Doctorat
Pourquoi une thèse ?
Au fait, à quoi ça sert un doctorat ? A placarder le titre sur une plaque devant sa porte ? Quelle injure à la modestie ! A briller en société en se déclarant Docteur ? - « Ah, vous avez fait médecine? Ça tombe bien, j’ai une angine qui traîne, vous auriez pas un antibio’ à me conseiller ? ». Que nenni. A obtenir un bac + 8 pour faciliter votre insertion sur le marché du travail ? Que tu es sotte, cher lecteur !
Au mieux vous êtes naïf, autrement dit vous avez été un bon élève croyant en la méritocratie et au primat de l’intellect sur toute autre considération. Grandes seront tes désillusions, jeune padawan. Au pire vous êtes débile et il est absolument surprenant que vous ayez finalement réussi à décrocher une thèse – certainement un jury de complaisance vous l’aura-t-il décernée sur un plateau d’argent (cf. les jurisprudences Elizabeth Teissier ou les frères Bogdanov). Ou alors vous êtes un : riche héritier/Chinois/les deux (rayer la mention inutile) et vous l’avez tout bonnement achetée.
En théorie, le doctorat vous fait entrer dans la grande famille des chercheurs. Vous savez, ces gens à part qui pour n’ont jamais quitté l’école, pardon l'université. Ceux qui trouvent sans chercher ou qui cherchent sans trouver. Qui dépensent sans compter l’argent public à des fins obscures – rechercher la particule de Dieu, s’interroger sur le pacifisme au service de l’Allemagne, observer la sexualité récréative du poney ou étudier l’évènement ou le non-évènement chez Georges Perec (ta gueule, c’est quantique).
Mais QUOI, bullshit ??? Autant atteindre tout de suite le point Godwin, comme ça c'est fait !! On peut reprendre ? Vraiment ? Bon...
Sur le papier, il est dit que le doctorant - dit aussi jeune chercheur, thésard ou éternel étudiant - effectue l’une de ses premières vraie expérience de travail, à valoriser sur son CV A l’issue de sa soutenance de thèse, l’un des derniers rites de passage de nos sociétés occidentales, invariablement conclu par une cuite généralisée à base de vodka un pot de thèse riche en spiritueux, le doctorant est alors officiellement reconnu comme un pair du monde universitaire.
Tout cela est faux, archi-faux !
Dans les faits, si les doctorants de disciplines qui rapportent des tunes adaptées à l’économie globalisée concurrentielle (phynance, ingénierie, informatique, sciences) obtiennent généralement une bourse d’étude, la plupart des doctorants issus de disciplines peu en phase avec la main invisible du marché (langues, lettres, arts, philosophie, sciences humaines, sciences sociales, droit) ne bénéficient d’aucun revenu autre que celui d’un petit boulot et n'ont qu'à aller se faire voir : un tiers abandonne en cours de route. Certains finissent techniciens de surface².
Survivre au doctorat
Après avoir décroché le financement de votre thèse, il vous faudra résoudre un parcours semé d’embûches. Une manip qui ne fonctionne pas, un appareil qui tombe en panne, le harcèlement moral de vos supérieurs hiérarchiques, des collègues-concurrents qui piquent vos interprétations, des masterants sous-traitants qui vous bouffent un temps fou, des classes de TD à mener devant des bancs de mérou inintéressés par vos cours minables rédigés à l’arrache. Voilà pour le professionnel.
Côté perso, ça donne : les potes essaient de te sortir « Slt, tu viens au Klub ? Y a Rone ki mix ! » - « Dsl, mec, j’ai dctrt». Le copain/la copine qui cherche à vous arracher de votre bureau et tente pour la n-ième fois de négocier un moment à deux, et ce faisant vous interrompt dans vos cogitations. Ceci vous énerve grandement car vous étiez sur le point de mettre un point initial à la théorie du siècle, et là, bim, plus rien ! Effacée de votre esprit, théorie du siècle ! Que dis-je, envolée sur ses deux pattes ! Conséquemment, vous vous engueulez sèchement et votre futur ex s’en va en claquant la porte.
Aux doux rêveurs qui n’auraient pas encore compris : la thèse est un sacerdoce et mieux vaut être célibataire pour la passer. Et il n’est pas encore question ici des post-docs à l’étranger qui risquent de tuer définitivement votre couple dès fois qu’il aurait survécu jusqu’ici…
…Hmm…
…Entre nous, il faut bien avouer que c’est quand même pratique d’avoir une épaule sur qui pleurer quand ça ne va pas. Vous savez, ces moments où les doutes et la désillusion vous assaillent jusque dans votre sommeil. Ou vous angoissez à cause de la page blanche. De l’incapacité presque physique à se remettre à cette satanée rédaction. Et puis arriver les pieds sous la table en ayant évité de perdre du temps à cuisiner parce que votre moitié s’en sera chargée spontanément, par amour, c’est bien aussi. Cela s’appelle de l’exploitation domestique : 50% affection, 50% intérêt, 100% manipulation .
