Les douze travaux d'Hercule/Étouffer le lion de Némée
Bonjour, et bienvenue dans votre émission favorite « Mythologie ou mythomanie grecque ? »
Nous allons aborder aujourd’hui le premier des douze travaux d’Hercule, intitulé en version originale « Commentos Héraklès a vainquos li lionos di Néméis » (traduction littérale : « Comment Hercule a vaincu le lion de Némée »)
Rappel des faits
Situation initiale
Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un pays lointain, une princesse. Celle-ci était si belle qu’on disait que le soleil se levait pour elle, que l’océan faisait des vagues pour elle, et que le ciel était bleu pour elle. Elle s’appelait Josette...
Et sinon en même temps en Grèce, il existait une petite bourgade au charme d’antan où il faisait bon vivre : la légendaire bonne humeur de ses habitants n’avait d’égale que la majestueuse architecture de ses rues, d’inspiration ionique, où chaque pas procurait une sensation de bien-être indescriptible. C'était la ville de Némée.
Les gens y respiraient un air si pur qu’il avait dit-on une odeur de brioche qui sort du four, et de miel. Et de barbapapa. Car Némée se situait au sommet d’une montagne sacrée.
Et en plus, il y avait des oiseaux, dont on pouvait caresser les ailes.
Ah, c’était le paradis sur terre !
Ah, en fait non, ce n’était pas le paradis sur terre, car un énorme lion terrorisait les lieux en mangeant les Néméiens (les habitants de Némée). Cela préoccupait terriblement le roi d’Argolide, Eurysthée, qui se demandait comment il pourrait vaincre cet animal. En effet, les Grecs n’ont pas l’habitude d’avoir des lions dans leur pays. Si c’était une brebis, ah ça oui, il aurait su comment faire, il avait l’habitude. Mais un lion, c’était original, compliqué. Et dangereux.
C’est pourquoi il considéra l’arrivée d’Hercule à ses ordres comme un formidable cadeau divin. C’en était un en réalité, donc ça tombe bien.
Il ordonna donc au héros d’aller tuer le lion de Némée, et de lui ramener la dépouille en guise de preuve. « La dépouille morte hein, déconne pas ! » ajouta-t-il, juste pour qu’il n’y ait pas de malentendu.
L’exploit
C’est sur cette partie que portera notre enquête.
L’histoire raconte qu’Hercule s’est pointé à Némée tranquille peinard, comme d’habitude, vêtu uniquement de son slip de guerre. Il s’est alors mis à la recherche du fameux lion. Ne sachant pas trop à quoi cet animal pouvait bien ressembler, il avait demandé une photographie à Eurysthée avant de partir. Malheureusement pour lui, les appareils photo n’avaient pas encore été inventés, et il dut se contenter d’un croquis approximatif :
Cela dit, ce dessin suffisait à distinguer un lion d’un mouton ou d’un chien. Ces deux espèces furent donc épargnées, pour le plus grand bonheur des bergers de l’époque.
Hercule trouva le lion au bout de quelques jours. Celui-ci, malgré une carte astrale défavorable, avait décidé d’aller commettre quelques meurtres. Encore maculé du sang d’un innocent berger qu’il venait de trucider, il fut la cible d’une salve de flèche lancée par le demi-dieu. Ces flèches avaient la particularité d’avoir été fabriquée par Apollon, ce qui est plutôt cool. Voila.
Et pourtant, le fauve n’en eut strictement rien à foutre puisque sa peau épaisse le rendait invulnérable à toutes les attaques, y compris les cérébrales. Il se contenta de bailler, par provocation, mais aussi parce qu’il était fatigué. Cela vexa particulièrement Hercule qui se rua sur lui, et lui frappa sur la tête avec rage, mais surtout avec sa massue. L’arme ne résista pas au choc et se brisa.
Mais n’est pas héros qui veut, et Hercule n’abandonnait pas aussi vite : il poursuivit le lion jusque dans sa tanière, et engagea une lutte à mort dans la tradition gréco-romaine. Il remporta le combat en étranglant l’immense fauve entre ses bras.
Ensuite, Hercule dépeça l’animal pour s’en faire une armure, et retourna voir Eurysthée accoutré de la sorte. Celui-ci, effrayé de voir un lion bipède lui annoncer fièrement « C’est fait ! Plus que onze ma poule », se réfugia dans une jarre et s’y cacha durant des heures.
Fin.
Mythologie ou mythomanie ?
Méthode empirique
Commençons donc notre enquête.
Nous serons assisté d’un expert en matière de combats épiques, d’antiquité et de lions, en la personne de Maximus, célèbre gladiateur du film presque éponyme « Gladiator ». Bonjour Maximus.
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Avé mec, ceux qui vont enquêter te saluent ! Ça roule ? La famille ? |
Hum... Très bien merci. Et vous ?
