Guide du commentaire littéraire/Développement

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I) La préparation

1) Le plan

Les professeurs de lettres sont très superstitieux. D'ailleurs, ils vont tous à l'église chaque dimanche et ont bien conscience de la puissance du chiffre 3 : 3 comme les grandes religions monothéistes, 3 comme la Sainte Trinité, 3 comme le nombre d'élèves auxquels ils s'intéressent par classe (les 2 qui sont devant le bureau et celui dont ils connaissent bien les parents). Ils ont en outre pris l'habitude de ces plans en forme de grille de morpion au cours de leurs longues études. Pour se concilier leurs bonnes grâces, il est donc essentiel d'adopter ce plan constitué de 3 parties, chacune comprenant 3 sous-parties, chacune divisée en 3 paragraphes. En cas d'exceptionnel manque d'inspiration, des sous-parties de 2 paragraphes seront tolérées. Bien entendu, le commentaire lui-même doit être entouré d'une introduction (qui n'ajoute rien mais permet d'introduire) et d'une conclusion (qui n'ajoute rien mais permet de conclure).

L'élève connaissant assez mal les rouages des corrections bacchanales (relatives au bac) pourrait supposer que ce qui doit guider la conception du plan, c'est un souci de cohérence, de clarté dans la démonstration et d'équilibre entre les divers axes. Certes, mais en second lieu seulement. Avant tout, il s'agit de faire du remplissage, pour pouvoir augmenter la quantité de contenu, qui compte pour 5 points dans la notation, de caser les idées éparses (pourquoi ne pas placer la sexualité dans une partie sur la mort-après tout, on parle de « petite mort ») et d'assister à une montée en puissance afin que les meilleures idées soient à la fin. Pour ce dernier point, il est important de rappeler que si les professeurs de français sont bien souvent de grands esprits, ils sont avant tout de grands amnésiques, et qu'il y a donc de très fortes chances qu'ils oublient le début du commentaire.

La conception du plan peut sembler essentielle pour réussir un commentaire, à juste titre. Néanmoins, contrairement à ce qu'affirment les professeurs de lettres pour abuser les élèves les plus naïfs, ils ne faut en aucun cas l'élaborer au brouillon. N'oubliez pas que l'un des plus importants critères de notation est la quantité de contenu et que pour écrire le plus possible, il ne faut pas perdre de temps en fioritures comme clarification du plan, réorganisation plus pertinente des idées... Normalement, pour construire un plan, cinq à sept minutes doivent suffire. Pour ce faire, trouver les idées (selon les méthodes qui vous seront expliquées par la suite), puis faire au hasard des groupes de 3, puis des groupes de groupes de 3... Je vous conseille de trouver les principales idées, puis de lire le texte et d'en ajouter. Lire le texte au préalable peut aider certains, mais un beau texte (il y a peu de chances, mais sait-on jamais) pourrait vous faire perdre cet esprit critique, celui tant exalté par les enseignants (oui, ceux-la qui renvoient de cours à la moindre critique).

2) Repérages sur le fond

Il peut être très utile, dans le cadre d'un commentaire de texte plein d'esprit critique, de savoir repérer les paradoxes et contradictions internes de l'auteur. Un paradoxe est une contradiction apparente, en ce sens, il est plutôt une preuve de talent. Au contraire, une contradiction est bien réelle et montre que l'auteur est « un n00b lol », comme l'a si justement exprimé un critique contemporain. Une simple constatation desdites contradictions au sein du texte étudié est certes très agréable à lire pour le correcteur ; mais pour vraiment briller à ses yeux, il s'agit d'émettre des remarques au sujet d'autres oeuvres du même écrivain, afin de montrer qu'on est cultivé et qu'on peut étudier un corpus étendu sans perdre en profondeur. Prenons, par exemple, le leitmotiv d'une oeuvre de la poétesse néo-romantique Lorie, « Toute seule »[1]:

Moi j'préfère rester toute seule

Sous leurs airs innocents Ce sont de vrais brigands Quoiqu'ils me veuillent Moi je préfère rester toute seule

Un extrait de commentaire idéal de cette oeuvre serait :

La poétesse exprime ici sa préférence pour la solitude, et fustige la fausse innocence des Don Juan.

