Da Costa Code
Le Da Costa Code est l’unique roman de l’écrivain français Hugues-Anselme de Hautecloques. Publié en 2001, il s’agit de l’antépénultième partie d’une trilogie en trois volets contant les aventures mystico-ésotériques de son héros, Édouard-Gontran de Bassebourg. Enfin normalement parce que comme l’auteur est mort, il faudra se contenter de ça.
Genèse
Hugues-Anselme de Hautecloques est né à Neuilly/Seine (92) le 11 juillet 1963. Son père, colonel en retraite (notamment en 1940) est au moment de sa naissance ambassadeur de France en Serbo-Tchonquie. Sa mère, timide et effacée comme cela se faisait à l’époque, a préféré rester vivre dans l’hôtel particulier familial proche du centre-ville Neuilléen et de ses commodités.
Malgré cette cruelle séparation d’avec son père (il ne le rencontra en tout et pour tout que deux fois dans sa vie, la première fois à sa naissance et la seconde fois à son enterrement), Hugues-Anselme est élevé dans un milieu favorisé, profitant de l’enseignement de précepteurs triés sur le volet, jouant dans son jardin privatif avec des camarades choisis parmi le gotha de la proche banlieue ouest de Paris et chouchouté par une maman omniprésente et ultrapossessive. Il passe son bac haut la main à 16 ans dans un établissement très select et intègre les classes préparatoires aux grandes écoles comme cela est de bon ton dans cette région.
Mais au moment d’entrer à Sciences Po tout bascule. Tombant par hasard sur une édition de poche d’un vieux roman policier des années 50, Hughes-Anselme est soudainement pris par le démon de l’écriture. Il décide de tout plaquer, armé d’un simple pécule de 19 millions de francs de l’époque en bons au porteur. Malgré les supplications de sa mère, il sacrifiera tout le confort dont il jouissait à Neuilly pour s’installer à des kilomètres de là (5 pour être précis) en plein cœur du XVIe arrondissement de Paris dans un simple 4 pièces avec 3 mètres de hauteur de plafond, cuisine équipée et garage pour la Porsche en bas de l’immeuble.
Il ne le sait pas encore, mais c’est ce déménagement qui sera le détonateur de son inspiration romanesque. Le 24 septembre 1995, soit moins de 3 ans après son installation, il part déjeuner comme tous les jours à la brasserie du coin. Stupeur, l’ascenseur est en panne. Désemparé, il hésite à se commander une pizza aux ortolans de chez Fauchon puis prenant son courage à deux mains choisit de descendre à pied les deux étages qui le séparent du rez-de-chaussée. Et c’est là, entre le premier étage et l’entresol, qu’il fera la rencontre avec la personne qui marquera à jamais son destin : Mme Consuela Da Costa.
Et c’est ainsi qu’au prix d’une série d’entretiens avec celle qui était justement la spécialiste de l’entretien dans son immeuble, notre écrivain en herbe se fit initier aux époustouflantes révélations qui ébranlèrent toutes les certitudes apprises auprès de ses pairs et sa mère. Et plutôt que les garder pour lui, il décida de les rendre publiques pour que chacun sache enfin la vérité. Ainsi naquit son œuvre aussi majeure qu’unique, le Da Costa Code.
Thème et polémique
Le caractère iconoclaste du Da Costa Code saute aux yeux du lecteur dès les premières pages. Subversif et anticonformiste, l'auteur fait l'apologie bien naturelle du milieu bourgeois dans lequel il évolue depuis sa naissance mais s'échine surtout à dénoncer toute l'ambiguïté et l'aspect manipulateur du puissant lobby des concierges. Ce thème jusque là totalement absent de la littérature mondiale en raison des pressions subies a fait suinter des révélations qui ont mis à mal de nombreuses loges conciergiques. L'influence du Da Costa Code fut en ce sens particulièrement intense. Depuis sa parution, et surtout depuis qu'il fut reconnu comme un véritable manifeste contre la politique d'infiltration délétère des concierges, ces dernières voient leurs loges fermer les unes après les autres, pour le plus grand bien de l'humanité.