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Oh, vous savez, moi c’est plutôt kouci-kouça, comme on dit chez nous. Ma femme va bien, mais elle a été assassinée. Mon fils idem. |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Enfin c’est trop la merde quoi. |
Mon pauvre, comme je vous plains...
Mais allez, trêve de banalités, passons à la suite si vous le voulez bien.
Reprenons le fil. Comme je le disais précédemment, Hercule a vu ses flèches rebondir sur la peau épaisse du fauve, sans lui causer aucun dommage. De même, lorsqu’il lui écrasa sa massue en pleine gueule, avec une telle puissance que l’arme se brisa en mille morceaux, l’animal ne sentit rien.
De ce récit naît l’inévitable question : « est-ce possible qu’un lion soit aussi solide ? »
Maximus, vous qui avez l’habitude de combattre ce genre de félins, que pensez-vous de cette histoire ?
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Franchement, c’est crédible. Une massue, c’est vraiment merdique comme arme. Et les flèches, c’est bien un truc de pédé, tu m’étonnes qu’il soit Grec... |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Moi le lion je lui aurais tranché deux pattes du même côté, comme ça il aurait tourné en rond jusqu’à l’épuisement. |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
C’est pratique en plus : pas besoin de le poursuivre. |
Merci.
Toutefois, malgré la certitude évidente de notre expert, il convient de procéder maintenant aux expérimentations scientifiques. Rien de tel que la science pour s’assurer définitivement de la véracité ou pas des faits avancés. Et de la même manière que les soldats romains prouvèrent à Archimède qu’il avait tort à propos de sa théorie de déplacement homogène des masses (en lui donnant des coups d’épée), nous tenons plus que tout à faire émerger la vérité. Coûte que coûte.
Méthode scientifique
Afin de faire cela de façon sérieuse, et donc de coller au maximum avec la réalité, nous avons choisi de répertorier le matériel nécessaire :
Des flèches d’Apollon
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Une massue gigantesque
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Un lion
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De la viande hachée
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Cependant, nous nous sommes heurtés au cours de notre quête à plusieurs problèmes de taille :
- il fut impossible de se procurer des flèches d’Apollon, qui ne se trouvent plus sur le marché, à l’instar des pièces mécaniques pour les vieilles voitures (celles d’avant 2009) ;
- une massue gigantesque, ce n’est pas très maniable ;
- le lion est une espèce protégée, aussi nous n’avons pas le droit de mettre en danger la vie d’un quelconque spécimen, même malade, vieux, ou mort.
Nous nous contenterons donc de :
Des flèches normales
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Une massue normale
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Un chat de gouttière
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De la viande hachée
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NB : de prime abord, le choix de la viande hachée parmi les outils expérimentaux peut surprendre, mais elle aura vraiment son intérêt par la suite, croyez-moi.
Expérience n°1 : résistance du lion aux flèches d’Apollon
Pour cette expérience, rebaptisée pour l’occasion « résistance du lion de fortune aux flèches du magasin Chasse & Pêche de Marmande », nous avons équipé Maximus d’un arc. Nous lui avons également fourni des flèches, par souci de réalisme.
Nous avons ensuite positionné le chat n°1 (appelons le « chat n°1 ») contre un mur, à portée de tir de notre héros.
Et allez, c’est parti !
Maximus bande son arc, et tire toutes ses flèches à destination de l’animal. C’est impressionnant, il a vraiment envie de le tuer, voire de l’assassiner. On n’a jamais vu un tel déchainement meurtrier depuis hier au journal de 20 heures !
Le résultat est sans équivoque :
Le chat en sort indemne, malgré le flot de jurons proférés en latin par notre bêta-testeur.
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Alea jacta est ! |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Cogito ergo sum ! |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Putain sale bâtard de sa race ! |
On peut donc en conclure qu’il est possible que le lion ait lui aussi résisté à l’attaque fléchée d’Hercule.
Expérience n°2 : résistance du lion aux coups de massue
Pour ce test, le principe a été simplifié au maximum : il s’agit de défoncer le crâne du lion en frappant dessus de toutes ses forces.
Le chat n°2, que nous appellerons « chat n°2 » dans la suite de notre exposé, est placé devant Maximus. Celui-ci se trouve de toute évidence dans la même situation émotionnelle qu’Hercule à son époque, touché au plus profond de son égo par son échec lamentable avec les fléches. On sent bien qu’il a soif de revanche, et une envie insurmontable d’en découdre avec le félin.
Maximus Gladiatorus déclare : | |
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! |
Je ne sais pas si je vous l’ai dit, mais son échec était vraiment LA-MEN-TABLE !
Maximus Gladiatorus déclare : | |
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! |
J’ai même entendu le lion dire que c’était une grosse tarlouze !