Néanmoins, dans « J'ai besoin d'amour », oeuvre de la même période, elle dévoile au contraire son exigence de compagnie et de séduction. Lorie est donc une artiste accomplie qui ne craint pas d'explorer ses propres paradoxes.

Ce passage est idéal : en effet, on voit une acceptation complète du principe d'intentionnalité selon lequel les créateurs auxquels on s'intéresse sont trop doués pour avoir laissé la moindre place au hasard, une liaison efficace entre les trois temps de la démonstration, une connaissance de l'oeuvre de l'auteur et un esprit critique doublé d'un esprit de synthèse[2].

Dans le même genre que les paradoxes, il est nécessaire de relever tout ce qui peut faire surgir une double interprétation. En effet, les enseignants, qui sont tous professeurs de père en fils ou de mère en fille depuis au moins 3 générations, ont été élevés avec les contes de Perrault et de Voltaire. Ils ont été émerveillés par leur première lecture d'enfant, mais aussi par leur deuxième lecture d'adolescent. Leur montrer que vous aussi, vous avez fait deux lectures différentes de l'oeuvre leur rappellera quelques souvenirs d'enfance, et c'est avec des larmes de nostalgie qu'ils liront le reste du commentaire et qu'ils inscriront la note en haut de la copie. Ainsi, voici un commentaire sur un blog pas vraiment proche de la LCR ou de SOS Racisme, http://fampoux-beach.skyrock.com:

oh mé c ma vidéo sa ! ^^

dite cke vs en epnsé bien sur cné kun débu y en ora dotre bien to !! sinn tro plez de te revoir sur msn mon chéri tu ma manké ! grox bisous jtd for ! SIEG HEIL WHITE POWER !!!

Et voici une bonne analyse de sa conclusion:

Une première lecture naïve peut nous amener à penser que cette conclusion permet à l'auteur de prôner

un nationalisme dur et même meurtrier (par les références littéraires au régime nazi et au Ku Klux Klan). Au contraire, après une deuxième lecture plus attentive, nous découvrons que l'écrivain incite à la fraternité entre les peuples. En effet, l'utilisation de deux langues qui ne sont pas sa langue maternelle (et qui, de surcroît, diffèrent de la langue dominante de l'ouvrage) indique qu'elle est disposée à s'ouvrir à d'autres cultures et d'autres ethnies et qu'elle est bien loin d'accepter l'ethnocentrisme ambiant. De plus, l'orthographe volontairement approximative du reste du texte montre clairement qu'elle tient sa culture natale pour peu importante et qu'elle veut ne pas la mettre trop en avant par crainte de décourager ses frères étrangers.

Enfin, vous savez très bien, tout comme moi, que les professeurs de lettres sont dans l'ensemble très politisés et qu'un certain nombre d'entre eux sont engagés aux côtés de la gauche caviar. Il s'agit pour vous de tirer profit de cet intérêt des correcteurs. Et le meilleur moyen de le faire, c'est bien de montrer en quoi le(s) texte(s) considérés sont orientés politiquement et comment l'auteur fait passer son opinion. Peu importe qu'il en ait vraiment quelque chose à faire de la politique ou pas[3], à vrai dire, il est préférable que non, comme cela, les interprétations que vous délivrerez seront réellement originales. Intéressons-nous ainsi au Chuck Norris Fact #1013:

Chuck Norris peut faire des mots croisés sans les définitions

On peut en dire que :

L'auteur montre son mépris pour le conservatisme, symbolisé par les mots croisés. Pour autant, il

n'appelle pas à une révolution qui ferait table rase du passé, mais bien à une réforme en profondeur. Ainsi, Chuck Norris, qui représente la perfection, se sert des fondations de la société telle qu'elle existe (la grille de mots croisés) pour créer une société plus pure et sans préjugés (les définitions).

