Désinformation:Paris ouvre ses portes

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Paris ouvre ses portes

De notre envoyé spécial  Ralgamaziel-Frappez-moi! janvier 2, 2018 à 21:21 (UTC) - ‎le 02 janvier 2018

ParisFrance — Le quinquennat Macron souhaite restaurer la confiance du peuple dans la capacité de ses élites à tourner des pages, tout en ramenant son action au cœur du processus électoral.



Hier par hasard, repue de fatigue, se reposa goulûment au creux de mes oreilles, cependant que je profitais d’une vie aimante et douce aux bras de ma femme qui quoi que les gens en disent cuisine divinement bien le café soluble froid, au travers d'une série d'ondes radiophoniques à la fréquence coquettement modulée le doux bourdonnement d'une phrase aussi vive que péremptoire, aussi incisive que prémolaire, prononcée avec la chaleur et l'audace des rois par notre self-made president :



« Nous voulons remettre le principe d’ouverture au goût du jour ! »



Des questions qui ne sont pas les moindres pour nous, mortels, s'en trouvèrent aussitôt soulevées, et mon intérêt s’éveilla alors, d'une soyeuse légèreté végétale, tel un bouton de rose chiffonné aux pluies de printemps.


Moi la nature, je trouve toujours ça charmant.


Pourquoi ? Comment ? Quid ?... Chocolat en poudre ?

C’est donc d’un pas sûr et bien certain que notre journaliste, qui ne parlera de lui qu’à la troisième personne parce que, croit-il, ça fait cossu, fit lentement infuser, dans le divin creuset de sa réflexion apaisée et céleste, les diverses et innombrables interrogations que, cet alme ferment faisant lever, patiemment mûries sous le soleil d’un esprit radieux et souverain sur ses augustes terres, l’on serait en droit d’attendre, par exemple, d’un bernard-l’hermite soucieux dont le crustacéen esprit s'animerait soudainement d'un intérêt profond et limbique pour la condition humaine.


Nous ne disons pas que c’est votre cas, mais précisons-le tout de même vous avez parfaitement le droit d’habiter une coquille vide à l'existence de laquelle, par la symphonie grotesque de vos gesticulations aussi douteuses que pathétiques, vous tenteriez désespérément de faire germer un sens. Nous ne sommes pas là pour juger, ni pour nous faire des amis.




Ainsi donc : à qui ce retournement de situation profitera-t-il ? Pourquoi aura-t-on autant attendu pour faire profiter ses citoyens d’une mesure si salutaire ? Qui s’occupera de créer ce lien tant attendu entre le haut et le bas de l'échelle, puisque pour l'instant tous les barreaux sont aux mains des juges ? Comment concilier vie professionnelle et conjugale lorsque l’on est perpétuellement éloigné de sa douce par son travail ? Pourquoi ma femme avait-elle l’air si gêné quand j’ai surpris ce dernier assis nu sur la table de la cuisine au retour d’un reportage sur la Volonté de Transcendance au sein des populations rurales ? Comment est-il du reste possible qu’elle ait oublié mon anniversaire, alors que je lui offre des fleurs tous les mois ? Ai-je sacrifié mes rêves pour une vie stable mais qui, au fond, ne me satisfait pas ?



Autant de questions déroutantes et affriolantes dont on serait bien en droit d’exiger une réponse, là, tout de suite madame, sur le capot, mais oui, avec la vigueur de nos vingt ans.


Honnêtement, je pense quand même que ce serait une belle injustice.

Vérifications faites, il semble que pour l’instant la seule mesure de l’Élysée a été de supprimer les portes à codes dans ses bureaux officiels. Une préoccupation fortement symbolique dont on peut certes mettre en doute la pertinence, d’ailleurs nous le ferons avec un vigoureux entrain puisque c’est sans danger[1].


Une corde à potes. Attention ! La confusion est aisée[2].


Mandaté, le porte-parole gouvernemental du gouvernement qui nous gouverne en ce moment se veut rassurant :


Le porte-parole : Il est intolérable de penser qu'aujourd’hui encore, meurtrier résultat des métaphysiques, le nombre de chômeurs dépassera bientôt le nombre de Français.


Moi-même, journaliste : C’est vrai.



