Bella ciao
Bella ciao est une chanson qui a servi d'hymne à la Résistance italienne et aux mouvements anti-mondialisation quand c'est le vieux barbu à lunettes qui gérait la sono. Au vu de mon baccalauréat littéraire et de mon 14 en espagnol LV2, les copains de la dÉsencyclopédie ont été convaincus que j'avais la sensibilité artistique et les capacités en langue italienne pour présenter au mieux ce titre.
Après cette écoute et la consultation d'une amie proche des Balkans qui a su passer outre l'accent pour m'aider à proposer une retranscription d'une grande fidélité, j'en suis venu à croire qu'une analyse couplet par couplet, ou mieux, vers par vers était la meilleure voie à emprunter pour communiquer au mieux le message des braves partisans italiens.
Premier couplet
Exégèse : Dans la première partie du vers, l'auteur de la chanson se place sous l'égide d'une âme (vocable chrétien) nommée Martina. Il s'agit bien évidemment de Sainte Martine de Rome, martyre chrétienne et philanthrope. On voit immédiatement que les partisans se placent du côté de la générosité, mais préservent une imagerie chrétienne pour atténuer la radicalité de leurs éléments communistes aux yeux de l'opinion publique.
La deuxième partie indique que le fils de ladite Martine a déjà le teint mat des Italiens. Conséquence des troubles dus à la guerre ? Éveil précoce du patriotisme ? L'anglicisme (d'ailleurs incorrect) "me son" est[1] un hommage au soutien des Alliés à la Résistance.
Exégèse : Au début, sachant que les résistants étaient des visionnaires, je me suis dit « Putain ! Une allusion à Bella Swan de Twilight, dès les années 40 ! Balèzes, les mecs ! » ; même si nous restons dans les vampires, il m'a fallu réviser mon jugement. En vérité, c'est à Béla Lugosi, acteur célèbre pour son interprétation de Dracula, qu'il est fait allusion. Il faut déduire de cela que la Résistance souhaite dire adieu à Benito Mussolini, accusé de sucer le sang des Italiens.
Exégèse : La Résistance était un mouvement populaire, qui recrutait parmi les couches défavorisées : employés, ouvriers, paysans... Ouais, c'était loin d'être le haut du panier, et les chansons qu'ils écrivaient étaient bien répétitives.
Exégèse : Le fascisme avait fortement réduit l'ampleur de la mafia en Italie. Pour convaincre les ambitieux d'apporter leur soutien aux maquis anti-Mussolini, le parolier évoque la facilité qu'il y aura à s'enrichir au mépris du droit dans l'Italie d'après-guerre. En effet, la période 1945-1994 a vu la domination de la vie publique par la Démocratie chrétienne, avec ce que cela supposait de combines peu savoureuses. Heureusement, même les plus longues nuits laissent place à l'aurore, et en 1994, le parti a été dissout, pour laisser la place à un nouveau parti de centre-droit, garant des valeurs de probité et de responsabilité, dirigé par... Mmh, je me suis un peu enthousiasmé. Mes excuses.
Pour rendre la présentation plus interactive, plus multimédia, bref, plus fun, je me suis imposé d'illustrer chacun des couplets, pour votre plus grande joie :
Deuxième couplet
Exégèse : Visionnaires, les résistants, je vous ai dit ! Ils prévoyaient déjà l'apparition du parti d'Jeannot, Jean Tiberi, autrement dit l'UNR/RPR/UMP/Républicains/?. Cette interprétation est confirmée par la deuxième moitié du vers, qui incite à fournir des logements de luxe aux relations du chanteur, allusion évidente à l'affaire des HLM de Paris. Encore une fois, les partisans promettent de futurs bénéfices à leurs complices.
Au passage, le digramme "ll" est à peine prononcé, comme dans certaines variantes d'espagnol. Comme quoi, j'étais vraiment le bon gars pour faire cette analyse !
Exégèse : Je vous ai dit un peu plus haut que la chanson allait être répétitive. Vous suivez ?
Exégèse : Bon, là, je commence à vous trouver un peu lents à la comprenette ! C'est le premier vers du couplet répété, enfin !
Exégèse : Une chemise faite de sous-vêtements, bien sûr, ça prête à rire. Mais les braves maquisards n'ont cure d'accorder de l'attention à l'opinion d'autrui ; ce qu'ils font, ils le font pour la dignité humaine (et pour d'éventuels biens mal acquis futurs). Le vers met également en valeur la débrouillardise des brigades.
Troisième couplet
Exégèse : Un double thème est développé ici. D'abord, celui du textile, introduit dans le vers précédent. On incite l'auditeur à essayer le vêtement des partisans, et à mouiller le maillot, comme on dit. Soit. Voici une injonction acceptable à tout résistant.
Mais le thème de la corruption revient également. "Mouiller" est un synonyme d'arroser, et peut-être, après tout, que la chanson est aussi destinée aux puissances de l'argent... Impôt révolutionnaire, tout ça... En passant, le petit mot russe intercalé confirme que les communistes italiens recevaient de l'argent de Moscou.