3) Repérages sur la forme

Au niveau des mots, beaucoup de choses peuvent être dites. En effet, la plupart du temps, l'auteur a choisi le premier mot qui lui est venu à l'esprit ; mais gardez en tête que, selon le principe d'intentionnalité, rien n'a été laissé au hasard par l'auteur, chaque mot a un but bien précis. Et puis merde, quoi, même si il a pris n'importe quel mot, si il a choisi celui-ci plutôt que celui-là, ça veut bien dire quelque chose non ? Une fois cette idée de travailler sur les mots adoptée, plusieurs pistes s'offrent à vous : étymologie (d'où ça vient), polysémie (quand y a plusieurs sens), sonorités... Si le texte est fini, les possibilités sont infinies ! C'est ça qui est bien avec le français. Ainsi, l'extrait #48930 du site viedemerde.fr :

Aujourd'hui, je faisais passer des oraux d'examen à l'UFR. Une de mes étudiantes, une fille sublime,

prépare son oral devant moi dans une salle surchauffée. Elle porte un petit haut blanc très décolleté qui souligne à merveille sa magnifique poitrine. J'ai eu une érection. Elle l'a vue. VDM.

peut être (partiellement) commenté de la sorte:

Le terme « sublime » a été remarquablement bien choisi par l'écrivain. En effet, n'importe quel autre

terme associé à la beauté aurait renforcé le caractère vulgaire de l'extrait. Or, au contraire, le terme « sublime » a bien le sens de « particulièrement beau », mais notamment dans un sens moral ou spirituel. Ainsi, l'auteur associe désir sexuel et noblesse de l'âme.

L'organisation interne du texte est un élément essentiel à repérer. Si le plan du commentaire ne doit pas être linéaire, la division en paragraphes, en phrases, en propositions indique les diverses idées du texte et peut guider votre plan. Ainsi, dans la phrase précédente, la virgule qui suit « linéaire » marque l'opposition entre un plan non-linéaire (qui ne suit pas l'ordre du texte) et un plan guidé par la structure (donc, qui suit l'ordre du texte). En d'autres termes, l'auteur est un connard qui ne sait pas ce qu'il veut. Si l'on espère vraiment avoir une bonne note en commentant la deuxième phrase de ce paragraphe, on peut estimer que, dans un premier temps, l'auteur exprime par ce paradoxe interne, l'introspection dans laquelle l'a plongé une tentative de séduction par un jeune homme peu scrupuleux ; que, dans un deuxième temps, il met en lumière le côté flou pour lui de la distinction entre passé, présent et futur (connaissant l'auteur, on peut imaginer que cela vient de sa consommation passée de drogue) ; et pour finir, on voit bien que, selon lui, la période entre l'adolescence et l'âge adulte, en raison de son caractère mal défini, est incertaine et, de ce fait, dangereuse.

Enfin, il faut savoir que les professeurs de lettres sont tous frustrés sexuellement, et en tirer partie. Comment cela, allez-vous me demander ? Eh bien, en compensant cette frustration par un repérage systématique de toute allusion sexuelle, même minime, même tirée par les cheveux (tiens, d'ailleurs, voilà une référence aux pratiques sado-masochistes que, je l'espère, vous vous seriez empressés de signaler dans votre commentaire). On pourrait me faire remarquer que ce que je dis est hors-sujet, sans lien (lien...encore du SM) avec la forme du texte. Réflexe de débutant (débutant=puceau ? La question mérite d'être posée) ! Je vous ai déjà dit que l'important n'était pas la cohérence, mais bien le plan en 3*3*3 (aussi dénommé « plan à 3 »). Et puis bon, la « forme », c'est pas complètement écarté (comme les jambes) du sujet.

II) La rédaction

1) Les transitions

Certes, il faut mettre les différentes parties en lien, mais cela ne doit pas être fait de manière trop lourde. Évitez de trop montrer du doigt au correcteur les relations entre les divers axes de votre commentaire, il pourrait comprendre penser que vous le prenez pour un con. Néanmoins, étant donné l'obsession sexuelle que j'ai évoquée précédemment, l'emploi d'expressions du type « afin d'introduire ma/mes partie(s) » sera toléré, voire encouragé. Ainsi, il est recommandé de savoir se servir à outrance de mots du type « Certes », « Néanmoins », « Ainsi », « De plus »...

