Utilisateur:Monsieur Brouillon/Le mec dingue

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— Alors mon bonhomme, t'es toujours là ?

Je le regardais droit dans ses yeux de cocker apeuré. Quatre jours qu'il me collait. Pour un peu j'aurais eu pitié de lui, mais ses boutons au coin de la bouche et sur le front me dégoutaient. Et puis le voilà qui se met à bafouiller.

— Aline, je... je vous... Vous êtes... la plus belle chose que j'ai jamais vu.

Il manquait plus que ça. Quatre jours de lèche silencieuse pour venir me débiter des anneries. Un mystique. Demain il allait venir me dire qu'il avait rêvé de moi... Et de mes douces lèvres.

— Tu devrais arrêter de lire la Bible, mon coco. C'est malsain.

Ça devait être le bedeau de l'église. J'y mets jamais les pieds dans ce bordel. Il était au bords des larmes... Je devais avoir vu juste. C'était un cul béni.

— T'es croyant ?

Il ouvrait la bouche mais ça voulait pas sortir. Ce type commençait à me gonfler.

— Alors je vais te dire une chose. Tu vas aller acheter un cierge et prier très fort la vierge qu'elle exhausse tes voeux. Allez, t'es gentil... Casses toi!

Il tourna les talons et disparut. Il était 23h00 et j'avais toujours pas levé un seul client. Si ça continuait, ce débile allait faire péricliter mon commerce. J'avais bien essayé de lui soutirer quelques billets mais ce trou du cul était fauché. Une daube qui se noyait dans un verre d'eau bénite.

claration

Je l'ai pas revu pendant une bonne semaine. Je commençais à respirer, pour tout dire je l'avais oublié. Je venais de larguer monsieur le proviseur du lycée, un homme fort honorable qui cocufiait sa Ginette et venait me rendre visite les soirs de déprime. Il devait être pas loin d'une heure du matin. Il était là, au coin de la rue. Il m'attendait. Je l'ai pas bien reconnu sur le coup, il s'était mis sur son trente et un. Y'a rien de pire que les accrocs. Mais celui là était...

— Alors ? T'es encore revenu ? T'as des tunes ? Tu le sais Félix, c'est pas gratuit avec moi.
— Je vous ai apporté des bonbons...
— Ha oui ? Parce que les fleurs c'est périssables ? Et que les bonbons c'est tellement bon. Qu'est-ce que tu veux que j'en foute de tes sucreries ?
— J'ai fait comme vous m'avez dit, Aline.

Franchement je me souvenais plus de ce que j'avais bien pu lui dire.

— Quoi ? T'as fait quoi ?
— J'ai fait bruler un cierge et j'ai prié la vierge. Et elle m'a dit : Lèves toi Félix, et marche. Alors je suis venu. Je vous aime Aline.

Et en plus il était devenu intarrissable!

— Mais crétin, le cierge faut pas l'allumer!

Pour le coup il en était resté muet. Et il recommençait à me faire le coup de la carpe.

— Je suis une pute, Félix. Une putain! Tu sais ce que ça veux dire ? Casses toi, je t'ai assez vu. Vires ton cul de là et reviens plus me faire chier!



Lettre

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Ah oui... Y'a eut la lettre. Il l'avait accroché au réverbère.
Il y avait glissé, très généreusement, un billet de vingt euros.
A croire que je faisais la manche.

Chère Aline,

Rien n'est perdu. Jesus pardonne à ceux qui se repentent et lui n'a pas jeté la première pierre. Aline, ayez confiance en moi, je peux vous ramener sur le droit chemin. Ne vous désesperez pas, je vous soutiendrai dans cette épreuve.

Je n'ai pas allumé le cierge, mais c'est tout de même un peu triste. Patapon pose sa patte sur mon bras et me regarde avec ses gros yeux bleus. Patapon, c'est mon doberman. Il voit bien que j'ai changé. C'est grâce à vous Aline.

Je vais acheter une automobile. Comme ça on pourra aller à la campagne, se promener dans la nature et voir toutes les belles choses qui s'y trouvent. Mais vous resterez la plus belle des fleurs pour moi, Aline. Je connais une petite friterie au bord de la plage, ils font des merlans qui sont vraiment délicieux.

Patapon, il me fait une léchouille, il est d'accord. Il aime bien le poisson. A lui aussi, ça lui fait du bien l'air du grand large. Il est gentil, je crois qu'il vous aime bien lui aussi.

Je vous aime Aline. Avec l'aide de Dieu et de Jesus, tout est possible.

Félix.


Pour un peu j'en aurais pissé de rire. Ce type était vraiment... Je pensais, sur le coup, à lui couper les couilles s'il osait se repointer. Mais il devait être maso, son petit jesus lui donnait le mauvais exemple. Si ça continuait, ce tordu allait m'obliger à changer de quartier.





Conclure

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Tu vois, Patapon, comme ça je serai toujours avec elle.
Je vais lui écrire tous les jours.
Je l'adore, Aline.


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