Excuse (tennis)
La vie est un long tunnel plongé dans l'obscurité la plus totale, et au bout il y a... ben je vois que dalle. Personne ne sait rien de la vie, et il est fort probable qu'on ne sait pas qu'on ne sait rien.
L'excuse au tennis, quant à elle, est une fraude perpétrée en plein jour et étalée aux yeux de tous. Devant les « j'ai pas le temps », « t'es trop bien pour moi, il est temps qu'on se sépare », « mais tu m'avais dit de faire comme chez moi », et « j'ai le sida », c'est sans doute l'excuse la plus bidon jamais inventée. Il est à noter que le fameusement irritant « je veux pas chercher des excuses, mais » n'est pas une excuse la plus bidon jamais inventée mais seulement une amorce d'excuse la plus bidon jamais inventée, et c'est bien la seule raison qui la dispense de faire l'objet d'un article de pute.
Principe
Au tennis, si un joueur réalise un coup gagnant de manière dirons-nous totalement aléatoire — par exemple, la seule explication qui lui vient est : « Mais si Paul, je te jure que j'ai fait exprès que la balle accroche la bande du filet ! C'est comme ça que je réussis mes amorties frappées à plat à deux mains ! » —, il gagne naturellement le point et la partie reprend normalement son cours.
Ah oui, j'oubliais l'essentiel. Entretemps, il s'est excusé. Au tennis, ça se voit au joueur qui lève la main, parfois sa raquette, tout en baissant pudiquement le regard et en se retournant au ralenti. Et signe qui ne trompe pas : l'autre ne regarde même pas le geste d'excuse, parce qu'il sait que (1) il va venir, et que (2) ça ne veut éthiquement rien dire et n'a strictement rien de sincère.
Pour la métaphore, c'est comme si un gros porc faisait pisser son rottweiler sur vous et s'excusait. Dans les deux cas, au tennis comme dans la vie de tous les jours, le lésé n'a qu'une seule envie : castrer son opposant. Certes il ne pipe mot mais on lit clairement sur son visage.
Un véritable dialogue muet s'engage alors :
Un endroit où l'excuse n'a pas encore pénétré est le let. Quand le service est correct mais touche le filet, la règle est qu'il soit rejoué sans pénalité, donc les joueurs n'ont pas encore trouvé l'occasion de s'en excuser. Heureusement d'éminents techniciens du jeu tels que Guy "Poum ! un vrai missile qu'il a envoyé" Forget et Arnaud "il n'a pas poussé sur ses jambes" Boetsch poussent pour un changement de cette règle qui ralentit inutilement le jeu. Nos amis pourront alors s'excuser à cœur joie lorsqu'un let au service leur donnera le point fortuitement.
Éthique
Généralement l'excuse n'est valable que si elle est de nature à annuler l'offense. Celle-ci doit au plus consister en une agression verbale dont l'excuse constitue le retrait virtuel, car l'excuse, n'étant que mots, ne peut annuler que des mots. Par exemple, chez l'homme adulte : « Espèce d'énorme gode fourré dans le cul d'un phoque ! Oh excuse, je retire violemment ce que j'ai dit ! » Ou encore chez le bébé adulte :
Toute éthique doit être asservie à la recherche de l'équité. Et contrairement à ce que ces générateurs d'excuses et autres propriétaires de rottweiler veulent bien vous faire avaler, l'équité ce n'est pas « C'est du 50/50 : je gagne et toi tu perds :) » Et ne parlons pas d'éthique chrétienne, PAR PITIÉ ! On lui doit un système sclérosé par une justice où le coupable, afin de démontrer son "haut sens de la morale, de la bonne volonté et du repentir", choisit sa propre peine, et c'est comme ça qu'au tennis les coupables ont vu qu'il était alors d'autant plus à propos de faire gagner le point à l'auteur d'un acte ouvertement incriminé. De toute façon, pouvait-on décemment attendre autre chose de joueurs d'un sport où l'on donne au serveur une chance gratuite de frapper comme une mule, en pleine extension, ce qu'on appelle "premier service" ?