De plus, n'hésitez pas à espacer les différentes parties. En effet, les espaces ont l'avantage de rendre votre écriture plus claire, plus lisible et plus agréable, mais ce n'est pas leur seul avantage. Ils donnent surtout au professeur quelques secondes précieuses pour réfléchir et laisser leur esprit vagabonder... Espace, comme ma voiture, avec laquelle je suis allé en manif et avec laquelle je vais aller en vacances cet été... Oh et puis y aura plein de filles, jeunes voire très jeunes, en bikini sur la plage... Et puis quand elle passe sous les douches et qu'elles se frottent le corps...Faudrait que je leur explique qu'elles seraient encore plus propres si elles enlevaient le haut...Et peut-être le bas... Mademoiselle, je peux vous aider à vous savonner si vous voulez... Mmmmm oui !
Après cet instant de détente, le correcteur sera plus que disposé à s'intéresser à la pertinence de votre développement.

Soignez, enfin, les relations que vous pourriez établir entre plusieurs textes du même auteur, du même genre, du même mouvement littéraire... Le lecteur doit immédiatement comprendre si le rapport est un rapport de similitude, d'opposition...(Bah oui, ils ont 1000 copies à corriger par jour, ils peuvent pas se permettre de les relire). Prenez exemple sur cet extrait de commentaire :

Au sein de son blog http://666-tokio-hotel-666.skyrock.com/, le jeune artiste Toma écrit, dans un poème :

« o soufransse tu me fé du mal » On peut observer un rejet total de la douleur, QUI CONTRASTE AVEC/AU CONTRAIRE DE Lola, qui a pourtant le même âge et fait également partie du courant « THLOLMDR ». En effet, dans http://gothik-666-satan.skyrock.com/, celle-ci affirme que: « jé esséyé 2 me scarifié mé g pa u le courage g peur davoir mal .... » Certes, il y a ÉGALEMENT un rejet partiel, presque par réflexe, de la souffrance, mais celui-ci s'accompagne d'une volonté d'accéder à la douleur comme à un sacrement religieux. Une telle perspective RESSEMBLE À la vision de la mort baudelairienne, l'« angoisse et vif espoir » mêlés.

Les liens entre les trois textes étudiés, clairement affichés au travers de mots de liaisons nombreux, ne laissent pas place au doute dans l'esprit de l'enseignant. On peut toutefois regretter que l'analyste n'ait pas suffisamment contextualisé en indiquant que les deux premiers textes appartiennent au même mouvement mais pas le troisième. On le constate toutefois sans difficulté grâce aux différences dans le style entre les auteurs.

2) Les termes à utiliser

Bien entendu, il s'agit d'utiliser un vocabulaire soutenu, même si le texte lui-même est écrit en argot. En outre, ce vocable élevé permet d'éviter les répétitions, préjudiciables au reste du commentaire. Euh... J'ai plus grand chose à dire dans ce paragraphe, mais l'équilibre du texte est préservé et puis vous l'aurez oublié dans quelques minutes.

Fuyez comme la peste les anglicismes, malheureux ! Car s'il y a une chose que les professeurs de lettres détestent au plus haut point, enfin autant que les professeurs de sciences, c'est bien les professeurs d'anglais. Une telle haine, motivée par la jalousie, n'est pas difficile à expliquer : les professeurs d'anglais étant les personnes les plus cool au monde, ils ont une relation privilégiée avec les élèves ; cependant, en raison de leur intelligence supérieure, ils parviennent tout de même à faire un cours remarquable qui fait progresser au maximum la classe. De plus, en raison de leur beauté hors du commun, ils séduisent de nombreuses femmes, ce qui ne les empêche pas d'avoir une vie familiale intense et pleine de bonheur (en raison de leur gentillesse, de leur génie, de leur humour, de leurs performances au lit...).[4] Ainsi, si vous souhaitez procéder à l'analyse du mythique Bathing ape, ne rédigez EN AUCUN CAS une phrase du type :

L'auteur, par la brièveté de « Bathing ape », met en évidence les dégâts provoqués par la culture

du zapping chez les enfants des baby boomers, et par les pratiques qui y sont associées (speed dating, chat sur Internet...)

Le commentaire est effectivement très pertinent, MAIS la rédaction irritera à coup sur l'enseignant. La version acceptable de ce travail est :

L'auteur, par la brièveté de « Singe qui prend un bain », met en évidence les dégâts provoqués par la

culture du passage d'une chaîne de télévision à l'autre chez les enfants des exploseurs de bébés, et par les pratiques qui y sont associées (drague en vitesse, salon de discussion sur le réseau-filet...)

