Paul Verlaine

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« On s'dit toutes les choses qui nous viennent, c'est beau comme du Verlaine... »
~ Jean Ferrat à propos de sa douceur amoureuse

Ah, Verlaine... Mes chers petits, je suis ravi que le doyen de notre université ait accepté de mettre au cursus ce grand poète dès le premier semestre. Vous allez découvrir un monde de douceur et de subtilité, entre la rêverie mélancolique des Poèmes saturniens, les jeux de masques de Fêtes galantes, la simplicité de sentiments de La Bonne Chanson et de Romances sans paroles... Et cette tension géniale entre classicisme harmonieux et renouvellement de la métrique, par exemple le fameux vers « Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie », qui réinvente délicieusement l'alexandrin...

Ô, Verlaine ! Vous verrez, pour citer La Bonne Chanson, que


Sa voix, étant de la musique fine,

Accompagnait délicieusement L'esprit sans fiel de son babil charmant Où la gaîté d'un cœur bon se devine.

CarrierePortraitVerlain.jpg Paul Verlaine :
«O souvenir d'enfance et le lait nourricier

Et ô l'adolescence et son essor princier !
Quand j'étais tout petit garçon j'avais coutume
Pour évoquer la Femme et bercer l'amertume
De n'avoir qu'une queue imperceptible bout
Dérisoire, prépuce immense sous quoi bout
Tout le sperme à venir, ô terreur sébacée,
De me branler avec cette bonne pensée
D'une bonne d'enfant à motte de velours.
Depuis je décalotte et me branle toujours !»

« On s'dit toutes les choses qui nous viennent, c'est beau comme du Verlaine... »
~ Jean Ferrat à propos de sa profonde perversité

Le saturnien, un maudit ?

Évidemment, en s'inscrivant ainsi dans l'orbite de Saturne, Verlaine choisit une voie profondément baudelairienne. Ce truisme étant évacué, il s'agit de souligner l'originalité du jeune poète. Car, oui, Verlaine se représente en albatros géant, coupé des hommes et de leur folle activité :


Aujourd’hui l’Action et le Rêve ont brisé

Le pacte primitif par les siècles usé

Mais cela ne l'empêche aucunement d'aspirer à l'idéal, et à un idéal moins fantasmagorique que celui évoqué dans les Fleurs du Mal ! Oui, Verlaine aspire à l'onirisme :


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Mais ce rêve est accessible, par un amour tout à fait terrestre :


— Ah ! les premières fleurs qu’elles sont parfumées !

Et qu’il bruit avec un murmure charmant Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !

Ainsi, Verlaine, par la tendresse amoureuse, semble résoudre la quadrature baudelairienne.

« Ouverture », Paul Verlaine

Je veux m'abstraire vers vos cuisses et vos fesses,

Putains, du seul vrai Dieu seules prêtresses vraies, Beautés mûres ou non, novices et professes, Ô ne vivre plus qu'en vos fentes et vos raies !


Vos pieds sont merveilleux, qui ne sont qu'à l'amant, Ne reviennent qu'avec l'amant, n'ont de répit Qu'au lit pendant l'amour, puis flattent gentiment Ceux de l'amant qui las et soufflant se tapit.


Pressés, fleurés, baisés, léchés depuis les plantes Jusqu'aux orteils sucés les uns après les autres, Jusqu'aux chevilles, jusqu'aux lacs des veines lentes, Pieds plus beaux que des pieds de héros et d'apôtres !


J'aime fort votre bouche et ses jeux gracieux, Ceux de la langue et des lèvres et ceux des dents Mordillant notre langue et parfois même mieux, Truc presque aussi gentil que de mettre dedans ;


Et vos seins, double mont d'orgueil et de luxure Entre quels mon orgueil viril parfois se guinde Pour s'y gonfler à l'aise et s'y frotter la hure : Tel un sanglier ès vaux du Parnasse et du Pinde.


Vos bras, j'adore aussi vos bras si beaux, si blancs, Tendres et durs, dodus, nerveux quand faut et beaux Et blancs comme vos culs et presque aussi troublants, Chauds dans l'amour, après frais comme des tombeaux.


Et les mains au bout de ces bras, que je les gobe ! La caresse et la paresse les ont bénies, Rameneuses du gland transi qui se dérobe, Branleuses aux sollicitudes infinies !