Le porte-manteau Hihihi. : Au gouvernail, nous nous devons de donner l’exemple en supprimant les intermédiaires et les tracas inutiles, en épurant l’administration des scories qui ralentissent et étouffent sa délicate machine, en avalisant le grand travail-pour-tous au travers d’un engagement à la portée incontestable, en unifiant le peuple français derrière l’éternité nationale d’un acte fort et d’un engagement sans faille, piégés au sein d'un monde vaste et vertigineux dont il nous faut sans cesse transgresser l'effrayante inertie par le fer d'une infaillible détermination. Si l'on en croit les lois de la nécessité morale, il est évident que chacun souhaitera, devenir, à raison, le bras armé de notre exigence longuement mûrie d'efficacité et d'affirmation personnelle, ne serait-ce que pour poser sa petite pierre pour l'élaboration d'un monde meilleur.



Moi-même, translaté dans le temps depuis tous à l'heure : Euh... Oui, c'est possible, tout à fait vraisemblable, je dirais même que cela heurte mon cœur avec le fouet fort vivace d'un rare sentiment d'évidence, mais il me semble que le sujet de notre rencontre était...



Le porte-manteau : Par exemple moi j’empêche les habits de tomber et ça, c’est déjà une victoire étincelante sur le chaos et le communisme.



Moi-même. Eh oui, je sais, c'est décevant mais que voulez-vous. : Ah… ? On dirait que vous venez de faire tomber un chapeau.



Le portefeuille : Quelle honte ! Est-ce ainsi que nous souhaitons convier nos pairs à la grande table de la beauté, de la démocratie qui chante un petit air en alto, des oreilles propres et des mains qui ne font pas de nœuds, même sous la douche ? Est-ce là le monde que vous voudriez léguer à vos enfants ? Et quelle impéritie parmi nos contempteurs ! Quelle malhonnêteté alors, quelle vilenie, quelle habileté de sycophantes est à la manœuvre ! Vous rendez-vous compte, par exemple, que sur une porte à code - une simple porte, monsieur - la majorité des touches ne servent absolument à rien - à part fournir une distraction imméritée au cambrioleur, ce que soyons justes je pourrais aussi bien faire moi-même ?



Il le faut bien pourtant. Et en vérité pourquoi y réfléchir, puisque immanquablement, nous finissons par nous émousser aux mots inéluctables, à ces vagues subtiles et insaisissables, comme à une grave paroi de cristal nu ? : J'admets, l'ami, que j'ai souvent songé à ce genre de choses, sans jamais oser y apporter une réponse ; peut-être, oui, peut-être ! Que diable ! Par peur ou par paresse,

Mais jamais, en vérité, n'ai entrevu de réconfort dans de telles téléologies.



Le porte-jarretelles : Imaginez, si donc vous le pouvez, le désespoir qui guette nos chères entités ! Représentez-vous donc le malaise, la profonde blessure que creuse l’inefficacité, ce parasitisme spatio-visuel, la conscience de la déréliction sociale qui sous-tend chaque instant de leur vie insane et dont l’inconcevable absurdité irrémédiablement ronge le cœur doux, limpide et chromé de nos petits serviteurs métalliquement insérés dans la mélancolie dubitative d’une porte immobile s’entrouvrant et se claquant sans cesse, emportée, bercée par un morbide va-et-vient fonctionnaire, sans jamais qu'un quelconque quidam - espoir fou ! Impossible ! Inconcevable ! - s'immobilise dans son travail, s'arrête, et alors, surpris et flatté par leurs éclats, leur accorde la moindre attention !


Moi-même, journaliste de qualité : J’y arrive assez bien, merci.



Le porte-bagages : Leur lent sacrifice inaperçu ! Le burn-out ! La dépression ! Le grand négoce de l'âme qui part dans le vide à petits pas discrets, gênés, honteux, qui quitte l'existence et ne se donne même plus la peine de se regarder tous les matins dans un miroir, puisqu'on est finalement soi-même ce miroir où se reflètent toutes ces insignifiances, ces mesquineries, ces acclamations atrabilaires qui tiennent plus, au fond, du sentiment nerveux que de la joie. Les tapages, les espérances froissées, les cravates nouées comme pour un long départ, tous ces sentiments incompréhensibles qui nous gouvernent cependant, tout ça ne suffit plus...


Moi-même : Non !


Le porte-bonheur : Et puis enfin - enfin la révolte ! On n'osait plus y penser ! Mais ça ne dure jamais ! Les discours dans le vide ! Et alors la folie !... Le suicide !



Moi-même, avec emphase : Mon Dieu !