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Avé lui éclatum sa gueulae ! |
Le voyant ronger les barreaux de sa cage avec ses dents, nous décidons de passer immédiatement à l’expérience en lâchant le gladiateur sur le fauve, non sans l’avoir muni au préalable de sa massue.
Compte-rendu de l’expérience : Chat n°2, manifestement conscient du danger grâce à son instinct animal, se met à courir comme un dératé à la vue de Maximus. Celui-ci, affublé d’un filet de bave ballotant au rythme de sa course effrénée, prend son rôle de sujet-test bien à cœur. Il n’économise pas ses efforts pour cette retranscription historique, et ça fait plaisir à voir. Brave petit. Tiens regardez, il vient de sectionner la queue de Chat n°2 d’un coup de dent. L’animal est paniqué, et tourne en rond en poussant de grands cris stridents, pas très harmonieux d’un point de vue acoustique. Il faudra étudier ça une prochaine fois... genre leurs effets potentiels sur les chauves-souris et si ça a un lien avec notre façon de nous brosser les dents... Ah tiens, ça y est ! Maximus vient de l’immobiliser. Il se saisit de sa massue, et ... oh mon dieu ! Qu’on l’arrête ! S’il vous plait ! C’est une horreur, je vais vomir ! Beeeeeeeuuuuarh !
Là encore, le résultat de l’expérience est incontestable :
Cela dit, un lion est nettement plus solide, sans vouloir bien sûr faire offense à notre ami Maximus qui est en plein travail de martèlement sur le corps sans vie du chat-test, visiblement dans le but de le rendre aussi épais que du papier-calque, en tapant dessus comme un forcené. De plus, contrairement à ce qui s’est passé lors du présumé exploit mythologique, la massue est ici restée intacte, permettant au héros de multiplier les coups afin de réduire le petit chat mignon à l’état de charpie.
Il est donc possible, voire probable, que le lion ait pu réchapper à cette deuxième attaque, notre test n’étant pas complètement concluant.
Expérience n°3 : résistance du lion à l’étouffement
L’expérience finale, où le but sera de tuer le lion à l’aide de ses biceps, grâce à un mécanisme fort simple : l’étouffement. De la même manière que les pendus au cou solide tombent dans les bras de Thanatos en virant du rose au rouge, puis au violet, puis au bleu, il s’agira de faire manquer d’oxygène à l’animal visé.
Pour information, ce sera un chat, que nous nommerons pour l’occasion « Chat n°3 ». Celui-ci, témoin de l’expérience précédente, est manifestement dans un état d’esprit proche de la panique. C’est visible, même sans avoir fait d’études vétérinaires particulières :
Maximus est introduit à son tour dans la pièce, c’est parti !
Compte-rendu de l’expérience : voyant son bourreau approcher, Chat n°3 se signe, avec sa patte droite. C’est un comportement plutôt rare chez les félins, qui sont d’ordinaire athées. Intéressant. Maximus prend son temps pour attaquer, il semble savourer l’instant. Tapi au sol à la manière des guépards en chasse, il est sans doute le seul à imaginer être discret. Mais qu’importe ! Il se rue maintenant sur le chat ! Oh attendez, il s’arrête et revient vers nous.
Qu’est-ce qu’il y a ?
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Aïe ! Il m’a griffé le chat ! |
Oui, effectivement. Et alors ?
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Ben ça fait vachement mal, quand même ! |
Après avoir consolé notre héros, puis limé les griffes du dangereux prédateur, nous réitérons l’expérience. Cette fois-ci, Maximus n’a aucun mal à saisir Chat n°3 par le cou. Celui-ci n’y met franchement pas du sien, et se débat sans arrêt. Cela rend l’étranglement plus compliqué à réaliser. Malgré tout, au moment où l’on se décidait à administrer un sédatif à l’animal pour accélérer le processus, l’expérience s’est conclue : Chat n°3, comme le lion de Némée en son temps, est mort au combat.
Voila, nous pouvons ainsi conclure avec certitude qu’Hercule a bel et bien tué le lion de Némée. Si les historiens grecs nous ont bernés pour beaucoup de choses, et notamment à propos du fait que leurs gribouillis étranges seraient en réalité un alphabet signifiant quelque chose - genre des mots et tout, en ce qui concerne ce lion-là, il n’en est rien.
Mesdames et messieurs, c’est ainsi que se termine cette émission. Nous vous remercions de l’av...
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Hé attendez, on n’a pas fait le truc du déguisement en lion ! |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Regardez, ce connard de lion, je vais le dépeça. |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Enfin, le mot là. |
Maximus Gladiatorus déclare : | |
Ça va être vachement drôle, je crois. |
Aaaaaaaaaaah ! C’est une horreur, arrêtez-le ! Sortez les chats, vite ! Les femmes et les enfants d’abord, un homme à la mer et tout ça ! Aaaaaaaaah !
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