Mais quoi ? Tout ce n'est rien, Putains, aux pris de vos Culs et cons dont la vue et le goût et l'odeur Et le toucher font des élus de vos dévots, Tabernacles et Saints des Saints de l'impudeur.


C'est pourquoi, mes soeurs, vers vos cuisses et vos fesses Je veux m'abstraire tout, seules compagnes vraies, Beautés mûres ou non, novices ou professes, Et ne vivre plus qu'en vos fentes et vos raies.

Fêtes galantes : Dialogue avec Watteau

Recueil d'abord relativement ignoré (à l'exception notable du jeune Arthur Rimbaud, enthousiasmé), Fêtes galantes devint pourtant, dans les décennies suivantes, le classique verlainien par excellence. En quoi ce recueil se distingue-t-il ? D'abord, par l'audace de la prosodie, puisque les innovations poétiques se succèdent. Ensuite, par la multiplicité des jeux de masques : de nombreux personnages défilent, tous dissimulés derrière des masques (et aussi des masques linguistiques, leurs noms, inspirés de la commedia dell'arte). Enfin, le dialogue entre poésie et peinture (notamment celle de Watteau) a inspiré des générations successives d'admirateurs. Alors, bien sûr, de dialogue réel, il n'y en eut pas, les deux grands hommes n'étant pas contemporains. Mais on ne peut que rêver à ce qui aurait pu se produire si le peintre et le poète s'étaient rencontrés.

« Mille et Tre », Paul Verlaine

Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :

Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux, Leur quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches De force assez brutale et de procédés gros.


Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ; Ils ne sentent pas l’ambre et fleurent de santé Pure et simple ; leur marche un peu lourde, va preste Pourtant, car jeune, et grave en élasticité ;


Leurs yeux francs et matois crépitent de malice Cordiale et des mots naïvement rusés Partent non sans un gai juron qui les épice De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ;


Leur pine vigoureuse et leurs fesses joyeuses Réjouissent la nuit et ma queue et mon cu ; Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.


Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle, Mémoire, pieds, cœurs, dos et l’oreille et le nez Et la fressure, tout gueule une ritournelle, Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés.


Un chahut, une ritournelle fol et folle Et plutôt divins qu’infernals, plus infernals Que divins, à m’y perdre, et j’y nage et j’y vole, Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals.


Mes deux Charles l’un jeune tigre aux yeux de chattes Sorte d’enfant de chœur grandissant en soudard, L’autre, fier gaillard, bel effronté que n’épate Que ma pente vertigineuse vers son dard.


Odilon, un gamin, mais monté comme un homme Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils Mieux encore mais pas plus que son reste en somme Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !


Caresseurs, satin frais, délicates phalanges Sous les plantes, autour des chevilles, et sur La cambrure veineuse et ces baisers étranges Si doux, de quatre pieds, ayant une âme, sûr !


Antoine, encor, proverbial quant à la queue, Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu, Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue Et tout mon cul de son épouvantable épieu.


Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes Poitrine blanche, aux durs boutons sucés ainsi Que le bon bout ; François, souple comme des gerbes Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi !


Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle (Il était bien joli quand ça nous arriva) Jules, un peu putain avec sa beauté pâle. Henri, me va en leurs conscrits qui, las ! s’en va ;


Et vous tous ! à la file ou confondus en bande Ou seuls, vision si nette des jours passés, Passions du présent, futur qui croît et bande Chéris sans nombre qui n’êtes jamais assez !

La Bonne chanson : Verlaine, poète des beaux sentiments

La Bonne chanson est un poème – ou une série de poèmes – d'amour, consacré à Mathilde Mauté, que Verlaine épousera. Et c'est une floraison de belles choses : la nature, la musique, l'amour et la bonté de celle qui devient, sous la plume de Verlaine, « la petite fée ». On a pu reprocher au Verlaine de ce texte une trop grande candeur, voire une certaine niaiserie. Mais enfin, quelle joie de voir ce grand poète exprimer avec justesse la force et la splendeur du sentiment amoureux ! Ce faisant, Verlaine nous invite en un monde de sa création, un monde où

Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne

L’immuable azur où rit (s)on amour.

Et comment ne pas s'émerveiller devant ce texte où tout est beauté et délicatesse ?

« Un peu de... », Paul Verlaine

Un peu de merde et de fromage

Ne sont pas pour effaroucher Mon nez, ma bouche et mon courage Dans l’amour de gamahucher.


