École des cadavres
Une école toute propre... |
Ah ! L'école des cadavres ! Comment vous dire... C'est un lieu pour blouses blanches et microscopes. L'autorité médicale... La belle autorité immaculée sur les morts ! L'antre des médecins légistes ! On y pénètre sur la pointe des pieds... comme les danseuses d'un ballet silencieux... Une autopsie par-ci, un requiem par là, c'est tout l'art de la musique post-mortem. On vous découpe ! On vous éviscère, vous pèse les boyaux, vous suce les fluides et voilà ! Le tour est joué ! Y'a plus qu'à vous recoudre et à vous renvoyer dans vos foyers ! L'école des cadavres... c'est le fin du fin de la fin ! La dernière illusion, l'ultime utopie... Le bon docteur ! Ça, il en a découpé des cadavres, lui ! Même des morceaux de cadavres ! Un très balaise, le Dr Mallard ! Pensez donc, même des autopsies sur photos ! Faut le faire ! Franchement qu'est-ce qu'il y a tirer de photos de morts ? Hein ? Quoi ? Son ustensile... la loupe ! Faut le voir le bon docteur... à parcourir les clichés les uns après les autres... Avec l'oeil gonflé de curiosité, l'oeil de l'expert, l'oeil fouineur du type à qui on la fait pas. Et il vous sort toute la vérité sur le macchabée photogénétique, pas l'ombre d'un doute, tout sur le grain du papier, sur l'exposition, sur le cadrage... Un as ! Rien à redire... un as ! C'est qu'il a de la bouteille, le bon Dr Mallard... Pas loin de soixante piges... Autrefois, dans les hélicoptères US en Afghanistan, lui ! Rien que pour aller les voir sur place les cadavres ! Des morts tout chaud... des morts avec le coeur qui battaient la chamade y'a pas dix minutes, docteur... Là le sergent Patterson et là le soldat Ryan qu'on a pas pu sauver, docteur... Et d'autres franchement indécents qui s'étalaient sur plus de cinq mètres ! Hé bien il les rassemblait, lui ! Il les receuillait avec soin, dans des petites boîtes en plastique... Et attention ! Pas de mélange ! Ah non ! C'est là qu'on reconnaît l'expert... à sa façon de trier, de savoir dissocier les restes, de les réattribuer avec amour à leur légitime propriétaire. Au bout du compte, quand il en a terminé avec ses corps, il livre les restes de la bombe aux experts artificiers ! Un savant méticuleux... Ah oui ! C'est ça la Narine Étatsunienne, un corps d'élite... composé d'experts ! Sergent ! Oui, sergent !
Oui... Y'a eu l'histoire des trafics d'organes... Alors là chapeau Mallard ! Voilà qu'on lui apporte une paire d'yeux ! Une belle paire d'yeux avec les nerfs optiques tout frais ! Rien que ça ! Et comment qu'il était là à vous retourner la marchandise... Vous avez de beaux yeux... bien bleus, mademoiselle... A bien y regarder, vous avez l'air plutôt mâle... Ça lui a pas échappé... les nerfs optiques qui se croisaient en X... Un seul X, c'était un homme ! Un homme avec des yeux de femme ! Alors là tout c'est assemblé dans son esprit d'expert. Les organes étaient amenés vivants à bord de transsexuels et découpés sur place pour être redistribués dans des cliniques spécialisées. Et voilà ! Déterminant, il a été sur cette affaire là ! Le cinéma, la télévision, ces cimetières là vous pensez bien qu'ils vous montrent tout... tout, je vous dis ! Pas de censure pour les cadavres ! Les beaux cadavres de pacotille ! On s'y croirait... on voit tout, les viscères sur la table... les poumons découpés, posés à même la paillasse... l'estomac retourné, le dernier repas analysé... C'est frappant de vérité, hurlant de réalité... Mais c'est pas du vrai... C'est du trucage ! Allons bon, du chichi... Pourquoi donc ? Vous avez le goût pour les chairs brûlées, les extractions cervicales, vous ? Pas plus que ça ? Ah ! Allez... on s'habitue à tout... Oui tout, je vous dis ! Même les macchabées ! Sinon, c'est le train train quotidien... Les cadavres, il vous les découpe en direct... Il les renifle, les inspecte, leur introduit des bouts de tube pour leur extraire les fluides restants... Il stocke tout ça dans des bocaux, il vous les balade bien à la lumière pour les examiner... et il est pas chien, il vous en fait bien profiter ! Juste histoire de voir... si vous aussi vous allez en déduire les merveilleuses preuves indispensables à l'enquête... Et les estomacs ! Comment il vous les ouvre avec délicatesse, tranquillement sans se presser... Comment qu'il vous fait partager par le menu le dernier repas du mort ! Un fin gourmet le Dr Mallard !
