Musée du Soupirail
Le musée du Soupirail, ou Palais de la Débauche Lucide, également connu sous les noms de Ville-Lumière du Rire Sympathique et de l’Absurde Etendu, Miroir aux Mill
e Fadaises Scintillantes, Gare Aérienne du Mensonge Habile ou encore Au Secours Mes Majuscules Se Font La Malle, Sérieusement, Regardez Yen A Partout Là Elles Me Grimpent Dessus Aidez-Moi Aaaaah !, est un établissement culturel situé à Paris, dans le XIXe arrondissement.
Depuis 1951, il se consacre entièrement à l’exposition d’éléments relevant de la culture humoristique populaire, de la drôlerie commune ou du non-sens. S’attachant à explorer les relations profondes et essentielles qu’entretiennent depuis toujours les milieux intellectuels et littéraires avec la sphère du burlesque, le discours osé et la liberté du ton contribuèrent dès sa fondation à une part non négligeable de son succès.
Il est célèbre pour le rôle fort actif qu’il imposa très tôt à ses visiteurs, qui eurent à endosser à de nombreuses reprises le rôle du clown de l’histoire, toujours pour leur plus grand profit intellectuel.
Histoire et fondation
Au départ hôpital de charité accueillant et soignant les plus démunis, le bâtiment est racheté dans les années 1870 par un riche mécène amoureux des arts, qui en rénove entièrement l’architecture, notamment par l’adjonction d’un niveau supplémentaire au-dessus de l’ancienne salle des lépreux, ainsi que par le perçage de nombreuses fenêtres en ogive dans le style gothique sur toutes les façades. Avec l’intention de consacrer tout l’espace disponible à la mise en lumière permanente d’une importante collection de peintures classiques et modernes, profitant de la situation exceptionnelle qu’offre la façade sud et de l’éclairage magnifique qui diffuse dans les pièces attenantes, mais également désireux de susciter créations et nouveauté, il s’en ouvre à un de ses amis, avoué de tribunal correctionnel, qui lui conseille d’en faire le lieu d’un genre entièrement inédit de représentation.
« Puisque ce que les gens aiment par-dessus-tout, c’est le rire sous sa forme la plus grossière, la luxure, le vice, la calomnie, puisqu’ils se retrouvent dans le monde avec les intentions les moins avouables, puisque même alors, démasqués, ils jouissent mutuellement de la saleté et de l’embrouillement de leurs motivations, pourquoi ne pas leur donner ce qu’ils veulent ? »
« Mais, nous avons déjà ça. Ça s’appelle la dÉsencyclopédie », répondit l’autre, sincèrement étonné.
« Damned ! Eh bien, dans ce cas il ne nous reste plus que le rire, n’est-ce pas ? »
Et c’est ainsi que fut amorcée une des plus nobles entreprises qu’ait jamais connues le genre humain.
Gaspard Bouton, comédien engagé
Son premier directeur, Gaspard Bouton, s’étant dès le départ aliéné l’Académie Française pour avoir involontairement fait imprimer puis distribuer en milliers d’exemplaires des affiches de promotion de huit mètres de largeur comportant une lourde faute d’accord, sa réputation s’entache progressivement de plusieurs scandales, et la police commence à lui suspecter des relations ambigües avec la pègre. Tout ce temps, lui se voue corps et âme à son travail, au point qu’il ne songe même pas à dissiper les accusations qui pèsent sur sa personne ; il demeurera inconscient du péril qui le menace, et ce jusqu’à la toute fin, bien qu'il se trouvât placé sous une surveillance plus ou moins restreinte durant l’intégralité de sa carrière.
Grand aventurier, il multipliera les expéditions, poussant ses voyages jusqu’en Égypte et en Inde. Diagnostiqué psychotique léger à tendance paranoïaque peu après sa prise de fonction, psychanalisé à plusieurs reprises et convaincu de complexe sado-œdipien sévère devant le tribunal de sa conscience, il continuera pourtant, malgré ces lourds handicaps, à remplir son rôle avec une passion inégalée. C’est notamment lui qui contribuera à l’accroissement du rayonnement national puis international de l’établissement, à travers un grand nombre d’initiatives qui se distinguèrent avant tout par la puissance et l’originalité de leur conception :
Octobre 1906
Au cours de l’événement intitulé Tous des singes, sauf moi, il rabat au beau milieu du second acte d’Othello les grilles de la cour derrière la cinquantaine de personnes venues à cette énième représentation de l’œuvre shakespearienne, inédite toutefois car donnée, ici, entièrement par des primates dressés spécialement pour l’occasion. Enfermant ainsi pendant six jours un gorille, quatre chimpanzés, huit bonobos et un capucin affolé en compagnie des pauvres spectateurs pris au piège, l’opération de Gaspard Bouton connaît un succès mitigé, tempéré il est vrai par l’excellence et la fraîcheur des bananes mises à disposition des touristes devant la cage. Frédéric Revelu, à l’époque préfet de la Saône et comptant parmi les heureux involontaires, déclarera plus tard à la presse :
Notons que plusieurs des personnes impliquées continuèrent après leur aventure à se suspendre dialectiquement aux arbres et à s’épouiller mutuellement pendant une durée allant de deux jours à une semaine (à compter de l’intervention, certes tardive, de la maréchaussée), ce qui relativise encore une fois le mauvais traitement médiatique qui fut réservé à l’expérience.
