Vivre à Paris
7 heures 30, mon réveil sonne. Allez, debout mon mignon ! Non rassurez-vous, je dors seul et je ne suis pas un sodomite, mais j’apprécie de me donner des petits surnoms affectifs dans le genre. Ça flatte mon ego.
Un rayon de lumière traverse mes volets, comme pour me signifier que le ciel est clair. Une bonne journée en perspective ! Petit dej’, petite commission, petite douche, petit check-up hygiénique, croquettes pour Emmanuel Petit (c’est le nom de mon teckel, je lui donne des croquettes pour qu’il les mange), et c’est parti ! Je suis d’humeur guillerette aujourd’hui. J’ouvre la porte, et...
Un nuage de fumée issu de la plus pure pollution automobile me saute au visage. Monoxyde de carbone ras le pif, oxydes d’azote en tous genres plein les poumons, et que sais-je d’autre, j’ai l’impression d’être au premier rang d’un concert de Tryo. Je tousse, je suffoque, je deviens probablement asthmatique, cancéreux, voire chauve et grisâtre, mais je suis content. En route vers le métro ! Youpi.
Ah oui, j’ai oublié de vous prévenir : je vis à Paris.
Métro
Rhooo, ça va j’exagère un peu. Ce n’est pas un peu de fumée qui va me tuer après tout, du moins pas avant une dizaine d’années. Donc relax.
C’est vrai ça. Les gens se plaignent continuellement, mais quelle ville offre un meilleur cadre de vie que Paris ? On a TOUT. Enfin, « on »... Je ne suis arrivé qu’il y a trois jours, mais je sens bien au fond de moi cette possibilité inouie d’exercer n’importe quelle activité, genre du ventrigliss à la verticale, du flipper sur une patinoire, ou du football. Ou même un musée. C’est fou !
J’ai sorti mon Pass Navigo, la barrière s’ouvre. À moi le métro ! :)
En route !
Déambulant gaiement dans le long couloir teinté d’une charmante couleur gris-béton de bon aloi, je me rends soudain compte que je ne sais pas dans quelle direction aller. « Mairie de Montreuil » ? Ouais bof, ça ne me rappelle rien. L’autre direction ? « Charles de Gaulle - Etoile ». Ouais bof, ça ne me rappelle rien. Je décide de demander à quelqu’un.
Je me retourne et engage la conversation avec la première personne qui passe. « Bonjour monsieur, quelle direction dois-je prendre pour me rendr... » L’homme passe sans même ralentir ni m’accorder un regard. Il doit certainement être sourd, que je pense alors, ou agoraphobe. Ou peut-être n’a-t-il tout simplement pas envie d’user ses chaussures à cause du freinage trop brutal qu’il aurait effectué en s’arrêtant pour entendre ma requête. Je comprends. J’avise donc une autre personne, et l’histoire se répète. Une autre, encore une autre... Mon dieu, suis-je devenu un fantôme ou quelque chose du genre comme dans ce film que j’avais vu où le héros ne se doutait pas qu’il était mort ?
Je vérifie en appelant ma messagerie pour lui hurler « Supprimer ». La petite voix répond : « Mais enfin monsieur, je ne vous ai encore rien dit. Mais voyons, du calme ! Qu’est-ce que c’est que ces manières de Vercingétorix barbare ? Êtes-vous donc psychopathe de Jack l’éventreur ? Avez-vous donc perdu la boule de Lance Armstrong ? » Je raccroche, empli d’un vague sentiment de honte et de confusion.
Je décide finalement de remettre mon sort entre les mains du destin, en tirant ma direction à Plouf-Plouf. Ce sera Mairie de Montreuil.
Sur le quai
Lorsque je parviens au quai, une clameur m’accueille. J’ai l’impression d’être une célébrité qui arrive pour un concert, une sensation géniale. Sauf qu’en m’intéressant aux cris, ça ne colle pas trop : « c’est inadmissible ! », « je vais porter plainte », « sachez que je vais écrire au préfet ! », « ça sent le vomi, vous ne trouvez pas ? » Ça ne colle pas trop aux hurlements classiques d’un concert, disais-je, hormis peut-être un de Patrick Sébastien.
M’adressant à un gonze en uniforme de la RATP à proximité, je demande : « C’est une grève, si j’ai bien compris l’essentiel des vociférations. Donc il n’y a plus aucun métro ? »
Il finit par répondre. Concrètement, une rame de métro passe aujourd’hui toutes les cinq minutes au lieu des trois habituelles, ce qui parait constituer aux yeux des gens autour de moi un crime passible de la peine de mort la plus abominable possible. Une femme à un mètre de moi semble à deux doigts d’éclater en sanglots.
