Retournement de situation

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Darth Vader est le père de Luke Skywalker !!!

Moi, il y a un truc qui m’énerve vraiment profondément, c’est quand on me raconte la fin d’un film que je n’ai pas encore vu. Surtout que bien évidemment, ceux qui font ça choisissent toujours un film dont la colonne vertébrale est le suspense. Ces longs métrages, le plus souvent produits par les grands studios américains, sont conçus pour tenir le spectateur en haleine. Le scénario est souvent bizarroïde et généralement sans queue ni tête si on le mesure à l’aune de ce qu’on appelle la « vraie vie » mais c’est aussi ça qui en fait leur sel. Et surtout, le plus sympa, c’est qu’à la toute fin se produit généralement un retournement de situation totalement inattendu qui permet souvent d’entendre dans la salle obscure un Ohhhhhhh d’étonnement faisant parcourir un frisson de plaisir allant de là à là (voir figure A, copyright Pierre Desproges parce que ça fait 20 ans et que je m’en remets toujours pas).

Bien sûr les plus jeunes d’entre vous ne s’en souviennent pas mais quand à la fin de « l'Empire contre-attaque », le deuxième et donc le cinquième volet de Star Wars, Darth Vader (et non pas Dark Vador (comme si ça voulait dire quelque chose)), annonce à la fin d’un combat épique au sabre-laser face à Luke Skywalker qu’il est le père de ce dernier, tout le public est sens dessus dessous. Aujourd’hui, cette relation Père/Fils est devenue proverbiale au même titre que celle unissant Œdipe à Jocaste (Mère/Fils) ou Jean Sarkozy à Nicolas (Président/Conducteur de scooter) et plus personne ne considère cet aveu comme un rebondissement de première grandeur, ce qu’il fut à l’époque de la sortie du film.

Dans « Les Diaboliques » c’est en fait l’amant et sa maîtresse qui complotent la mort de l'épouse

En fait, Bruce Willis est mort depuis le début du film (lol)

Bref. Tout ça pour dire que ce n’est pas très fair-play de raconter la fin d’un film à quelqu’un qui ne l’a pas vu (et très con de la raconter à quelqu'un qui l'a vu). En plus ça peut faire baisser le taux de téléchargement illégal. Tiens par exemple l’autre jour (mardi ou mercredi dernier pour être précis), mon beau-frère me dit :

— C’est génial « Sixième sens », surtout à la fin quand on se rend compte que Bruce Willis il est en fait mort et que y a que le gamin qui le voit en réalité ! Je m’y attendais pas du tout et j’ai fait Ohhhhhhh.

Je m’étrangle et lui avoue que malgré mon amour du cinéma, je ne l’ai pas encore vu sous prétexte que j’étais allé voir dès sa sortie « Incassable » du même M. Night Shyamalan et que j’ai trouvé ça tellement mauvais que j’ai fait l’impasse sur l’opus précédent pourtant a priori bien meilleur. Il faut dire que « Incassable », c’est complètement aberrant, surtout la fin où on apprend que Bruce Willis et Samuel L. Jackson sont en fait deux super-héros issus de Comics aux pouvoirs opposés. Pourtant, j’avais bien aimé ces deux acteurs dans « Une journée en enfer (Die Hard With a Vengeance) », même si le suspense sur le fait que le grand méchant joué par Jeremy Irons était le frère du grand méchant de Die Hard (joué par Alan Rickman) était assez peu vraisemblable. Et puis deux acteurs anglais qui parlent en Français avec un accent allemand, c’est franchement casse-couilles.

Bref. Après avoir massacré mon beau-frère à coups de Rangers dans les côtes flottantes, je décide de me venger en lui racontant la fin d’un autre film, « Les autres (The others) ». Car en y réfléchissant, la fin du « Sixième sens », c’est un peu la même que celle de « Les autres » avec Nicole Kidman. Ben oui, pendant tout le film on pense que la mère et ses deux enfants habitent une maison hantée mais on apprend au final que ce sont eux trois les fantômes et qu’en plus elle a tué ses mômes ! D’un autre côté mon beau-frère s’en fout car il va pas voir les films réalisés par des chiliens comme Alejandro Amenábar.

Dans « Une affaire privée », la jeune femme disparue est Marion Cotillard, elle s'est fait refaire le visage

On peut pas vraiment résumer en une phrase

Mais c’est vrai qu’avec les histoires de morts et de spectres, c’est facile de faire des retournements de situation spectaculaires. Pareil avec les histoires de voyage dans le temps. Je pense notamment à un des meilleurs du genre, « Donnie Darko » de Richard Kelly. Bon c’est sûr il faut le voir plusieurs fois pour vraiment tout assimiler – et encore – mais une fois qu’on a bien appréhendé l’histoire, on comprend que Donnie se sacrifie en laissant s’écraser le réacteur d’avion sur lui car il sait que par ce geste il va sauver sa copine, sa mère et sa sœur et va entraîner Patrick Swayze vers la rédemption de façon indirecte (même si cette partie du scénario est un peu tirée par les cheveux). Mais là à la limite on peut se laisser raconter la fin avant d’avoir vu le film car l’intérêt n’est pas dans le rebondissement final

Cas similaire, mais un peu différent, c'est quand le grand retournement de situation a lieu non pas à la fin, mais au milieu du film. Ainsi, dans « Charlie's Angels », quand on apprend que le scientifique qui s'est fait kidnapper est en fait le grand méchant qui a tout manigancé depuis le début. Voilà un exemple de retournement de situation qui arrive en plein milieu du film, mais qui fait un assez bel effet (c'est d'ailleurs à peu près la seule qualité du film en question...). En tous cas, c'est beaucoup plus surprenant que dans Charlie's Angels 2, où on apprend, là encore au milieu du film, que le personnage joué par Demi Moore est en fait une méchante (c'était pas non plus très malin de tout dévoiler dans la bande-annonce. Tiens, ça me fait penser à Luc Besson qui ne trouve rien de mieux à faire que d'appeler son film Angel-A pour que tout le monde comprenne à l'avance que la nana est un ange...).