La forme la plus raffinée consiste à sortir avec un autre membre du même labo, de la même spécialité : une aide toute trouvée et dévouée, et surtout utile. La formule classique : la doctorante avec son directeur de thèse de 20 ans (minimum) son aîné. Pour elle : Struggle for life, la vie est dure et les postes rares. Le pouvoir est aphrodisiaque paraît-il…Risqué en cas de rupture : votre carrière est foutue avant d’avoir commencée. Vous resterez à tout jamais l’intrigante, l’ambitieuse, la salope qui s’est servi de son Q plutôt que de son QI pour arriver. Si ça tient (tout arrive…), naturellement, vous pouvez obtenir assez rapidement un poste. Pour lui : une haute position sociale nécessite des attributs visibles.
Toutes les combinaisons sont possibles, mais c’est bien la majorité des cas : allez Mesdames ! Quand vous aussi, vous vous permettrez de sortir avec vos doctorants, ce jour-là, l’égalité homme-femme sera atteinte dans les faits !
Et parmi toutes ces tentations, votre ennemi absolu, votre pire cauchemar, l’ultime défi, le big boss de fin, le père et la mère de tous les vices sera, j’ai nommé, la PRO-CRAS-TI-NA-TION. Oui ! La procastination, l’ennemi invisible, qui vous guette à chaque instant, tapis dans l’ombre malfaisante de votre compte Steam, de votre page Facedebouc,de Ciel mon doctorat.com voir de Youporn pour les plus pervers(es) d’entre vous.
Le théorème du directeur
Soit EPhD la variable aléatoire « encadrant de thèse » :
Avec :
- a : à l’écoute
- C : compétences
- c : connaissances
- E : efficacité dans les corrections
- S : sympa
- I : influence dans les commissions de recrutement CNU ou CNRS
- i : incompétence
EPhD appartient au sous-ensemble ℂ et prend des valeurs comprises sur l’intervalle [0 (incompétent), + ∞]. Sa projection dans le plan orthonormé (A, h , i), défini par le croisement des axes (A (agréables), h (horripilant/harceleur) et (A, i (irascible)) vous permet de visualiser en un clin d’œil si votre encadrant est un parfait connard ou non.
Cas n°1 : Il a été démontré à de nombreuses reprises que si, et seulement si I→ + ∞ et i → 0, avec C, c, a et E non nuls, S étant facultatif, alors EPhD → <3 <3 <3 car votre future carrière est quasi-assurée.
Cas n°2 : Mais si S → + ∞ et E → 0, toutes choses étant égales par ailleurs, EPhD → 0 et nous pouvons en déduire que i est grand. Voir très grand. Méfiance.
Cas n°3 : Si I → - ∞, ce n’est même pas la peine de commence une thèse, vous n’aurez rien au bout.
De l'art de savoir composer son jury
Pour obtenir son doctorat, il est nécessaire d'effectuer devant un jury compétent une présentation orale de 40 min suivie de questions. a l'issue d'un débat à huis-clos, on vous décerne (99,9% des cas) ou non (vous êtes vraiment trop con) le précieux sésame. Il faut être stratégique dans le choix du jury, de cela dépend votre mention.
Récit
Déjà, le vidéoprojecteur à fonctionné sans embrouilles, de même que Skype pour la liaison avec le Pr. Yamaha en direct depuis la Tōkyō daigaku et ce n’est déjà pas si mal. Cet examinateur à l’anglais hésitant hoche la tête à toutes vos propositions . Vous pensez qu’il n’a rien compris à votre exposé mais a peur de se dévoiler en posant des questions trop précises. C’est dans la poche.
Le Dr. Philippe Quantasoi, vieux pote de promo de votre HDR, semble essentiellement là pour décorer. « Faites pas chier, circulez, y a rien à voir ». En réalité, sa mission secrète est essentielle : détourner l’attention des rapporteurs par ses blagues et ses éclats de rire fracassants. Sa bonhomie naturelle éclaire les visages de l’assistance et vous détend (un peu). Homosexuel notoire, vous notez qu’il ne semble pas tout à fait indifférent à Mickaël, le beau gosse de M2 qui a sous-traité une partie de vos résultats de thèse. Un bon point pour vous.
(P’tain de solidarité anglo-saxonne ! Pfff…).