Y'en a un autre aussi, un plus jeune... Comment qu'il s'appelle celui-là ? Mais si ! Un grand maigre ! Un silencieux... Toujours en blouse bleu pâle... une variante de la blouse blanche ! Oui et il a des lunettes bizarres... découpées par le milieu... Mais si ! Y'a un aimant pour réunir les deux parties, comme je vous dis, moi non plus j'avais jamais vu ça avant... Un original quoi... Ha ! Merci ! Dr Sid Hammerback... Alors là, c'est top ! Ha, si quand même... Fini les frigos, les salles de morgue, tout ça... Lui direct dans le service de police... Si ! Il est là au milieu des autres ! Faut dire que c'est plutôt un laboratoire géant qu'un poste de police, leur truc... Et on voit tout ! Toutes les parois sont en verre ! C'est clair vous avez même plus à vous déplacer pour voir si votre collègue est là... Hop, vas-y que je jette un oeil au fond... Ah ! Le Dr Hammerback est là... Qu'est-ce qu'il fait donc ? Le brave homme, il remue le cou de la victime... Mais alors lui, c'est un distingué ! Toujours du bout des doigts... enfin, du bout des gants... Oui, voilà... Alors... 25... 26, 27... Bon 27 mort-sûres de chien sur le cou... et 1, 2, 3... et là encore... 4, 5, 6... oui, 6 griffures de chat sur le bras droit... Là, il parle à son dictaphone... Lui, il enregistre tout ! Enfin bon, y'en a beaucoup qui font ça... Oui, comme ça, vous pouvez vous repassez la bande... D'ailleurs ils s'en privent pas ! Sur la bande vous avez tout ! Mais si ! Et comment je découpe l'entéro-média torse à la scie... et comment je lui perce le crâne au burin... Et les viscères pèsent 15,8kg... C'est pas normal... Je lui fouille la tripe... Ah ! Voilà ! Y'a des sachets de nitro-glycérine qui ont été ingérés... Une chance que sucs gastriques n'aient pas rongés l'enveloppe en simili-cuir... Alors maintenant je pose délicatement la nitro dans un conteneur en béton armé... Je ferme avec le couvercle en titane de tungstène et je dépose la boîte de 80kg dans une enveloppe en acier trempé, la protection fait maintenant 110kg... Je la place dans le coffre-fort... Je retourne vers le cadavre pour lui examiner l'anus...
Ah Oui ! C'est comme ça ! Tout en direct... Et hop ! Non seulement, vous avez des gros plans sur tout le fourbi... mais en supplément, vous recommencez 20mn plus tard avec la bande... Les autres... les collègues niais qui savent pas lire les rapports... Allez, Zou ! Je passe la bande ! Et là, y'a que la voix du médecin, mais vous... Vous qui avez déjà tout vu une demie-heure auparavant... Paf ! Tout vous revient en mémoire... C'est comme si vous y étiez une nouvelle fois ! Toutes les images... qui recommencent à défiler dans votre tête ! Si c'est pas du rabachage, ça ! |
La mort est en nous... |
De toutes les manières, la mort est en nous... vous croyez vivre ? Non, c'est fini ça ! Les scientifiques le disent, tous légistes ou non, l'être humain commence à mourir vers la vingtaine. Voilà notre réalité ! Voilà comment tout s'épuise en nous depuis notre plus jeune âge... Vivre, mourir... Et puis la tronche de votre conjoint qui vient s'écraser dans vos souvenirs... Et celui que vous avez aimé, depuis toujours, l'amour de votre vie... foudroyé... disparu dans les limbes. L'école des cadavres, c'est la mort banalisée... l'oubli des horreurs, la mort des morts... direct. Vous avez le choix, la belle vie bien réelle des infos... le débit des présentateurs cada-véridiques, la toison d'or des journalistes... un Pujadas qui se réjouit des morts du onze, un affreux de plus qui vient vous déterrer les visages des charniers... La banalité ! Voilà le fin mot de l'école des cadavres ! Allez... Donnez moi un peu de votre amour... Niet, que neni mon brave, ce soir vous allez découper la victime... L'atroce vérité de l'assassin. Vous êtes prêts ? Oui. Vous l'êtes depuis des semaines ! Des foultitudes de moments assassins qui tuent votre sensibilité... Vous avez mis votre peau sur la table, vous ? Non ? Parceque la grande inspiratrice, c'est la mort... Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n'avez rien. Il faut payer ! Et le truc c'est quoi ? L'émotion ! Pardi ! L'émotion !