Janvier 1908
Préoccupé par une forte baisse de fréquentation, due, semblerait-il, à une épidémie de grippe d’une vigueur peu commune qui sévit au cours de l’hiver 1907, il constitue dans l’urgence une équipe regroupant une centaine de crieurs professionnels. Recevant la lourde tâche d’improviser sans cesse des blagues de Toto, à haute voix et jusqu’à la nausée dans les hôpitaux et les bâtiments publics, faisant de l’organe vocal un usage d’une intensité encore inégalée à ce jour, l’initiative est très mal accueillie par les services communaux, qui l’interdisent deux jours plus tard, officiellement pour des raisons sanitaires. On fait également état d’une bagarre d’une rare violence qui aurait éclaté entre deux des volontaires, pugilat dont le fin mot semble reposer sur une affaire de plagiat mutuel quant à l’utilisation de l’adjectif ostéonasal dans un calembour raté.
Scandalisé devant ce qu’il considère comme une atteinte à la neutralité de l’art, Bouton réplique immédiatement par de violentes grèves de la faim, qu’il répète incontinent jusqu’à trois fois par jour - voire quatre quand il est invité. Insensibles à la subtilité de la démarche, les autorités restent sourdes à ses protestations indignées et traitent de haut ses nombreuses démarches de réclamation, pour finir par le sommer péremptoirement, dans un communiqué privé, « d'arrêter de faire le guignol ».
Bouton cède au bout d’un mois, reprenant un rythme de vie normal par crainte des conséquences sur sa santé. L’affaire sembla s’arrêter là pour tout le monde, mais il est maintenant solidement établi qu’il en garda jusqu’à la fin de sa vie une rancœur épouvantable.
Août 1908
Le scandale de l’Organe du Rire. Désireux de poursuivre les expériences menées par ses prédécesseurs quant à l’origine du sentiment comique, s’attachant inconsciemment, par le fait, aux pieds les chaînes infinies des débats ouverts voire purulents, mais toutefois maintenus soigneusement stériles (conformément aux réglementations en vigueur), convoquant pour son malheur l’assemblée des juges et des impétueux enflammés, Bouton transgresse allègrement les règles de la morale à travers la satiété émotionnelle jusqu’à la pure abomination plastique.
Partant du principe que si l’humour est généré indépendamment par le corps humain, c’est par le biais d’un organe spécifique, et que si organe il y a ce n’est certainement pas le foie ni le poumon qui est concerné, n’est-ce pas, il a l’idée de questionner le visiteur sur la valeur que l’on est spontanément prêt à accorder à une partie quelconque de l’anatomie connue ou reconnue à l’occasion.
Présentant en désordre nez hypertrophiés, génitoires turgescents, appétissants mamelons et intestins d’origine douteuse sur des étals de débauche spécialement sélectionnés pour leurs propriétés charnelles et invitant péremptoirement, plus qu’au rire ou à tout autre sentiment, à l’expression du dégoût le plus immédiat, il s’attire immédiatement les foudres des milieux conservateurs qui lui reprochent de faire au travers de ses œuvres la promotion du vice le plus désordonné et de s’adonner à des mœurs répugnantes. La plupart des spectateurs victimes du monstrueux tableau sont du même avis, à peu près.
Au total, des milliers de billets furent vendus, à tel point que l’on fut obligé de refuser du monde, y compris des membres des institutions morales qui venaient s’assurer par eux-mêmes de l’infamie commise par l’homme, « Un de ces nombreux brouille-papiers promis incessamment à l’oubli le plus total, et qui pour subsister un instant dans la mémoire collective vont jusqu’à s’abaisser à un genre de pratiques aussi honteuses qu’obscènes », titre un journal propagandiste de l’époque, furieux de n'avoir pu être reçu ; « Espérons qu’après la mise au pas morale de cet individu – ce voyou devrions-nous dire – et l’ordre enfin revenu, son cas et sa déchéance anonyme au plus profond de l’opprobre servent d’exemple à nos citoyens, et que ce sera la dernière fois que nous aurons si tristement affaire à un tel malade de l’exhibitionnisme ». Se faisant dans le même temps de nombreux nouveaux ennemis, le musée n’aura de cesse, on le voit, et ce jusqu’à la mort de son directeur, de repousser les diverses attaques menées par les adversaires de la culture.
Après l’interdiction, une fois de plus, de l’exposition, Bouton est condamné à une forte amende, excédant de loin ses capacités financières, qu’il est toutefois autorisé, au dernier moment, à régler en bananes par un arrêté préfectoral providentiel. Ce fut le coup final.
Novembre 1910
En conséquence du très grand nombre d’objets qu’accumule progressivement l’établissement sous la fructueuse direction de Gaspard Bouton, un problème de conditionnement finit par se poser. Jamais à court d’idées, ce dernier entreprend de mettre à la disposition de ses spectateurs une nouvelle manière de profiter du principe de contemplation - à savoir, la réduction ignée. Deux jours durant, il jette un à un dans les flammes, la sueur au front, en face d’une assemblée médusée et confondue, les pièces les plus remarquables de sa collection. On l’arrête alors qu’il tente d’arracher le mur en moellons, hurlant comme un possédé que jamais il ne céderait une miette de son œuvre à d’aussi insignifiants bourgeois, dont la vue seule « remplit son cœur d’une colère répugnée et tremblante ». Il est immédiatement conduit à l’hôpital Sainte-Anne, où il reçoit des soins intensifs qui lui permettent une lente rémission des nombreuses brûlures cutanées et le retour progressif à la normale après son brusque accès de rage.