Le porte-drapeau : C’est pour cette raison, pour obvier à cet invraisemblable et honteux abandon dont nous nous rendîmes trop longtemps coupables, que nous nous sommes enfin décidés à aider chacun de nos citoyens à se réaliser lui-même. C'est notre vision, c'est notre combat depuis le début, et nous sommes sur le point de toucher au but. Chaque cadran à code multiple sera remplacé par un cadran muni cette fois d’un seul bouton, espiègle, souriant à la vie, indivis, content de lui-même et de la contribution qu’il apporte à la société.


Elephant img.jpg


A ce stade, nous nous aperçûmes fortuitement que, dans le cas d'un cadran « standard » à dix chiffres et quatre lettres, le nombre de combinaisons possibles s’élevait, avec une brusquerie dépassant de beaucoup les petites préoccupations de l’entendement commun, excusez-nous, à la quantité fort pompeusement exacte de trente-huit mille quatre cent seize. Devant l’énormité de ce chiffre, nous passâmes une minute au sol, en proie à un écrasant malaise issu du sentiment de l’infini. Lorsque nous eûmes fini de confier nos angoisses à des éléphants imaginaires en communiquant par les grondements en pompe extasiés de la trompette cosmique, nous pûmes rendre à notre station la verticalité de son origine, et questionnâmes diurnement et vigoureusement notre interlocuteur sur les implications de cette perte logarithmique d’information.



Le porte-vue : Ah, mais c’est par ce petit interstice que s’insinue toute la subtilité de la situation ! (répondit-on avec un entrain digne de remarque.) Il suffira, pour ouvrir la porte et accéder aussitôt à la joie divine de l’entreprise, d’appuyer un nombre défini de fois, compris entre zéro et certes un peu plus, sur le bouton joyeux, touchant, serviable, courageux et pleinement satisfait de son utilité marginale de garde-fou ; convenons, quelque peu académique que soit notre progrès, que l’émotion bondissante de ce petit être confronté aux stimulantes difficultés de l’entrepreneuriat ne peut laisser indifférent.



Peu importe au fond : Mais oui !



Palabres et ad infinitum

Nous nous quittâmes chaleureusement en souriant à la vie. C’étaient en effet bien des imaginaires qui allaient devoir leur prodigieux essor aux efforts talentueux d’un gouvernement en mal de limites. La fondamentale question du sens enfin résolue par une simple mesure de bon esprit, où chacun pourra sans plus se poser de questions passer son temps à ouvrir et à fermer des portes sans que jamais s’invite au dîner la désagréable volupté de l’indifférence cosmique.


Nous remercions le Bouton pour toutes les belles choses qu'il nous fera vivre, dans le passé, le présent, l'avenir et la quatrième dimension. Nous nous congratulons de l'avoir connu, caressé, enlacé, bien que nous sussions que ce bonheur ne serait pas éternel et qu'il faudrait, un jour, en faire le deuil, comme de toutes les choses de l'existence.


Mais maintenant nous sommes en paix avec nous-mêmes et nous savons que la vie vaut la peine d'être vécue, ou vexée, ou vissée, ou versée, bref et tout cela pour peu qu'on ne s'y intéresse pas trop.



Ainsi, nous ne résistons pas à l'ineffable plaisir de mentionner que, selon le fabricant de ce nouveau modèle, le Bouton devra être moulé dans un mélange de titane et de béryllium pour résister aux pressions successives qui seront bien sûr à l'aguichage de sa rotondité exercées avec un zèle tout gaulois. Un gant spécial pourra être commercialisé pour ceux et celles qui souhaiteraient éviter les ampoules au doigt.



Nous doutons, mais nous nous amusons du fait que notre gouvernance, qui n'est que le reflet du peuple, ayant choisi sans grand acte les petits plaisirs de la passion et préférant encore aux sempiternels murmures de l'horloge le doux cliquetis bienveillant et hebdomadaire de ses mignons métacarpes, ait finalement conduit, et contre toute logique vécue, la sensiblerie morbide à sa propre frontière, là où elle se confond avec l'aléa pastel et épuré du jeu, aveugle et stochastique, des myriades de gouttelettes frémissantes dans l'arc-en-ciel.


Alors qu'il aurait quand même été plus simple de tourner définitivement la poignée.

Notes

  1. Comme tout le monde est capable de se montrer courageux dans un instant critique, le mérite n’en est que plus grand lorsqu'on manifeste cette qualité dans la situation opposée. C’est une question de simple bon sens.
  2. Elle pourra donc vous aider à vous débarrasser d’un minotaure. Moi je dis ça au cas où.


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