Mode
Les mites ont pris possession de mon armoire et leurs conditions de reddition sont beaucoup trop élevées pour ma dignité. Mon portefeuille et moi allons devoir affronter la terrible réalité de la mode, á moi les déambulations, la vue collé aux vitrines, la main dans la poche et le style 5ème sous-sol. Ne perdons pas un instant, à nous les magasins ! |
1er magasinJe me laisse tenter par une boutique dont le nom résume un style posé, classe et dans le genre, M&H. Je fais l'impasse sur le rayon féminin qui bouche l'accès au minuscule présentoir de la mode masculine. Mais là quelle débauche de couleurs, quelle miroitement trompeur de violet prune, de jaune fluo type signalisation routière et de phrases en anglais en paillettes dorées. Mes yeux pétillent devant un tel déballage, un feu d'artifice en plein jour. Immédiatement, je hèle un aimable vendeur :
— Vous vendez des vêtements ou des feux de position ?
— Vous êtes au rayon jeunes branchés, c'est le genre de look qui court-circuite les pupilles.
— Je saigne des yeux, c'est normal ?
— Une de nos supers promotions vous a surement tapé dans l'œil.
— Sérieusement, j'ai la rétine qui se décolle et les globes oculaires qui essayent de changer de propriétaire.
— Encore un effet de nos promos flashs. Les promos M&H, des promotions qui vous marquent a vie !. Mais je vois que vous portez pas notre kit de protection visuel collection été/hiver.
Il me tend alors une épaisse feuille noir qu'il me conseille de placer devant mes innocentes pupilles. A travers le filtre opaque, je pourrai presque apprécier le déballage de peintre parkinsonien qu'offre le rayon homme, une palette de couleurs vives empilées les unes sur les autres.
— Je vous conseille ce T-Shirt vert lampion, avec sa couleur vive personne ne pourra ignorer votre présence et d'éventuels rivaux amoureux n'oseront même plus lever les yeux sur vous.
Je n'hésite même pas un instant et m'enfuis du magasin la main sur les yeux pour pallier aux défaillances du masque opaque.
2e magasinJ'essuie le sang coagulé qui macule mon visage et rentre d'un pied ferme en territoire conquis, la boutique avec son odeur de cuir et de clope froide me rappelle le cagibi où mon père avait l'habitude de m'enfermer pendant les matchs de ligue 1. De part et d'autre s'étendent des centaines de jeans, blousons cuir et ceintures à boucle en acier pour enfants turbulents, j'enfile prestement un blouson. Je retrouve immédiatement les sensations ancestrales de la lutte entre l'homme et la vache, une lutte féroce dans l'étable, le soir pour savoir qui du jeune enfant où de la grosse Marguerite prendra le hamac, une lutte difficile et inégale. Je laisse mon esprit vagabonder en ces temps éloignés où Drucker n'avait pas encore dépassé la date de péremption. Mais je me rends compte que j'étouffe, ce blouson semble une réplique parfaite d'un hammam, je tente de l'enlever mais mon bras reste bloqué dans une manche, je me débats fermement tandis que l'odeur de poils roussis envahit le magasin. Quand j'arrache enfin mon bras, la vue de celui-ci me donne envie de manger un kebab, je repose la veste et mes pieds se dirigent tous seuls vers la partie santiag au désespoir de mon bon goût. S'affiche alors devant mes yeux réjouis des centaines de modèles, dont certains affichent même trois pointures. Mon attention se porte sur le Jteperce un 2e trou du cul.
— Très bon choix Mr, il ira à ravir avec le chapeau de cowboy lors de votre soirée country.
Dans ma tête, soudain un ressort se détent dans mon cerveau, santiags riment avec country! Country, la danse des plus de 50 ans désespérés, amateurs d'indiens et de western spaghetti bien tâcheux sur la serviette, l'abomination absolue, le non-style perfecto, mon esprit reprend enfin le contrôle de mes pieds et s'évacue lentement vers la sortie mais j'achète quand même les santiags car elles me plaisent. 3e magasinHugo le Boss, ça sent la classe et les fripes qui douillent autant qu'un blockbuster américain.
— Rassurez moi, les costards que vous portez en tant que vendeur vous sont prêtés par le magasin ?
— Bien sûr et je les rends en même temps que mon ton hautain, lui aussi prêté par la firme.
— J'ai cru un instant que je n'étais pas le seul à hypothéquer ma maison pour acheter une simple chemise.
— J'adore humour français, pas la peine de vendre votre château pour une simple chemise, ahhahahahaahahah.
— Vous parlez de mon appartement ? Il est vrai que certains l'appellent Le Manoir mais de là a le prendre pour un château...
— Sécurité !
— Votre humour italien est pas mal non plus.
— Sécurité ! On a ici un imposteur ! Imposteur au rayon Cravate de détente ! Sécurité !
— Heureusement que le Prada me va mal, je ne serais pas obliger de sous-louer mon cœur.
4e magasinPartant sur le principe que l'intérieur ne peut pas être pire que la vitrine, je m'engage dans cette cave qui semble vendre des vêtements gothiques. Immédiatement je repense aux t'es pas cap ! au Père-Lachaise de ma tendre jeunesse. Pourtant quelque chose cloche, je suis seul dans cette cave. Où sont passés les zombis froids distants et au visage ravagé par l'acnée et le manque d'exposition à la lumière extérieur ? Je regarde les rayonnages multiples et complexes qui s'imbriquent les uns dans les autres dans une partouze vestimentaire. Soudain je comprends, c'est un piège !
— Hinhinh, Zous zoilà cuit, her Doktor ! Hihihiarahrhahhrhhaarrah !
— Je reconnais ce rire de hyéne dopée aux hormones de taureau ! Machiavelus !
— En chair et en os ! Hihihiarahrhahhrhhaarrah !
— Plus en chair qu'en os ! Hahahah ! Blague à part, que viens tu faire ici, sinistre vautour remplumé suceur de jus de cactus ?
— Hihihiarahrhahhrhhaarrah ! J'ai pris le contrôle de l'industrie mondiale du textile. Désormais toutes les marques appartiennent à LA FIRME, je contrôle les goûts des gens, bientôt je vous obligerai à vous habiller comme dans les années 60 ! Hihihiarahrhahhrhhaarrah !
— Je vais t'en empêcher une fois de plus ! Comme je t'ai empêché de libérer les dauphins du parc Aqualand !
— Trop tard, Doctor, tu étais la dernière personne à qui il restait une once de goût mais mon modeur vas te remodeler ! Hihihiarahrhahhrhhaarreuhhhhhhhhhhhhhhhhh, rrraarghhhhhh!
Immédiatement, mes genoux lâchent et je m'effondre sur le sol glacé. Conclusion
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