Pire Ouvrier de France
Le titre de Pire Ouvrier de France est décerné chaque année, par le Comité Contre le Carriérisme Prolétaire, à des ouvriers travaillant dans des secteurs d'activité variés. Il récompense ceux qui, par leurs efforts, ou leur absence d'efforts, ont contribué à ruiner leur salaud de patron.
Entretien avec Romain Fischen-Chips, cuisinier
M. Fischen-Chips a obtenu le titre de pire cuisinier de France en 2010. Il nous reçoit dans sa cuisine. Comme je reviens d'un reportage sur les bidonvilles de Calcutta, l'odeur ne me dépayse pas.
J'hésite un peu, mais voyant que mon interlocuteur a mis le thermostat à 25°C, je me dis que c'est déontologique après tout.
Histoire du concours
Nous sommes en 1960, au cœur des Trente Glorieuses. La productivité est en hausse constante, les patrons obtiennent des bénéfices satisfaisants sans antagoniser les forces productrices, et toute la France est au travail.
Toute ? Non. Un petit village résiste encore et toujours à cette connerie.
Comme vous le voyez, Jean-Marc Glandu et Étienne Flemmard mettaient à dure épreuve leurs cerveaux pour trouver une solution aux problèmes évoqués au début de cette partie.
Glandu revenu, Flemmard reprit :
Ainsi fut-il fait.
M. O'Royd, candidat malheureux au titre de pire maçon de France
Micheál O'Royd est né à Waterford, Irlande, en 1985. Ses professeurs disent de lui qu'il ne manque vraiment pas d'Eire, aussi quitte-t-il l'école à l'âge de 16 ans pour effectuer un apprentissage en maçonnerie. Le huitième jour, il est renvoyé pour des problèmes de consommation excessive d'alcool.
Dit comme ça, ça n'a l'air que d'une bêtise d'adolescent. Mais rappelons que nous sommes en Irlande, où il est bien plus fréquent d'être licencié pour "sobriété au travail qui nuit à l'esprit d'équipe".
Le soir même, il voit une photo de la tour de Pise. Déterminé, il se dit qu'il ira exercer son métier en Italie, le pays de la maçonnerie comme il l'aime. Il débarque le lendemain à Cherbourg, décidé à faire les 1500 kilomètres restants en train, en stop ou à pied s'il le faut. Mais comment dire...
Nous le retrouvons à Avranches, au pied d'un... Doux Jésus ! C'est... un...
Ne reconnaissant pas les derniers mots, je présume que c'est du gaélique.
Après cet échange de civilités, nous entrons dans le vif du sujet :
Un idéal plus moderne que jamais
Les rivaux de notre concours – ceux qui promeuvent les soi-disant « Meilleurs Ouvriers de France » - ont installé leur musée à Bourges. Déjà, on voit qui peut vouloir soutenir cette compétition.
À l'inverse, nous avons un rêve. Un rêve qu'un jour, l'homme pourra vivre sans engraisser une petite minorité. Un rêve que mes quatre enfants ne seront pas jugés par leur utilité sociale, mais bien sur leur talent au pieu et leur capacité à tenir l'alcool.
Et quoi de plus actuel, vraiment ? Aujourd'hui, des entreprises ferment des usines qui fonctionnent pour plaire aux actionnaires. Le gouvernement a, ces dernières décennies, laissé tomber les fondations sociales (santé, éducation...) pour se concentrer sur... euh... on ne sait pas. Les étudiants les plus ambitieux ne se dirigent plus vers les sciences, l'administration ou les lettres, mais vers le commerce et le management.
Oui, nous allons vers une société de l'inutilité.
Entretien avec Abdoul Trouveh, pire orfèvre de France
M. Trouveh ayant des difficultés de ponctualité et d'orientation, cet entretien n'a malheureusement pas eu lieu.
Vers un futur brillant ?
Nous avons dit en quoi il était fashion de récompenser les mauvais ouvriers. À une nuance près...
Encore faut-il qu'il reste des ouvriers.
Je veux dire, pire commercial de France, ça fait sens. Pire trader aussi.
Ou pour rester dans les classes d'origine populaire, pire dealer. Ou pire terroriste. Bon, le pire chômeur de France, ce serait un chômeur qui travaille et ça, on n'a pas encore trouvé.
Toutefois, j'ai la solution pour pérenniser l'existence de ce prix. Guère originale, certes, puisqu'elle a déjà été appliquée à toutes les richesses nationales.
Le délocaliser en Chine ou au Qatar.
Un dernier entretien : Sarah Turr, Pire Calligraphe de France
Faute de disponibilités communes, nous avons convenu d'un entretien par courriers transmis rapidement par pigeons voyageurs supersoniques.
L'eût-on voulu que nous n'aurions pu égaler votre talent. Plusieurs questions nous viennent donc à l'esprit :
- Comment parvenez-vous à produire ces oscillations stupéfiantes ?
- Les taches d'encre réparties sur vos travaux forment souvent une bite mi-molle. Est-ce volontaire ?
- Ne pouvez-vous cesser d'écrire en turquoise fluo ? Ça donne mal aux yeux.
Bien à vous,
Loth Eurdecetarticle.Malheureusement, la réponse était proprement (ou plutôt salement) illisible.
Conclusion
Comme vous l'aurez compris, le mauvais travailleur est celui sur qui on ne peut pas compter, car il ne va pas jusqu'au bout. Il, euh... Enfin, voilà, quoi.
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