Viroler
Jean le Rond d'Alembert dit : | |
« Bien maigre rempart contre les méchants incultes... » |
Viroler est un verbe transitif du premier groupe dont l'emploi se perd, un peu comme tu perdras le tien bientôt, car c'est la vie.
Introduction
Les temps changent plus vite encore que les chroniqueurs de France Inter, c'est rapide, trop rapide ! Ce qu'il faudrait, c'est une bonne guerre, avec des bons militaires et des bonnes bombes atomiques, pour bien se tuer. Mais le concept et tous ceux qui y croient ont pris des rides alors aujourd'hui, au lieu de rester assis à s'entretuer, les hommes évoluent.
Alors aujourd'hui, au lieu de rester assis à s'entretuer, les hommes civilisés évoluent.
Alors aujourd'hui, au lieu de rester assis à s'entretuer, certains hommes civilisés évoluent, tandis que d'autres ont des Golf IV et habitent dans le Nord et que d'autres ont des AK47 et vivent au Sud. Et globalement, puisque tous ces derniers comptent pour des zéros, ont peut dire que l'homme évolue.
De par le fait, les hommes font donc les choses qu'ils faisaient avant de mieux en mieux, et nous-mêmes faisons les nôtres mieux que nos parents : sans compter le coût de la vie nous gagnons plus d'argent ; nous nous informons mieux compte tenu de Tf1 et tout et tout (certains sont morts pour ça etc) ; et d'après ce que conte ma mère nous faisons mieux l'amour. C'est dire si nos orifices et nos mœurs se sont élargis, et là je ne parle plus de ma mère chérie. Pour évoluer, on peut en général compter sur les êtres humains.
Mais nos horizons, perturbés par l'imminence de la campagne présidentielle pour 2012 et la déferlante de perspicacité qui l'accompagnera, qui la bonne idée, qui le plus de popularité, qui ramène du pinard, mais nos horizons, osais-je, n'en paraissent pas plus renforcés pour autant lorsque nous faisons le constat que la langue, et les mots, eux, n'évoluent pas.
Certes, certes, des oasis positives comme la bravitude, le bling-bling, kiffer et même surkiffer, ou des plus emphatiques comme positiver ou plussoyer virolent de-ci de-là nos conversations et font que nous sommes quand même très fiers d'en être arrivé là...mais une fois grisés et nos esprits libres de toute contrainte matérielle, face à face avec les petits roberts de dame culture, la rousse qui n'a d'odeur même sous les bras, nous savons que ces ajouts sont faibles comparés aux augustes utopie, schtroumpferie et autres abracadabrantesque qui marqueront l'histoire. Divaguer autour d'un kiff n'est jamais aussi grave meilleur que de se bercer d'utopie en refaisant le monde avant d'aller vomir.
Grandeur et décadence
Bien avant l'apparition de l'homme jaune ou des Etats-unis, la France et le français occupaient une place de choix sur l'échiquier du Monde. Pat, ce dernier suivait le rythme nonchalant du vieux continent, mené d'un gant de velours par le pays à la baguette et non pas l'inverse. Et très grossièrement, on peut dire que cette hégémonie a pris fin avec l'apparition de Le Dictionnaire.
Un être plein de sent-bon décida un beau jour du XVIIe siècle où il faisait 22° et une petite brise agréable tu peux pas savoir, qu'il ne faisait pas bon écrire aréoport ou de prononcer le 'h' de haricot, et créa donc une institution croupionne chargée de rédiger ce que serait pour toujours cette norme orthographique qui mena à tant de zéros et de Pivot pointés.
Afin de ne pas froisser leur égo empaleur de mouche, chaque académicien sera (sur)estimé le meilleur dans son domaine et nommé 'Académicien n°1'.
Force était de penser à l'époque qu'un tel regroupement d'éminences mènerait quelque part. Farce est de constater là tout de suite que non.
Car si nous pouvons admettre que pour l'oreille, un pas historique fut franchit avec la révolution l'évolution la 6e édition de 1835 qui changea le niais suffixe 'ois' en sournois 'ais', nous ne pouvons admettre QUE cela.
