La crèche des bâtards illégitimes était une institution d'État des régimes monarchiques français destinée à garder les bâtards de sang royal selon une expression du rat belais. Sans autre spécification de contexte, cette locution se réfère conventionnellement à l'institution du temps du règne de Louis XIV, tenue par la célèbre maîtresse de maison Madame de Maintenon, et dont la peinture des caractères et mœurs fut l'exercice de style plébiscité du moraliste Jean de La Fontaine dans son unique ouvrage Les caractères, illustre manifeste du pessimisme.
Introduction
Définition
La crèche des bâtards illégitimes ne s'occupe ni des cochons de porc royal, ni des batraciens pure souche, mais des petits chiots issus du croisement entre les chiens en âge de se reproduire des courtisans et membres de la famille royale d'une part, et ceux des roturiers au service de la cour royale. Ces chiots sont plus connus sous le terme de bâtards. Comme le mariage secret de Louis XIV avec Madame de Maintenon, ces croisements n'étaient pas connus du peuple, mais nourrissaient un secret de polichinelle parmi les proches du Roi.
Origines
L'institution fut fondée en réponse à l'explosion des naissances de bâtards des familles princières et royales au XVIe siècle, suite à un effet de mode partant du succès du Royaume d'Angleterre (aujourd'hui Englandreich en allemand) dans l'hybridation canine avec l'obtention du merveilleux Golden Retriever.
Le château de Versailles, lieu d'intrigues et de débauches
Historiquement la crèche se situe dans une aile du château de Versailles accessible par un escalier secret connu de seulement Louis XIV et quelques collaborateurs spécialisés en hygiène urbaine. Le Grand Roi rendait régulièrement visite à ses favoris dans un yoyo précurseur du bilboquet et des navettes spatiales entre son cabinet privé et la crèche aménagée par Le Zoôtre [1].
Les caractères
La vie des chiots a été rendue fameuse par l'homme de lettres Jean de La Fontaine dans ses fameux Caractères, ouvrage péristylittéraire d'un style dorique et ionique unique, et jetant une vive lumière sans égale sur la génération des Bâtards du Grand Siècle. Adulés par effet de mode, ces chiens n'avaient pas que des partisans, et pâtissaient des mauvais plaisants et critiques décriant la frivolité et la zoophilie latente dans l'élevage des chiens en général. Les Caractères sont des portraits anonymisés mis sous forme d'apophtegmes par La Fontaine au gré de ses observations quotidiennes.
Les brigues, intrigues et cabales typiques des milieux huppés sont révélés avec une acuité naïve qui a trouvé son public : son succès ne s'est pas démenti jusqu'à la Révolution Française en 1789, les gens de la Cour s'arrachant les éditions successives dans le but de deviner quel chien se cachait derrière tel portrait. Et même au-delà de cette date, le peuple souverain s'en appropria le pathétique pour mieux cultiver la critique et la diffamation du royalisme.
Des ouvrages de l'esprit
Voici ce que ne taisait point un Colossius : « Wouff wouff wouf woouff ! » Si seulement l'art de s'exprimer avec bon goût et esprit était d'être concis et raisonnable, ce serait de ne pas se répéter dans ce qu'on a de sublime.
« Wouff wouff waaaaouf WAAAARRRFFF wawaf ! » : Flanelle serait très médiocre à l'écriture des épîtres dédicatoires, mais ferait fort belle carrière à la chaire des dévots.
Malherbe, Montaigne, Voiture, Racine, sont de grands hommes. Alors pourquoi pas Deschiens ?
Les vertus
Balthazar se roule sur son dos et offre son ventre à la caresse des invités de la Comtesse de Séguier. A l'après-dînée, un valet ou les enfants s'en vont le promener dans le jardin, où il se vautre dans l'herbe où a macéré la flaque infâme d'un autre chien. La nuit tombée, Balthazar offre à nouveau son ventre et se fait caresser sans prier. Cela me répugne.
Montaigne prie et hâte son maître en virevoltant et en se donnant le tournis par des frasques typiques du pitre. On lui sert un somptueux repas servi dans une assiette de fine porcelaine à son nom. Veut-on se reprendre d'avoir oublié l'assaisonnement, il grogne sourdement en vous sentant approcher dans son dos, prêt à vous remercier de votre dévouement d'un violent coup de mâchoires.
Les chiots d'une même portée sont animés d'un entrain et d'une joie de vivre contagieuse. Ils font des galipettes, se pelotent ensemble, etc. Quand vient l'heure du repas, ils n'ont d'yeux que pour le prochain service, les autres n'existent pas, et pourraient tout aussi bien n'avoir jamais existé.
L'on ne s'habitue jamais à Isophon : il sent très fort, il a une haleine de chacal, et il se lèche souvent les parties avec emphase devant le public scandalisé. Mais le pire, c'est que si l'on ne fait rien, l'on peut être assuré qu'il ne fera rien non plus.
Les yeux du chien châtoient à table
Quand il sent venir le repas, les yeux du chien brillent comme des perles. Ce repas est le Dieu dont ils sont les chat-noines.