Origine
Les journalistes sportifs ont depuis Napoléon pris l'habitude d'épingler cette manie dans le sport de haut niveau de se chercher des excuses après chaque défaite : « j'ai pas le temps de gagner », « t'es trop fort pour moi, on arrête ? », « ben tu m'avais dit "que le meilleur gagne", alors je t'ai laissé gagner... », etc. Mais là c'est le très très haut niveau du foutage de gueule : on reconnaît à travers la gestuelle de l'excuse qu'on est pas du tout dans l'esprit du sport. Et derrière, rien. Néant. Aspiration du sphincter.
On en viendrait presque à dire amen aux ruminations propres aux mauvais perdants. « Je ne cherche pas des excuses mais », dit Nicolas Mahut suite à sa défaite au premier tour de Wimbledon 2010 face à John Isner, « au bout du 120e ace je crois, y'a un truc qui a lâché dans la tête. Mais bon quand on sert pour la 65e fois consécutive pour rester dans le match, après 11 heures de jeu, à 69-68 dans le cinquième set décisif... » Mais on ne le fera pas. Aussi bien les losers que les winners n'ont aucune excuse. Si on leur demandait de l'ouvrir, ils seraient avocats ou ingénieurs de la NASA. Or, ça serait aussi recommandable que de demander la lune à des singes, ou de péter des fusées odorantes à des ingénieurs de la NASA.
Mais de nos jours, ce sont plutôt les discours d'après-match des vainqueurs qui nous font redouter que, peut-être, les trous d'ozone ne sont pas où l'on croit qu'ils sont :
Viennent ensuite naturellement les excuses d'avoir gagné, illustrées au plus haut point par les discours d'excuse de Justine Hénin aussi plats que sa poitrine :
Là elle avait un peu raison, car là où pour certaines on s'exclame « Quelle poitrine ! », avec Hénin c'est « Quelle poitrine ? » Mais ce discours véhicule des relents de doctrine de pêché originel, genre "la naissance est mon excuse pour devenir un putain de crédule judéo-chrétien". C'est pas comme si elle gagnait avec le sentiment de la "justice rétablie" et qu'elle ne jouissait pas grassement des millions amassés comme la truie ardennaise qu'elle est.
Le guide du parfait petit enfoiré
Au tennis, tout est excusable. C'est la raison pour laquelle les joueurs ont compris qu'on pouvait délibérément fusiller d'une grosse frappe un mec au filet plutôt que de trouver des angles de passing risqués. Visez le corps de l'adversaire et celui-ci va paniquer sur quel coup choisir : volley de coup droit, volley de revers ? Il prend alors la balle de plein fouet[1], et là hop ! ni vu ni connu, ON S'EXCUSE MDR ! « Oups ! Le tit oiseau est sorti tout seul de la raquette lol ! »
Bien sûr, on peut décliner ça en service sur le corps, sonnerie du portable en plein échange, lecture d'un livre en plein échange, saut par-dessus le filet et mise aux poings. TOUT S'EXCUSE, c'est génial ! Mais il reste encore de nombreuses voies à explorer pour qu'on ne s'ennuie pas avant la fin du millénaire ! C'est pourquoi nous vous proposons cette mini-fiche des voies à explorer, sous forme d'un tableau facile à lire et transporter sur soi.
S'excuser de quoi | Précautions à prendre | Utilité & signification |
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S'excuser d'avoir mis la balle dans le filet | Aucune. | Plein d'occasions de s'excuser pour rien faciles à se créer. |
S'excuser pour l'autre quand celui-ci fait une faute | Ne pas croire qu'on gagne le point. | Vous l'avez fait mal jouer. Il faut s'excuser pour ça aussi, parce que "c'est pas dans l'esprit du jeu" lol. |
S'excuser quand l'autre s'excuse | Être sur le qui-vive et enclencher l'imitation avant que l'autre ne détourne le regard. | Technique du miroir, un classique. Préparez le miroir comme un pro.
