Jailbait

Un article de la désencyclopédie.
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Thierry mon ami,

Tu n’es pas sans savoir qu’il est des femmes qui font durcir la vie. Je dois te dire que la mienne est devenue toute dure depuis que j’ai posé mes yeux sur elle à la journée parents-professeurs. Je ne sais pas ce qui m’arrive, je me dis qu’un gouffre nous sépare mais je suis incapable de le quantifier. Pourtant je ne fais que penser à elle. Nos ébats fictifs m’émeuvent au point que la nuit, quand mes rêves se perdent hors des limites de notre monde puritain et injuste, je me réveille transpirant dans une culpabilité souillante. Elle est un peu plus jeune mais la différence est minime et vite gommée. Je ne sais juste pas si j’ai le droit de vivre un tel amour, ayant gâché jusque là bon nombre de mes relations avec les femmes. Aide-moi, je t’en supplie, conseille-moi avant que l’irréparable ne se produise. Hier encore je passais devant son établissement et me sentis tout bizarre, en proie à des désirs que ma femme n’a plus su ranimer depuis maintenant 20 ans.
Si c’est dans le besoin que l’on reconnaît ses amis, sache que tu es la seule amarre que j’ai qui m’empêche de partir à la dérive.
Ton ami dévoué,

Jean-Pierre.


Très cher Jean-Pierre,

Comme je te comprends ! Et comme je comprends ton malheur ! Ces femmes sont dangereuses et leurs seins arrogants des missiles menaçant de vitrifier les faibles âmes que nous sommes. Ne te préoccupe pas trop, mon ami, les jugements des autres, et même notre propre jugement, sont parfois durs à supporter. Le diktat de cette société aseptisée empêche les hommes que nous sommes d’être complètement des hommes, et de céder aux tentations qui légitimement échaudent nos corps et nos cœurs à chaque rencontre. Aujourd’hui elles sont plus excitantes que ma femme à ses meilleures heures, et plus aguicheuses qu’il y a vingt ans, il ne faut pas t’en vouloir de réagir comme un homme simple ! Puis si c’est réciproque…ne t’en fais pas plus ! Si tu as besoin d’une oreille attentive, sache que je suis là.
De tout cœur avec toi,

Ton ami, Thierry.


Thierry, mon frère,

Tu ne sais pas à quel point j’avais besoin de lire un message aussi rassurant ! Quelle meilleure oreille que celle d’un homme pour en écouter un autre ? Quelle meilleure voix que celle d’un frère dont les affres sont les mêmes pour prendre à rebrousse-poil toute notre morale judéo-chrétienne ? Tu fais la lumière sur mes ténèbres…je ne peux me résoudre à entrevoir le mal où réside le bien, quand je plonge dans son humidité et que deux corps séparés nous ne faisons plus qu’un. Où est le bonheur quand une si juste union, dans une hargne sale, se retrouve mise au pilori par la plèbe qui me voit comme un monstre qu’il faut enfermer ? Je me répugne à penser que, quelque part, ces pièges illogiques m’ont précipité hors de toute normalité, loin de cette société que je sers du mieux que je peux en abattant chaque jour mon travail à La Poste. Des milliers de lettres passent dans mes mains chaque jour, mais seule la prochaine tienne s’y arrêtera, pour peut-être remplacer le couteau que la tentation approche tragiquement de mon cœur brisé.
Dans l’attente de te lire,

Jean-Pierre, bientôt l’ombre de lui-même.


Jean-Pierre, mon poto,

Cesse donc de te morfondre, tu me sembles désespéré ! Pourtant ce sont là des désirs hormonés parfaitement normaux : aucun homme si fort soit-il ne peut renoncer à regarder couettes et jupettes le jour de sa majorité ! Quelle est-elle par ailleurs ? Une date arrêtée arbitrairement par des irresponsables trop hypocrites pour laisser l’amour faire son chemin houleux ! Tu penses que malgré ma vie de famille je reste complètement imperméable à ces pulsions fugaces ? Elles me font peur aussi, mais je continue de résister à la tentation de me qualifier de quinqua pervers : il faut se rendre à l’évidence, peu importe l’âge qu’elles ont, elles sont parfois si outrageusement séduisantes que pas un homme, et surtout pas moi, n’a le droit de jeter la pierre à ta torture.
Je suis de tout cœur avec toi, et si je peux t’aider fais-le moi savoir.
Ton ami de toujours,

Thierry.


Mon cher Thierry,

Comme je suis content que tu le prennes ainsi ! L’amour a parfois beau être réciproque (et celui-ci l’est), beaucoup de gens n’attendent que l’occasion de le fustiger. Par jalousie ? Par pure malignité ? Je crois que chacun cherche sa chatte, dans un monde où convenances et qu’en-dira-t-on restent pourtant le frein essentiel à notre bonheur terrestre. Que faire, déménager sur la lune ? Tu dois me voir bien trop rêveur pour avoir une place ici-bas. Heureusement que j’ai ton soutien, c’est très important pour moi. Tu es un bien meilleur père que je ne pouvais l’espérer.
Ton dévoué,

Jean-Pierre.


