Pire Ouvrier de France

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Le titre de Pire Ouvrier de France est décerné chaque année, par le Comité Contre le Carriérisme Prolétaire, à des ouvriers travaillant dans des secteurs d'activité variés. Il récompense ceux qui, par leurs efforts, ou leur absence d'efforts, ont contribué à ruiner leur salaud de patron.

Entretien avec Romain Fischen-Chips, cuisinier

M. Fischen-Chips a obtenu le titre de pire cuisinier de France en 2010. Il nous reçoit dans sa cuisine. Comme je reviens d'un reportage sur les bidonvilles de Calcutta, l'odeur ne me dépayse pas.

— Bonjour, monsieur. Auriez-vous quelques instants à me consacrer ?
— Sûr, mon pote ! Tu me paieras bien un litre de rouge au troquet du coin !
— Euh, c'est à dire, êtes-vous bien certain d'avoir le temps ?
— Ben tiens ! J'ai un gratin au four, alors il faut lui laisser le temps de cuire !
— N'est-ce pas un peu dangereux ?
— Non, j'ai pris mes précautions. Par exemple, j'ai éteint l'alarme incendie pour ne pas réveiller le proprio, donc on sera tranquille.

J'hésite un peu, mais voyant que mon interlocuteur a mis le thermostat à 25°C, je me dis que c'est déontologique après tout.

— Parlez-moi de ce gratin que vous êtes en train de préparer.
— Bah, c'est un gratin, quoi ! Gratin de macaronis aux coquillettes.
— Quels sont les autres ingrédients ?
— Bon. Du fromage sur des pâtes, c'est du gratin au fromage, on est d'accord ?
— Certes.
— Eh ben là, c'est un gratin aux coquillettes.
— D'accord. Vous rappelez-vous comment vous avez gagné le titre de Pire Ouvrier de France ?
— Je risque pas de l'oublier ! Moi, j'aime point les distinctions alors j'avais fait un petit truc sobre : salade de tomates et de pâtes. Ouais, j'aime les pâtes. Bon, j'ai coupé les trucs rouges en quartiers, normal quoi. Putain ! Le con ! Je leur ai fait bouffer des piments forts ! Mort de rire, quoi !
— Dernière question : Comment avez-vous malgré tout conservé votre emploi ?
— Ben, premier jour en cuisine : faut que j'ouvre le paquet de pâtes. Bon, la flemme de chercher l'ouverture. Je prends le couteau de boucher, et j'ouvre le tout : pâtes, fromage, pouce, auriculaire. Alors, depuis, j'ai les associations d'handicapés de mon côté.
— Merci pour cet entretien. Je vous laisse retourner à votre travail.
— Ça, j'y compterais pas trop, l'ami !

Histoire du concours

Nous sommes en 1960, au cœur des Trente Glorieuses. La productivité est en hausse constante, les patrons obtiennent des bénéfices satisfaisants sans antagoniser les forces productrices, et toute la France est au travail.

Toute ? Non. Un petit village résiste encore et toujours à cette connerie.

— Roger, putain ! Ressers-nous un canon de rouge !

Comme vous le voyez, Jean-Marc Glandu et Étienne Flemmard mettaient à dure épreuve leurs cerveaux pour trouver une solution aux problèmes évoqués au début de cette partie.

— Les décourager du boulot ? J'ai essayé, et crois-moi, j'en suis revenu. Ces cons veulent bosser ! Ah, et pourtant on aura tout fait ! Répression des grèves légitimes, corruption au plus haut niveau... Mais non, ils persistent !
— Tu sais, je crois qu'on a pris le problème à l'envers.
— Oh putain, faut que j'aille pisser ! Tu m'expliqueras tout ça après.

Glandu revenu, Flemmard reprit :

— Et si, au lieu de décourager le peuple du boulot, on l'encourageait à se toucher la nouille ? Ça pourrait être contagieux, non ?

Ainsi fut-il fait.

M. O'Royd, candidat malheureux au titre de pire maçon de France

Micheál O'Royd est né à Waterford, Irlande, en 1985. Ses professeurs disent de lui qu'il ne manque vraiment pas d'Eire, aussi quitte-t-il l'école à l'âge de 16 ans pour effectuer un apprentissage en maçonnerie. Le huitième jour, il est renvoyé pour des problèmes de consommation excessive d'alcool.

Dit comme ça, ça n'a l'air que d'une bêtise d'adolescent. Mais rappelons que nous sommes en Irlande, où il est bien plus fréquent d'être licencié pour "sobriété au travail qui nuit à l'esprit d'équipe".