L’odeur m’est assez gaie en somme, Du trou du cul de mes amants, Aigre et fraîche comme la pomme Dans la moiteur de saints ferments.


Et ma langue que rien ne dompte, Par la douceur des longs poils roux Raide et folle de bonne honte Assouvit là ses plus forts goûts,


Puis pourléchant le périnée Et les couilles d’un mode lent, Au long du chibre contournée S’arrête à la base du gland.


Elle y puise âprement en quête Du nanan qu’elle mourrait pour, Sive, la crème de quéquette Caillée aux éclisses d’amour


Ensuite, après la politesse Traditionnelle au méat Rentre dans la bouche où s’empresse De la suivre le vit béat,


Débordant de foutre qu’avale Ce moi confit en onction Parmi l’extase sans rivale De cette bénédiction !

Romances sans paroles : génie naïf, naïveté géniale ?

La publication de La Bonne chanson coïncide, étrangement, avec la rencontre entre Verlaine et Rimbaud ; il en découlera une amitié aussi profonde que tumultueuse, qui éloignera Paul Verlaine de son épouse et de son jeune fils. Pourtant, ne maudissons pas l'adolescent ardennais. En effet, après la richesse lexicale et sémantique des textes de 1871 (songeons au sonnet « Voyelles » ou au « Bateau ivre »), Rimbaud rejette les formes académiques en 1872. Il va se passionner pour l'imitation des chansons populaires aux rythmes simplistes, et défaire les conventions métriques et sonores de la poésie classique, cherchant à composer un recueil d'Études néantes (qui ne paraîtront jamais).

Si Verlaine maintient son attachement à la régularité du rythme et de la rime, il va, sur les traces de son ami, écrire ces fascinantes Romances sans paroles, dont sont extraits des morceaux aussi justement renommés que « A Poor Young Shepherd » ou « Il pleure dans mon cœur ». Il s'agit de romances, c'est à dire de pièces sentimentales, populaires et imitant la musique ; mais surtout, de romances sans paroles. En effet, Verlaine veut retrouver une innocence pré-linguistique, l'innocence de l'enfance, avec toute sa tendresse et sa pureté.

« Idylle high-life », Paul Verlaine

La galopine

À pleine main Branle la pine Au beau gamin.


L’heureux potache Décalotté Jouit et crache De tout côté.  

L’enfant rieuse À voir ce lait Et curieuse De ce qu’il est,


Hume une goutte Au bord du pis, Puis dame ! en route, Ma foi, tant pis !


Pourlèche et baise Le joli bout, Plus ne biaise Pompe le tout !  

Petit vicomte De je-ne-sais, Point ne raconte Trop ce succès,  

Fleur d’élégances, Oaristys De tes vacances Quatre-vingt-dix :  

Ces algarades Dans les châteaux, Tes camarades, Même lourdeaux,


Pourraient sans peine T’en raconter À la douzaine Sans inventer ;


Et les cousines, Anges déchus, De ses cuisines Et de ces jus


Sont coutumières, Pauvres trognons, Dès leurs premières Communions ;


Ce, jeunes frères, En attendant Leurs adultères Vous impendant.

Prison, conversion, et enfin la Sagesse ?

Un hiatus de six ans sépare Sagesse de Romances sans paroles, qui s'explique par la vie agitée du poète durant cette période. Suite à une dispute avec Rimbaud, Verlaine lui ayant tiré dessus, il est arrêté et passe dix-huit mois derrière les barreaux. Mais d'un mal peut sortir un bien, et en prison, Verlaine a le bonheur de retrouver la foi catholique ; bonheur qu'il tentera de faire partager...

















Hé ho !





HÉ HO ! C'EST À VOUS QUE JE PARLE, JEUNES GENS !

On n'est plus au lycée ! Il faut se concentrer et se montrer autonome pour réussir ! Et d'ailleurs, c'est quoi, ce livre que vous lisez en douce et qui vous fait ainsi pouffer ?


Poèmesérotiques.jpg




Quoi ? Mon Dieu ! Doux Jésus ! Que ne vous fis-je pas étudier le Romantisme et le Parnasse, comme j'en avais l'habitude ! Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Théodore de Banville, Théophile Gautier... Voilà des poètes sains, et qui ne nous réservent aucune mauvaise surprise !


Théophil Gautier 1856 Nadar.jpg Théophile Gautier :
«Que les chiens sont heureux !

Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entr’eux ;
Que les chiens sont heureux ! »


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