Orteils marinés dans la confiture d'épluchures de saucisson

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Histoire du plat

Une antique coutume wisigothique, remontant (sans que cela puisse être vérifié) à la nuit des temps, veut que l'un des premiers rois wisigoths, Gaedius Oldorac Dactylophagus, ait été un guerrier des plus sanguinaires, doublé d'un homme aux goûts raffinés. Il avait l'habitude de prendre une collation avant la bataille dans le but d'effrayer ses ennemis, assis sur un tas de pieds prélevés chez les prisonniers, pour déguster son plat préféré, la confiture d'épluchures de saucisson. Ayant fait tomber par mégarde son bol de confiture sur l'un des appendices podaux, il ne voulut pas en perdre une bouchée et engloutit sans sourciller pied et confiture, sous l'œil horrifié de ses ennemis qui, totalement démoralisés devant ce spectacle atroce, se laissèrent déconfire presque sans combat. Oldorac, intimement persuadé de son génie gastronomique, décida d'en faire bouillir la moitié en vinaigrette pour leur faire passer le goût du pain, se rendit malade ainsi que toute son armée, fut pris dans la nuit d'affreuses coliques et mourut, asphyxié par sa rage et l'odeur insoutenable.

Ses successeurs, dans le but de rendre hommage à la mémoire de ce martyr de la science culinaire, instituèrent en plat traditionnel ces orteils marinés qui firent bientôt la réputation des chefs wisigoths. Tacite, dans son De Germanicus, rapporte qu'un Wisigoth, envoyé en ambassade à Rome pour des questions de hauteur du limes qui donnait le tournis aux chevaux goths, prépara ce plat devant toute la cour impériale, ayant au préalable fait désigner trois esclaves comme témoins de l'expérience.

Mise en application moderne de la recette dans le livret supplément fourni avec le dernier CD de Cannibal Corpse

Au IVe siècle, un traité de cuisine, le De Paratione Pedum Digitorum, à l'usage des épouses goths éplorées décrivit en détail les étapes de la préparation du plat, qui avaient jusqu'ici été jalousement tenues secrètes par la lignée royale wisigothique. L'auteur disparaît ensuite de la chronique officielle des rois wisigoths : il semble qu'il ait fait les frais d'une utilisation abusive de son traité.

Par la suite, l'usage de ce plat se répandit et des commerces florissants se développèrent un peu partout, grâce à la notoriété rapide qu'avait acquis le De Paratione dans le monde romain. Des circuits d'échange commerciaux virent le jour, favorisés par l'exportation massive de la population wisigothe dans la péninsule italique, souvent contre le gré de ses habitants, à partir du Ve siècle. On a ainsi pu retrouver la trace d'orteils de patriciens romains, emportés par les Wisigoths après le sac de Rome en 410, jusqu'en Gaule méridionale : l'exemple le plus connu est sans conteste la famille du célèbre écrivain romain Publius Ovidius Simplicississimus, qui éleva un empire commercial en important pour les patrices de la Provincia des orteils fraîchement coupés, via la Méditerranée et les razzias wisigothiques.

Il est à noter cependant que la consommation d'orteils ne connut qu'une tardive diffusion en Asie Mineure, où elle fut apportée par la découverte d'une cargaison d'orteils en salaison sur un navire dont les marins eurent la malchance de tomber entre les mains des pirates qui infestaient alors la Méditerranée. Ce n'est que vers 670 que les premiers navires de l'Empire d'Orient partirent à direction des ports italiques avec à leur bord des chargements d'orteils. Entretemps, le plat traditionnel wisigothique avait subi plusieurs mutations, la moindre étant l'accommodement à l'huile d'olive pratiqué par les nobles de l'entourage de Constant II Héraclius.


Le De Paratione

Cet ouvrage marque un tournant dans l'évolution de la connaissance que nous avons de la culture wisigothique, car on peut dire que c'est grâce à lui que les coutumes de ce peuple se répandirent en Occident. Il fut rédigé par un scribe de la cour du roi Fritigern, Euderic, sans doute vers 374-375. Il en est fait brièvement mention dans le Codex Regium, qui retrace les règnes de chaque prince wisigoth, à l’alinéa 25b :

« Aujourd'hui, Euderic, deuxième scribe de la suite royale, a présenté au roi son ouvrage sur notre plat », sans qu'il en soit dit plus. On suppose que cet ouvrage est le De Paratione, ce que contestent néanmoins certains érudits anglo-saxons, qui voient dans ce paragraphe une simple flagornerie, et vont jusqu'à en nier l'authenticité[1]. Cette théorie continue d'être source de violentes polémiques entre médiévistes, sans qu'elle ait pu être définitivement infirmée. Ile existe très peu de copies du De Paratione : on en connaît trois en circulation, datant du VIe et VIIe siècles. La Bodleian Library d'Oxford en détient un, le second est à la Bibliothèque Nationale et le troisième entre les mains d'un collectionneur américain. L'ouvrage se présente sous la forme d'un court traité, et s'ouvre par la traditionnelle dédicace au roi. Suit un bref condensé :

  1. Prendre un ennemi – ou un esclave, ou tout sujet humain qui conviendra au cuisinier.
  2. Lui couper les orteils, un par un, par intervalles de deux minutes chacun, pour lui laisser le temps de récupérer. On peut, par souci d'humanité, lui conseiller de compter les moignons. Il faut utiliser pour cette opération délicate un couteau fortement aiguisé, qui pourra également servir en cas de d'insurrection du patient. Mais celui-ci doit rester vivant, sous peine de voir les orteils perdre toute leur saveur.
  3. Prendre un pot de confiture d'épluchures de saucisson et mettre les orteils à l'intérieur avec délicatesse, en prenant en compte le fait que les orteils doivent être intégralement recouverts par la substance.
  4. Achever le sujet récalcitrant.
  5. Refermer le pot et le déposer dans un endroit humide, où il faudra le laisser reposer durant six jours.
  6. Servir frais, aussitôt après ouverture du pot, dans un plat d'argent pour conserver le goût. On pourra également ajouter les condiments nécessaires à masquer l'odeur : thym, persil, ou autres herbes.

Il faut remarquer que la préparation du plat a subi au cours des siècles le contact de la civilisation et ne s'en est pas tiré sans dommages : entre autres, les orteils sont mis à macérer dans la confiture sans être consommés sur place. L'ouvrage dans la version Bodleian s'enrichit d'un additif, probablement apocryphe, qui démontre les vertus curatives du plat : les orteils sont considérés comme vecteurs de colique si ingérés trop gloutonnement, mais aussi instruments de lutte contre la grippe du poulet et la fièvre de cheval, maladies courantes dans une culture d'éleveurs-guerriers.


Notes

  1. A Few Words About The Misunderstanding of Toe-Cooking in French Studies, Douglas J. Rothief Jr


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