Accélérateur de particules
Au départ tout ceci n’était qu’une simple blague. En 1925, comme tous les ans, les plus grands scientifiques de la planète étaient réunis à la Convention Annuelle des Plus Grands Scientifiques de la Planète. Pour clore la réunion, un grand concours[1] fut lancé, le Prix de la Subvention Ridicule. Le vainqueur serait celui qui parviendrait à décrocher les subventions les plus importantes pour un projet complètement débile.
Pendant un an, les idées les plus farfelues furent avancées. Un groupe de physiciens russes – qui avaient sans doute trop lu Tintin - tentèrent le pari de faire financer des voyages spatiaux habités. Des biologistes Français imaginèrent récupérer un max de blé en lançant un appel public aux dons pour guérir des maladies ridicules comme la myopathie et des mathématiciens américains allèrent même jusqu’à imaginer duper leurs mécènes en promettant la création de machines intelligentes capables de réaliser plusieurs millions de calculs par seconde ! Mais devant de telles inepties, aucun ne parvint à réunir le moindre dollar de subvention.
Dépitée, la communauté scientifique s’était fait une raison et allait se résigner à annuler le concours quand, à la surprise générale, un groupe de chercheurs suisses répondant à l’acronyme énigmatique CERN annonça être parvenu à un résultat exceptionnel : lever 500 millions de dollars de fonds pour créer le premier "accélérateur de particules" au monde.
Le chef du CERN, Henri Richemont, ne fut pas peu fier de la performance de son équipe. D’autant que lorsque ses confrères l’interrogèrent sur la nature exacte d’un "accélérateur de particules", il leur répondit avec un grand sourire :
« C’est ça le plus drôle de l’histoire, nous n’avons absolument aucune idée de ce que pourrait bien être et à quoi pourrait bien servir un accélérateur de particules ! Nous avons proposé notre projet à des banques suisses et elles ont été tellement impressionnées par nos formules mathématiques totalement ineptes qu’elles ont signés les chèques de subventions sans demander d’explications supplémentaires. »
Toute la salle fit une ovation de vingt minutes au CERN pour son succès et le tout premier "Prix de la Subvention Ridicule" lui fut attribué à l’unanimité.
L’histoire aurait pu s’arrêter sur ce succès phénoménal mais Henri Richemont se dit qu’il pouvait aller encore plus loin. À la tête de 490 millions de dollars[2], il décida de pousser le subterfuge dans ses derniers retranchements en se lançant "pour de vrai" dans la conception et la construction d’un "accélérateur de particules".
« Mais à quoi ça servira ? », lui demanda un de ses collègues
« On verra bien quand on aura fini », répondit le Professeur Henri Richemont.
Genèse
Ne sachant trop par où commencer, Richemont décida de profiter de son argent pour s’installer aux Caraïbes et refila le bébé à son fidèle adjoint, le Professeur Jean-Henri Bobet, un Français originaire de Bourg-en-Bresse. Le défi était à la hauteur de la supercherie. Pour parvenir au bout du projet, Bobet utilisa une méthode parfaitement scientifique. Il constata que le terme "accélérateur de particules" était composé de trois mots :
- accélérateur
- de
- particules
Le premier mot, "accélérateur", lui permit de définir le principe de base de ce que devrait être sa future découverte : elle permettrait à quelque chose d’aller plus vite. Le deuxième mot, le fameux "de" lui posa plus de difficultés et il décida dans un premier temps de le laisser de côté. Le troisième et dernier mot, "particules", le laissa perplexe. Dans toute sa carrière de physicien, il n’en avait jamais entendu parler et décida finalement d’en vérifier la signification dans un dictionnaire.
Il constata, légèrement dépité, que ce terme avait plusieurs acceptions :
- Infime partie d’un corps
- mot invariable qui sert de liaison grammaticale ou à la construction d'un autre mot
- placée devant un nom de famille, indique la noblesse. Exemple : de Gaulle
Si les deux premières définitions n’éveillèrent aucun écho en lui, il fut abasourdi par la troisième qui lui permettait de résoudre deux problèmes d’un coup en fournissant une explication plausible à "particules" et à "de". Il devait donc inventer un principe permettant d'accroître la vitesse de personnes portant un nom à particule.
Le 1er accélérateur de particules
Avant de tenter une généralisation de sa future découverte, le Professeur Bobet décida de limiter les premiers tests à une frange spécifique de la population, en l’occurrence les cyclistes. Il s’en explique d’ailleurs dans un article du N°437 du magazine Nature publié en mars 1932 :
« Si le principe de l’accélération peut sans doute être adapté à tout porteur d’un nom à particule, il m’est apparu que les cyclistes semblent plus à même de répondre aux critères de base de l’accélérateur de particules. Le cycliste a une propension à vouloir aller plus vite que les autres, étant par le fait beaucoup plus sensible au principe d’accélération. D’aucuns pourront me traiter de pusillanime en m’interdisant de définir d’emblée une théorie de l’accélération générale mais Pompéi ne s’est pas défaite en un jour et il faudra passer par cette étape cruciale de la théorie de l’accélération restreinte avant d’aller plus loin. »
Disposant de crédits quasiment illimités grâce aux subventions, il ébaucha plusieurs plans successifs de son accélérateur de particules. Carré, rectangulaire, en losange, en pentagone,... il chercha la forme la plus adaptée à la possibilité d’accélération. En 1937, en tombant par hasard sur un article traitant de la trajectoire de la Terre autour du Soleil, il comprit que la forme idéale était une sorte d’ellipse, pas vraiment ovale, mais pas totalement ronde non plus. Il travailla toute la nuit et au matin du 3 juillet 1937, il présenta à son équipe le schéma du tout premier accélérateur de particules.