Floridor vient de piquer la côtelette de son compagnon de jeu Mondoris. Le jour où il s'en repentira, l'Homme sera enfin digne d'être un chien.
Les chiens n'ont jamais l'impression de marcher sur nos platebandes, en particulier quand le prince vous écoute exposer votre affaire à laquelle vous avez tout intérêt qu'il s'associe, et caresse le chien dans le même mouvement distrait.
De celui qui se lèche religieusement les parties, on devine qu'il est soit cénobite, soit barnabite.
Des esprits forts
Ô mais mon pauvre ami, si ce chien se frotte à votre jambe, ne la retirez point : c'est le chien de notre roi
Louis XIV !
Que fait-on pour récompenser un chien qui vous sauve de la noyade ? On lui donne un nonosse.
Du mérite personnel
Un bâtard vient à peine de naître qu'il s'attire toutes les faveurs des dames de la cour, se trouve au centre de tous les ragots, et brille de tous les éclats de la nouveauté. Malheureusement il est trop jeune pour en profiter vraiment, et a-t-il atteint un certain âge que déjà il ne peut que souhaiter n'être jamais né. On peut dire qu'il est né trop vieux.
Si tous les chiens se ressemblaient, peut-être que l'Homme aurait la noblesse d'âme, la présence d'esprit et un semblant d'espoir en son être de ne pas en élire un roi des bâtards.
Excel est très fier de lui. On ne lui a jamais rien appris, c'est un parfait autodidacte. On ne lui a jamais appris non plus comment vivre avec une laisse, même s'il s'y fait à la perfection.
Cannabis a vécu 89 ans dans l'échelle du temps des chiens. Il a uriné sur tous les monuments, poteaux, troncs, talus entourant la propriété, mangé tous les types de mets possibles à base de viande de chien, dormi, levé la patte, remué la queue, reniflé le moindre recoin. De quoi voulez-vous qu'il rêve encore ? Vivre deux fois plus longtemps et refaire les mêmes choses.
Des femelles
Iphigénie ne saurait jamais avoir trop de verve quand il s'agit de se toiletter et se parer du plus bel attrait. Elle éblouit courtisans mondains, flatteurs et grands par sa finesse et son affectation racée, sa toison en harmonie avec son pédigrée royal de bichon frisé, ses cils peints, ses dents brossées à l'urine de cheval. Elle se met à aboyer et dès lors on la reconnaît.
Une chienne est regrettée. Il y a une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est qu'elle a laissé derrière elle 15 petits bâtards. La mauvaise, c'est qu'on peut en dire autant de toutes les chiennes qui vont mourir.
Pipiche est fière de sa nouvelle écharpe coquette. On lui a verni les griffes. Ses yeux ont été lavés. L'ultime affront arrivera lorsqu'on donnera sa laisse en soie brodée à une plus jeune chienne fière et encore vierge.
La chienne a du chien.
La P... respectueuse de Sartre était une p... de chienne.
Je n'ai jamais su faire la différence à vue de truffe entre un mâle et une femelle. La compatibilité génitale chez les chiens est une chose stérile.
Des usages
Quel bonheur a ce chien de lever la patte sur son premier lampadaire ! Quelle générosité dans son application ! Quelle étude affectée dans son choix ! Quelle conquête territoriale ! Si seulement il savait qu'un autre va repasser derrière lui et effacer ses traces !
Caressez longtemps un chien, et soit il finit par se désintéresser de vous, soit il entre en érection. Cela est fort commode devant des invités.
«
L'odeur d'un chien... »
L'odeur d'un chien n'annonce pas l'arrivée de celui-ci. Par contre, elle prouve qu'il était là, et ce bien après son départ.
Tel maître tel chien : l'un peut s'enrhumer, ainsi l'autre, à cette différence près qu'il fourre son nez partout.
De la métaphysique
Un chien se reconnaît à ses aboiements. Il est admirable que le petit nom par lequel on l'appelle ne soit pas une variété d'aboiement.
Un chiot c'est comme un bébé humain, sauf que ça continue à faire caca dans la nature jusqu'à l'âge le plus avancé.
Les chiots morts ne sont pas encore aussi prisés que les
bébés morts que mange notre Grand Souverain.
Ce chien tire sur sa laisse avec ses dents, de sorte qu'on se demande parfois qui promène qui.
Baskerville et sa baballe
Lancez la balle et Baskerville vole pour vous la ramener. La nuit, vous pouvez lire dans ses yeux la trajectoire du prochain lancer de balle que vous effectuerez le lendemain. Il est certain et admirable que pour Baskerville la Terre est bel et bien ronde.
Ce bouledogue a une très belle carrure. Il a les apparences d'une table basse mais pas la même utilité.
Une chienne qui se fait mettre n'est pas esclave de sa condition.
Les chiens ont un sixième sens : il est localisé dans la truffe.
Déclarez la guerre à votre chien et les babines de celui-ci retroussent chemin.
Les chiens c'est chiant.
