Zogheim le Sanglant
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Pour débuter notre série "les oubliés du vingtième siècle", c’est dans le cœur de l’Auvergne, dans un village dont nous tairons le nom, que nous nous sommes rendus, à la rencontre de Stanislaz Metzgerinriemen, plus (mé)connu sous le nom de Zogheim le Sanglant. Après de nombreuses recherches, nous avons pu retrouver la trace de celui qui fut le redoutable tueur dans le film « Le boucher sépulcral (Damned butcher from outer grave) », chef d’œuvre du cinéma Z. Celui-ci nous a reçus dans sa fermette située à l’écart du village, où il vit maintenant une retraite paisible entouré de ses trois chiens. Entretien.
Newspoint : Bonjour Monsieur Metzgerinriemen et merci tout d’abord d’accueillir l’équipe de Newspoint dans votre domicile.
Stanislaz Metzgerinriemen : Vous savez, tout le plaisir est pour moi, ça fait longtemps que je ne vois plus passer grand monde et que les journalistes ne s’intéressent plus à moi. A la réflexion, ils ne l’ont même jamais fait, je crois bien que vous êtes les premiers !
Newspoint : C’est un grand honneur pour nous de vous rencontrer et nous souhaitons revenir sur les éléments de votre vie, peut-être non reconnue à sa juste valeur malgré sa singularité.
Stanislaz Metzgerinriemen : Singulier, oui, en effet, quelque soit le bout par laquelle je la prends !
Newspoint : Peut être pourriez vous, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas, revenir tout d’abord sur quelques éléments autobiographiques ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Bien sûr ! Je suis né par une noire nuit d’orage, seulement zébrée par quelques éclairs dans une région reculée de la Hongrie. Les habitants du village de Plötz, tout proche du château où j’ai vu le jour, passez moi l’expression, affirmèrent plus tard que jamais une telle tempête n’avait sévi dans la région. Arbres déracinés, chiens qui hurlent à la mort, rivière qui déborde de son lit, j’en passe. Pour ce qui est de la date exacte, je ne peux pas vous répondre vu que l’état civil de l’époque ne se résumait qu’aux seuls registres paroissiaux et vous vous doutez bien que je ne suis pas passé par les fonds baptismaux ! (rires)
Newspoint : Oui évidement, mais vous parliez d’un château...
Stanislaz Metzgerinriemen : Oui, avec de grandes tours dont seule la plus haute est éclairée la nuit par une lumière qui brille par intermittence... n’allez pas croire pour autant que j’ai des origines nobles, hein, j’ai vite été balancé dans la rivière glaciale, peu de temps après ma conception. C’est en partie ça qui m’a valu mes premières difformités et la forme si singulière de mon bras gauche. Que voulez vous, quand on vous jette de trente mètres sur des roches et que vous rebondissez deux ou trois fois avant d’être emporté par le courant, il est dur d’en ressortir indemne et bien portant. Mais je suis de constitution robuste, papa devait être un bucheron de passage qui a fait une pause appuyée du côté de la noblesse locale !
Newspoint : Un démarrage difficile dans la vie donc...
Stanislaz Metzgerinriemen : J’imagine que ça l’aurait été encore plus si je n’avais été dans un premier temps recueilli par une meute de loups, de ces meutes que l’on croise fréquemment dans ma région natale. De ces premières années je garde un souvenir confus, méconnaissance du langage humain oblige. Néanmoins, je pense que mon goût prononcé du sang et mon don du dépeçage remontent à cette période là. C’est grâce au pasteur qui m’a recueilli à l’âge de six ans et qui a tenté de m’élever comme un de ses huit enfants que j’ai pu petit à petit faire mes lettres et me civiliser. C’est vrai que c’était la grande mode des enfants sauvages à l’époque et qu’un petit phénomène comme moi ne manquait pas d’intérêt.
Newspoint : Vous avez donc eu une éducation somme toute classique...
Stanislaz Metzgerinriemen : Oui avec un goût assez prononcé pour les langues. Tout d’abord sous la férule du pasteur qui m’a prodigué les bons soins de son éducation et aussi pour celles de beaucoup de gibier que je collectionnais secrètement. Je crois même qu’à l’époque, si j’en avais eu le niveau intellectuel, j’aurais pu rédiger une monographie sur le sujet (rires). Voyez vous c’est l’avantage d’avoir un bras atrophié : toute la force se reporte dans l’autre et c’est assez commode pour étrangler disons, une biche d’une seule main.
