Désinformation:Piégés au carrefour à quatre panneaux stop : la gendarmerie les sauve après vingt-huit heures

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Piégés au carrefour à quatre panneaux stop : la gendarmerie les sauve après vingt-huit heures

De notre envoyé spécial  Psychoparten,  Combattant sanguinaire, mais humaniste - ‎le 10 mars 2016

Ouistreham, Normandie, France — 
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Il y a un peu moins d'un an, nous apprenions l'installation de quatre panneaux stop à un carrefour de Ouistreham (Calvados). Cet aménagement visait à sécuriser les usagers de la route. Cette semaine, on est pourtant passé très près du drame.


Mardi. Il est huit heures quarante-cinq. Le carrefour que vous voyez ci-contre vient de se vider et semble tout innocent, avec ses jolis panneaux rouges comme les joues d'un adolescent amoureux. Mais, tout comme ledit adolescent, son apparence d'innocence ne doit pas vous abuser.

Maryse, maman dynamique.

Huit heures quarante-six. Maryse Dalongeville arrive de l'est, rue de Colleville. Elle vient de déposer son fils à l'école du Sacré Cœur et compte maintenant rejoindre son club de bridge. Elle s'arrête au stop, constate qu'un automobiliste arrive de la droite et lui cède la priorité.

Bernard, à qui on ne la fait pas.

Lui, c'est Bernard Herville. Il a pris la rue du Tour de ville, pensant ainsi gagner du temps pour être à la mairie dès l'ouverture. Pas le genre à laisser traîner les choses, Bernard. En bon Normand, il sait que le temps, c'est de l'argent.

Hélas pour lui, de l'ouest arrive Micheline Surville. La pimpante retraitée, domiciliée à Saint-Aubin-sur-Mer, suit le même rituel chaque jour : elle se rend à Ouistreham et, après un petit grog chez son amie Christiane Écrammeville, elle prend la rue de Colleville et continue jusqu'au phare. Puis elle marche jusqu'à la plage avant de s'adonner à un bain de pieds, « en toute saison, qu'il pleuve, qu'il bruine, qu'il grèle ou qu'il y ait du crachin », et elle a encore 38 autres expressions relatives aux précipitations.

Tariqville... Pardon, Tariq.

Ce mardi, toutefois, cela n'ira pas de soi. Car du sud arrive Tariq El Messaoudiville. Il passe en coup de vent chez un ami, rue du Fonteny, avant de prendre son service comme agent technique à l'école du Sacré Cœur. Il reconnaît justement la mère d'un élève. Maryse Dalongeville. La femme à qui il doit laisser la priorité.

La tension monte, et l'horreur ne fait que commencer.

Normands la Peur

En Normandie, avant le troisième calva du matin, on est un peu taiseux. Dans le pays de l'auteur du Horla, on dit un mot, pas cent. De fait, l'église Saint-Samson sonne neuf heures, et l'échange de regards crispés commence à peine. Moteurs éteints, comme il se doit[1]. Et puis, n'entendant pas la sonnerie de la demie à cause des klaxons des automobilistes le suivant, c'est Bernard qui fait le premier pas. Il sort de sa Renault Clio de 2005 et fait signe à ses comparses de mésaventure de s'extraire eux aussi des habitacles de leurs véhicules. Par bonheur, il pleut à peine, relativement parlant, et ses interlocuteurs se laissent vite convaincre. À dix heures dix, la négociation peut commencer.

Maryse entame la conversation : « Enfin, cet était de fait est proprement in-dé-cent ! Aujourd'hui, en France, me retrouver mêlée à des rustres ! Cela est indigne de mon rang ! » Tariq opine : « Wallah, comment qu'elle a trop raison, la joise-bour ! Déjà, les boloss pétés de thunes, au taff, v'la le malaise, mais dans la rue ! » Bernard tient à faire preuve d'une attitude constructive : « P'tèt ben, m'en attendant, on fait quoué ? »

La discussion est difficile. Chaque proposition est accueillie par un "ptèt ben qu'oui, ptèt ben qu'non" très local. Enfin, à onze heures trente, la gnôle de midi commençant à se faire désirer, les quatre protagonistes parviennent à accorder leurs violons. Par rang d'aînesse, Micheline passera la première, entraînant sa file à sa suite, puis la priorité à droite s'appliquera. Tous sont rassérénés. C'est alors que survient Jean-Yves.

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Jean-Yves est exploitant agricole - « Pesan d'père en fi' », comme il le dit lui même - mais là, il est plus furieux qu'exploitant agricole. « Vindiou, c'est lequel de ces bons à ren qu'a bloqué euh l'carrefour comme c'ti ? Ah, mais v'z'allez m'laisser passer mon John Dère, parce que j'ai un champ à labourer, moué ! Je fais point rien à gratter du papier dans les bureaux, moué ! » Tariq se montre conciliant : « Wesh, gros, si tu ramènes un truc à grailler, y a pas de blème-pro ! Sur le Coran, je cracherais pas sur un bon saucisson ! » Jean-Yves le renvoie à ses chères études en ces termes : « Oh, toué, le bicot, on t'a point rien d'mandé ! »

Vous noterez que Micheline n'a pas encore dit un mot. Prévoyante, elle est partie se soulager dans des fourrés. Sage précaution, car la journée sera encore longue.