Qui tue qui ? En voiture, s'il vous plaît ! Assis, debout... Regardez-vous dans la vitre... Oui ce mirroir là. Montez... montez les escaliers, montez ! Roulez votre petit bonhomme de chemin ! C'est vous dans la rue, c'est vous ! Cadavre, police ! En voiture, s'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Les autres derrière vous ! C'est vous dans les brancards ! C'est vous sur la table... vous à la morgue, les pieds devant ! Vous qu'on vient d'assassiner. Dans le miroir vous vous voyez dans votre voie. Vous vous croyez dans votre droit. Cadavre, police! Terminus ! Tout le monde descend... vous l'avez pas encore gerbé, votre repas du soir ? Non ? C'est que vous êtes bien habi-tués ! Dorénavant plus de pitié dans le scénario, plus de regards en arrière... il faut foncer et mourir ! Et que justice soit faite ! Que Dieu préserve les siens... Que l'immaculée blouse blanche du légiste nous donne La Vérité... La Vérité post-mortem, la logique scientifique des dÉraisonnements de la dissection bien pratiquée. Je crève, tu crèves, ils crèvent... Roulez dans le corbillard de vos dÉsillusions... Roulez ! À la tombe ! Des frigos des morgues aux cimetières des victimes, la mort vous habite... elle vous conduira vers la dernière demeure de votre assassin... Mais en attendant, le Dr Mallard vous aura soigneusement examiné, et bien entendu méticuleusement recousu. Vous me croyez pas ? Vous pensez que tout ça c'est anodin ? Non, mais on va y retourner dans la salle des découpages... Vous pensez que ça pue le cadavre ? Que neni ! Regardez-les bien ! Ils se baladent là dedans comme dans une patisserie ! On les croirait en goguette ! Observez leurs narines frémissantes et leurs yeux pétillants... Ah ! Vous voyez ! Ils prennent leur pied ! Ils sont dans leur élément... l'analyse mortuaire ! Y'a que ça qui compte ! Ça et La Vérité ! Et comment ! Eux ne se trompent jamais... ou alors pour les besoins du scénario... Ça compte pas ! Quand le Dr Hammerback a parlé vous restez pas le cul entre deux chaises... La messe est dite ! D'ailleurs eux aussi, les acolytes, ils s'en foutent de l'odeur du mort qu'on a retrouvé 15 jours après son assassinat... Tous ces gens là sont blindés ! Vous pensez bien ! Blindés ! Trempés dans l'alcool à 90º !
Franchement... Quand le mort est liquide quel intérêt ? Ah ! On peut toujours passer les bocaux au spectromètre de masse... pour savoir de quoi il était fait le macabe... pour voir si y a pas un peu de strychnine qui traîne... pour déterminer si c'était bien une taupe... comme Mr Le Superviseur l'avait présenti... Voyons donc ! La bonne blague ! Parce que vous... vous dans votre fauteuil de cinéma d'après prime time... tranquillement en train de digérer... vous êtes pas plus dégouté que ça... C'est quand même le 129ème épisode ! La 129ème autopsie que vous vous tapez, le 98ème découpage de boyaux, le 31ème calciné, le 11ème mort liquide seulement ! Alors vous regardez ça avec attention ! Des fois que le Dr Hammerback laisserait tomber la soupe ! Un jour où il aurait pas eu le temps de recoller ses lunettes aimantées... On s'en fout après tout... que la victime soit morte dans des conditions atroces provoquées par un assassin infâme. Voire une bande de criminels d'opérette... qui auraient eu un éclair de génie... une osmose démoniaque et perverse pour s'emparer de l'héritage de la vieille milliardaire... Le passage sous le scalpel du légiste est obligatoire ! Faut bien vous bourrer le mou ! Pour vous convaincre que la solution passe par les mains gantés de l'expert... Mais alors dans les formes ! Pas de tralalas ! Jusqu'au bout le rituel ! Tout dans le détail ! Le beau ballet scientifique ! Le tango endiablé avec la dépouille ! Voilà. Comme ça, le jour où les morts pleuvront... en réel cette fois-ci... ce jour là où vous serez haletant, en train de chercher un abri, qu'il vous faudra les enjamber les maudits cadavres, ça vous fera ni chaud ni froid... Quand on viendra vous annoncer qu'on a autopsié 143 vivants dans un camp de travail en Sibérie, vous trouverez ça normal... Si votre père, votre mère, vos frères et vos soeurs décèdent à coups de marteau, vous ferez pas d'histoire... Le Dr Mallard va s'occuper de ça ! Et si jamais l'Italie se réveille un beau matin sous les cadavres ensanglantés des règlement de compte de la mafia... Bof ! Vous en avez vu d'autres ! Et quand votre quartier sera caramélisé par les bombes au napalm et que, miraculeusement vous en aurez réchappé, vous irez ramasser les corps sans plus vous formaliser... Prêt, vous le serez ! Prêt à tout ! Faut bien que ça serve à quelque chose la télévision ! Pas seulement à distraire ! Hein ? Pas seulement !
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