Paul Verlaine
Ah, Verlaine... Mes chers petits, je suis ravi que le doyen de notre université ait accepté de mettre au cursus ce grand poète dès le premier semestre. Vous allez découvrir un monde de douceur et de subtilité, entre la rêverie mélancolique des Poèmes saturniens, les jeux de masques de Fêtes galantes, la simplicité de sentiments de La Bonne Chanson et de Romances sans paroles... Et cette tension géniale entre classicisme harmonieux et renouvellement de la métrique, par exemple le fameux vers « Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie », qui réinvente délicieusement l'alexandrin...
Ô, Verlaine ! Vous verrez, pour citer La Bonne Chanson, que
Sa voix, étant de la musique fine,
Accompagnait délicieusement L'esprit sans fiel de son babil charmant Où la gaîté d'un cœur bon se devine. |
Le saturnien, un maudit ?
Évidemment, en s'inscrivant ainsi dans l'orbite de Saturne, Verlaine choisit une voie profondément baudelairienne. Ce truisme étant évacué, il s'agit de souligner l'originalité du jeune poète. Car, oui, Verlaine se représente en albatros géant, coupé des hommes et de leur folle activité :
Aujourd’hui l’Action et le Rêve ont brisé
Le pacte primitif par les siècles usé |
Mais cela ne l'empêche aucunement d'aspirer à l'idéal, et à un idéal moins fantasmagorique que celui évoqué dans les Fleurs du Mal ! Oui, Verlaine aspire à l'onirisme :
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. |
Mais ce rêve est accessible, par un amour tout à fait terrestre :
— Ah ! les premières fleurs qu’elles sont parfumées !
Et qu’il bruit avec un murmure charmant Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées ! |
Ainsi, Verlaine, par la tendresse amoureuse, semble résoudre la quadrature baudelairienne.
« Ouverture », Paul Verlaine
Je veux m'abstraire vers vos cuisses et vos fesses,
Putains, du seul vrai Dieu seules prêtresses vraies, Beautés mûres ou non, novices et professes, Ô ne vivre plus qu'en vos fentes et vos raies !
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Fêtes galantes : Dialogue avec Watteau
Recueil d'abord relativement ignoré (à l'exception notable du jeune Arthur Rimbaud, enthousiasmé), Fêtes galantes devint pourtant, dans les décennies suivantes, le classique verlainien par excellence. En quoi ce recueil se distingue-t-il ? D'abord, par l'audace de la prosodie, puisque les innovations poétiques se succèdent. Ensuite, par la multiplicité des jeux de masques : de nombreux personnages défilent, tous dissimulés derrière des masques (et aussi des masques linguistiques, leurs noms, inspirés de la commedia dell'arte). Enfin, le dialogue entre poésie et peinture (notamment celle de Watteau) a inspiré des générations successives d'admirateurs. Alors, bien sûr, de dialogue réel, il n'y en eut pas, les deux grands hommes n'étant pas contemporains. Mais on ne peut que rêver à ce qui aurait pu se produire si le peintre et le poète s'étaient rencontrés.
« Mille et Tre », Paul Verlaine
Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux, Leur quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches De force assez brutale et de procédés gros.
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La Bonne chanson : Verlaine, poète des beaux sentiments
La Bonne chanson est un poème – ou une série de poèmes – d'amour, consacré à Mathilde Mauté, que Verlaine épousera. Et c'est une floraison de belles choses : la nature, la musique, l'amour et la bonté de celle qui devient, sous la plume de Verlaine, « la petite fée ». On a pu reprocher au Verlaine de ce texte une trop grande candeur, voire une certaine niaiserie. Mais enfin, quelle joie de voir ce grand poète exprimer avec justesse la force et la splendeur du sentiment amoureux ! Ce faisant, Verlaine nous invite en un monde de sa création, un monde où
Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne
L’immuable azur où rit (s)on amour. |
Et comment ne pas s'émerveiller devant ce texte où tout est beauté et délicatesse ?
« Un peu de... », Paul Verlaine
Un peu de merde et de fromage
Ne sont pas pour effaroucher Mon nez, ma bouche et mon courage Dans l’amour de gamahucher.
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Romances sans paroles : génie naïf, naïveté géniale ?
La publication de La Bonne chanson coïncide, étrangement, avec la rencontre entre Verlaine et Rimbaud ; il en découlera une amitié aussi profonde que tumultueuse, qui éloignera Paul Verlaine de son épouse et de son jeune fils. Pourtant, ne maudissons pas l'adolescent ardennais. En effet, après la richesse lexicale et sémantique des textes de 1871 (songeons au sonnet « Voyelles » ou au « Bateau ivre »), Rimbaud rejette les formes académiques en 1872. Il va se passionner pour l'imitation des chansons populaires aux rythmes simplistes, et défaire les conventions métriques et sonores de la poésie classique, cherchant à composer un recueil d'Études néantes (qui ne paraîtront jamais).
Si Verlaine maintient son attachement à la régularité du rythme et de la rime, il va, sur les traces de son ami, écrire ces fascinantes Romances sans paroles, dont sont extraits des morceaux aussi justement renommés que « A Poor Young Shepherd » ou « Il pleure dans mon cœur ». Il s'agit de romances, c'est à dire de pièces sentimentales, populaires et imitant la musique ; mais surtout, de romances sans paroles. En effet, Verlaine veut retrouver une innocence pré-linguistique, l'innocence de l'enfance, avec toute sa tendresse et sa pureté.
« Idylle high-life », Paul Verlaine
La galopine
À pleine main Branle la pine Au beau gamin.
L’enfant rieuse À voir ce lait Et curieuse De ce qu’il est,
Petit vicomte De je-ne-sais, Point ne raconte Trop ce succès, Fleur d’élégances, Oaristys De tes vacances Quatre-vingt-dix : Ces algarades Dans les châteaux, Tes camarades, Même lourdeaux,
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Prison, conversion, et enfin la Sagesse ?
Un hiatus de six ans sépare Sagesse de Romances sans paroles, qui s'explique par la vie agitée du poète durant cette période. Suite à une dispute avec Rimbaud, Verlaine lui ayant tiré dessus, il est arrêté et passe dix-huit mois derrière les barreaux. Mais d'un mal peut sortir un bien, et en prison, Verlaine a le bonheur de retrouver la foi catholique ; bonheur qu'il tentera de faire partager...
Hé ho !
HÉ HO ! C'EST À VOUS QUE JE PARLE, JEUNES GENS !
On n'est plus au lycée ! Il faut se concentrer et se montrer autonome pour réussir ! Et d'ailleurs, c'est quoi, ce livre que vous lisez en douce et qui vous fait ainsi pouffer ?
Quoi ? Mon Dieu ! Doux Jésus ! Que ne vous fis-je pas étudier le Romantisme et le Parnasse, comme j'en avais l'habitude ! Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Théodore de Banville, Théophile Gautier... Voilà des poètes sains, et qui ne nous réservent aucune mauvaise surprise !
Théophile Gautier : | |
«Que les chiens sont heureux ! Dans leur humeur badine, |
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