Syldavie (Système légal)
La législation syldave est une collection strictément accumulative de distiques rimés (des poèmes de deux lignes), qu'on appelle le Whêtboôuck vhân Ottôkar, connue aussi comme Codex Autocara. Vers la fin de son règne, le roi Ottokar I publia un recueil de lois en forme de vers et proclama l'ancienne législation, un mélange de droit romain et islamique, nulle. Ce Codex Autocara avait un tel prestige que ni le Parlement de Klów, ni les rois même ne se sont jamais arrogé le droit d'en enlever des morceaux ou de les moderniser. Chaque année, à la Saint-Wladimir, le roi peut proclamer des nouvelles lois devant le Grand Conseil, les Princes du Sang, les Ducs et Pairs, qui les enregistrent. La loi est accumulative : on n'enlève jamais un seul distique.
Depuis la fin du Moyen-Age (située en 1922), le roi s'est rendu compte qu'il devenait de plus en plus difficile de maintenir ce système de lois archaïques mais cependant très populaires (des peines corporelles souvent très originales appliquées en public étaient les seuls divertissements du dimanche dans les petites villes). En 1922, à l'occasion de ses 80 ans Muskar X, le Roi-père, se retire en Chine pour soigner sa prostate. Son fils Muskar XI l'Humaniste (qui accède au Trône en 1934) est nommé Régent et assume les pleins pouvoirs qui lui sont conférés. Des négociations discrètes entre Muskar XI et le Parlement ont mené à un compromis qu'on appèle le Système D.
Sous le Système D (du terme dôbbletzs), la justice dispose d'un deuxième Whêtboôuck, plus moderne et un peu élagué et le Parlement tolère la situation tant que le double ne dévie pas trop de l'original.
Muskar XI a pu ainsi soulager la loi de centaines de distiques que Kathkar II (surnommé le Fou ou le Nain de Jardin) a fait composer lors de ses accès de colère et dont la lecture devant le Parlement durait si longtemps (ce que N. Halambic désigne comme la nomorrhée kathkarienne) que les sandwiches que mangeaient les parlementaires pendant la session s'appelent encore maintenant des Fesses de Kathkar. Un exemple typique de ces lois est celle-ci (pour les traductions, voir P. Brisset, la Loi Syldave Traduite en Français style belge, Ed. de l'Université Autodidacte de Seraing), qu'il a fait écrire après sa chasse à l'ours :
whei sztrûper vändhze kônickzs nên bëihr pakh - Qui braconne du roi un ours
mâkekhik nhe portszmonnaäh vän szâne szakh - de son scrotum je fais une bourse!
une loi cruelle et parfois appliquée (la pauvreté poussant les Syldaves au braconnage sur les domaines royaux), qui dégoûta entre autre le consul anglais Lord Alastair Snot-Bowles, déjà en 1870 (les Anglais avaient en 1869 arrêté de faire des sachets de tabac de scrotums des Aborigènes de Tasmanie - voir William Lanne ou King Billie) et que Muskar XI avait pu changer en :
whei sztrûper vändhze kônickzs ënn bieszd höalt - Qui vole du royal gibier
iën hämäende vän dust khôr bêtszöalt - devra 1000 khôr payer!
Le Parlement tolère la loi alternative du Système D, avec l'argument que Kathkar II se serait fâché également contre les voleurs de cerfs et tout autre gibier, et que la cession d'une bourse de 1000 khôr est assimilable à la facture de la bourse dans le sens katharien. Le peuple syldave, privé de spectacle, n'était pas si impressionné de la réforme.
Un autre problème dont le Système D s'occupe partiellement est l'intolérance religieuse contre les musulmans. Le désir de se débarrasser de ce qu'il considérait comme une cinquième colonne bordurienne, avait poussé (pendant la guerre de religion 1555-1557) Krömmbel, le Baôsz ou bien Lord Protektor (1557-1578) à promulguer des lois interdisant la pratique de l'islam (prière, pélérinage, même aumône), mais également d'observer des hadith (paroles, actes et approbations du Prophète), allant jusqu'à rendre obligatore la consommation d'alcool, et à interdire le port de la barbe sans moustache, les ablutions, et le rasage pubien, que l'islam impose, le tout assorti de lourdes peines :
wheï gâlak dhzemösselmanh schêir zäin schôamhâôr - Qui "more islamico" se rase le pubis
wördtz ghêtrökhén zhëgghekic in khatre khâör - en quatre quarts est écartelé, je dis!