Des grands
Imbéphile boit ses croquettes en les lapant, et mange sa boisson. Il a déjà entraîné son maître aveugle dans les eaux du lac. Quand il fait valoir ses qualités de reproducteur, il se trompe d'orifice. Il a déjà uriné sur un chihuahua après l'avoir pris pour un poteau. S'il a soif, donnez lui à manger. Il répond au nom de n'importe quel chien, sauf au sien. Finalement il est mort en mangeant trop d'eau après s'être pris pour un chameau.
De la cour
Ménestrel est engagé dans un ouvrage besogneux avec Lydie. Celle-ci se laisse volontiers prendre, la langue pendante. C'est une chienne de cour. Les chiennes de ville sont bien plus raisonnables dans la pudeur.
Ici, les voix se taisent :
Jupiter vient de faire son entrée. Il y a aussi
Mars, le toutou de la
Guerre, qui fait redouter par sa musculature puissante et l'intelligence de son regard. Et voici
Aphrodite : je ne suis pas convaincu.
En ville, les chiens s'appellent
Tintin, Boule, Louky, ou Kukupipi.
Victorine se montre sous son plus beau jour. Elle ostente de son postérieur surmonté d'un pompon, remue sa croupe. Samparé aurait été obligé à moins de se laisser séduire, et fait comme tous les bâtards de la cour devant un morceau de grandeur : il lève la patte.
Des biens de fortune
Une meilleure politique de croisement et de stérilisation devrait faire en sorte qu'on ait des chiens plus sélectifs sur la qualité des os qu'on leur donne.
Aujourd'hui on m'a servi un plat fort vanté, préparé par les soins de Marius, Miltiade et Epaminondas, et je l'ai trouvé abject et émétique. C'était, si je l'ose dire, de la pâtée pour homme. Que j'aurais aimé être un chien pour vraiment savourer !
F** a un pelage des plus splendides. Quelle vitalité ! Le long museau de R** lui donne du profil et un air plus pointu. Et que n'oublie-t-on de ne pas mentionner l'impression de force brute dégagée par G** ! Quelle merveilleuse édition du
concours des hot-dogs !
Rantanplan est à un accident d'un bâtard chétif d'hériter de la plus belle des niches lambrissées. Cela se voit comme la truffe au milieu du museau.
Du cœur
Le fait que vous détestiez l'espèce canine ne les empêche pas de vous adorer à mort et de se coller à vous comme la peste.
Ce qui force la jalousie chez un chien, c'est cette flagornerie empreinte de joyeuse naïveté à toute épreuve, inhérente à sa modeste condition. Il a une réputaion jamais contredite dans l'Histoire. Qui, en effet, a jamais réussi à faire avouer à un chien les desseins intéressés poussant au fond de son cœur ?
De la mode
Du plus mauvais goût, tout simplement
Il y a deux catégories de chien : ceux avec une perruque, et ceux sans. Ceux qui en ont une sont une définition du mauvais goût, surtout pour le basset, dernier du dernier rang de la roture, qui la traîne partout où il se vautre. Enfin, il y a des chiens qui ne portent pas la perruque mais en ont tout l'air. Ils sont vains et respirent le ridicule.
Ressort institutionnel
Si un chiot s'échappait accidentellement de la crèche, il faisait ses besoins sur les trottoirs de la capitale.
Il pouvait ensuite être capté puis interné dans une crèche spéciale connue sous le nom de fourrière, établissement public honorable dirigé par Joseph de Fourrière. En fonction du rang du nouvel adhérent, l'administration procédait à une forme particulière d'anoblissement consistant à suffixer le titre de noblesse avec "de Fourrière" : Marquise de Fourrière, Archidûchesse de Fourrière, Son Excellentesse Magnanimissime Vicomtesse de Fourrière (toutes des chiennes), etc. Ces promotions n'étaient pas aussi rares qu'on pourrait le croire ; elles se faisaient par lots périodiques appelés séries de transformation de Fourrière, à ne pas confondre avec les séries de jouets Transformers de Hasbro.
Fin de la crèche en 1789
Lors de la Révolution Française, les chiots trouvés dans la crèche furent exécutés un à un dans le cadre d'un lynchage public exemplaire par la confédération paysanne. Après avoir été reconnus par la voyante extra-lucide Mamie Novastradamus comme la réincarnation diabolique de Ravaillac, la plèbe républicaine les fit violemment regretter une nouvelle fois d'avoir tué le bon roi Henri IV : patte avant droite (qui portait le poignard fatal) sectionnée, coulées de plomb fondu sur la plaie, supplice de Procuste (on les étirait parce qu'ils étaient toujours trop petits pour le lit bien sûr).
Ironiquement, on découvrit qu'en fait c'était faux, car Henri IV rime avec Irak[2], et on sacrifia Novastrassadamussein, donc, à l'autel de la sorcellerie ali barbare.
Notes
- ↑ Célèbre employé à Jardiland.
- ↑ Oui oui, vous ne rêvez pas... Henri Quatre, Irak...
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