Mis en examen le 8 juin 1912, il est finalement condamné en 1915 à vingt ans de travaux forcés. Il mourra trois ans plus tard, dans des conditions d’hygiène abominables, terrassé par une épidémie de typhus qui lui dérobera ses forces pendant des mois, temps qu’il emploiera à égrener inlassablement les chapitres dérisoirement émouvants de sa vie dans une courte autobiographie résumant ses dernières volontés.
A l’entrée, une stèle rend aujourd’hui hommage au courage et à l’abnégation que Bouton aura déployée, jusqu’à la fin de ses jours, face à l’adversité et au malheur de son existence, confronté à la double peine de la faillible justice des hommes et de l’opprobre de ses pairs, pour livrer un témoignage poignant du doute et du repentir dans lesquels doit se débattre celui qui souffre, et qui sait qu’il n’a plus rien à dire pour se sauver aux yeux du monde. Afin de créer un décalage et un effet comique, et atténuer du même coup les pensées dramatiques et la mélancolie qu’un tel mémorial inspire au visiteur, ce qui consisterait en une grave contradiction d’avec son principe fondamental, celui-ci est judicieusement placé en face d’une statue en bronze de deux mètres cinquante de haut représentant un clown obèse.
Respecté cependant et bénéficiant du soutien de nombreux mécènes, le musée accueille depuis longtemps un grand nombre de pièces inédites, pour la plupart issues de collections privées, telles que la première blague de Toto, relique soigneusement scellée dans un coffret en acier muni d’une triple serrure à gorges, et dont l’administration s’est toujours refusée à dévoiler la teneur, officiellement pour ne pas créer de conflit, plus vraisemblablement pour entretenir artificiellement un mystère dont la foule constamment massée devant la vitre blindée est encore le meilleur témoignage de l’efficacité commerciale. On y trouve également plusieurs études originales, comme le célèbre Cube aérien sur fond transparent, offert par Von Teunitz, qui fait toujours son petit effet auprès des touristes.
Anecdotes fort sympathiques et distrayantes, faites pour satisfaire la curiosité légitime d’un lecteur plein d’intérêt pour le monde qui l'entoure et toujours en quête de connaissances
« C’était en 1948, le grand directeur était préoccupé, à tel point qu’il écoutait avec une distraction inconvenante le conservateur lui exposer les problèmes courants, notamment cette désastreuse intervention de la Fondation Pour Le Rire en Afghanistan qui s’était finalement soldée par un échec cuisant donnant enfin raison à tous ses nombreux détracteurs... »
Cette impolitesse, il ne la devait pas à un obscur sentiment d’irresponsabilité qui le rendrait, subitement, dramatiquement insensible aux déboires de ses subordonnés, lui d’habitude si compatissant ; ni à une humeur si sombre, qu'aurait, avec la brusquerie essoufflée d'un orage, causée en lui l'amassement progressif de quelque désespoir muet, quelque déception lointaine, étouffée et charbonneuse, mais qui, cependant, humide et consciencieuse dans la puissance et le désir souterrain de son accomplissement, ne cessant jamais d'acquérir, à travers la brisure empoisonnée du cœur, l'impalpable matériau de sa turbide croissance, en accroîtrait ses forces en proportion, subvertissant à son avantage les désirs de l'homme, retournant par les chemins sinueux d'une nature recourbée de l'intérieur, la santé et la vitalité que livre le corps dans son enthousiaste innocence de substrat, qu’il en irait jusqu’à se réjouir intérieurement, par contraste ou mesquinerie, en étant le témoin d’une quelconque humiliation qui arriverait à l’un de ses semblables. Non, il était réellement, intimement très inquiet ; on devait aujourd’hui livrer une version unique, d’une valeur inestimable, de la blague « Toto va au cinéma », racontée, paraissait-il, quinze ans plus tôt par le grand Gaston Talpack à l’issue d’une soirée très arrosée, et dont on avait jusqu’alors perdu toute trace. Le directeur avait passé les deux dernières années à tenter de retrouver cet exemplaire, et ses efforts, longtemps restés infructueux, semblaient sur le point de toucher au but.
Deux heures plus tôt, l’antiquaire l’avait appelé, catastrophé. Retenant ses larmes, le directeur avait appris l’affaire : un cambriolage avait eu lieu. Malgré le vol de plusieurs pièces rares, on avait pu arriver à temps pour sauver la fameuse histoire. « Mais », avait prévenu le vendeur, très affecté : « J’ai peur qu’elle n’ait fait une mauvaise chute. Je n’ai pas osé la dépaqueter mais on sentait bien que personne autour n’avait envie de rire. D’habitude, à la simple mention du titre, les gens s’esclaffent, mais là, c’était un grand silence, monsieur, un silence de mort, un grand écho de recueillement gêné, un deuil universel… Je crains le pitre, monsieur. Le pitre. Ha ha... »
Le souvenir accablé de ces paroles tournait dans la tête du directeur. Une mauvaise chute…
Tourmenté, distrait, honteux même, il avala d’un coup avec son café les quatre-vingt seize sucres qu’il y avait inconsciemment jetés sans y prêter attention. Cela aurait pu être un acte anodin, un geste indifférent et sans les conséquences terribles qui s’ensuivirent, s’il n’avait présenté des prédispositions au diabète, et encore, certains pensent que c’est plutôt le trente-huit tonnes pris de folie, qui fit son apparition plus tard dans le cours horrible et désarçonnant de cette terrifiante journée, qui l’aurait achevé – l’autopsie ne fut malheureusement pas concluante sur ce point.
