Poète maudit
Je m'éveille, brutalement comme à mon habitude.
Le songe de celle que je ne peux sauver même au prix du sacrifice M'emplit une dernière fois d'effroi. J'en suis sorti, mais le poids de la réalité sur mes épaules s'entame À mesure que renaissent mes sens pour en goûter les aggressions. Cauchemar après cauchemar, la malédiction me vampirise... |
Différent...
Après deux pas désabusés j'apparais devant le miroir de mon living, Sombre avec dans un regard sans illusion l'infinie tristesse, Celle qui ne cesse jamais de consumer. Ma chemise légère tombe sur mes épaules Comme un voile noir sur mon existence, Me rappelant à la nostalgie d'une époque victorienne et victorieuse Où sous les haillons des chevaliers d'épopée se révélaient aux femmes pâmées des cours royales. Las d'une ère qui n'est pas la mienne, car trop de bruit et trop de matériel. |
À peine levé, j'opte par la fenêtre pour un coup d'oeil rassurant.
Mais le soleil m'ignore et disparait à l'horizon, Avalant avec lui ce nouveau jour qui ne m'était pas dû. Prendre le temps d'une douche ? Pour perdre le si précieux qui m'est tragiquement compté ? Pour me laver d'erreurs ancestrales Qui ne sont pas les miennes et me pourfendent ? Non...si j'aime à contempler mon morne monde, Qui sous l'humain ploie, à le chérir des couleurs de mes vers solitaires, Je veux aussi en endosser fièrement les pollutions. |
Je croque un fruit salvateur
Et me résigne tout de même à avaler ce plat cino-vénicien d'infortuné, Qui m'offre les dernières forces pour tenir, La dernière étincelle d'énergie pour protester. Je refuse toute sauce élaborée qui viendrait perturber mon ascétisme. J'écris quelques mots : leur morbidité me glace les os ; Me sers un verre de l'unique nectar encore présent, Du seul que je n'ai pas encore ingurgité dans l'espoir De faire se lever l'astre solaire un peu plus vite. Je n'écris plus...la seule vue d'une plume m'épuise (de douleur) |
Je me connecte au Monde,
Ressens un instant sa déferlante, Mais reviens bien vite à l'exactitude des choses. Partout la manipulation, le sexe sale et la corruption, Des vestiges de l'espoir primordial piétiné À mesure que croissent les numéros des canaux. Ils sont comme des fleuves que de toute ma volonté je ne peux remonter, Et qui me coulent vers un infini irréméable |
Je pénètre la nuit comme elle emplit mon âme,
Claque la porte comme pour lui signifier mon arrivée. Aucune autre âme dehors et j'envoie quelques bouteilles à la mer Pour tenter de quérir le fruit défendu. M'abstraire, en délivrant ma chair... Comme bien souvent, mes appels à l'aide restent sans réponse. Je crois avoir pourtant fait tout ce que mon pouvoir permettait Pour créer des liens ; Là encore ma détresse n'émeut personne Et c'est une autre chose qu'on m'arrache sans même me la tendre |
Je décide de retourner dans mon antre
Pour me plonger dans les bras d'une mélopée l'espace d'un instant. Je sais que si je pianote quelques notes les larmes me monteront. Je décide alors de traverser les continents en battant plutôt la peau frénétiquement. Le fracas sourd des pulsations m'emmène vers des pays lointains... Où ce ne sont que tueries et tragédies qui m'accueillent. L'oeil humide et le coeur en sang, L'eau que la sécheresse a pu prendre aux peuples elle me la retire maintenant à moi ; Je me détourne de l'instrument pour marquer un silence Et mon respect envers les guerriers innocents Tombés sous le déshonneur de conflits qui ne les concernaient pas |
La solitude du poète m'assaille,
Je suis maudit comme Rimbaud.
Maudit d'un sort sur moi jeté depuis que les entrailles de ma génitrice
M'ont enseveli sous ce ciel d'onyx,
Dont je semble supporter seul la pesanteur.
Ou presque.
Mon ami préféré, celui qui sait si bien décrire mes maux m'accompagne.
À mon chevet comme chaque soir,
Je nourris le désir secret de l'avancer avant que le sommeil ne me ravisse comme à la routine...
Voilà des années maintenant.
Je m'allonge, prononce à haute voix quelques mots
Pour entendre la tièdeur de l'être humain...
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