Mais attention. L'éradication des loges proprement dite n'est pas synonyme de la disparition des concierges. Plusieurs investigations, lancée sous l'égide de la Commission Anti-Concierge de l'Assemblée Nationale présidée par le député Patrick Balkany, ont mis en évidence que certaines Grandes Ménagères influentes se seraient regroupées dans des lieux retirés et pour l'heure tenus secrets par la DST. Se contentent-elles de se livrer à leurs occupations mystiques entre elles ou sont-elles en train d'ourdir un nouveau complot visant à réinvestir nos immeubles par la force ou la manipulation ? Difficile de le dire pour le moment. Mais il faut tout de même rester vigilant. La parution l'an passé d'un ouvrage tel que "L'élégance du hérisson" de la traîtresse Muriel Barbery (sans doute la fille d'une concierge) et qui fait l'apologie du culte conciergique montre que ce groupement est encore potentiellement dangereux.
L’œuvre
Au départ Hugues-Anselme pensait écrire une thèse sur ce que Consuela Da Costa lui avait révélé au cours de leurs nombreux échanges privés. Mais le caractère officiel de la thèse lui avait fait craindre pour sa vie. Déjà, il se sentait menacé de parler aussi fréquemment à sa concierge et en développait une certaine paranoïa. Certains voisins, passant devant la loge, semblaient regarder tout ça d’un œil méfiant. Heureusement, le calme apparent (et un peu dubitatif) avec lequel Mme Da Costa partageait son savoir parvenait à rasséréner Hugues-Anselme, et à lui confirmer que sa croisade était juste. Au final, il prit la décision d’écrire cette histoire sous forme de roman. Ainsi si on l’accusait de divulguer des données confidentielles, il pourrait toujours se réfugier derrière l’étendard de l’imaginaire pour justifier ses propos.
Les personnages
Le personnage central du Da Costa Code s’appelle Édouard-Gontran de Bassebourg. C’est un jeune homme déraciné d’une trentaine d’années, qui décide sur un coup de tête de quitter la maison familiale pour s’installer dans un appartement parisien afin de devenir écrivain. Il va y faire la rencontre d’une certaine Madame Da Costa.
Cette dernière, femme trouble au passé méconnu (on apprend vers le milieu du roman qu’elle serait originaire d’une contrée lointaine située aux confins de l’Europe méridionale), semble détenir un grand nombre de secrets. Elle va prendre Édouard-Gontran sous sa coupe pour le faire entrer dans le cercle très fermé des « initiés ».
La quête d’Édouard-Gontran, dirigée à distance par une Mme Da Costa tour à tour conciliante et manipulatrice, va le mener dans des lieux et des univers inconnus au sein desquels il devra rechercher les indices qui le mèneront de révélation en révélation, d’horreur en émerveillement. Au cours de ses pérégrinations, il rencontrera moult personnages inquiétants dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Parmi ces protagonistes, on pourra citer :
- Jules Grandpied, garagiste. Il permettra à Édouard-Gontran de comprendre les mécanismes ésotériques de la vidange et du contrôle technique et montrera à notre héros en quel lieu mythique et secret se situe le bouchon à essence de sa Porsche.
- Jocelyne Marchaut, caissière à Monoprix. Au cours du second chapitre, Mme Da Costa plonge Édouard-Gontran dans un univers étrange digne de Lewis Caroll, le rayon fruits et légumes du Monoprix de la Rue Boileau. Totalement désemparé, il ne devra son salut qu’à Jocelyne qui lui expliquera le maniement de la balance à étiquetage. Une histoire d’amour torride s’ensuivra.
- Gaston Clumier, dit Gaston le Sage. Une rencontre décisive pour notre héros. Gontran est ce que les prophètes appellent dans les Évangiles un Saint Divin de Force (ou SDF). On suppose que c’est le hasard qui a fait trébucher Édouard-Gontran sur les cartons où Gaston méditait, mais rien dans ce roman n’arrive par hasard. Il enseignera à notre héros un langage inconnu sans doute très ancien qui lui permettra notamment de décrypter les incantations kabbalistiques propres à certaines tribus reculées des banlieues populaires.
- François Parmentier, producteur bovin. Dans l’un des derniers chapitres, Édouard-Gontran est forcé de subir une épreuve terrible : visiter le salon de l’agriculture au Palais des Expositions de la Porte de Versailles à Paris. À peine entré, il doit affronter des animaux qu’il croyait légendaires comme des moutons blancs, des vaches aux cornes démesurées et des taureaux avec des couilles gigantesques. Il manquera périr plusieurs fois avant d’être recueilli au bord de l’évanouissement par François Parmentier qui l’initiera à des pratiques occultes comme la traite ou la tonsure. En plus il mangera du pâté avec du vin rouge non millésimé.