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S'excuser quand on a réussi un beau point | Faites-le sur une amortie gagnante que l'adversaire aura désespérément tenté de relever au filet. | S'excuser d'une balle chanceuse c'est étaler son manque de classe sur la face de son adversaire. S'excuser de son beau jeu c'est étaler sa classe sur la face de son adversaire. |
Commencer à s'excuser quand la balle heurte la bande du filet et hésite sur quel côté elle va tomber, puis se rétracter quand elle tombe finalement de l'autre côté | Encore une fois, préparer son geste. Se conditionner en reproduisant mentalement 10 fois la situation dans le vestiaire d'avant-match. | Ah bah non, je m'excuse pas finalement, mon but c'était bien qu'elle retombe de ton côté ! Stratégie parfaitement mise à exécution ! |
S'excuser sincèrement d'avoir allumé son adversaire d'un smash pleine poire, puis se retourner vers son camp et célébrer outrageusement | Être sûr de bien viser la tête | Je crois que c'est évident. |
Les supporters sont inconditionnellement aussi dépravés que leur idole.
Ils en ont vraiment rien à foutre
Il est aisé de prouver, si besoin était, que ceux qui s'excusent n'ont aucun sens de la sportivité. Par exemple, placez-les à balle de set. Leur balle touche la bande et fait le point. Vous pouvez parier votre compte en banque qu'ils bandent du poing[2] au lieu de penser à s'excuser. Mieux, mettez-les à balle de match, ou balle de tournoi ; remplacez carrément la bande du filet par la tête d'un ramasseur de balle, et voyez-les donner libre cours à leur véritable nature néolithique ! Emportés par l'émotion, ils en "oublient" les règles basiques de savoir-vivre. Ah OK, en fait ce n'était même pas une règle de savoir-vivre, mais une règle de savoir-se-payer-la-tronche-du-monde ! Mais bon, au tennis, il y a toujours deux cons, et ces deux-là sont sur la même longueur d'onde — ou plutôt langueur d'onde cérébrale —, celle où l'excuse est en fait une vraie excuse qu'on est en droit d'exiger.
Heureusement tout finit toujours par bien se passer, parce que les officiels sont aussi de mèche dans ce jeu de conventions morales de branquignols.
À suivre
Dans un autre article, nous aborderons le sujet des applaudissements du public à 30A. Encourage-t-il celui qui peut s'offrir une balle de match, ou celui qui est à deux balles du débreak ? Veut-il pousser vers la victoire ou veut-il prolonger le spectacle ? Croit-il vraiment qu'il peut faire les deux en même temps sans être en auto-contradiction ? Ou salue-t-il la beauté du spectacle ? Peut-être veut-il faire monter la sauce comme dans ces jeux flash qui consistent à faire rouler la molette de la souris le plus frénétiquement possible pour gagner ? Ou est-il tout simplement complètement con sur les bords ?
Notes
- ↑ Aucune importance si elle sortait, le règlement stipule bien que le point est gagné dès que la balle touche le corps, et ne précise pas s'il s'agit d'une frappe de mule avec la claire intention d'envoyer l'autre à l'hôpital s'il ne se met pas à couvert derrière le filet.
- ↑ Par ailleurs l'un des gestes sportifs les plus lourds de stupidité de tous les temps. C'est le mec qui montre à tous qu'il a la gnaque quand tout l'arrange. Ça met d'autant plus en relief le ridicule quand il perd le point suivant avec cet air de dégonflé à demi effaré et incrédule.
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Article cradopoulo ma kif kif maousse costo Cet article a sa place au soleil du Top 10 des articles de 2011.
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