C'est vrai, le texte est rendu complètement incompréhensible, mais l'essentiel n'est pas là : vous n'aurez pas froissé les sentiments du correcteur. En plus de ça, la deuxième version est plus étendue, et si elle n'ajoute pas d'éléments dignes d'intérêt, elle prolonge le commentaire, ce qui est bien le principal.

Autre chose quant à la rédaction : casez autant de vocabulaire technique que vous le pouvez, et sélectionnez les termes les plus compliqués que vous connaissez. Certes, vous ne les comprenez pas, et sans doute l'auteur de l'oeuvre étudiée ne les connaissait-il point, mais ils ont leurs avantages. Croyez-moi, n'importe quel professeur de français vous remerciera du fond de son coeur pour avoir rendu votre commentaire inaccessible au commun des mortels, donc à ceux qui enseignent l'anglais et les sciences. Par exemple, ne parlez pas de narrateur « interne » mais bien « homodiégétique ».

Poney Fou.gif
Le TeckPoney s'il avait su s'exprimer aurait dit :
C 1 PD loool mdr

Petit Travail Pratique (non ce n'est pas un T.P., les profs de lettres ne supportent pas les abréviations) : Dites-moi ce que vous pensez de ce commentaire du début de la quote #4635 de [BashFR :

(...), paradoxe mis en lumière par l'oxymoron « arrêter le temps »
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La nana aux cheveux bleus dit :
Ben...ça m'a l'air pas mal...


VA BRÛLER EN ENFER, MALHEUREUSE ! Ne vois-tu pas l'anglicisme « oxymoron », alors que le terme français correct est « oxymore » ? Et ce que j'ai dit sur les anglicismes, c'est déjà sorti de ton crâne minuscule ? À quoi ça sert que j'organise si bien mes cours si vous les oubliez en cinq minutes !

3) Les verbes

Parce que les verbes vous font encourir un risque de répétition intolérable, il est important de les choisir avec soin. En effet, qui n'a pas dit ou écrit les verbes « dire » ou « écrire » plus souvent qu'il ne fallait les dire ou les écrire ? Au contraire, utiliser, se servir de, faire usage de verbes et locutions plus divers peut vous permettre, donner la possibilité de, habiliter à faire montre de, étaler, afficher votre culture.

Si l'exercice demandé est avant tout un travail d'analyse littéraire, il est tout de même nécessaire de montrer ses capacités à utiliser une langue châtiée. Dans cette perspective, l'emploi de temps, de formes et de modes peu usités ou tombés en désuétude peut fortement vous aider à vous distinguer de la masse des bêtes copies rédigées au moyen d'un banal présent de l'indicatif. Toutefois, avant de faire ainsi preuve de sa maîtrise linguistique, il faut s'être assuré qu'on connaît la conjugaison et les règles de concordance des temps à appliquer. Ainsi, dans le cadre d'une étude du poète de l'amour courtois Johnny Halliday et de son oeuvre « Marie », il ne s'agira pas de commenter le refrain par un

La voix poétique souhaite qu'elle le susse.

L'imparfait du subjonctif ne peut que faire plaisir à un enseignant, mais il est complètement déplacé après un présent de l'indicatif. Remplacez donc votre présent par un imparfait ou, mieux, un passé simple

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La nana aux cheveux bleus dit :
Euh... Justement, pour moi, il est pas si simple



Eh bien justement, le troisième point sur lequel je voulais insister : ne vous contentez pas de formes simples ! Par exemple, en utilisant le présent ou le passé composé, on obtient un texte clair, compréhensible par tous, simple et agréable à lire... En un mot comme en cent, c'est MAUVAIS ! Un futur est toléré faute de mieux, mais pitié, pas de futur proche ! Un plus-que-parfait est admissible, mais privilégiez si possible un passé antérieur.

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La nana aux cheveux bleus dit :
Eh tu te répète pas un peu par rapport à la partie précédente ?


Euh...

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La nana aux cheveux bleus dit :
Lol ! Pas grave, j'ai déjà appris plein de trucs avec toi !


Chanteuse.png La nana aux cheveux rouges dit :
T'as une touche, mec !


III) Travail Pratique

Saurez-vous analyser ce texte très profond intitulé « Non non non ! », mis en musique par le groupe de rock qui fait du bruit « Les Shériff » ?


1...2...3...4...5...6...7...8...9...10...

