L'horreur de la paralysie du sommeil

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Minuit… La lourde horloge comtoise qui obscurcit l’angle inégal du vieux salon, tout auprès de la photographie hâve d’une grand-tante inconnue et défunte, égrène avec sa sourde et coutumière insistance douze coups qui transpercent les noires cloisons de votre insomnie

Etes-vous vraiment réveillé ? Ou bien rêvez-vous encore ? Pourquoi les recoins de la chambre vibrent-ils de cette pulsation étrange et bleuâtre, invisible et malsaine qui résonne au rythme même du frisson glacé qui vous envahit peu à peu ?

Ne tremblez pas : ce n'est que l'Horreur de la Paralysie du Sommeil...

Minuit… La lourde horloge comtoise qui obscurcit l’angle inégal du salon égrène lentement ses coups insistants… Comment ? N’a-t-elle pas déjà sonné douze fois ? Non… non... Vous avez rêvé qu’elle sonnait !

Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze… Treize ! Vos poils se hérissent sur vos bras. Cela ne se peut ! Dans la torpeur ignoble qui abâtardit vos sens, votre esprit engourdi a mal compté, sans doute. Mais pourquoi alors cette chair de poule qui infiltre votre corps et votre âme, pourquoi cette impression morbide qu’une présence sombre, maléfique rôde en deçà des ombres qui enserrent votre lit… ces ombres anormalement visibles qui s’approchent maintenant de votre lit ! Et là, de nouveau cette lueur sulfureuse qui s’allonge et ondule sous la porte ! Ces pas furtifs… ils hésitent au seuil de la chambre ! Vous voulez hurler de terreur ; mais aucun son ne sort de votre gorge enrouée… Vous voulez fuir ! Mais l’épouvante vous ôte toute capacité de mouvement. Ils sont là, Ils sont encore là cette nuit ! Ils sont venus vous prendre ! Vous vous souvenez soudain : hier déjà, et déjà avant-hier ! C’est l’horreur, l’horreur nocturne, l’Horreur de la Paralysie du Sommeil !

Calmez-vous…

Calmez-vous. Ce n'est qu'une petite hallucination...

Calmez-vous maintenant… Tout va très bien… Ce que vous venez d’éprouver, aussi étrange que cela paraisse, est expliqué scientifiquement. Il n’y a aucune raison véritable de s’inquiéter. Ce sont juste quelques petites hallucinations insignifiantes et passagères. Plus vous vous laisserez aller à la peur, plus vous sombrerez insensiblement dans une terreur immaîtrisable et sans nom et ces apparitions spectrales s’intensifieront jusqu’à la limite ultime du supportable. Vous perdrez alors le peu qu’il vous restait de raison ; et l’on vous enfermera, seul au fond d’une cellule capitonnée ; l’on vous isolera, bâillonné, ficelé dans une camisole de force ; vous ne pourrez plus vous défendre ; nul n’entendra jamais vos hurlements d’effroi. Et Ils viendront de nouveau vous prendre, la nuit. Cette nuit. Puis l’autre nuit. Puis la nuit suivante encore. À la longue, la chance vous sera donnée de succomber des suites d’un arrêt cardiaque : nul ne peut soutenir ces affres très longtemps. Les infirmiers retrouveront votre cadavre, le visage bleui, les traits déformés par l’épouvante, dans la froidure glaciale d’un petit matin d’hiver. Discrètement, ils creuseront un trou au fond du parc. Ils y enseveliront vos restes. Ni vu ni connu.

Faites-moi confiance, je sais de quoi je parle : c’est arrivé plus d’une fois.

Calmez-vous !

Calmez-vous, vous dis-je. Ce n’est pas parce que votre médecin de famille n’a su diagnostiquer ce trouble que vous devez vous inquiéter. Surtout - surtout ! ne vous faites pas de souci ! Je vous le répète encore et encore : vous inquiéter ne saurait que vous être au plus haut point néfaste. Il vous a prescrit – ce médicastre – des petites pilules roses et blanches. Et depuis ce jour, Ils viennent vous chercher plus souvent. Tout cela est parfaitement normal : la paralysie du sommeil est un phénomène que les scientifiques expliquent, vous l’ai-je déjà dit ? Votre médecin doublera probablement la dose des petites pilules – rien que de très courant - jusqu’à ce que… Mais non, inutile d’y penser ; inutile non plus d’envisager les conséquences éminemment terribles qui ne manqueraient d’advenir si...

Non, non, inutile. Vous vous alarmeriez en vain.

Mais calmez-vous donc !