Ënd wheï wäszcht ënd näthmökt zâhn vûëte - Et qui fait des ablutions et ses pieds mouille
sztämpekhik têïghe zâin cklûëte - je lui casse les couilles!
wheï medt Vládimir szankt elôei nïëdt sztröndtzhâd nëdt isz - Qui n'est pas ivre à la Saint-Vladimir, par Saint Eloi
wherzôëpekhik ëin dhën côïên pîësz - dans l'urine de vache, je le noie!
Ces lois avaient été mises de côté par Kathar Ier le Navigateur à son retour d'exil en Égypte (sa reine consort est Félouque, princesse égyptienne), par l'Édit de Ddrnoûk. Kathar V le Prince des Arts veut remettre ces lois au goût du jour (la révocation de l'Édit de Ddrnoûk), mais ne peut qu'y ajouter des nouveaux distiques, et rien modifier - le Parlement menaçant de grève. On arrive néanmoins à un compromis, qui servira de modèle à la réforme de Muskar XI. Ces lois d'intolérance ne sont pas explicitement élaguées par le Systeme D : le Front Nationaliste, parti politique d'extrème-droite et l'église orthodoxe copte s'y sont opposés avec véhémence. Plusieurs personnalités occidentales ont appuyé la modernisation muskarienne.
La peine corporelle - souvent très inventive - que contient presque chaque distique, allant du supplice du pal, au casse-couilles, presse-bite, ou bien aussi très souvent des amputations étant un autre problème du Système justicier de Syldavie. Voici l'usurpatrice Vanesza - les reines étant souvent plus cruelles que les rois - qui menace l'entourage de mignons du jeune roi de ne pas se parfumer :
whei sztînktsz nâ lô dhëlarhâin - qui se parfume à l'Eau de la Reine
szâllekhik zân öêrhe âfsznâin - les oreilles je lui coupe pour sa peine !
Et chaque municipalité possède encore les instruments du supplice, qu'on n'ose montrer aux visiteurs étrangers et, dans les cas où il s'agit d'instruments difficile à occulter, comme le casse-couilles et le presse-bite, on raconte qu'il s'agit de presse d'olives.
Une commission d'enquêtes préparant l'accession de la Syldavie à l'Union Européenne n'a pas pu conclure sur la question si ces supplices étaient encore appliqués. En 1999, le Ministre de la Justice disait qu'occasionnellement on appliquait encore un peu le territio verbalis (menace sans véritable torture, pour obtenir une confession) - on se borne à montrer les instruments - et seulement en cas de sorcellerie, sodomie, hérésie, lèse-majesté et de délits de presse et de sale gueule, et seulement dans le souci humanitaire de ne pas brûler sur le bûcher des innocents - réponse qui n'avait pas choqué la Commissaire Européenne Édith Cresson, chef de la délégation, et première récipiendaire du Prix "Kôninkszgin Vanesza Prâësz" pour la Paix - 10.000 bouteilles de szprädj rouge et blanc, 45.000 khôr et 30 jambons fumés de Vârkhenskhôdt. Des critiques du régime disent que les supplices sont encore appliqués et que le Prix Vanesza n'a été créé que pour soudoyer des visiteurs haut placés ce qui paraît, vu la modestie du prix et la qualité générale du sprädj, exagéré et calomniateur.
Malheureusement pour les Syldaves, l'accession à l'Union Européenne reste compromise. Après la réception du Prix Wanesza, un membre anglais de la délégation, errant dans le quartier chaud de Klów, a été embarqué par la Pólisz, amené au bureau, violé et torturé au "köterhâök". Il a été hospitalisé ensuite. Le chef de la Pólisz refusant de s'excuser (dura lex, sed lex : whei vögleszt medt ënne sznol; dhën köterhâök ëin zâin hôll !), la délégation Européenne a plié bagages. Seule Mme la Présidente est restée, accompagnée d'un autre membre, dentiste de Châtellerault. Le lendemain, en recevant le Prix "Tante de la Patrie" (50.000 khôr et 150 jambons), elle crut utile de déclarer au sujet de son infortuné collègue anglais que, de toute façon, cela lui aurait fait plaisir, un quart des Anglais étant quand-même homosexuels. Le dentiste de Châtellerault, lui, a recu de la COrporation ROyale Muskar X Père des Urologues et Stomatologues (COROMPUS), le prix annuel Szánkt Âpollönië (75.000 khôr, 50 jambons, 7500 bouteilles).
Un article dans la presse française accusant la délégation de se faire acheter pour quelques khôr, des jambons fumés et du vin de mauvaise qualité a eu droit à un vif démenti de la part de l'ambassade syldave qui mentionne que les montants étaient importants aux normes syldaves, le jambon était séché et le sprädj un vin A.O.C. Et que tout était menti.
Plus tard, le Canard Enchaîné a établi qu'il s'agissait bel et bien de jambon fumé.
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