Dotée d'une sensibilité semblable à celle du Parti Communiste Chinois l'Académie Française, baptisée ainsi pour commémorer la révolte des esclaves sur le négrier Amistad (au cas où un crétin poserait la question), se constitua dès la première assemblée bras amputeur de la culture et de tout ce qui dépasse. Et grâce à elle, en 2011 nous faisons tenir tous les mots de la langue dans un petit monticule de papier parfaitement cubique.
Non mais sans blague
En trois siècles et neuf éditions, Le 'joujou pour vieux croulant' Dictionnaire a virolé à droite et à gauche et donné à la langue française suffisamment de champignons pour faire une bonne omelette.
On pourrait en rire, si ce n'est que si c'était marrant, nous ne serions pas là à ne pas en rigoler.
C'est que Le s'est petit à petit imposé comme l'unique propagateur du bon parler, décidant du sort des Uns et des Autres sous le prétexte de conserver un format A4 facilement exploitable par les éditeurs impartiaux. Pas question de laisser la genèse du vocable à la fantaisie, ni de conserver les plus désuets (cf. infra). On conservera le mot chien, qui rapporte, mais pas le mot hebdomadien, qui ne rapportait plus grand chose. Pas question non plus de s'asseoir sur des futures versions de Le Dictionnaire, comme les nains qui ont du mal à voir au-dessus du volant sinon.
Ces physiocrates et autres prévaricateurs ont préféré déserter et refiler la petite virole à notre idiome innocent. Aujourd'hui le pauvre n'ose plus se reproduire et maigrit d'années en années, comme mon petit copain Philippe. Heureux témoin de notre langage abusé et réduit par ce syndrome intellectuel de dégénérescence des acquis, Le Dictionnaire se repaît de ceux qui restent au goût du jour.
Les autres sont précipités dans l'oubli, avec le latin et Raffarin.
Désuets (interlude)
Puisqu'une petite chanson du top 50 vaut mieux qu'un long discours d'un vieux quelconque, appuyez ici :
…
…
…
(mouhahahahaha roooo la blague ! ! Ahem...)
Maintenant, appuyez là (et chantez dans vos têtes s'il-vous-plaît pour ne pas déranger votre patron. Sauf si c'est vous le patron, alors vous pouvez chanter à tue-tête pour embêter vos employés c'est rigolo – n'hésitez pas à y mettre du cœur, vous pourrez peut-être être sélectionné pour participer à la dernière saison de Française Academy) :
(attendre 16 mesures avant de commencer et se mettre à l'aise)
J'ai préféré partir sous les huées
(refain x2)
Moi aussi mes frères les mots j'vais m'barrer,
(refain x2)
Pardonne-moi le mec qui m'a inventé,
|
Achetez le CD s'il-vous-plaît, et sauvez un mot.
Mots des Caraïbes
Il semble facile de parler de tout et de rien sans jamais vraiment aborder un sujet. Un tube entraînant, une meuf à poil, et très vite l'esprit se laisse aller à des digressions sur youporn ou la métaphysique des mœurs. Et pourtant, un passage de cet article à l'utra-virolet et il se pourrait bien que le sujet ait été abordé, puis pillé, pour être enfin coulé dans le bronze du progrès.
Ce dont nous prenons virolemment conscience, c'est qu'en fait la nuance se perd jusqu'à ce qu'entre deux machins nous cherchions le petit truc en plus – tu veux voir mon chose ? - et c'est le monde tel que nous le connaissons qui perd son sens. Nous prouverons cela par deux exemples.
X : Allo Moneypenny ?
Moneypenny : Vous y êtes James ?
Bon, ben James Bond alors : Je suis devant le minuteur, quel fil dois-je couper ?
Moneypenny : Il faut contourner le bidule par le machin-chose de droite. Coupez-le dès que vous voyez qu'il croise un délire clignotant rouge, ou bleu je ne sais plus...