Enfin je vois que vous avez saisi : vous avez compris que c’est votre propre effroi qui exaspère l’abomination terrifiante des cauchemars sinistres qui vous accablent, sans le moindre secours à espérer, tout seul - tout seul ! pendant l’indicible horreur d’une profonde nuit. Pas d’affolement donc. Respirez, respirez calmement.

Pas de panique. Vous n'êtes pas réellement en train d'être étranglé, ce n'est qu'une vue de l'esprit.

Ah, bien sûr j’oubliais ! Il vous est impossible de respirer puisqu’Ils vous étranglent. Leurs visages terreux dégoulinent de sang coagulé ; leurs orbites noires où roulent des yeux vitreux, leurs joues cadavériques que déchirent des plaies béantes, se penchent sur votre corps nu et pétrifié d’horreur. Ils vont vous dévorer vivant, c’est sûr… s’Ils ne font pire encore !

D’ailleurs ne l’imaginez même pas, ce pire : il ne pourrait que vous arriver. Certains philosophes des temps anciens ont prétendu que les démons se divertissent à tourmenter ceux-là seuls qui les redoutent. Autour de vous, on suggèrera la possession diabolique, le mauvais œil, l’envoûtement. D’autres encore oseront affirmer, de l’air autorisé du connaisseur, que l'ombre noire n'est pas le Diable : c’est la Mort en personne qui vient prendre son dû ! Ne les écoutez pas. Tout cela, qui ne fait aucun sens, n’a d’autre effet que d’enfoncer votre âme effrayée et désespérée dans ce cloaque immonde qu’est l’Horreur de la Paralysie du Sommeil.

Et même si une chose est sûre, même s’il n’est pas complètement exclus qu’existent des connexions secrètes entre notre monde et d’autres plus obscurs, même si nous admettons que le XXIème siècle est une ère nouvelle pour l’humain, où la conscience se déploiera à de nouveaux horizons mystérieux au-delà desquels, peut-être, persiste quelque chose – mais quoi au juste ? des défunts, même alors ne laissez pas s’ouvrir en vous cette brèche qui permettrait – toujours selon certains - aux entités de s’infiltrer sournoisement dans votre corps inerte ; car de manière générale, ce ne sont jamais les esprits les plus bienveillants qui viennent vous visiter. Ils vous veulent du mal...

A ce propos…

Ne regardez pas cette image. Elle risque de vous effrayer inutilement.

Soit dit en passant, d’après des recherches historiques qui semblent sérieuses, de très nombreuses régions s'avèrent avoir abrité, en des temps fort reculés, de dangereuses pratiques d’adoration occulte ou de funestes rituels de conjuration. Il n’est pas rare qu’un lotissement soit construit de nos jours à l'emplacement où se déroulèrent autrefois de semblables maléfices. Ainsi, tout près de chez moi, des voisins se sont plaints d’événements curieux et inexplicables. Une nuit de pleine lune, ils furent réveillés par d’abominables miaulements : c’était une centaine de chats noirs qui s’entêtaient à fixer obstinément la fenêtre de leur chambre. Et le lendemain…

Mais pourquoi vous raconter tout cela ? Je risque de vous effrayer. Finissons-en plutôt avec notre propos car il commence à se fait tard. Il est un phénomène troublant et très commun, comme aurez sans doute l’occasion de le constater par vous-même. Figurez-vous : il suffit de parler à quelqu’un de l’Horreur de la Paralysie du Sommeil pour que le malheureux devienne bientôt lui-même la proie inexorable de ces épouvantes nocturnes. Cela paraît à peine croyable et pourtant c’est ainsi que cela m'est arrivé, il y a un certain temps. Par chance je m'en suis sorti... mais au bout de combien de pénibles années ?

De quelle manière j'ai échappé à cette malédiction pernicieuse ? Déjà je dois vous avouer que l’exorcisme qui consiste à fouetter les pieds jusqu’à l’évanouissement, ainsi que celui où l’on vide la personne de son sang à l’aide de petites fioles de verre portées au rouge n’ont malheureusement été pour moi que d’un secours temporaire. Hélas, hélas, je vois que minuit approche ; je vous expliquerai tout cela la prochaine fois. Pour patienter, vous pourrez toujours essayer la tisane de verveine et les bâtonnets d'encens.

Allez, bon courage ! Vous en aurez bien besoin. Non non, ce n’est pas la peine de me remercier : je ne demande rien, c’est pour moi une récompense suffisante de savoir que j’ai pu être utile à mon prochain.


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