A la cafétéria, pour commémorer ce tragique événement, le visiteur a, de nos jours, la possibilité de tremper un certain nombre de sucres dans son café, activité frivole en apparence à laquelle la valeur monétaire totale de sa consommation pose une limite informelle dont l’application morale est laissée à la discrétion du restaurateur, et conduisant dans la plupart des cas à la tenue de cette cérémonie particulière consistant en une certaine espèce de consommation liquide, coutume certes discrète et peu spécifique au sein du genre humain mais dans le cas qui nous intéresse caractérisée de bout en bout par une attitude de fière et solennelle résolution dont la signification extrêmement ancienne se transmet de soi en soi depuis, à peu près, mettons dix ans, malgré l’interruption quotidienne et presque valétudinaire du fonctionnement de la pensée consciente, ce qui est quand même assez impressionnant quand on y réfléchit, sauf bien sûr quand on omet d’en racheter parce qu’on oublie de passer à la boutique ou qu’on est trop pressé pour prendre le temps d’en boire un (par exemple quand on est en retard au rendez-vous avec cette fille qui vous a dit hier en riant qu’elle vous attendrait peut-être à telle heure à tel coin de rue, mais dont on n’a aucun moyen d’être certain qu’elle ne disait pas ça en plaisantant juste comme ça, même si on y va quand même[1]), dont la poursuite impassible, vaillante, mécanique et imperturbable, qui s’effectue moralement pendant un temps matinal de presque six minutes martialement rangées, toutes fraîches, tassées les unes contre les autres comme de petites allumettes mignonnes, souriantes, et cependant, dans leur friction terrible, frissonnantes et réellement insoutenables de tension dramatique, s’attache quand elle peut[2], c’est-à-dire quand elle a le temps, c’est-à-dire quand elle a l’occasion, c’est-à-dire quand elle a un public[3], à émouvoir aux larmes jusqu’aux cœurs les plus sensibles, c’est-à-dire, à la vérité, pas grand-monde finalement, même si son langage est plutôt fleuri[4] à sa manière, mais c’est l’intention (Tu penses que j’ai pas le cran de le faire ? Hein ?) qui compte, un peu comme, je ne sais pas, aux cours d’assises [5](pour apprendre à ne pas perdre son équilibre ! haha), vous voyez ? Non ? Dites ? Dites, vous m’écoutez au moins ?BLAM !
Ah, et aussi, en 2011, par blague, le jury de Cannes lui décerne un prix du meilleur figurant.
Thèse et influence culturelle
La Tanière des Grands Hommes
Dans ce réduit caverneux aux tons très étudiés, on présente une grande variété d’auteurs et de penseurs de toutes les époques, s’efforce de développer leurs théories respectives, et explicite dans une mise en parallèle historique osée les points saillants de chaque doctrine et l’application qui en fut faite. L’accent étant ainsi mis sur la difficulté de faire coïncider les idées et les actes dans un mouvement commun, le propos ne se veut pas pour autant défaitiste, car il souligne dans le même temps la richesse évidente de la pensée humaine. Toutefois, la congruence et l’entremêlement formel reliant, d’une part, l’évolution des événements humains et la construction des idées à travers les âges, et d’autre part la conformation intellectuelle avec ces mêmes produits qu’une interprétation superficielle pourrait croire incréés, insinue de fait l’étroite dépendance qu’il existe entre l’homme et son environnement, réduisant à un presque-rien aphone la puissance individuelle de création, ce qui sert en réalité le but premier du Musée en ramenant le visiteur face à son propre potentiel comique.
Ce point est rappelé par un petit panneau à la sortie de la galerie, qui après s’être excusé au nom de la direction demande aimablement au lecteur s’il n’a pas trouvé le temps trop long, et que si oui c’est bien dommage car il rencontrera sans doute beaucoup d’autres occasions de s’ennuyer dans sa vie, alors qu’il aurait pu apprécier autrement celle-là, tant pis. Après cette petite pause agréable dans la réflexion profonde que demande à chacun une appréciation correcte de la visite, celle-ci peut reprendre son cours normal.
Sont donnés également les principaux éléments permettant de se livrer à une critique raisonnable et pertinente de chaque forme de doctrine, sans toutefois à aucun moment verser dans un relativisme même discret puisqu’un parti est clairement pris en faveur de la théorie économique marxiste, qui n’est pourtant pas spécialement amusante, enfin je pense. La chose étant, on n’aurait sans doute pas pu faire beaucoup mieux nous-mêmes, donc bon.
Rayonnement dans le milieu intellectuel
Au cours du mois de mars 1942, une trentaine de Juifs et résistants fuyant les persécutions se réfugie dans la Chapelle de Bozo, sur les conseils du conservateur qui les cache dans l’estrade supportant la femme à barbe empaillée. Ayant eu vent de la chose, la Gestapo se présente au musée et, devant les dénégations fébriles du directeur, menace de détruire la Victoire de Fer, ouvrage satirique de huit tonnes d’acier trempé à l’effigie du fameux comique. Suppliant, maudissant sa faiblesse, l’homme avoue enfin son acte avant de s’effondrer en pleurant. Il démissionnera deux mois plus tard, victime d’une dépression aigüe et accablé par l’opprobre publique.
Ironiquement, ce sacrifice se révéla vain, car la statue fut démantelée peu après pour les besoins de l’effort de guerre. Cet événement redoubla la douleur de l’homme, qui tomba dans l’aigreur et la désillusion devant son impuissance à empêcher les cruels dénouements de la fatalité. Comprenant qu’il n’avait, de toute sa vie, jamais été autre chose qu’une marionnette de fonctionnaire comiquement tabassée par le Guignol du destin, il n’eut d’autre choix, pour échapper à la folie, que d’accepter son sort.