Newspoint : Et au niveau familial ca se passait comment ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Merveilleusement bien puisque j’ai quand même défloré trois des cinq filles du pasteur, sans leur consentement évidement. J’étais assez précoce, faut dire. Je me rappelle encore la tête du pasteur en l’apprenant. Lui qui voulait me convertir aux joies du jardinage…il ne croyait pas si bien faire ceci dit. Voyez-vous, grandir en milieu rural, loin de tout, fait qu’on se base beaucoup sur l’auto production. Le bois qu’on abat pour le chauffage, les légumes qu’on fait pousser dans le jardin, la chasse…J’ai pu le mesurer pleinement quand j’ai décimé toute la famille en une nuit. Un coup de hache pour le père, un coup de râteau pour la mère, un coup de masse pour l’aîné, j’en passe. Vu que les voisins étaient assez éloignés, ils n’ont pas été dérangés et j’ai pu saler une partie de la famille en toute tranquillité pour les jours d’hiver.
Newspoint : L’absence de votre père adoptif a dû être remarquée tout de même…
Stanislaz Metzgerinriemen : Et oui, ce qui m’a donné l’occasion de couper le cordon avec les terres de mon enfance. Je dois admettre que les villageois m’y ont particulièrement poussé. Je peux vous en faire une description détaillée mais somme toute, ce n’est que le rite de passage à l’âge adulte classique des individus de mon acabit, hein ? J’ai eu droit à la totale donc, descente aux flambeaux, battue dans la neige, parodie de procès sur la place du village, bûcher de rigueur, d’où ma claudication et une bonne partie de ma peau brûlée au troisième degré. Autant j’adore l’odeur de la chair humaine grillée mais je vous jure que quand c’est la vôtre, ça vous rend malade, surtout quand comme moi, vous avez pris soin de l’hydrater chaque hiver avec du suint. Enfin passons, j’ai réussi à m’échapper tant bien que mal…
Newspoint : Comment ? Si ce n’est pas trop indiscret ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Grâce à des amis à moi, que je m’étais fait quand je chassais en forêt pour nourrir la famille et qui étaient à l’époque au service d’un comte assez connu. J’en tais le nom pour d’évidentes raisons de confidentialité et par respect pour lui. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il avait eu quelques mailles à partir avec l’administration fiscale, je crois, et qu’il voulait rejoindre l’Angleterre sous couvert d’anonymat. J’ai profité du voyage en échange de mes services étant donné que la manutention du cercueil dans lequel il se cachait requérait pas mal de force. C’est ainsi que de ville en ville j’ai pu découvrir l’Europe avant d’arriver à Londres.
Newspoint : Le début d’une vie nouvelle donc…
Stanislaz Metzgerinriemen : M’en parlez pas, ça été parmi les plus beaux moments de ma jeunesse. Les nuits passées à courir les bordels et les tavernes avec mon pote Jacques. Bon, c’était un gars de la haute, lui, mais pour déconner, il n’y avait pas mieux. Ce qu’on n’a pas ri à courir après les filles de joie. On avait mis au point un petit jeu de rôle lui et moi. J’arrivais, j’effrayais les demoiselles et je les coursais dans les ruelles les plus obscures. Ça ressemble un peu à de la traque en fait, une fois qu’on sait comment rabattre la proie, ça se fait tout seul. Je les poursuivais donc jusqu’à ce qu’elles soient hors d’haleine et m’arrangeait pour les faire tomber entre les bras de Jacques. Mon Jacques, grand seigneur, faisait semblant de me casser la gueule et leur proposait d’aller se refaire une santé avec un petit cordial dans sa garçonnière. Bien évidement, vous imaginez la suite, une dose de chloroforme, un transfert à la cave et la nuit entière passée à potasser l’anatomie sur modèle vivant. Jacques voulait devenir médecin. Il a fini pendu.
Newspoint : Comment viviez-vous à l’époque ? Londres est réputée pour être une ville assez chère !
Stanislaz Metzgerinriemen : J’avais trouvé une chambre de bonne chez une connaissance de Jacques, un médecin aussi sans que cela me coûte grand-chose. Je devais juste me faire passer pour lui certaines nuits pendant qu’il courait le guilledou. Pour expliquer la situation il a prétendu que nous n’étions qu’un et qu’il arrivait à ce résultat en ingérant une potion de son invention. Certes, c’est tordu comme explication mais apparemment, plus c’est gros, plus ça passe et c’est passé. Nous avons fini par maquiller son suicide car il devait partir aux Indes.