Soudain, un morceau de ferraille mi-gris mi-verdâtre mi-sérable surgit du tunnel sombre. À première vue, il s’agit d’un trolley datant au bas mot du XIXème siècle. C’est une exposition ? me dis-je, atteint d’un pic de malice. Ils ont sorti les métropolitains d’origine, ou bien c’est une publicité pour le train minier de Disneyland ? Quoi qu’il en soit, le bruit qu’il fait n’augure rien de bon, et je me cache discrètement derrière un type assez gaillard pour me servir de bouclier humain à ses dépens en cas d’explosion. Finalement, la locomotive, qui – ô surprise – ne crache pas de vapeur, s’arrête dans un boucan aussi agréable qu’une centaine de craies crissant sur un tableau d’école. Les gens ont l’air soulagés. Les lamentations, pleurs, chants religieux et prières vaudous cessent. Les portes s’ouvrent. On se bouscule.
Dans la rame
Et je monte dans la rame !
Je suis immédiatement frappé de stupeur. Les gens présents ne partagent visiblement pas mon bonheur d’être en pleine forme dans le métro ce matin, en quête d’une belle journée de travail. Non, non. Ils tirent en effet tous la gueule comme un troupeau de bouledogues devant une gamelle de salade. C’est bien simple, je vérifie instantanément par réflexe les alentours, pour être sûr qu’ils ne font pas partie d’un convoi mortuaire. Pas de cercueil aussi loin que mon regard porte. Il doit être dans un autre wagon. « Aaaah ! Ça sent la joie de vivre ici ! », dis-je tout haut avec un grand sourire, dans l’espoir d’un(e) éventuel(le) complice.
Bon ok, je vais m’asseoir.
Mince, plus aucune place assise. Je m’installe alors debout entre un type de la quarantaine nourri exclusivement au ragoût de Prozac et un autre qui, à en juger par ses cernes, son air sinistre et son teint blafard, est l’Oncle Fétide de la famille Addams.
La station suivante matérialise mes pires angoisses. En effet, depuis que je suis monté, j’ai eu le temps de remarquer qu’Oncle Fétide n’était pas pour ainsi dire un grand fan de l’utilisation de déodorant. Alors qu’il est à peine 8 heures du matin, il empeste la mort comme s’il s’était tartiné le corps entier de maroilles avant de partir au boulot. Et comble de malchance pour moi, le quai se révèle rempli à bloc : on va devoir se serrer...
Subitement atteint d’une anxiété profonde voisine de la détresse, je tente de m’éloigner de ce morbide putois en contournant la barre où l’on se tient. Trop tard hélas, une mamie a foncé tête baissée vers les seuls 23 cm² vacants, en m’éloignant sans vergogne d’un coup d’épaule digne d’un rugbyman. « Excusez-moi », lui dis-je par réflexe d’avoir eu un contact brutal avec une femme, du troisième âge qui plus est. Elle me retourne un regard aussi sympathique que celui d’un SS qu’on aurait traité de bougnoule, en proférant un grognement que j’interprète comme un « Pauvre enflure pathétique, je t’ai trop ken t’as vu. Maintenant barre-toi la tarlouze. » Pas très aimable cette vieille carne. Je me retrouve à nouveau à côté de Fétide, mais collé à lui cette fois-ci.
Les dix minutes suivantes me paraissent interminables, les plus longues de toute ma vie. Je ne l’avais pas remarqué précédemment, mais cet effarant crasseux possède sans nul doute des glandes sudoripares étonnamment hypertrophiées : d’infâmes auréoles couleur pipi-de-chaton-atteint-de-piroplasmose maculent son pull des aisselles jusqu’aux hanches. Un frisson d’épouvante parcourt mon échine. Je commence à fomenter des plans machiavéliques pour m’éloigner de ce marécage de transpiration : « Et si je simulais un AVC ? », « Et si je simulais un pied-bot ? », « Et si je simulais un cancer ? Un orgasme ? Une faute comme un footballeur ? ». J’abandonne toutefois immédiatement ces idées, n’osant pas imaginer l’état hygiénique des pantalons et chaussures aux environs.
« Qu’est-ce qu’y a ? » « Euh... rien. » Il m’a pris en flagrant délit de fixation apeurée de ses dessous de bras, façon gros-yeux. J’aurais dû lui conseiller pédagogiquement le Mennen Sport, l’Axe Dry ou le suicide par ingestion massive de dentifrice. J’aurais dû lui expliquer les bienfaits de la pierre d’alun ou le fait que « se frictionner d’eau de toilette » ne signifiait pas qu’il devait se rouler allègrement par terre dans des WC turcs publics. Mais je me suis tu. Bon sang, quel con je fais parfois.