Mon Jean-Pierre,

N’épiloguons pas plus : le monde est injuste et nous le savons ! La solidarité est essentielle. De toute manière tu es un homme bon, je ne crois pas que ceux qui te connaissent vraiment t’en tiendront longtemps rigueur. Vis ta vie, profite, libère-toi ! Si tu ne passes pas outre ces considérations bourgeoises et coincées, jamais tu ne seras heureux. Et là le bonheur est à ta portée.
Quant à la fin de ta lettre précédente, je ne comprends pas très bien où tu veux en venir. Ce que je peux te dire, c’est que si tu as eu peur de ma réaction à cause du fait que je suis père, tu t’es trompé de bonhomme : les peurs irrationnelles, je les laisse aux autres ! Pour moi tu es et resteras TOUJOURS un ami cher, une perle d’homme comme il en existe peu. Ma femme me le répète constamment, et les enfants sont bien d’accord : Kévin t’aime comme un oncle et Natacha te voue une admiration sans nom. Peu importe que les règles de la vie en société ne soient pas adaptées à ce que tu ressens, je sais que celle sur laquelle tu as jeté ton dévolu sera la plus heureuse des femmes tant que tu t’en occuperas.
Courage,


Thierry


Riton,

Merci pour ta lettre, chaque fois c’est une libération. Crois-moi elle est heureuse. Je ne l’ai pas vu depuis une semaine, elle est partie en déplacement. Quand elle rentrera je lui dirai tout, que notre amour est parfaitement normal et que je l’aime. Que je veux faire ce bout de chemin avec elle, que je veux que tout le monde le sache, peu importe ce qu’il advient ! Maintenant je te laisse, je dois l’appeler. Je suis tout excité, surtout qu’elle est plutôt coquine le soir si tu vois ce que je veux dire. Avec sa webcam on comble un peu la distance qui nous sépare. Je te raconte pas à quel point ses collègues l’agacent et sont immatures. Tout ce qu’elle attend, ce sont ces moments charnels que nous partageons moi et elle.
À bientôt,

J. P.


Jean-Pierre,

Je te retrouve enfin, tu as renoué avec ton optimisme habituel ! Tu devrais te changer les idées, pendant que ta dulcinée n’est pas là. Tu devrais aller au ski, ou dans un refuge, prendre du temps pour toi, réfléchir et te ressourcer avant qu’elle ne revienne. Natacha est allée avec sa classe de neige au Grand Bornand en Haute-Savoie, elle me dit qu’elle s’ennuie un peu mais que le coin est merveilleux.
J’espère également qu’on trouvera un moment pour se voir prochainement.
À bientôt mon pote !

Thierry.


Mon Thierry,

Tout compte fait je ne sais pas si c’est une bonne idée d’aller là-bas. Nous nous sommes tout de même promis de ne pas interférer dans nos activités professionnelles, Nat a même dit qu’elle préférait garder un certain jardin secret et cultiver le fait que notre amour se fait à l’insu de tout le monde. Nous pourrions heurter. Dans quelques années peut-être, quand elle sera majeure, j’envisagerai de l’épouser et tout le monde saura. Pour le moment c’est un peu tôt, je vais rester dans le coin et attendre son retour. Je ferai des folies pour elle plus tard.
Merci quand même du conseil. Et comme je ne l’appelle pas pour la laisser respirer, si tu l’as au téléphone, dis lui que je l’aime.

Jean-Pierre.


Jean-Pierre,

Dis, gros enculé ! Je viens d’appeler ma fille à sa classe de neige…c’est toi le bâtard que j’ai surpris dans le parc avec elle quand je la cherchais l’été dernier ? Tu te tapes ma fille sac à merde ? ? Avant qu’elle rentre pour ne plus jamais avoir le droit de sortir, dis-moi : tu comptais m’en parler ou tu pensais la quitter avant que je ne sois au courant ? Pas la peine de répondre, je te la fais quitter de force à l’instant même ! Puis de toute façon tu seras un peu trop mort, si je t’attrape, pour continuer à pouvoir la voir, à marcher ou même à bouffer autre chose que de la soupe jusqu’à la fin de tes jours. Je vais te péter toutes les dents ! Puis je prendrai ce qui te sert de couilles, et je te les calerai dans la gorge jusqu’à ce que t’étouffe comme un chien, fils de pute. T’as intérêt à te cacher, je vais te traquer fumier. Je vais placarder ta tête de gros porc pédophile sur tous les arbres d’ici à Kuala Lumpur, et je vais te retrouver, fais moi confiance. Il te reste tellement peu à vivre que je te dis pas d’aller te faire cuire un œuf, ce serait réduire ton espérance de vie minable de 4 minutes.
T’es mort.


Thierry, mon ami, que se passe-t-il ?