Et on pourra aussi citer pêle-mêle d’autres protagonistes de ce roman-fleuve initiatique tels Mamadou N’Gono, l’étrange magicien à la peau d’ébène et son balai ensorcelé capable de faire disparaître d’un simple mouvement des monceaux entiers de feuilles mortes, Henri Garcia, employé de banque qui montrera à Édouard-Gontran comment extraire des billets d’une machine démoniaque à l’aide d’une carte codée ou Giselle Hambertin, sa propre voisine de palier, qui semble déjà en savoir très long sur les secrets intimes de Madame Da Costa.
Scènes cultes
Ceux qui ont déjà lu le Da Costa Code ne peuvent s’empêcher de raconter à leur entourage les leçons qu’ils en ont tirées. La grande force de Hugues-Anselme de Hautecloques est de ne pas chercher à convaincre par tous les moyens mais simplement démontrer point par point toutes les vérités cachées derrière ce qu’on nous fait passer pour la réalité. En ce sens plusieurs passages clefs sont symptomatiques de cette démarche. En voici quelques uns.
Première entrée dans la loge
Après la rencontre fortuite dans l’escalier de son immeuble avec Mme Da Costa, Édouard-Gontran de Bassebourg entre pour la première fois dans la loge de sa concierge.
Aussi loin qu’il m’en rappelle, je n’ai jamais connu que deux foyers. Ma maison familiale d’abord, tenue d’une main de maître par ma chère maman adorée, et cet humble appartement de la Rue Victor Hugo ou je réside depuis trois ans. C’est en pénétrant dans l’antre de Mme Da Costa que je me rendis compte pour la première fois à quel point je manquais d’expérience dans ce domaine. Avant même d’entrer, je ne pus que constater que la porte elle-même ne ressemblait à rien de ce que j’avais connu. Pourquoi cette vitre transparente sur sa partie supérieure ? Et cette pancarte sur laquelle était gravée en lettre de sang « la concierge est dans l’escalier »... Pour quelle raison Mme Da Costa ressent-t-elle besoin d’indiquer à tout le monde en quel endroit du globe elle se trouve ? Sans doute est-elle la chef spirituelle de quelque mouvement d’envergure pour lequel elle doit rester en permanence accessible. Je devais savoir.
Malgré sa transparence, la porte ne me permit pas de me préparer à ce que j’allais trouver à l’intérieur. Un regard furtif aurait pu tromper n’importe qui sur le classicisme de l’agencement de cet intérieur, mais mes sens étaient en éveil et je notai d’emblée l’incroyable disparité entre mon humble demeure et ce repaire. Par quelle magie était-elle parvenue à entasser autant de meubles et d’objets dans aussi peu d’espace ? Où étaient les marbres ? Qu’avait-t-elle fait de ses chandeliers en or massif ? Et ces tableaux au mur, ils semblent faits non pas d’huile ou d’aquarelle mais d’une matière laineuse étrangement tissée sur un canevas. Et quel est ce totem occulte ? Quelle forme étrange avec ce long cou flexible prolongé par ce qui ressemble peu ou prou à une brosse à cheveux. Je peux y déchiffrer une inscription : Rowenta AspiTurbo 2000 Watts. Encore une nouvelle énigme.
Première rencontre avec Gaston le Sage
Se croyant poursuivi, Édouard-Gontran court à perdre haleine dans les rues sordides du XVIe arrondissement. Au détour d’une rue, il trébuche sur un tas de cartons sous lesquels il a la surprise de voir émerger un être au charisme impressionnant.
Je compris qu’il me mettait à l’épreuve. Mais comment faire pour accéder à sa requête alors même que je ne comprenais pas un traître mot. Ah, j’aurais donné tout mon argent pour apprendre ce qu’il avait à me dire.
La carte codée
Au milieu du livre, Édouard-Gontran se retrouve soudainement sans ressources. Ayant enfin réussi à traduire le langage de Gaston le Sage, il lui a donné tout son argent liquide, pensant que « 100 balles » signifiait « 100 billets ». Il retourne alors voir Mme Da Costa pour lui demander quelles sont ses nouvelles instructions. Cette dernière l’envoie voir l’inquiétant M. Henri Garcia, qui se présente soi-disant comme son « banquier ».