Ah, enfin ma station !
Boulot
Je dois me résoudre à employer la tactique des gens autour de moi pour sortir de la rame. Elle consiste à baisser la tête puis courir tout droit tel un volontaire taureau en corrida, en faisant fi des obstacles humains qui sont sur le passage ou jonchent le sol à cause de la trop grande animosité de votre prédécesseur. Le but de la méthode est de parvenir à se dire : « Ah ben j’ai vu personne parce que je regardais par terre, c’est donc certainement qu’il n’y a personne et je peux par conséquent foncer droit devant comme un militant UMP en face d’un magasin Zadig&Voltaire ! » Ingénieux.
Le temps de reprendre mes esprits, légèrement tourmenté à l’idée d’avoir peut-être piétiné une femme enceinte ou brisé le col du fémur à un gamin, je me retrouve dans la rue.
Un automobiliste manifestement en pleine crise d’hystérie comme une adolescente lambda (lambda, ouais ouais une grosse conne quoi) devant Justin Bieber, maltraite son klaxon en proférant à mon encontre des paroles imagées à l’extrême telles que « Bouge ton cul enculé » et « Bâtard magne-toi avant que je te déchire ta race ». La chevelure hirsute, les yeux injectés de sang et agité par des spasmes, il me fait penser à une sorte de Coluche sous héroïne ayant bu 200 litres de Red Bull. Il est apparemment dans cet état parce que je traverse la route devant sa voiture, l’obligeant à rester huit secondes à l’arrêt, un temps précieux puisqu’il pourrait par exemple être 20 mètres plus loin. C’est vrai, me dis-je, il a cent fois raison. Je traverse alors que le feu piéton est vert en respectant ainsi le code de la route et le passage clouté prévu. Quel inconscient je fais !
Arrivé de l’autre côté, je le remercie de n’avoir pas essayé d’attenter à ma vie, avec un geste de la main accompagné d’un sourire. Il me renvoie le geste. Sans le sourire. Et avec le seul majeur relevé. Ah ah ! Sacré lui. Imbécile bâtard trisomique.
Matinée de boulot
9 heures pile.
Arrivé au boulot, je rejoins mes collègues devant leur QG qui ressemble étrangement à une machine à café. La conversation n’a pas varié d’un iota par rapport à hier, si bien que je les soupçonne d’avoir un stock limité de phrases à prononcer, un peu comme les poupées merdiques pour enfants :
« J’ai fait pipi dans ma culotte. Il faut me changer ! :) »
Non, en réalité, ils ne disent pas ça. Ce serait bizarre tout de même. Ça ressemble plutôt à :
« Olala, j’ai mis une heure à me garer ce matin, quelle affreuse galère. Affreuse, affreuse. C’est horrible. Affreux ET horrible, voilà. Mais pourquoi nous sommes-nous embarqués sur cette galère ? Hum... Non, je retire ma dernière phrase, ça n’aurait plus aucun sens sinon. »
Je lui suggère de trouver un appartement à Paris, intra-muros comme on dit quand on a une culture latiniste étendue. Grave erreur. Je m’en rends compte trop tard malheureusement.
« Mais enfin ! Mais enfin, sombre fou multimillionnaire sénilo-antisémite et que sais-je d’autre ! As-tu craqué ton slip DIM ? As-tu pété les plombs, genre un prout avec des plombs dedans ? »
S’en suit la sempiternelle complainte sur les studios de 20m² au loyer de 900 euros par mois qui est plus cher que 800 euros déjà par exemple hein, et puis le manque de verdure au cas où il voudrait se rouler dans l’herbe on sait jamais, et puis le maire homosexuel ce qui ne rassure pas quant à une utilisation décente et correcte des bouches d’incendie et autres cônes de signalisation, etc.
Je décide de battre en retraite jusqu’à mon bureau, apeuré des conséquences funestes que pourrait avoir sur mon psyché l’écoute prolongée de ses jérémiades, mais aussi histoire de travailler un peu avant midi. Il est quand même 11 heures.
Pause-déjeuner
À midi, je décide de me rendre à la boulangerie du quartier réputée comme étant la meilleure, mais aussi et surtout la seule et unique.
Comment ça « je veux quoi » ?