Dans son ouvrage intitulé Généalogie du ridicule, publié en 1951, il expose ses thèses concernant l’existence du sens de l’humour chez l’Homme, adoptant une posture résolument évolutionniste et cynique. Ainsi, selon lui, le rire aurait été donné à l’homme pour qu’il puisse prendre conscience, à travers une apparence d’innocence aisée à franchir, de l’horreur suprême et du dégoût dans lequel le sentiment profond de son existence l’entraîne inexorablement. La capacité de parvenir, inconsciemment, à cette connaissance profonde de la nature de l’univers, par l’accablement douloureux de l’intelligence, donnerait à celui-ci un pouvoir diabolique, au prix d’une souffrance indescriptible, d’un « déchirement absolu de la fierté », celui de la moquerie et de l’insulte sur ses semblables et leurs échecs.
L’écho donné à sa malheureuse théorie fut aussi brutal qu’hostile ; celle-ci fut réfutée exhaustivement et à de nombreuses reprises par plusieurs intellectuels influents. Aujourd'hui encore, l'allègre démantèlement de son indigente armature demeure une subtile cocasserie dans de nombreux milieux, notamment en psychiatrie, où l'usage le veut donné comme exercice aux traumatisés de guerre pour évaluer la gravité de leurs séquelles psychologiques.
Elle fut ainsi qualifiée d’ « élucubration gangrenée issue d’un cerveau malade et coupable » par le penseur Jean-Paul Sartre au cours d’un entretien avec une journaliste (qui se révéla plus tard être son ex-femme), lequel s’expliqua en ces termes :
« Connasse », ajouta-t-il alors après un temps de réflexion, sans doute par souci de consistance.
Une construction progressive
L'histoire du Musée, certes chaotique et parsemée d'événements remarquables, n'en demeure pas moins marquée par plusieurs tragédies et, il faut bien le dire, quelques échecs. Cependant, loin de se laisser abattre par les sifflets de ses détracteurs, il sut habilement faire rebondir sa balle pour détourner l'attention le temps que les choses se tassent. Parfois également, faisant face à ses responsabilités, il continua bravement sa route sur les mers hostiles et en furie de la critique publique.
Détruit pendant la guerre de Corée en même temps que la gare de Humnong, il est reconstruit cinq ans plus tard avec cette fois une charpente traitée contre les termites. Anéanti, le conservateur de l’époque s’engagera avec virulence, peu après la tragédie, contre les politiques ouvertes de soutien aux régimes dictatoriaux et bellicistes d’Asie.
Cet événement annonce un renouveau pour l’établissement, qui déploie à partir de ce moment une grande campagne de promotion et de développement de ses activités auprès du grand public. On y fait spécialement la réclame de la nouvelle aile du bâtiment, qui accueillera chaque année, dès lors, une exposition temporaire, la première et la plus célèbre de toutes étant consacrée au sujet du Rire dans la mythologie Perse antique, de la IIe à la IXe dynastie. On y apprend notamment, à travers des démonstrations interactives, que les hippopotames font des sujets d’étude difficiles.
Liens avec le milieu du cirque
En 1921, Phlegma Druesde, dramaturge reconnu, ami de Picasso, réincarnation controversée d’Euripide et auteur de brèves aussi violentes que caustiques dans plusieurs journaux propagandistes de bords divers, prend ses fonctions en tant que directeur. Sous son administration, le musée s’ouvre à différentes influences, notamment hispaniques. On lui doit une grande partie des décorations et salles actuelles, telles, ainsi, que le colossal et morbide Temple des Clowns, rempli à ras bord de pièces pour une très grande part uniques. Dès son ouverture, le succès est tonitruant, en partie il est vrai grâce au trompettiste engagé pour l’occasion et dont la tâche consiste à jouer inlassablement devant l’entrée une unique note, un la mineur, dans un instrument en plastique mauve. Tout Paris s’y presse, des étrangers viennent du monde entier pour s’y pavaner en compagnie des plus grands. Après un temps de stupéfaction, lié au caractère profondément novateur de la chose, les éloges pleuvent de la part du monde de la culture, qui en redemande.
Le grand critique Charles Mouflet salue ainsi, dans une lettre qu’il envoie à son ami en mars 1926,
On signalera également de nombreux cas de folie, provoqués par la vision de l’Arlequin, une œuvre impressionnante que certains attribuent presque à Michel-Ange, quand ils tiennent le plan dans un sens que l'horizontalité orthodoxe réprouve, et qui semble en surprendre profondément certains, mais souvent pas les mêmes, par la perfection des proportions et la justesse de son thème, ou alors par le caractère fort inattendu de cette immense peinture à la gouache représentant un clown désabusé contemplant une brosse à dents jaune avec un air de grande mélancolie. Les causes précises de cette mystérieuse affection nerveuse que l’on constata cliniquement chez des visiteurs à plusieurs reprises sont toujours inconnues. On peut cependant mettre en lien le récit de ces personnes avec la première analyse du critique d’art Jean Samuel Brackett, qui fut interné peu après la rédaction de son travail préparatoire d’interprétation graphique, dont la première mouture est mise à disposition des visiteurs sur un petit panonceau à côté du tableau.