Une banque. Il me semble que mère avait déjà évoqué cet endroit. Je crois me souvenir aussi que c’est ça qu’il y a écrit sur certaines lettres que je reçois, parfois accompagnées de ces fameuses liasses de billets auxquelles Gaston le Sage semblent attacher tant d'importance. Mais comment me faire reconnaître. Dire que je dois affronter cette épreuve seul et sans arme. Un mousquet, qu’on me donne un mousquet.
J’entre. Incroyable. Tous ces gens. Eux aussi ils sont comme Mme Da Costa derrière des vitres transparentes. Serait-ce ça, le signe qui leur permet de se reconnaître ? Lequel est M. Henri Garcia. Si seulement ils avaient un écriteau avec leur nom. Ah ben justement il y en a un.
Miracle, il parle mon langage !
Il me fixe étrangement. Peut-être viens-je de commettre une erreur fatale.
Mon Dieu, il m’attendait. Que puis-je faire. Je suis piégé.
Je reconnus bien là la manœuvre subtile de Mme Da Costa. Elle m’envoie sur une épreuve qui elle-même débouche sur une autre épreuve et ainsi de suite sans doute. Ces tests sont des poupées russes sans fin. Je n’y arriverai jamais. Pourtant je dois essayer. Je dois trouver ce code.
Au salon de l’agriculture
Nous sommes déjà dans la dernière partie du livre. Édouard-Gontran a connu mille péripéties qui lui ont montré un nouvel aspect de la réalité. Ou plutôt le vrai aspect de la réalité. Mais il lui reste encore bien des choses à apprendre. À la fois désemparé par le fait que son univers s’écroule et motivé pour en savoir plus, il décide de suivre son instinct d’aventurier et de pénétrer sans armes au tréfonds du plus exotique des mondes possibles, le Salon de l’Agriculture.
Accueil du livre
Le livre sort en mars 2001 un peu dans l’indifférence générale. Édité à compte d’auteur à 300 exemplaires, il est uniquement distribué par correspondance à quelques lecteurs abonnés à « La Lettre des expatriés du XVIe arrondissement de Paris en provenance de Neuilly/Seine ». Mais un jour, le célèbre critique de Point de Vue Images du Monde Jean-Daniel Glugstein tombe par hasard dessus. Sceptique au début, il prend rapidement conscience de l’aspect révolutionnaire du contenu du Da Costa Code. Il parvient à contacter l’auteur et à lui faire promettre une interview. Hélas, Hugues-Anselme de Hautecloques qui a décidé de suivre également le parcours initiatique de son héros, se rend en métro au siège du journal. On retrouvera son corps coincé entre deux rames après qu’il eut apparemment tenté d’échapper à ce que les témoins ont appelé « une bande de jeunes avec des casquettes ».
Ce décès tragique fit beaucoup pour la renommée du livre. Gallimard en racheta les droits et l’édita à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, tous vendus en quelques jours. Ce furent ensuite réédition sur réédition et en deux ans le Da Costa Code battit tous les records de vente. En 2007 les studios DreamWorks décidèrent de l’adapter au cinéma. Le projet est encore à l’état d’ébauche mais on parle déjà de Martin Scorcèse pour la réalisation, Leonardo di Caprio dans le rôle d’Édouard-Gontran et Salma Hayek dans celui de Mme Da Costa.
Il existe également de nombreuses rumeurs concernant les deux tomes qui devaient succéder à celui-là et dont Hugues-Anselme de Hautecloques fait mention dans son journal intime. Il avait le projet de décrire la suite de la quête initiatique de Édouard-Gontran, d’abord lors d’une épopée en province (a priori dans le nord de la France dans un village appelé Bergues) puis carrément à l’étranger (peut-être en Belgique mais cela reste à confirmer). Quoi qu’il en soit il serait étonnant qu’un écrivain ait le courage de prendre la suite de ce qui restera une œuvre à part dans la littérature mondiale.
Le Da Costa Code
Pour terminer, je ne peux m’empêcher de retranscrire ici les toutes dernières phrases du livre de Hugues-Anselme de Hautecloques. Elles symbolisent à elles seules l’insatiable soif de connaissance du héros, ainsi que l’œuvre bienfaitrice de Mme Da Costa toujours prête à le guider sur le chemin de la vérité.
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