Les remarques acerbes du Pr. Smith – Craig Smith, DR CNRS classe exceptionnelle - ne vous atteignent pas, vous la blanche colombe. Il ignore sûrement que votre labo ne dispose que d’un abonnement partiel à Science, incluant un embargo d’un an sur les derniers numéros parus (P’tain de système d’édition monopolistique verrouillé !!) Et puis votre dirlo vous avait prévenu : Smith est un imbécile, un parasite et un incapable. Il a d’ailleurs piqué des résultats à votre encadrant quand lui-même préparait sa thèse. Mais voilà, Smith est incontournable. Smith a fait la Columbia University et est venu en France pour la qualité de vie, et aussi pour faire oublier qu’il avait été un thésard médiocre aux USA. Doué d’un entregent hors du commun, il a fini par grimper un à un les échelons. A force d’exploiter d’années en années ses légions d’esclaves (doctorants, masterants et même stagiaires de licence), Smith est parvenu à se faire une réputation de ponte dans votre discipline. Il siège dans des commissions puissantes (ANR, AERES…) et fait la pluie et le beau temps dans les laboratoires. Labex ou kleenex. Et obtenir sa thèse alors qu’il est membre de votre jury vaut signe d’élection. Votre directeur vous fait un discret clin d’œil complice signifiant : « Smith, je m’en charge ». Oui, pendant la délibération, votre encadrant va contrer les remarques trop négatives de Smith à votre endroit, ne se privant pas au besoin de rappeler à demi-mots les méfaits de celui-ci, et qui sait ce qui pourrait arriver si de tels scandale de fraude scientifique venait par trop à s’ébruiter...Oui, c’est ce qui est bien pratique avec Smith : il est nuisible mais facilement contrôlable, pour peu que l’on dispose des bons leviers de pression. Un bon choix comme rapporteur, donc.
La Pr. Blunt , 2ème rapporteur, médaille d’argent du CNRS, est plus difficile à gérer. Impeccablement tirée à quatre épingles, elle arbore un chignon autoritaire et dégage une assurance certaine derrière ses lunettes rectangulaires. Elle déteste être prise en défaut et à l’ambition chevillée au corps. D’ailleurs, comme nombre de femmes de sa génération, elle a sacrifié sa vie personnelle sur l’autel de sa carrière. Bosseuse invétérée, elle a galéré pour arriver où elle est et ne laisserait personne prendre sa place, et surtout pas une autre femme(ici, choisissez votre genre).
Félix Lerat, votre co-directeur, jeune MCF 2ème classe de son état, terne souris grise mais pure bête intellectuelle, s’est tapé tout le travail de relecture que votre directeur HDRisé n’a jamais su/voulu fournir. Votre meilleur allié.
Louis Dagobert de Saxe-Cobourg-Gotha, le roi fainéant votre directeur HDR, touche les soussous de la prime d’encadrement et c’est tout. Son job de chercheur ? Juste une posture intellectuelle vis-à-vis de sa famille au sang bleu. Connaît à peine votre prénom, alors votre nom, vous pensez bien…
Retour à la vie normale
Voilà, la thèse, c’est fini. Maintenant vous allez pouvoir commencer à chercher un vrai travail. C'est par ici. .
Quelques docteurs célèbres
Le Docteur Einstein : Philanthrope reconnu, ses travaux sont à l’origine de la paix dans le monde. Gordon Freeman, l'universitaire le plus cool du monde. Quoi ?? Une FEMME ??!!
En voyant, tous ces exemples, chers lecteurs, une question ne peut manquer de vous tarauder : pourquoi, mais pourquoi dans la plupart des cas,la pop culture maltraite-t-elle tant les docteurs ? Tous malfaisants, mégalomanes, profiteurs, misanthropes, sapés comme des losers et/ou carrément godiches ? La société ne nous aime pas, voilà !! Mais pourquoi ?
Le Dr House nous livre son avis éclairé :
C'est alors que le Dr Mortimer l'interrompt soudainement :
Suivi du Doc officiel :
FLASH INFO : Nous sommes au regret de vous annoncer que le Doc officiel et le Dr Mortimer viennent malheureusement de se faire trucider par les Drs Müller et Fu-Manchu, offensés de ne pas apparaître en photo en première place dans la galerie ci-dessus. Ah là là, les jalousies universitaires, c'est pas de chance quand même ! Nous n'aurons donc jamais la réponse à cette fascinante question, qui risque peut-être de nous conduire à s'interroger sur l'origine de l'univers.
Bref, vous l'aurez compris, y a du boulot avant d'être reconnu comme des gens qui ont le droit de vivre.
Et pour finir, le mot de la fin : Vive le Québec libre !
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