Lugubre, cette scène l’est tout à fait ; mais, est-ce vraiment là le caractère fondamental de l’œuvre ? En observant longuement, avec l’attention qu’il mérite, on peut y trouver d’autres choses encore ; à la solitude se mêle la conscience de la foule, qui se tient et observe en silence, le désir du spectacle, l’angoisse du costume blanc, réminiscence de cette pureté tragique qui a fait autrefois l’essence de la grande comédie, avec toutefois une pointe de cet espoir insensé de montrer enfin quelque chose au monde, quelque chose qui en vaille vraiment la peine. L’autre facette de ce tableau surprenant, c’est donc la volonté de prêcher la douleur, la désinvolture, l’imagination, le bonheur – en somme tout ce qui fait l’existence et la vie, à laquelle, paradoxalement, on ne peut toutefois accéder qu’à travers la mise en scène.
Contemplez donc plutôt cet escalier de bois, dans le coin gauche, qui marque la jonction entre les coulisses et le théâtre : ses marches sont bancales, hésitantes, et s’il se perd dans les ténèbres – pourtant, il monte, il monte même très haut ; ne le voyez-vous pas qui s’élève, jusqu’au-dessus du cadre ?
A présent, revenez sur le clown, sur ses vêtements, son maquillage : ne paraît-il pas encore plus pâle qu’auparavant ? Mais, n’a-t-il pas tourné son regard vers vous ? N’est-ce pas vous qu’il contemple, avec son œil vide, halluciné, sa brosse à dents à la main, qu'il tient à la manière d’un sceptre péremptoire qu’il semble, en roi despotique et cruel, interroger cyniquement du regard ? Cependant, comme le personnage central gagne en relief, par un savant jeu de lumières, les ombres autour soudain se raffermissent, pulvérulent, embrassent les meublent, montent enfin, comme une marée, engloutissent tout – et il ne reste plus que le clown, et son visage falot, ses lèvres rouges sang, son sourire édenté qui soudain se met à emplir tout l’espace – et c’est la chute finale, la descente aux enfers, qui scelle la fin de tout, et en particulier de cet espoir insensé, que l’on avait senti exister, quelque part à la frontière fluente de l’horreur, que l’on pouvait échapper un seul instant à l'odieux empire de la grande clownerie que cette existence s'acharne à perpétuer, doucement, avec une insistance moite et grandiloquente d'image pieuse. Alors, alors tout se fond dans une mare sanglante et nue, et le nez rouge le nez... enfin le nez... Vous voyez bien non ? Que c'est un pitre... Et euh... Qu'il faut, euh, bien se brosser les dents.
...
Vous savez, je pense qu'on ne peut jamais dire quoi que ce soit, c'est toujours des mensonges. Là par exemple je sais bien, j'ai dit n'importe quoi parce que c'était ce qui grouillait sous mon nez, et puis j'ai oublié presque tout ce que je savais au début, à propos de cette toile et tout. C'est pas faute d'essayer pourtant.
Bon, on ne va pas en faire un drame, vous n'avez qu'à la regarder tout seul pour commencer, et ensuite vous pourriez, je ne sais pas, vous marrer un peu ? Non ? C'est trop pour vous ? Vous voulez absolument que je continue à analyser et à déblatérer mes histoires ? Ben vous avez une vie bien triste mon pauvre vieux.
Bordel, mais vous le faites exprès ? Mais non que j'ai pas besoin de vacances ! Hein ? Mes nerfs ? Qu'est-ce que vous en connaissez de mes nerfs ? C'est à vous peut-être qu'ils racontent leur journée mes nerfs ?
Ils vous embrassent et ils s'affalent sur le canapé du salon avec un verre de sherry à la main et là ils vous disent en se tenant le front : « Mon chéri, j'ai eu une journée a-ffreu-se ! Si tu savais ! »
« Ah oui ? Eh bien, raconte-moi donc ça, pendant que je te prépare un bain de pieds. »
« Eh bien pour commencer, il y a la vésicule biliaire, tu sais, celle du troisième, qui oublie toujours de fermer son épithélium ? Voilà-t-y pas qu'elle commence à faire des siennes, et vas-y que je suis trop acide, et vas-y que je n'ai plus ma vigueur d'antan, ils pourraient faire un effort quand même avec tous ce qu'ils donnent aux invalides, toi t'as sécrété toute ta vie et pas une retraite, et patati et patata... Alors moi je lui dis "Germaine, vous savez moi je veux bien écouter vos histoires mais le boss ne comprend jamais rien de ce que vous dites et il commence à vous ignorer, donc il faudra que vous fassiez un effort pour être plus précise sinon ça sera l'aspirine tous les jours, et là je ne veux pas penser à ce que ça sera pour vous..." »
Hein ? Ils vous disent ça ? ALORS FERMEZ-LA PUTAIN ! Quand est-ce qu'on se décidera à laisser les gens tranquilles ? Moi j'en ai rien à foutre de votre saleté de toile ! Je voulais être boulanger ! Allez tous vous faire foutre ! Là ! Parfaitement monsieur ! Et je m'en vante ! D'ailleurs vous savez ce que j'en fais de votre commande ? Hein ? VOUS SAVEZ CE QUE J'EN FAIS ?
Nous espérons avoir ici donné l’envie à nos lecteurs de s’intéresser par eux-mêmes à cette œuvre si particulière, et de trouver, peut-être, le fin mot de cette douteuse histoire de démence, qui nous paraît, à nous et aujourd’hui, quelque peu ridicule.
Mais, n’était-ce pas là, peut-être, le but recherché par ce fantastique musée qui, sous des airs de dernière sévérité, se donne comme un devoir sacré de toujours surprendre son visiteur ?
Participation à la vie publique
Il accueillit une fois le Louvre lui-même entre ses murs, au cours d’un travail d’artiste intitulé Les boutons de manchette : étude documentée sur le pouvoir des chemises.
