœur du désert texan.

Alertée, la Maison Blanche menace le gouvernement pakistanais de représailles. Ce dernier tente de faire état de sa bonne foi, arguant que son satellite devait se contenter de menacer New Dehli. Mais malgré les efforts conjoints des ingénieurs européens et pakistanais, le satellite refuse de changer de coordonnées. L’erreur de calcul de Jean-Yves a entraîné un bug dans le système de gestion de la trajectoire. La menace plane au dessus du ciel du Texas.

L’état-major américain en réunion de crise décide alors d’employer les grands moyens. Si le satellite n’a pas bougé dans les 24 heures, il sera détruit par un missile Spacehawk encore à l’état de prototype mais capable d’attaquer des cibles situées au-delà de la stratosphère. Malgré les supplications de l’ONU, de la Communauté Européenne et de l’Empereur du Japon qui passait par là, aucune négociation ne parvient à aboutir concrètement.

Le 25 juillet à 10h42, le Président américain donne l’ordre de détruire le satellite.

Oops

Ironie du sort, le fameux missile Spacehawk est justement l’une des armes en cours de mise au point sur la base militaire secrète texane au-dessus de laquelle plane la menace électronique aérospatiale. Mais ce satellite est lui aussi un prototype bourré d’innovations. Et parmi les nouveautés qu’il embarque, la plus prometteuse est le système de riposte automatique qui s’enclenche dès qu’il se sent menacé.

Ayant détecté la mise à feu du Spacehawk et calculé qu’il se dirigeait sur lui, le satellite envoie deux missiles nucléaires à longue portée vers le point d’origine de son agresseur. Surpris, les américains tentent une manœuvre désespérée en armant une dizaine de missiles Exocet de dernière génération à tête chercheuse pour détruire ceux envoyés par le satellite.

C’est un succès, en tout cas momentané. A 8300 mètres d’altitude, les deux missiles pakistanais sont repris par les Exocet. Mais la puissance du choc enclenche l’armement de leurs charges nucléaires qui explosent à leur tour. S’ensuit une augmentation de la température de plusieurs milliers de degrés se propageant à une vitesse vertigineuse à plusieurs kilomètres autour du point d’impact.

Les cumulonimbus porteurs d’orage présents à proximité sont comme avalés dans un tourbillon de chaleur et de vent. Cela provoque une énorme dépression du fait de l’écart de température entre le sol et l’air. En sus des retombées radioactives, une gigantesque tornade se forme au cœur du Texas, entraînant la mort de dizaines de milliers de personnes et des dizaines de milliards de dollars de dégâts. La troisième guerre mondiale est proche. Et tout ça à cause du battement d’aile d’un papillon au Brésil.


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