Non non non ! 1...2...3...4...5...6...7...8...9...10... Non non non ! Aaaaah.... C'est fini !



J'attends vos propositions...



Bien. Je vois que vous vous êtes investis dans votre travail. Cependant, vous pouvez avoir commis quelques erreurs, aussi vous proposerai-je des pistes de correction :

1) Une vision négative de la sexualité

D'abord, essayez de parler d'éjaculation précoce, ça devrait bien faire rire le correcteur[5]. Par exemple, vous avez intérêt d'avoir repérer les chiffres... Tirer son coup en dix secondes seulement, il faut avouer qu'il y a mieux. Bien entendu vous exprimerez ceci en des termes plus recherchés, plus socialement acceptables, mais je l'explique ainsi pour que vous compreniez. Je conçois bien que puisque vous faites certainement partie de la génération des 15-18 ans, dont la langue maternelle est le kikoolol, vous ayez quelques problèmes pour comprendre le français. Pour augmenter la longueur de cette partie, mentionnez de même le « C'est fini » conclusif qui arrive beaucoup plus tôt qu'on eût pu l'imaginer, ainsi que la brièveté du poème pris dans son ensemble.

Relevez, de même, tout ce qui souligne la monotonie des relations sexuelles. D'abord, les chiffres sont alignés, dans l'ordre, et rien ne s'écarte de cet agencement : ce moment soi-disant de folie ne serait donc pas si agréablement anarchique que cela. Ensuite, les coïts ressemblent, selon le poète, les uns aux autres, une similitude mise en évidence par les répétitions (les deux premiers vers répétés deux fois, de même que le mot « Non »). Tout cela tranche avec la représentation méliorative de la sexualité dans « Papillon de lumière » de Cindy Sander, mais ceci est légèrement hors-propos.

Enfin, il est important d'énumérer tous les signes qui montrent la relation sexuelle comme un acte brutal, et même à la limite du viol. D'abord, il y a cette exclamation, « Non », répétée six fois dans l'oeuvre. Cet indice est tellement évident que je ne m'étendrais pas dessus. Ensuite il y a les chiffres, brefs et légèrement espacés, comme des coups (de reins ? Ou violence conjugale ? Allez savoir). Pensez également à ce « Aaaaah », qui pourrait être un cri de jouissance, mais aussi de douleur, manière subtile d'associer brutalité et sexualité. Pour finir, il y a ce « C'est fini » remarquable de sécheresse et laissant entendre que les partenaires ne sont unis que par le sexe et qu'une fois la pénétration terminée, les liens de domination prennent une autre forme, celle du rejet.

2) Une réflexion très poussée à propos de la vie

Pour commencer, une petite remarque : le mot « réflexion » est très utile, et ce, quel que soit l'objet de la (supposée) réflexion. Pourquoi utile ? Parce que ce terme évoque la philosophie, vous savez, la métaphysique, l'épistémologie, l'ontologie... Toutes ces joyeusetés qui ont permis à vos parents d'échouer au baccalauréat, donc de ne pas accéder à l'université, et donc de pouvoir travailler, comme maçon, à l'air libre, dans une ambiance de franche camaraderie et avec de l'exercice physique afin de se maintenir en forme, au lieu d'être enfermé seul dans un bureau à exercer le métier usant et à peine plus rémunéré de trader. Gloire, donc, à la philosophie ! D'autant plus que tout professeur de lettres n'est rien d'autre qu'un professeur de philosophie qui s'ignore. Ou qui a échoué en première année de fac.[6] Il est donc bénéfique de les titiller par le moyen de cette passion.

Alors, que peut-on dire sur cette vie ? Une fois encore, on peut souligner son caractère monotone et répétitif, en se basant sur les mêmes éléments que précédemment. De plus, l'auteur démonte plutôt que démontre[7] le mythe de la liberté, et donc celui de la responsabilité, en confrontant son protagoniste à des choix qui n'en sont pas vraiment : une seule réponse est envisageable, le non. Qui plus est, cette réponse semble pouvoir être obtenue de deux manières différentes, en faisant appel à sa raison ou à son instinct de contradiction. Et, pour faire la transition avec la partie suivante, insistez sur le paradoxe...