Deux gardes surveillent deux portes, l'un dit la vérité, le deuxième ment et le troisième habite Ouistreham

Noble métier que celui de nourrir les hommes tout en faisant vivre les campagnes françaises, témoins de notre art de vivre national aux yeux des peuples de notre mère la Terre. Ces considérations, et le fusil de notre cultivateur, incitent les quatre infortunés à se rallier à son opinion. L'engin agricole étant dans la file de Tariq, celui-ci démarrera en premier. Une fois l'axe sud dégagé, ce sera à Maryse d'avancer, puis à Bernard, et Micheline pourra enfin rentrer épier ses voisins. Tous se passent une main sur le front.

Alors que Gilbert regagne son tracteur, une voix féminine distinguée quoique trop hautaine l'interpelle : « Mais, mon bon, votre engin manque de vélocité. Le temps que vous arriviez au point de croisement, une trouée se sera formée entre vous-même et le véhicule qui vous précède, auquel cas, Madame l'ancêtre, n'ayant personne à sa droite, se saisira de son droit de priorité. » Le pauvre agriculteur en laisse tomber son prénom et son fusil et se rue sur la représentante des CSP+ : « Rah ! Mais c'est à cause de vous qu'on crève ! Rah ! Grande distribution ! Bruxelles ! Écolos ! Grrrglllg ! »

Un cadavre bouche désormais l'intersection, et Micheline ne peut jouir du droit d'aînesse qui lui a été conféré, puisqu'elle est partie quémander du papier toilette de voiture en voiture.

Il y a trois boules noires et deux boules blanches dans un chapeau. Vos devanciers ont tiré deux boules blanches. Priorité à droite ou courtoisie ?

Quatorze heures. Le soir commence à tomber, la situation devient insoluble, et nos amis post-Vikings ne travestissent désormais plus leurs inquiétudes. Car on entend les premiers hurlements de loups, qui ne sont plus chassés depuis que les Anglais ont repris la Guerre de Cent Ans en 1944[réf. non nécessaire].

Un rapide échange de regard, et les quatre individus se mettent d'accord sans mot dire. Un dernier petit pipi, et, la pluie ayant repris, chacun nage pour se calfeutrer dans sa guimbarde pour la nuit. Mais un nouveau dilemme survient, plus insurmontable que le précédent. Faut-il démarrer le moteur pour faire fonctionner le chauffage ? Parce que ça va brûler de l'essence, de démarrer le moteur... Oui, mais les nuits sont froides, près de la Manche... Cela dit, l'essence n'est pas donnée... Oui, mais on risque de mourir de froid, sans chauffage... Mais survivre en ayant dépensé 10€ d'essence, cela n'en vaut pas la peine... Ceci étant dit, mourir, c'est se priver de revenus futurs, donc gaspiller de l'argent...

Lorsque l'aube point, aucun des conducteurs n'a dormi et c'est les yeux cernés qu'ils sortent, à peine éveillés par les giboulées matinales. Ils se demandent ce qui va les sauver, pendant que les heures s'égrènent, intangibles et fatales. Dix heures... Onze heures... Midi...

Gendarmerie nationale : une force humaine

Pour vous asservir !

Midi. C'est justement l'heure à laquelle l'escadron d'élite de la gendarmerie ouistrehamaise aborde le fatal carrefour pour se rendre en mission au "Commerce". Le plus souvent, les militaires ne passent pas par là, mais ce jour-ci, le devoir les avait appelés à Colleville-Montgomery. Au Club. Surpris par la forte circulation, le lieutenant-colonel Hautbertville et le gendarme Hamelville accourent (à petites foulées) vers le croisement maudit. Les explications faites, les quatre héros malheureux implorent les forces de l'ordre de démêler cet écheveau.

« Bien sûr », répond le gradé, sans trop se formaliser du cadavre étalé sur la chaussée, ne pouvant savoir s'il est mort ou ivre mort. « Toutefois, avant cela, Monsieur », et il se tourne alors vers Tariq, « notre gouvernement nous a indiqué qu'il fallait systématiquement vous contrôler pour vérifier que vous ne venez pas d'Étrangie. Veuillez donc nous présenter votre carte d'identité, je vous prie. Je suis désolé, bien sûr. »

Le natif de Caen[2] n'y voit aucun inconvénient : « Mais bien entendu, Messieurs. Faites votre travail, et merci de nous protéger ! » Hautberville jette un coup d'œil sur la pièce d'identité et se prépare à résoudre le tracas des automobilistes. C'était compter sans le gendarme Hamelville et son envie de faire du zèle.

« Hé ! Chef ! Chef ! Faites attention ! Chef ! Chef ! Slurp ! Slurp ! Chef ! Chef ! Il a été beaucoup trop poli avec nous ! Chef ! Chef ! Il y a outrage ! » Hamelville se jette sur le jeune maghrébin pour le menotter et le traîner dans la fourgonette. Ce dernier, par réflexe, s'écarte. « Chef ! Chef ! Il se rebelle ! » Pendant que le lieutenant-colonel ordonne à son subordonné de se calmer et de traiter le désormais suspect avec déférence, Tariq s'écrie « Au secours ! J'ai peur ! » Immédiatement, on entend « Chef, Chef ! Il parle de peur ! Apologie du terrorisme ! » L'officier, gêné, amène les deux hommes à l'écart pour apaiser les choses loin des regards indiscrets.

Maryse sait voir son intérêt. C'est là le mérite de la bourgeoisie, celui qui fait que ces gens sont les plus aptes à occuper de hautes positions. Et elle déclare : « Eh bien, notre compagnon s'étant absenté, je présume qu'il me cède la priorité, très chers ! »

Nous sommes passés à deux doigts de la tragédie. Heureusement, tout est bien qui finit bien.

MERCI LA GENDARMERIE !
MERCI LA BOURGEOISIE !


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  1. Nous sommes en Normandie
  2. Réponse : 1985


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