C’est moi, Jean-Pierre ! J’espère que tu t’es trompé de destinataire… La situation n’a pourtant pas changé depuis 6 mois que je t’écris des lettres. Depuis son retour, nous menons une vraie vie de couple et quand elle ne rentre pas manger chez toi, c’est simplement que notre partie de jambes en l’air s’est un peu éternisée et qu’elle doit manger chez moi (saucisse purée, si tu vois ce que je veux dire ^^). Le prends pas mal, je t’en prie. Parce que là, t’as l’air énervé…
Ton sos’

Jean-Pierre.


Putain oublie ma famille grosse sous-merde ! J’en reviens pas, t’as le culot de m’insulter avec ta bouche à bouffer des bites quand tout ce que tu devrais faire c’est fermer ta grande gueule et baisser les yeux ! Tu te tapes ma Natacha et tu voudrais que je te dise que c’est bien ! T’hallucines ?! Que je te croise pas, hein, je te le redis. Avec les potes du rugby, t’inquiète, on va faire une petite descente chez toi après la troisième mi-temps samedi. Tu me diras ce que c’est que d’avoir les deux jambes dans le plâtre, si t’as la chance que je te tue pas tout simplement ! On va tellement te mettre de trucs dans le cul que tu pourras plus t’asseoir pendant une paire de siècles. T’es prévenu, maintenant prends garde à toi.


Thierry, mon enfant, mon frère,

Songe à la douceur de notre idylle ! Cesse de réagir comme ces ignorants qui vivent dans l’obscurité totale en ce qui concerne les choses de l’amour. J’aime Natacha, elle m’aime, et tous les deux nous serons à jamais amoureux, tu dois te faire à cette idée. Si j’ai pu te heurter en parlant de choses plus intimes, tu m’en vois navré. Mais faut dire qu’elle est trop bonne quand même, t’es pas d’accord ? Et là je parle à l’ami, pas au père…

Ton dévoué Jean-Pierre.

PS : au fait, tu sais ce que c’est que Hello Kitty ? Car je dois lui trouver une trousse pour la rentrée, paraît qu’en troisième elles en ont toute une et je voudrais pas que ma chérie soit bais lésée (pardon, lapsus :p).


C’est mon dernier mot, connard. Si tu laisses pas ma fille, je te tue et j’étripe le cageot qui te sert de vide-couille. Pour ce qui est de la police, t’inquiète, je vais pas les appeler. Mais tu vas quand même savoir ce que c’est que de perdre ton pucelage, je le jure sur ma vie.

PS : va te faire enculer


Thierry,

Je ne te comprends plus du tout. Tu semblais te réjouir pour moi et voilà que cela t’embête que j’aie dépucelé Natacha. Elle m’a pourtant dit qu’elle me gardait sa virginité depuis ses premières règles. Tout s’est passé en douceur, mercredi 7, à l’arrière de ma Punto. J’ai été avec elle l’homme le plus délicat du monde, tu sais comme je peux l’être, tu m’as déjà vu décapsuler une bière avec un briquet. Elle a à peine pleuré. Je sais que tu me reproches d’être avec elle pour un jour peut-être la quitter. Je crois que c’est là d’où vient ton problème. Que je te rassure, tu verrais les regards de salope qu’elle lance à mes amis, je crois que c’est plutôt à moi de me méfier. J’espère que cela te calmera de savoir tout cela. Je tiens à ton amitié plus qu’à son amour. Alors s’il faut, je la quitte définitivement. J’ai bien conscience que je ne retrouverai pas tout de suite une perle de femme avec autant de savoir-faire dans la bouche, mais je préfère que ça se passe ainsi.
J’attends ta réponse,

Jean-Pierre.

Conclusion

Thierry finit la lettre de Jean-Pierre, la déchire et la jette sur le sol. Dans sa tête ça turbine : va-t-il la tuer tout de suite, la punir jusqu’à sa majorité ? Et ce connard qui se disait son ami, va-t-il le couper en morceau ou le jeter vivant dans la rivière ? Il est sûr que sa femme était au courant. Il comprend maintenant pourquoi la petite prend déjà la pilule, et pourquoi à 14 ans elle a déjà des amis qui viennent la chercher en voiture pour ne la ramener que tard dans la nuit, boitant à moitié. Il se dit qu’au contraire de sa fille, la vie est plutôt mal faite. Il sent la colère poindre, et ses mains se crisper sur le cadre qu’il tient dans sa main droite.

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Il jette un œil à la photo de famille prise l’été dernier au Cap d’Agde : il y est souriant, comme il ne le sera plus jamais ; Marie-Hélène, Kévin, et Natacha, à sa gauche, arborent les couleurs chaudes d’un été serein, où l’innocence était encore au rendez-vous… Il doit maintenant prendre une décision.


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Quoi que vous ayez répondu, sachez qu’une jailbait c’est comme un rhume : ça s’attrape facilement, à poil dans une décapotable. Que celui qui n’a jamais attrapé de rhume jette donc la première pierre à Jean-Pierre.


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