Il serait toutefois malhonnête de dire que les retournements de situation ne concernent que le cinéma. On trouve d'autres exemples dans la littérature, notamment policière. Par exemple, dans « Le crime de l’Orient-Express », quand on apprend que les suspects du meurtre sont en fait tous coupables. On peut aussi citer des séries télévisées, comme le dernier épisode de « Lost  », lorsque on apprend, d'une part, que les passagers du vol 815 d'Oceanic Airlines étaient déjà tous morts avant même que la série ne commence, et que d'autre part le monde dans lequel ils évoluent (l'île, mais aussi en dehors de l'île) est en fait le Purgatoire. Jusqu'à présent, la télévision française ne nous a donné guère d'équivalents de ce coup de théâtre final, si ce n'est le series finale de la sitcom « Les Filles d'à-côté », dans lequel Gérard, le culturiste apparemment homosexuel, épouse une femme... Oui, je sais, la télévision française fait peine à voir...


Dans « Sens unique », le personnage joué par Kevin Costner est en fait un Soviétique travaillant pour le KGB

Brad Pitt va tuer le serial-killer qui a tué sa femme, ce qui correspondra aux péchés N°6 et 7

On trouve cependant de vrais coups de théâtre dignes de ce nom dans des films à caractère policier comme « Se7en » de David Fincher. Déjà vers la fin du film on est estomaqué de voir le coupable des 5 meurtres, joué par Kevin Spacey, se rendre de lui-même à la police. Mais le plus fort, c’est quand on voit que les 2 derniers péchés, l’envie et la colère, seront punis non pas par le serial-killer joué par Kevin Spacey, mais par le flic chargé de le traquer (joué par Brad Pitt). Envieux de la réussite du flic, Spacey a en effet tué sa femme (au flic) et a envoyé sa tête (à la femme) par colis à Pitt (le flic donc). Ce sixième meurtre va entrainer le septième, Pitt décidant de tuer Spacey sous le coup de la colère. Là si quelqu’un vous le raconte, ça gâche tout le plaisir.

David Fincher est d’ailleurs un des spécialistes du retournement de situation de dernière minute. Dans « The Game », tournée deux ans après Se7en, Michael Douglas est pris dans un tel engrenage de terreur en croyant être manipulé par son frère (Sean Penn) dans un jeu de rôle macabre trop réaliste qu’il le tue au moment où celui-ci lui annonce que c’était bien un simple jeu. De désespoir Douglas décide de se jeter du haut du toit d’un building mais on se rend compte que les créateurs du jeu avait prévu ça aussi et on mit un gros matelas en bas de l’immeuble. Les balles étaient à blanc et Penn et Douglas échappent au final tous les deux à la mort.

Et encore deux ans plus tard, le même Fincher récidive dans « Fight Club » puisque l’ultime révélation concerne le fait que les personnages joués par Brad Pitt et Erward Norton sont en fait une seule et même personne. Là non plus je n’aurais pas aimé le savoir avant.

Mais pour moi le polar pour lequel il serait vraiment indécent de révéler la fin, c’est « Usual Suspects » de Bryan Singer. Heureusement, c’est tellement alambiqué que ça en devient difficile à raconter. Mais quand on apprend que Keyser Soze, c’est en fait Kevin Spacey et qu’il invente toutes ces histoires en parcourant simplement les différentes notes et photos affichées sur les murs du bureau dans lequel il est interrogé, on est sur le cul.



Dans « Oldboy » Mi-Do est en fait la fille de Dae-su, ils ont été hypnotisés

Surprise : Verbal Kint (Spacey à droite ici) et Keyzer Soze ne font qu'un

Et je pourrais moi aussi pourrir la vie des gens à l’infini en citant d’autres fins de films comme « Identity », où le coupable est en fait le jeune garçon, « Memento » où on apprend que la femme de Guy Pearce est morte de façon naturelle et que sa vengeance n’a pas lieu d’être ou « La vie de David Gale » où ce pourfendeur de la peine de mort se sacrifie pour la cause en s’accusant d’un meurtre qu’il n’a pas commis (sa complice s’est en fait suicidée) et il sera effectivement exécuté, son avocate qui a découvert la vérité arrivant trop tard, ou des films plus anciens comme « Psychose » pour lequel c’est bien Anthony Perkins qui tue en prenant l’apparence de sa mère, « Soleil Vert » où Charlton Heston découvre que la fameuse nourriture qui donne son titre au film est à base de chair humaine, la Planète des Singes qui est en fait la Terre dans le futur, sans oublier « Citizen Kane  » quand on apprend que Rosebud est en fait le nom de la luge que le héros possédait quand il était enfant, ou encore « Le gendarme se marie » où on apprend à la fin que le gendarme se marie. Mais je ne le ferai pas. Ce serait cruel.


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