Ouais d’accord, entre les lignes, ça donne « Oui d’accord monsieur le mongolito, allez dis à la madame qu’est-ce que tu veux donc faire du miam-miam mon petit, et ferme ta gueule. » Quelle connasse, sérieux.
Je sens l’agacement s’imiscer en moi.
Elle ne répondit rien, mais je voyais bien qu’elle n’en pensait pas plus.
Oh, mon dieu. Je vais la marrave. C’est sûr.
Je lui désigne l’objet de ma requête apparemment très mystérieuse.
Là-dessus, et pour appuyer mes dires, je lui balance mon pain au pâté en pleine gueule, avant de m’enfuir sous un torrent d’insultes. Un torrent métaphorique, bien entendu. Je ne suis pas mouillé. Ça serait absurde.
Je quitte la boulangerie sans repas donc, complètement furibard. LOL, c’est vachement marrant comme mot « furibard » quand on y pense. Mais NON ! Je rigole pas, JE SUIS TRÈS ÉNERVÉ ! C’EST TROP LA COLÈRE ! Je prends à manger à la supérette d’à-côté, ce qui me met en retard pour ma réunion de l’après-midi. Rhaaaa, ça fait chier.
Réunion stratégique
J’arrive en courant dans la salle de réunion. J’ai mangé un plat de pâtes froides dégueulasses durant ma course effrénée, ça m’a collé une boule au ventre comme si j’avais ingurgité un jeu de pétanque entier. Il faudra que je porte plainte contre la supérette prochainement, si je survis assez lontemps pour le faire.
En entrant, je murmure quelques mots d’excuses pour mon arrivée tardive, et m’assoie sans faire de bruit.
À mon grand regret, les participants ne sont pas disposés à enchainer comme si de rien n’était.
(bon sang, je vais me le faire)
(non mais sans déconner ?)
... (silence général)
Manifestement, je suis toujours à cran consécutivement à l’épisode boulangeresque.
S’en suit naturellement un châpelet d’excuses bredouillées. Pardon. Désolé mon pote. Apologies. T’as entendu « petit pédé » ? Oh, mais je disais « pestiféré ». Mais non, tu n’as pas du tout l’air homosexuel, cette mèche te va très bien. Ce petit jean moulant et ce t-shirt avec un lapin rose dessus aussi, t’inquiètes pas. Un vrai bûcheron Canadien bien viril, j’étais en train de me dire tu vois. Allez, arrête de pleurer sur mon épaule s’il te plait. Quoique non attends, je reformule : arrête tout de suite de pleurer sur mon épaule, ou je te fous un marron.
Je quitte la réunion en prétextant une urgence que je justifie immédiatement en commettant un authentique attentat au caca dans les toilettes d’entreprise. Les pâtes sont ressorties plus vite que prévu en une véritable tornade d’où il ressort l’inéluctable constat suivant : le papier-peint va devoir être changé. Vite.
Bon, tout ceci me casse grave les couilles. J’ai mal au ventre. Je suis à bout de nerfs. Complètement exténué. En plus, la boulangerie m’a adressé une facture directement sur mon bureau. 6 euros le lancer de sandwich sur l’autre espèce de femelle ragondin mal baisée. Ça fait mal.
Bon je rentre chez moi.
Re-métro
Pfff. Ouais c’est bon, pas besoin de description. C’est la même chose que ce matin. Le métro quoi. Les authentiques gueules de cons, les zombies, etc. Je connais la route, allez.
Dans la rame
Petite variante en montant dans la rame : « Ça va les shemales ? Toujours de bonne humeur on dirait, ça fait plaisir à voir ! »
Cette version n’a pas plus de succès que l’autre. Je ne réussis toujours pas à m’asseoir, mais cette fois-ci, qu’un type se frotte sensuellement les dessous de bras sur moi ou me crache des pelotes de réjection senteur bière sur les pieds façon hibou anthropomorphe dunkerquois, je m’en branle complet. Vivement qu’on arrive.
Oh bon dieu de merde, un connard de clochard putréfié vient de se pointer avec son accordéon et sa tête de Jean-Louis Borloo qui revient de vacances au ski. Il me fait de la peine avec ses yeux si tristes, ses vêtements débraillés parsemés de trous, et son air intimement persuadé que son babil alcoolo-roumain (censé être les paroles de « Mon amant de Saint-Jean », pour info) est compréhensible pour nous, alors que d’un point de vue personnel, j’ai plutôt l’impression qu’il tente désespérément de communiquer par gargarismes avec une flopée d’animaux imaginaires.
