Du bois de cercueils pour financer la Camorra à Naples ?
Il n’en fallait pas plus pour éveiller les soupçons des reporters du portail de la Désinformation. Envoyé spécialement à Naples lundi dans l'après-midi aux frais de la Wikia Inc., j'ai donc eu le plaisir et la joie de collaborer deux jours durant avec Marco Campa, un correspondant italien de la Nonciclopedia. Pour vous, nous avons donc tenté de lever le voile sur cette sombre affaire. Alors, ce trafic de bois de cercueil existe-t-il vraiment et est-il relié aux activités mafieuses de la Camorra ? Combien de parts de pizzas peuvent enfourner deux hommes sans boire un seul verre d’eau ? Marco Campa a-t-il vraiment une tête de cochon ? Et surtout, l’avion va-t-il pourvoir décoller à cause du nuage de cendres volcaniques ? Un reportage exclusif pour le portail de la Désinformation.
Aeroporto Internazionale di Napoli
Une version officielle à la bonne odeur de fausse piste. Comment une histoire de trafic en plein cœur de Naples pourrait échapper à la Camorra ? Ça n’a pas de sens ! La mafia contrôle tout dans cette ville. C’est l’esprit embrumé par mes pensées que je débarque lundi soir à l’aéroport international de Naples. Mais, à peine ai-je le temps de me connecter sur mon profil de la Désencyclopédie pour prendre contact avec Marco Campa, qu'un petit cochon de lait me saute au visage et commence à vouloir… me parler ? Oui, oui, c’est bien ça, ce cochon me parle, et dans un français tout à fait compréhensible de surcroît.
Il m'invite, dans une succession de gestes et de grouinements très typiques chez ces gros porc d’Italiens, en supposant que son propriétaire soit Italien, à l’accompagner dans le centre ville tout proche. Nous échangeons nos noms dans la foulée, ce qui me permet de me rendre compte que ce n'est pas à l'évidence à un porcelet que je m'adresse, mais bien à mon correspondant de la Nonciclopedia. Juste pour rire, je lui fait quand même remarquer la forte ressemblance entre sa figure et celle de l'animal à queue tire-bouchonnée, mais ma remarque est loin de provoquer l'hilarité chez le transalpin. Il me raconte ensuite que lui et son équipe ont passé la journée à déterrer les morts pour prouver l’absence de cercueil, mais que malheureusement aucun cercueil ne semblait manquer.
Nous nous rendons finalement dans une pizzeria traditionnelle de Naples pour vérifier si la mafia se cache oui ou non derrière ce funèbre trafic. Arrivés sur place, nous faisons signe aux deux pizzaiolos assis sur la terrasse. Devant leur déni d'attention, Marco leur fait comprendre d'un ton insistant que nous sommes des journalistes d’investigation et qu’ils feraient mieux de s’occuper de nous rapidement s’ils ne veulent pas avoir d’ennuis.
La poubelle, c'est la richesse
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Pizzeria « La Camonarra »
Assis à notre table, je me rends compte que le tarif indiqué sur la carte n’est pas celui établi à l’origine. Sous l'étiquette du prix se cache en effet une autre étiquette avec, je le découvre, un prix légèrement plus élevé, et ainsi de suite. Au total, ce sont plus d'une douzaine d'étiquettes qui ont été collées sur le menu. Mais alors, ça doit faire des années que le prix des pizzas est en baisse. Comment font-ils avec de si petits prix pour payer ne serait-ce que les ingrédients ? Je me rappelle alors de la dernière ligne du quotidien qui affirmait qu'« une bande pourrait avoir monté ce trafic pour revendre les cercueils aux propriétaires sans scrupule de fours et pizzerias qui souhaitent économiser sur le bois ». Si cette pizzeria se permet de proposer de tels tarifs, c'est qu'elle doit forcément couper les frais quelque part. Serait-ce donc grâce au trafic de cercueils ?