Newspoint : Ce n’est donc que mort et désolation tout autour de vous ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Non, qu’allez vous inventer là ! J’ai travaillé par la suite avec monsieur Barnum, qui était un grand monsieur. Il m’a beaucoup donné, à commencer par un rein en guise d’indemnités de départ. Grâce à lui, je suis parti aux Etats Unis, j’ai sillonné le continent comme jamais je n’aurai pu le faire autrement et j’ai trouvé une vraie famille, celle du cirque. Je me souviens particulièrement bien de deux de nos monteurs, David, avec qui je m’entendais très bien et qui est parti par la suite s’installer à Waco, Texas, monter une ferme et Charles, grand fan des Beatles, qui a fait son petit bout de chemin dans le couloir de la mort depuis.
Newspoint : A quel moment à commencé votre courte carrière cinématographique ?
Stanislaz Metzgerinriemen : C’est à l’occasion d’un gala que nous donnions à Santa Monica que j’ai croisé la route de John Ferrugiano, producteur de la Warner. A l’époque, on était en plein dans l’explosion des films d’horreur avec de grandes stars comme Bela (Lugosi – ndlr), Vampira ou Christopher (Lee – ndlr). Tout le monde connait les grosses productions qui ont été tournées à l’époque et qui ont maqué quelques générations comme La Momie ou La Créature du Lagon Noir mais bon, le grand public avait accès à, quoi, un cinquième de la production réelle et beaucoup de films étaient produits avec des budgets excessivement modestes avant d’être projetés à peine une dizaine de fois dans d’obscurs cinémas de quartier…
Newspoint : Dont le votre peut être ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Effectivement, Damned Butcher a été un flop total et a totalisé très exactement 24 spectateurs en deux semaines d‘exploitation. Même l’équipe n’est pas venue le voir ! Pourtant, le film était assez extraordinaire et j’avais un rôle taillé sur mesure. Etant donné que nous avions très peu de moyens, tout est passé dans l’achat de la pellicule et l’éclairage. Pas de cachet, pas de royalties, rien ! Gordon Shellman, le réalisateur s’est retrouvé sur la paille et s’est suicidé peut de temps après, quand Ferrugiano a commencé à l’accuser de l’échec du film. Pourtant, il y a quand même des scènes d’anthologie dans Damned ! Celle où je sors de terre, par exemple, ne comporte aucun trucage ! J’étais juste enterré sous le massif de bégonias de la maison de Gordon, retourné pour l’occasion et il a fallu que je m’extraie de terre tout seul. Imaginez l’état de mes ongles après ça, un vrai carnage. Pareil, quand se fait la rencontre entre Zogheim, mon personnage et Bétina Sullivan, l’héroïne : son cri est rigoureusement authentique ! Elle était morte de trouille la pauvre…Heureusement nous avions filmé avec elle la fin du film avant les scènes où nous sommes ensemble. C’est pour ça qu’il se finit bien…
Newspoint : Face à l’absence de succès de Damned, comment avez-vous régi, qu’avez-vous fait par la suite ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Et bien j’ai rejoint la longue cohorte de seniors rejetés du marché de l’emploi, vivotant de petits boulots à droite à gauche. J’ai filé quelques coups de mains, histoire de me renflouer un peu puis je suis reparti vers l’Europe. J’ai passé quelques temps à Düsseldorf, à Hanovre, pour faire des missions en intérim avec des copains, j’ai bossé en tant que rémouleur, installateur de baignoires électrisées en Algérie, j’ai fait du SAV en chaine du froid, réparé quelques chaudières encrassées par le suif en Pologne…J’ai aussi collaboré à quelques projets cinéma puisque j’ai été consultant technique sur Le Silence des Agneaux et plus récemment pour la série des Saw ce qui m’a permis d’acheter la ferme. Vous savez, dans ma profession, on a pas de caisse de retraite alors il a bien fallu monnayer mes compétences !
Newspoint : Votre vie d’avant ne vous manque pas trop ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Non, vous voyez maintenant, je me suis fixé ici, je suis bien, au calme, j’entretiens ma ferme, je bricole, je mets au point quelques petites inventions pour les futures générations comme le couteau-pompe, dont je ne suis pas peu fier. Comme c’est la mode des vampires en ce moment, je me suis dit que ça pouvait leur être utile. J’ai aussi un projet de masque à usage unique. Avec toutes les maladies qui trainent de nos jours, faut pas plaisanter avec la santé. Autrement, il y a un GR qui ne passe pas très loin d’ici et qui est pas mal fréquenté par des touristes étrangers. De temps en temps, je me fais un groupe d’allemands ou une hollandaise, histoire de garder la forme, de faire des jambons et des saucissons pour l’hiver et nourrir mes chiens.
Newspoint : Vous semblez être un homme comblé ! Pour conclure cet entretien, quel serait votre mot de la fin, Monsieur Metzgerinriemen ?
Stanislaz Metzgerinriemen : Pour être heureux, vivons hachés ! (rires)
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