Exégèse : Mais bordel, vous êtes crétins ou quoi ? Je vous ai dit qu'il y avait des répétitions ! Lire ce paragraphe ne vous sert à rien, bandes d'amiraux de bateaux-lavoirs !
Exégèse : Normalement, vous avez compris que ces paragraphes pouvaient être sautés, puisque le 3ème vers est toujours une répétition du 1er. Bien. Je peux donc écrire ce que je veux. Hier, je me suis masturbé dans le lit de mes parents.
Exégèse : Encore une fois, cette idée que, quelle que soit la paperasse remplie, elle sera laissée de côté et tout se traitera en dessous de table.
Quatrième couplet
Exégèse : Comme lors du couplet précédent, le premier vers débute par une reprise du vers précédent. Manière de bien enfoncer le clou, dans le genre « T'inquiète, on est peut-être étatistes pour certains, mais après la Libération, on se débarassera de la paperasse et on fera tout entre amis »[2].
La suite fait allusion à un lasso dans une montagne... Anticipation des westerns spaghettis ? Sans aucun doute... Bon, j'admets que ça commence à devenir chelou, cette chanson.
Exégèse : Un jour, j'étais ivre et j'avais la gastro. Sur le moment, ça avait l'air d'être une bonne idée de faire caca par terre.
Exégèse : Jeune, j'étais romantique. J'ai envoyé un mail "Le mystère de tes yeux m'enchante et me tétanise à la fois. Buvons une douceur ensemble quelque jour." J'ai oublié de mettre les 14 destinataires en copie cachée.
Exégèse : Les Italiens, nourris de valeurs athlétiques par le fascisme, en sont venus à retourner ces principes contre leurs instigateurs. Ainsi, le poète incite les soldats antifascistes à réaliser de grands exploits. Nous constatons également que l'auteur, lucide, concède que sous un régime oppressif, l'homme ne peut être qu'une ombre.
La deuxième partie du vers invoque Flore, déesse romaine qui symbolise à la fois la nature et la féminité. L'adjectif "belle" insiste un peu plus sur ce dernier point. Oui, parce que si on se contente de la dignité et de l'honneur pour inviter à risquer la mort et pire, ça risque d'être juste ; tandis que s'il y a du cul dans l'affaire...
Cinquième couplet
Exégèse : Encore une belle transition avec la fin du couplet précédent, puisque le "passeur anneaux" est bien entendu un olympiste. Cependant, s'il est gentil (normal pour quelqu'un qui fait partie de l'Axe du Bien), ses gestes doivent rester silencieux pour l'instant. Mais, un jour, ses exploits seront légendaires.
Exégèse : J'ai voté Front National en 2007.
Exégèse : Je n'ai pas voté Front National en 2015.
Exégèse : Mmh... Oui, il fait chaud en Italie... Et on peut souhaiter que ça tue les rats mussoliniens... Mon Dieu, ça devient de plus en plus absurde, cette ballade.
Enfin, nous retombons sur nos pieds, puisqu'il y a de la meuf.
Sixième et dernier couplet
Exégèse : Bien entendu, le parolier se permet une petite pique envers un chanteur mièvre - pas encore né, parce que les résistants sont des visionnaires, je vous rappelle ! - qui lui permet de souligner davantage son statut d'artiste engagé.
Mais chassez le naturel et il revient au galop. Tout de suite après, une connivence marquée est exprimée envers l'économie souterraine et ses acteurs, y compris ceux qui jouissent d'une situation bien établie.
Exégèse : Oh, merde, vous lisiez les conneries que j'écrivais avant ? Zob...
Exégèse : On est d'accord, rien n'était vrai là-dedans, hein...
Exégèse : Morteau, ville connue pour ses saucisses, est citée pour évoquer des politiciens un peu porcins[3]. On apprend donc que la vie politique va se défaire de deux éléments qui l'avaient marquée jusqu'alors : le pouvoir autocratique, symbolisé par le lys royal, et la guerre, représentée par Bertha, le fameux canon. Notons que les deux mots peuvent se rapporter à Charlemagne (le lys, emblème des rois de France, et Berthe au grand pied, mère de Charlemagne). La chanson avertit donc des dangers de l'impérialisme.
Ça, ou alors, on atteint un nouveau sommet dans le n'importe quoi.
Conclusion
Fantaisie et douceur de vivre bien latines, mais aussi concussion, grammaire douteuse et incohérences manifestes : "Bella ciao" représente parfaitement l'opposition à Mussolini et aux nazis en Italie, ainsi que les manifestations contre la dernière réforme du moment.
Avant de clore ce commentaire méthodique, je souhaitais, pour mettre l'œuvre en perspective, vous faire écouter la chanson qui aura marqué la Résistance allemande :
Rythme délicatement marqué, chant majestueux, et surtout, surtout, aucun mot qui ne semble risible à mes oreilles[4] ! Ach, wonderfulbar !
Chers amis, remercions nos glorieux aïeux résistants de tous les pays de nous avoir libérés.
Et d'avoir montré quelles étaient les races inférieures et supérieures.
Notes en bas de page
Si vous l'avez adoré, vous pouvez encore relancer le débat.
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