Le soir même, il voit une photo de la tour de Pise. Déterminé, il se dit qu'il ira exercer son métier en Italie, le pays de la maçonnerie comme il l'aime. Il débarque le lendemain à Cherbourg, décidé à faire les 1500 kilomètres restants en train, en stop ou à pied s'il le faut. Mais comment dire...

« J'avais une maison au bord de la mer. Mais pour aller à la plage, il fallait passer devant un bar. Je n'ai jamais vu la mer. »
~ George Best à propos du tempérament irlandais.

Nous le retrouvons à Avranches, au pied d'un... Doux Jésus ! C'est... un...

— Ben oui c'est un mur ! Ceux des iglous sont pas tout à fait droits non plus, et puis ça tient ! On n'est pas à quelques degrés près, fer fecksake !

Ne reconnaissant pas les derniers mots, je présume que c'est du gaélique.

Conas atá tú ?
— Póg mo thóin !

Après cet échange de civilités, nous entrons dans le vif du sujet :

— Comment avez-vous obtenu votre emploi ?
— Obtenu, c'est le mot ! Il y avait une loterie, j'ai participé.
— Et comment l'avez-vous gardé ?
— Nous faisons partie des 95% d'entreprises où les patrons sont encore plus incompétents que leurs employés.
— Présentez-nous, je vous prie, une de vos œuvres les plus spectaculaires.
— Pas de souci !
Et franchement, 600€ les 10m², à Paris, c'est donné.


— Eh bien, après ces exemples fulgurants de votre talent, on voit mal comment votre rival vous a battu.
— Facile. Il a couché avec la femme du patron.

Un idéal plus moderne que jamais

Les rivaux de notre concours – ceux qui promeuvent les soi-disant « Meilleurs Ouvriers de France » - ont installé leur musée à Bourges. Déjà, on voit qui peut vouloir soutenir cette compétition.

À l'inverse, nous avons un rêve. Un rêve qu'un jour, l'homme pourra vivre sans engraisser une petite minorité. Un rêve que mes quatre enfants ne seront pas jugés par leur utilité sociale, mais bien sur leur talent au pieu et leur capacité à tenir l'alcool.

Et quoi de plus actuel, vraiment ? Aujourd'hui, des entreprises ferment des usines qui fonctionnent pour plaire aux actionnaires. Le gouvernement a, ces dernières décennies, laissé tomber les fondations sociales (santé, éducation...) pour se concentrer sur... euh... on ne sait pas. Les étudiants les plus ambitieux ne se dirigent plus vers les sciences, l'administration ou les lettres, mais vers le commerce et le management.

Oui, nous allons vers une société de l'inutilité.

Entretien avec Abdoul Trouveh, pire orfèvre de France

M. Trouveh ayant des difficultés de ponctualité et d'orientation, cet entretien n'a malheureusement pas eu lieu.

Vers un futur brillant ?

Nous avons dit en quoi il était fashion de récompenser les mauvais ouvriers. À une nuance près...

Encore faut-il qu'il reste des ouvriers.

Je veux dire, pire commercial de France, ça fait sens. Pire trader aussi.

Ou pour rester dans les classes d'origine populaire, pire dealer. Ou pire terroriste. Bon, le pire chômeur de France, ce serait un chômeur qui travaille et ça, on n'a pas encore trouvé.

Toutefois, j'ai la solution pour pérenniser l'existence de ce prix. Guère originale, certes, puisqu'elle a déjà été appliquée à toutes les richesses nationales.

Le délocaliser en Chine ou au Qatar.

Vous vendre le Louvre et le PSG contre une usine à dessaler le sel ? Ça le fait !

Un dernier entretien : Sarah Turr, Pire Calligraphe de France

Faute de disponibilités communes, nous avons convenu d'un entretien par courriers transmis rapidement par pigeons voyageurs supersoniques.

Chère Mme Turr,

L'eût-on voulu que nous n'aurions pu égaler votre talent. Plusieurs questions nous viennent donc à l'esprit :

  • Comment parvenez-vous à produire ces oscillations stupéfiantes ?
  • Les taches d'encre réparties sur vos travaux forment souvent une bite mi-molle. Est-ce volontaire ?
  • Ne pouvez-vous cesser d'écrire en turquoise fluo ? Ça donne mal aux yeux.

Bien à vous,

Loth Eurdecetarticle.

Malheureusement, la réponse était proprement (ou plutôt salement) illisible.

Conclusion

Comme vous l'aurez compris, le mauvais travailleur est celui sur qui on ne peut pas compter, car il ne va pas jusqu'au bout. Il, euh... Enfin, voilà, quoi.


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