« Eh ! Ti l’aimai thon, el e touvé le plou baut di SinJan,... »
Il sourit. Quel comble tout de même, que ce pauvre misérable si démuni soit le seul à sourire dans cet endroit rempli de gens gâtés par la vie. Une belle leçon d’humanité à méditer, bravo. Chapeau l’artiste. Clap clap. En plus, sa version de la lambada est bien meilleure que celle de Jennifer Lopez.
« Un peti piesse mesieu sivouplaire ? » Ouais c’est ça non mais ma parole tu rêves dégage trou du cul. C’est qu’il est cupide en fait ce type ! J’en reviens pas. Connard, va. Ça me rappelle la fois où des gamins avaient lavé mon pare-brise à un feu rouge. C’est gentil, m’étais-je dit, jusqu’au moment où ils me demandent un paiement pour leur tâche faite à la va-vite. Déconcerté à l’extrême, j’avais essayé d’en écraser un ou deux pour me venger.
Dodo
Après réflexion, je ne peux pas rentrer chez moi dans cet état de nervosité, le risque d’infliger des sévices à ma concierge ou à mon teckel de façon totalement inexpliquée et gratuite à l’aide d’une fourchette ou d’une batte de baseball serait en effet trop grand.
Petite pause
Je me pose sur la terrasse d’une brasserie sympa pour boire un coup et me détendre après cette harrassante journée. Le serveur arrive, je commande une pinte de Leffe, et il comprend mon langage.
Je n’aurais jamais pensé être un jour aussi soulagé et heureux qu’un serveur me rapporte un verre de la boisson même que je lui avais demandée. Enfin, c’est génial ! Je dis « une pinte de Leffe s’il vous plait », et le type me ramène une pinte de Leffe, soit PILE ce que je lui avais dit ! Pas un diabolo-litchi, un mojito à la cerise flambée ou un autre truc infâme auquel je n’aurais pas pu penser, non non. Une pinte de Leffe. Voilà, c’est ce que j’ai. J’arrive pas à m’en remettre, putain. Il me tend la note.
Ouais, c’est un peu stupide dit comme ça, mais on sait jamais. Le gars n’a aucune réaction, il attend mes biftons avec un regard aussi vide que le stade Louis II un jour de Monaco – Guingamp.
Je paye, donc, la larme à l’œil. Pour le même prix chez moi, j’aurais pu en prendre trois... Ah, instant de nostalgie. Et entends de la table d’à-côté : « Tu vois, je te l’avais dit. Les provinciaux sont vraiment de gros radins. » Je me retourne et constate avec un mélange de stupéfaction et d’horreur qu’il s’agit de deux jeunes bobos, avec tout l’attirail visuel qui les caractérise : le pull en cachemire, la coiffure Babylissée et l’air autosatisfait de mecs qui viennent de placer le mot « phylactère » avec l’air naturel en pleine conversation. Mon guide de Paris les définissant comme « des hippies apolitiques qui votent UMP », j’avais jusqu’alors tenté de les éviter au maximum, bien désireux de ne pas me confronter à cet insolite cocktail de convictions. Mais bon, je n’ai plus trop le choix.
Il a du cran, pour un homme dont le morphotype est similaire à celui d’un marathonien Kenyan.
Je suis un boloss. Même si je n’ai pas la moindre idée de ce que peut bien signifier ce mot, je déduis à grands renforts de malice que ce n’est pas mélioratif.
Je préfère quitter l’endroit avant d’avoir un accès de fureur, quitte à abandonner là une part de ma bière dont j’estime le volume à 7 euros.
Au lit
J’ai pas de temps à perdre à cuisiner, ce sera des pâtes ce soir encore. Je suis crevé...
J’en ai trop entendu, trop vu. J’en peux plus. Poil au cul.
...
Cette blague ne me fait même pas rire, c’est dire mon état de fatigue. Elle était pourtant génialement imaginée. Bon, je vais me coucher.
Épilogue
7 heures 30, mon réveil sonne. Allez, debout mon mignon ! Non rassurez-vous, je dors seul et je ne suis pas un sodomite, mais j’apprécie de me donner des petits surnoms affectifs dans le genre. Ça flatte mon ego.
Un rayon de lumière traverse mes volets, comme pour me signifier que le ciel est clair. Une bonne journée en perspective ! Petit dej’, petite commission, petite douche, petit check-up hygiénique, croquettes pour Emmanuel Petit (c’est le nom de mon teckel, je lui donne des croquettes pour qu’il les mange), et c’est parti ! Je suis d’humeur guillerette aujourd’hui. J’ouvre la porte, et...
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