Pour l’occasion, une dépendance finement agrémentée d’arches et de sculptures délicates fut étendue dans les rues, serpentant entre les carrefours, traversant subrepticement parcs et avenues, imposant à chacun la marque soigneusement maçonnée de sa discrète et coquine présence, plongeant élégamment sous la Seine, ceinturant enfin l’honorable édifice d’une fine mais éloquente muraille de briques rouges ; de tout point de Paris on pouvait la voir, déployant ses anneaux avec la grâce nonchalante d’une longue traînée enflammée, fuselée et flamboyante comme un oiseau doré, qui courrait, fièrement, au milieu des toits gris effarés des industries urbaines ; c’était un deuxième fleuve, un fleuve de feu, un courant rieur où dansaient toutes sortes d’écumes torsadées et chatoyantes, un joyau de pierre et d’eau pour un Paris de poussières et de métal, qui, suspendu, étonné, retenait un instant son souffle perdu de géant asthmatique, béhémoth vieillissant étouffé, enfoncé dans ses siècles désespérés de fumées et de ravages, dont sa face noircie disait encore tous les avilissements, toutes les fatigues qu’il avait fallu souffrir et endurer, tous les maux qu’il avait fallu passer sous silence, pour unique prix de ses bénéfices ; oh ! ils étaient nombreux ; et il ne regrettait rien, pas encore, rien sous son ciel anéanti - mais voilà, la joie, la grandeur vivante, la fureur d’innocence qui jaillissait à flots de chaque angle trop souple du grand mur du Soupirail, la poussée qui semblait sourdre comme un muet entraînement à la carnation pour des joues restées trop longtemps hâves ou trop cordialement, trop complaisamment impassibles, tout cela mettait au cœur de chacun un petit voile, une incertitude infime, un pastiche de volonté, quelque chose de bien faible et bien pitoyable, oui, mais néanmoins là, luttant vaguement dans un ennui fait de paupières fermées et de faces bouffies, un univers lourd, où toutes les étoiles étaient un jour tombées dans un grand froissement de ciel nu.
Ce ne fut que six mois après le début des travaux, alors qu’une tension douloureuse s’installait progressivement dans la monotonie dérangeante d’une société poussée aux frontières extrêmes de l’agonie mécanique, que l’on put s’apercevoir de la confusion. Ce n’était pas un Louvre, mais bien une Loutre qui était attendue pour l’exposition, et dont une faute de frappe malheureuse avait tant retardé la livraison. Celle-ci devant en effet illustrer, grâce à son pelage soyeux et imperméable, l’importance sociale d’une tenue vestimentaire appropriée, et se comporter ainsi comme une vivante allégorie de l’élégance, elle avait été exigée avec véhémence par le grand comédien ibère Sylvaro Jamerias qui, de retour d’un voyage au pays de ses ancêtres, entra dans une colère terrible en voyant que ses instructions n’avaient pas été suivies à la lettre et rompit définitivement tout lien avec l’administration du Soupirail.
Il est d’ailleurs remarquable que l’on ne se fût pas aperçu plut tôt d’une telle confusion, étant donné le peu de rapport qu’entretient le Louvre en lui-même avec le monde de la mode – mais les artistes sont connus pour être des gens distraits. La Grande Muraille fut donc prestement démolie et l’exposition put enfin avoir lieu, avec les excuses du directeur quant à la gêne occasionnée pour la ville. Celui-ci se rendit par la suite célèbre grâce à ses nombreuses actions de subvention aux espaces verts, notamment l’absinthe, au succès de laquelle il contribua également quelque peu à son échelle personnelle. Absorbé par ses activités, il fut incapable de poursuivre correctement la gestion du Musée, et un autre mieux armé nerveusement vint à le remplacer.
Perception populaire et avenir probable
Le drame de la Journée de Promotion des Mœurs Étrangères porta également un rude coup à l’armature sociale et symbolique du Musée. Une gaffe monumentale du Président qui fit les gros titres des journaux résonna comme un énorme glas à la saveur cacahuète dans la sphère culturelle et anéantit d’un seul coup les espoirs les plus innocents portés par ses promoteurs.
Après cela, il fut absolument, résolument impossible de comprendre et de percevoir son avancée et son originalité dans le domaine des arts, de quelque point de vue que ce fût, sans que vînt l’éclairer, sous l’angle de l’horreur, quelque sombre et fugace imagination, une poussière de réminiscence, l’ombre d’un souvenir grinçant et funèbre, rôdant au loin, comme un vieux loup, dans le champ vaste et murmurant du cruel inconscient collectif.
Contraint de réduire drastiquement la portée de ses actions sur la scène culturelle, abandonnant sous la pression nationale la plupart de ses prétentions artistiques et politiques, le Musée, pour la première fois depuis la démission de son premier directeur, vit sa réputation profondément entachée, et son existence sérieusement menacée, à tel point qu’un groupe d’intellectuels inquiets écrivit une lettre ouverte au conseil de sécurité de l’ONU pour la préservation du patrimoine. Dans la crainte de voir reparaître les jours sombres où le Musée était un objet de plaisanterie dans le monde de la culture, on y organisa de grands rassemblements savants où se tinrent des débats enflammés d’un niveau et d’une profondeur rarement égalés sur le comique, la guerre, le théâtre, la caricature, la nature de l’Homme, la technologie, l’imagination ou encore la cuisine quantique.