James B... : Je le vois, je l'ai...je vais le couper...nous sommes sauv... FIN |
Autre exemple et des moindres, plus théorique mais que voulez-vous le spin-off de James Bond nous aura coûté l'intégralité de notre budget (nous tenions à ce que le rôle principal soit interprété par un vrai lord anglais) : quand Le Dictionnaire ne comptera plus que les 400 mots couramment admis par les gens possédant un QI à virgule, que les panneaux directionnels seront tous remplacés par des panneaux toutes directions et que nous aurons perdu 007 dans l'explosion, qui sautera la bimbo à la fin du film comment communiquera-t-on ?
Difficile à imaginer ? Oui, c'est vrai.
Viroler, en fin de compte
En fin de compte c'était mieux avant, à l'époque, car antant les jeunes d'hier faisaient que les temps changeaient moins vite, on ne vieillissait pas à table et oh, tiens, il fait beau dehors. Bien sûr, ces mots choquent par leur pertinence, et en grande partie cela va obliger certains de mes détracteurs à pic-niquer en extérieur car il semble que ce soit bientôt l'été et que la température se soit adoucie. D'autres se remettront en question mais après tout, Jean Doute.
Fini l'espoir naïf du Rom qui pense, au feu rouge, pouvoir salir mon pare-brise et en être rémunéré : les jeunes d'aujourd'hui ne croivent en rien, vont au coiffeur (mais très rarement tout de même) et malgré qu'ils ont pleinement conscience qu'ils mouriront un jour ils continuent de golri...cette clairvoyance en même temps que bonne nouvelle rassure en général leurs parents inquiets, qui pensaient devoir se les coltiner dans l'infini.
Alors pour tous les jeunes qui par légions errent, et donc virolent des chèvres, il est de bon ton de rappeler que la langue française n'est pas seulement adaptée au french kiss et à l'american léchage de fesses. Elle provoque aussi la pâmoison chez les femmes et l'interrogation chez le Yorkshire Terrier, pour qui un chien-chien à sa mémère a autant de sens qu'un K-Way réversible.
Pour le patrimoine et pour toutes les chèvres du monde, donc, n'oublions pas le sens des mots. Sans quoi ça ne veut plus rien dire.
Viroler...en fin de compte ?
Au final, je préfère descendre à la cave dépoussiérer mon grand-père pour lui demander...je ne veux pas me tromper. Car j'ai beau l'employer je ne comprends pas ce que veut dire ce mot. Comme il sent très mauvais, je ne l'utilise que très rarement (mon papi, pas le mot : lui je l'utilise constamment et c'est bien ce qui m'ennuie) et le laisse sous une bâche à l'abri des narines.
Viroler, c'est utile comme mot papi ? Il réfléchit quelques instants, se fait dessus sans mot dire ni s'en apercevoir et me répond :
...
En fait, je crois bien que c'est un mot que ne connaissent que ceux qui peinent à rassembler leurs esprits concassés par la décadence dans laquelle ils souillent leurs sous-vêtements. Des gens comme mon grand-père, qui vouvoient certes les tabourets mais misaient sur leurs bourses et leurs valeurs plutôt que sur des valeurs cotées en bourse. Des gens qui aimaient bien mettre des mots sur les trucs pour pas les confondre, et jouer ensuite avec en les empilant (les mots là par contre, pas les trucs) dans des grilles avec des petits carrés noirs malvenus pour rendre ça difficile.
Les mots sont des milliers. Des millions. Certains sont beaux, d'autres magnifiques, d'autres encore super beaux à l'intérieur alors s'il-vous-plaît arrêtez de toujours rigoler quand ils passent dans le couloir de la cafèt', ça fait chier. Ils peuvent être prononcés d'une voix douce par votre belle qui vous propose une fellation, agencés par Zemmour de manière à emmerder le plus de monde possible ou encore être débités très vite par Julien Lepers.
Même le mot mot est un mot. Peu de choses peuvent se vanter de revêtir autant de cohérence. Alors devant ce miracle, n'hésitons pas à rechercher le sens d'un mot difficile quand il se présente. Et bien évidemment pas sur la dÉsencyclopédie, car si vous aviez vraiment voulu savoir ce que viroler veut dire, vous seriez allé voir dans Le Dictionnaire. Pour le moment, il y est encore. Et d'ailleurs il ne sert pas à grand chose.
Portail des langues |
Cet article a été voté dans le "best of" de la Désencyclopédie! |