Les deux Traditore, les fameuses pizza aux anchois, spécialités de la maison, que nous avions commandé tout à l'heure nous sont enfin servies quelques minutes plus tard. Hélas, nous n'y reconnaissons pas la moindre odeur de cercueil. Pour Marco, c’est un nouveau cuisant échec. Quelque chose doit sûrement nous échapper. Mais si nous ne connaissons rien du soit-disant trafic de cercueil dont parle le journal de Silvio Berlusconi, nous disposons en revanche de l’évolution du taux de criminalité à Naples au cours des deux dernières décennies. Toutefois, je ne vois pas en quoi la hausse de la criminalité pourrait avoir un rapport avec la baisse du prix des pizzas. Nous ne devons surtout pas nous disperser, il faut s'en tenir au trafic de cercueils, et tenter de trouver un lien avec la Camorra, rien de plus. Nous décidons donc de nous rendre dans la cuisine de la pizzeria à la recherche de morceaux de cercueils suspects.
Cucina de « La Camonarra »
Mais en lieu et place de la cuisine, c’est une véritable boucherie qui s'offre à nos yeux. Couteaux ensanglantés, haches oxydées, morceaux de chair sur le sol, dents arrachées, bon sang, les Italiens n’ont vraiment aucun respect pour les animaux. Et bien sûr, pas le moindre petit bout de cercueil à l'horizon. Les pizzaiolos ont sûrement dû tous les brûler avant notre arrivée. Marco manque de s’évanouir de déception en regardant à travers le hublot du four à pizza.
Tout à coup, un groupe de pizzaiolos fait irruption dans la cuisine. Marco commence à leur poser des questions, beaucoup de questions, ce qui ne semble pas trop réjouir nos braves cuisiniers. Ne comprenant pas un piètre mot à l'Italien, je vais néanmoins essayer de vous décrire l'ambience de la scène. Marco fait donc remarquer aux pizzaiolos les vêtements entassés sous la table de découpe, le tas de dents à côté de l'étau à serrer et les empreintes de mains ensanglantées laissées un peu partout dans la cuisine. Puis il se met à gesticuler et à grouiner très fort en Italien comme un cochon qu'on amènerait à l'abattoir. Les pizzaiolos nous encerclent à présent, alors que leurs regards à l’égard de Marco se font de plus en plus menaçants. Puis finalement, la tension se relâche, et Marco se voit gentiment invité à rejoindre ses amis pizzaiolos dans la chambre froide pour poursuivre leur conversation.
Je laisse donc Marco seul avec les pizzaiolos dans la chambre froide et m'en vais inspecter le four à pizza. Ne trouvant aucune trace de bois de cercueil, je décide de tenter ma chance dans une autre pizzeria, mais un pizzaiolo me bloque la porte de sortie. Je me retourne pour m'apercevoir que tout le monde est là, à m'attendre, sauf Marco Campa, qui semble avoir coupé court à notre investigation, le traître ! Je me retrouve seul face à des pizzaiolos armés de couteaux de cuisine et donc je ne comprends rien au langage. Ils n'ont pas l'air de vouloir rigoler en plus. J'imagine qu'ils sont nerveux parce qu'il doit y avoir beaucoup de commandes et qu'ils ne veulent pas faire trop attendre leurs clients. Je me demande bien comment je vais pouvoir trouver le lien entre la mafia et le commerce de pizzas maintenant.
Soudain, un détail que je n'avais pas remarqué auparavant me saute aux yeux et me fait littéralement exploser de rire. Sur la table, en effet, se trouve une tête de cochon ensachée. Le plus drôle, c'est que cette tête de cochon ressemble à s'y méprendre au visage de Marco Campa. Quoi qu'il en soit, ma réaction semble tous les prendre de court et, dans la confusion générale, je parviens même à négocier avec eux une pizza gratuite en échange de mon silence.
Aeroporto Internazionale di Napoli
De retour à l'aéroport international de Naples, et déjà l'heure du départ, synonyme de la fin de mon voyage en Italie. Je n'ai pas pu trouver de preuves tangibles sur l'existence d'un quelconque trafic de cercueils, ce qui, hélas, ne m'a pas permis de m'infiltrer dans les réseaux mafieux de la Camorra.
Alors, pizza au bois de cercueils ou pas, le mystère reste entier; à moins peut-être que tout cela ne soit qu'une gigantesque diversion orchestrée par Il Giornale pour mieux dissimuler les activités criminelles de la mafia. Reste à savoir les raisons pour lesquelles le quotidien de Silvio Berlusconi serait à l'origine d'une telle manipulation.
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