Néanmoins, signe des temps, on continue encore aujourd’hui à moquer l’établissement sous le manteau et l'homme de la rue l'affuble toujours de divers patronymes peu flatteurs, comme Là-Bas, Non ?, Oh! Plus fort !, Excusez-moi monsieur, est-ce que vous auriez l’heure ?, Le Palais de la Turlutte, ou encore, quoique plus rarement, Chez les gros guignolos.
Gageons qu’à force de persévérance et d’irréprochabilité, cet ouvrage incomparable qui traversa l’Histoire avec passion et engagement saura regagner progressivement son aura de respectabilité, ainsi que la confiance injustement perdue auprès d’un public élitiste fort peu indulgent et, parfois, bien immature.
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- ↑ parce que... parce que voilà, on a le sens de l’humour après tout, et elle elle ne nous mérite sûrement pas mais on a quand même assez de conscience pour... eh, pour sauver des poissons de la noyade donc, pourquoi ne pas, enfin je pense, pêcher à nouveau par excès de zèle et annoncer la faillite anticipée juste par précaution, à l’avance... Quelle magnifique, quelle immonde créature tout de même,
- ↑ elle s’imagine qu’on va accourir comme un caniche juste parce qu’elle nous l’a demandé, ha-ha, il n’y a rien de plus comique, c’est pourtant évident qu’on essaie de satisfaire à travers elle un besoin quelconque de vice et de cruauté, profondément enraciné dans la nature même de l’homme qui n’a rien, mais alors rien à voir, avec elle, bon, soit, elle a des fantaisies étranges de chevalier blanc, peut-être, mais entrer en lice avec à l’esprit même à peine plus de tendresse que le strict nécessaire, ça jamais, jamais, tu m’entends ?
- ↑ Ouais c'est bien à toi que je parle, et ne fais pas celle qui n’entends pas je sais que t’es là, mégère, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter autant de mépris de ta part, hein ? QU’EST-CE QUE J’AI FAIT ? POURQUOI TU ME PARLES PAS ? TRAÎNÉE ! C’EST A CAUSE DE LA CHAMBRE FROIDE ? C’EST CA ? Tu me crois pas ? C'était pourtant limpide ! C’est elle qui l’avait voulu, tu le sais bien ! Et je ne suis qu’un homme ! Tu n'aurais pas fait mieux à ma place je parie. Si tu avais été un homme, je veux dire. Bon d'accord, peut-être pas n'importe lequel, parce qu'on n'est peut-être pas tous attirés pareil par ce genre de choses, OUI c'est plutôt rare comme pratique et OUI j'avoue ça peut paraitre un peu dérangeant pour qui assisterait à la chose sans avoir connu au préalable le minimum d'horreur nécessaire pour soutenir « l'incarnation outrageusement grimée du masque social le plus pervers », oui bon je ne dis pas. Bon d'accord, là, tu aurais fait la même chose SI tu avais été un homme lubrique et vicieux avec des goûts bizarres, mais tu comprends bien qu'il y a des forces contre lesquelles l'on est impuissant. Comme le disait un grand homme : « Reproche-t-on au scarabée luisant et coupable jusqu'à sa jonction thoraxique ses penchants volatiles évasifs calliptériques et sa tendance puissamment morbide à la cryptose stercoaire ? »
- ↑ Les oiseaux chantent, les roses sont rouges, ce sont des putains, les violettes sont bleues comme une orange pourrie, les horloges, soutenues par la tension incessante d’un bras nu et gras recouvert d’un maquillage blanc argenté de paillettes, sonnent doucement, tranquillement, le glas torride de ta passion, ta froide morale jusqu’à plus soif j’en ai bu, et toi, mon injure imaginaire qui vole vers toi, où toutes les fleurs de tous tes amants crachent leurs pétales de souillure dans cette immonde écluse muqueuse, putain, je dois dire que tu m’as pas vraiment surpris la dernière fois que je t’ai retrouvée au lit avec ce... Qu'était-ce au juste... ? Ce toucan, cet Andigena hypoglauca qui en tant qu'espèce protégée a certes droit à des égards auxquels le commun au génotype superflu ne peut en aucun cas prétendre, certes moi-même je ne suis pas reconnu au partimoine mondial par l'UNESCO du commerce philanthropique, mais là on me dépouille de mon honneur - de ma virilité, enfin !
- ↑ Menteuse ! Tu sais que je peux ! Je vais l’faire, t’entends ? Je vais l’faire ! Ouais, salope, c’est toi quoi l’auras voulu, pour ça je te ferai payer, oh, ma très chère, ce que je te ferai payer : j’en ai déjà des frissons à l’imaginer, c’est comment j’ouvrirai la porte, avec la clef que tu m’auras naïvement confiée, sure que tu étais de ton ascendant incontestable sur toutes mes pensées, comment j’entrerai, tout doux, tout doux, pour ne pas te réveiller, sur la pointe des pieds, mon manteau traînera un instant dans la poussière, j’hésiterai sur la porte à ouvrir – pas très long je serai rassure-toi soyeux comme une dent de rocher tout aiguisée - et puis comment j’irai nourrir le chat avant de te demander pardon et… Non ! Non, c’est pas ça ! Pourquoi ? Hein ? HA ! HA ! POURQUOI TU M'EN VEUX À CE POINT ? Bouhouhou… Pourquoi, pourquoi je n'y arrive pas ? Ce sont des larmes de rire, ne vous faites pas d’idées… Vous savez, c’est pas ça le plus difficile, c’est surtout de savoir qu’elle m'a déjà remplacé, en pensée, par une pensée qui n'est pas la mienne. Je crois que je vais… Dites-lui que je suis désolé…
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