Paradoxe, donc, puisque en dépit des nombreuses imperfections pour lesquelles le poète blâme la vie, il semble regretter sa brièveté. Premier indice à étayer cette thèse, les nombres, qui ont tout l'air de marqueurs temporels, ne sont pas associés à des unités de mesure du temps. Cela semble sous-entendre que, peu importe la durée d'une vie, 10 décennies, 10 jours, 10 secondes, tout cela revient au même, une brièveté angoissante. Bien sûr, il faut de même mentionner la brièveté du poème, faisant évidemment référence à celle de l'existence. En outre, l'agonie, à travers le cri « Aaaaah », intervient très tôt (dès le cinquième vers). Enfin, il est nécessaire de ne point oublier que les mots utilisés sont particulièrement courts (une seule syllabe, à une exception près), renforçant l'effet dominant du texte.

3) Une conception politique très élaborée[8]

Tout d'abord, on notera, de la part de l'écrivain, un certain cynisme à l'égard des structures sociales traditionnelles et de leur potentiel à changer les choses et à se changer. En effet, lors des quatre premiers vers, dépeignant les organisations passées et présentes, l'auteur montre les mouvements de la société comme un cercle infini, autant inspiré des cercles de Kondratiev que de certains essais d'Engels et du slogan « Un pas en avant, trois pas en arrière, c'est la politique du gouvernement »[9]. Ainsi, les progrès ne sont qu'apparents puisqu'on en revient toujours au même stade. On ne fait que suivre l'enchaînement : améliorations limitées car symboliques, faux progrès, retour au stade originel.

Pareillement, un certain scepticisme se dégage du poème quant à l'impact de rébellions traditionnelles, pour la forme. Celles-ci sont représentées par le mot « Non ». Tout d'abord, l'auteur les accuse de manquer de clarté : le terme utilisé comme métonymie pour ces soulèvements exprime une opposition, mais il ne dit pas à quoi, et encore moins ce que ces frondes soutiennent. De plus, par la récurrence du mot, il leur reproche de présenter le même caractère répétitif que les hiérarchies conventionnelles. Enfin, et c'est le plus grave, en les insérant au milieu des cercles, il insinue que ces insurrections font partie de l'ordre établi et ne font que les soutenir.[10] Tous ces éléments mettent en valeur la stérilité de toute révolte mineure.

Au contraire, il est ici fait une apologie d'une révolution marxiste qui mettrait fin à l'infinitude des évolutions socio-politiques. Ceci est exprimé par le terme « fini », libérant le peuple de ces évolutions manquées pour entrer dans une ère de vrai progrès. Le terme en question rappelle, en outre, la « Lutte finale » imaginée dans « L'Internationale » et permet de placer l'oeuvre dans une perspective clairement communiste. Attention, dans cette partie, vous pourriez très bien ne pas songer à l'un des paradoxes, ce qui serait gravissime. Comment cela, vous n'en avez pas vu ? Enfin ! L'auteur montre bien que pour préparer l'avenir au mieux, il faut s'imprégner au maximum de son passé. En effet, la révolution tant souhaitée, celle qui change les choses, est représentée par la lettre « A », la première de l'alphabet, l'origine de tout. Au fond, cela explore en profondeur l'étude marxiste de l'histoire.

Notes

  1. Notez au passage que, si un titre de livre est marqué par le soulignement ou une police italique, on met les noms des nouvelles et des poèmes entre guillemets.
  2. Au lycée, l'esprit de synthèse, c'est quand on arrive à écrire 15 pages alors que dans sa tête, on avait synthétisé les idées sur 2 pages 1/2
  3. N'oubliez pas le principe d'intentionnalité
  4. Le fait que l'auteur de cet article veuille devenir professeur d'anglais est, bien entendu, une coïncidence.
  5. Sauf s'il fait partie des malheureuses victimes...
  6. Ou qui a vu à temps le nombre de postes ouverts au concours dans les deux disciplines.
  7. Très bon pour la note, les jeux de mots. Sauf s'ils sont vraiment drôles.
  8. Toujours dire que c'est très élaboré, cela impressionnera le correcteur que vous osiez vous confronter à une oeuvre aussi géante
  9. Quand même, il faut rester à un niveau intellectuel relativement haut, non mais !
  10. Pourquoi vous croyez que la FNAC commémore avec autant d'enthousiasme Mai 68 ?



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