Il présenta son idée au maire de Grenoble qui fut tout de suite emballé. Après l’expropriation de quelques centaines de familles « au nom de la science », dira le maire, les travaux pharaoniques purent commencer. Ils durèrent 7 ans, soit 5 années de plus que prévu, en raison de quelques problèmes techniques qui firent 45 morts parmi les ouvriers.
Le Professeur Bobet mit ce délai à profit pour recruter les fameux cyclistes à particules qui serviraient de cobayes. Il fut assez malheureux en France et en Angleterre où il constata que les nobles à particules préféraient le golf, l’équitation ou le polo au cyclisme. Heureusement, il trouva les perles rares lors d’un séjour en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Il recruta à la pelle des De Vlamincke, des Van Der Groet, et autres Von Roemmel.
Une fois l’accélérateur de particules terminé, il procéda aux premiers tests. Les cyclistes à particules furent répartis en deux groupes positionnés sur deux lignes, opposés sur chacune des deux lignes droites. Au signal convenu, les deux groupes entamèrent leur accélération chacun dans un sens opposé. Il ne se passa rien pendant les trois premiers tours à la grande déception du Professeur Bobet. Puis, lors du quatrième tour, après que les cyclistes à particules eurent acquis une énergie cinétique maximale, les premières collisions eurent lieu.
Des appareils photo disséminés le long de l’accélérateur prirent les clichés de ces collisions, ce qui permit à l’équipe du Professeur Bobet d’étudier ce qui se passait à ces vitesses jusqu’alors inconnues.
La déception fut malheureusement à la hauteur des espérances. Après analyse, on se rendit compte que les collisions des cyclistes à particules ne permirent pas de découvrir de nouvelles matières organiques ou physiques. On a juste retrouvé des traces plus ou moins importantes de peau, d’os et de sang, éléments déjà connus de la science à l'époque. Le Professeur Bobet persévéra pendant 6 jours avant d’abandonner ses travaux et de rejoindre le Professeur Henri Richemont aux Caraïbes sans oublier au passage de récupérer sur son compte les 45 millions de dollars qui n’avaient pas encore été dépensés.
Répercussions
Bien que malheureuse, l’expérience connue dans les annales de la science sous l’appellation des "6 jours de Grenoble" fit des émules. Les chercheurs du monde entier voulurent eux aussi profiter de la crédulité de mécènes totalement béotiens en matière de sciences. Chacun voulut y aller de son propre accélérateur de particules en garantissant à chaque fois des résultats tangibles, puis en abandonnant au bout de quelques années les expériences tout en conservant pour eux mêmes les reliquats des subventions.
Il fallut toutefois se renouveler pour ne pas trop éveiller les soupçons. Aussi, maintes propositions apparaissaient comme de véritables innovations mais se révélaient n'être en réalité que de la poudre aux yeux. « On va faire un rond au lieu d’une ellipse », « On va faire un accélérateur de particules sous-terrain », « On va faire le plus grand accélérateur du monde », « Non c’est nous d’abord », « Non, nous ! », et ainsi de suite. La surenchère était de mise. À tel point qu’entre 1925 et 1995, pas moins de 15 000 projets d’accélérateurs de particules virent le jour, pour une facture totale hallucinante de 19 456 milliards de dollars !
L’apogée
Le point culminant de cette vaste mascarade débuta en 1995. Et comme un clin d’œil de l’histoire, le groupe à l’origine de cette dernière mystification fut encore une fois le CERN, celui par qui tout avait commencé. Son directeur de l’époque, le Professeur Jean-Daniel Springfield, réussit l’exploit de cumuler pour ce nouveau projet des subventions représentant la bagatelle de 6 milliards de dollars.
Pour en arriver là, il dut faire preuve d’une sacrée imagination. Il commença bien entendu par présenter son projet en annonçant les innovations habituelles. Son accélérateur de particules sera :
- Totalement rond
- Le plus grand du monde (27 km de circonférence)
- Le plus profond du monde (jusqu’à 175 mètres par endroit)
- Le plus coûteux du monde (argument utilisant la psychologie inverse pour générer de plus grosses subventions)
Mais aussi et surtout, le Professeur Springfield parvint à mystifier tout le monde en annonçant deux éléments parfaitement originaux. Le premier d’entre eux concerne le nom de son accélérateur. Il s’appellera LHC ou Large Hadron Collider, ce qui ne veut strictement rien dire, lui conférant une aura scientifique encore supérieure. Le second élément, encore plus subtil, souligne que l’accélérateur ne servira pas à accélérer des particules mais à en créer de nouvelles. Il utilisera en effet des cyclistes avec des noms propres tout à fait communs (François Neutron, Jérémie Proton…) pour produire suite à des collisions à haute vitesse un cycliste à particule que le Professeur a décidé de baptiser Boson de Higgs.
Pendant près de 15 ans, l’argent a afflué et l’équipe du CERN put mettre en œuvre sa mascarade en creusant son LHC dans les sous-sols de la frontière franco-suisse. Pendant tous les travaux, les scientifiques impliqués purent ainsi faire passer en douce l’argent donné par la France vers la Suisse. Fin 2008, le Ministère de la Recherche français voulut une démonstration de la puissance du LHC. Pris au dépourvu, le Professeur Springfield coupa quelques câbles dans le réseau sous-terrain pour faire croire à une panne et s’envola pour les Caraïbes avec son équipe et les 795 millions de subventions qui n’avaient pas encore été dépensés.
Comprenant qu’ils s’étaient fait duper, les investisseurs préférèrent faire profil bas et laissèrent le LHC en l’état. Le directeur du Tour de France, Christian Prud’homme a annoncé que le LHC servirait de parcours pour le prologue de l’édition 2011 de l’épreuve. Ainsi la Grande Boucle sera ironiquement bouclée.
Notes
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