Contes des quatre saisons

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Certaines personnes se permettent d'idéaliser la colocation, ou pire, la vie en couple. Tout le monde sait bien qu'il s'agit là uniquement d'ignares qui n'ont jamais pratiqué de leur vie cette malheureuse expérience. Partager son logement avec des gens, c'est augmenter les risques de débarquement de boit-sans-soif, de purée de super relous, et surtout, de gens sans goûts. Ainsi, je profite de cet article pour inviter la personne qui a oublié un coffret DVD des Contes des quatre saisons d'Éric Rhomer au 8 rue Bosquet samedi dernier à venir le récupérer au plus vite.

La joie

D'habitude, les oublis font plutôt plaisir: un pack de Pelforth brune, des lunettes Mickey, un pull en laine 100% tricoté par des enfants chinois etc... Et les DVDs sont en général bienvenus, surtout quand ils sont trouvés le dimanche matin au réveil vers 15h12. Mais le top, c'est quand le film est "Facile". C'est un peu comme en musique, le rayon "easy listening", en film on pourrait créer une rubrique "easy watching", mais ça compliquerait sans doute la recherche dans les rayons de DVDs déjà peu compréhensibles. Enfin bon, on voit tout de suite un bon Robocop II, ou bien High School Musical dans le easy watching. Attention d'ailleurs, car ce dernier n'implique pas que la musique du film est du easy listening pour autant, d'où : méfiance. Mais on s'égare du sujet et on va se faire gronder.

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Donc dimanche dernier, une tasse de café à la main, décontracté du gland mais pas de l'estomac, je trouve ce petit coffret Contes des quatre saisons d'Éric Rhomer sur la table basse, caché sous des mégots de clopes, un pot de Nutella et un slip vert. Ma première réaction était proche de l'euphorie : Yes ! 4 DVDs! Je vais pouvoir perdre ma journée comme un gros sale sans penser à rien ! Puis je lis les résumés des films et l'explication du concept de cette série, pour me rendre compte que je m'en fous, que tout ce que je veux c'est me vautrer, garder mes yeux 1/4 ouverts pour suivre le film, et baver. J'insère donc un des DVDs au pif (probablement l'automne, mais on verra que ça n'a pas d'importance) dans le lecteur, je m'installe, et c'est parti !

L'inconfort

Bien que ces images ne soient pas tirées du film, elles illustrent bien les incontournables problèmes du cinéma des années 80

Quelques minutes se sont écoulées, mais cela me paraît des siècles. Je me rends compte que non seulement je m'ennuie, mais en plus j'ai un mal de crâne qui s'installe à toute vitesse. C'est étrange, sans doute le rhum d'hier. Puis je me rends compte d'un premier "problème" avec le film: ça se passe dans la France des années 80. En réalité ça n'a aucune importance pour l'histoire du film, mais psychologiquement c'est dur de voir cette mode vestimentaire à base de serpillières fluorescentes, ces véhicules formidablement cubiques et marron, ces couleurs décolorées et ces coupes de cheveux horriblement new wave. AAaaaaah... Mes yeux... Mais je suis fort, j'ai VRAIMENT envie de ne rien foutre et de glander devant 4 films, alors je me sers un verre d'eau, je me calme, et j'y retourne. Et puis je parviens à faire abstraction, même mieux ! Je fais comme si j'avais 8 ans, ce qui me ramène dans les années 80, et cela rend le tout presque poétique. Et puis soyons un peu objectif : depuis le début du film, je n'ai pas encore eu de synthétiseur cheapo-discount pour me polluer les oreilles malgré le quatre-vingtisme des scènes. Ouf, je vais un peu mieux, je sens que je peux continuer le film.

Mais une deuxième attaque vient me frapper de plein fouet alors même que je commençais à baver... Le lecteur DVD affiche bêtement 00:27:12 quand je réalise ce à quoi je fais face. Ce n'est pas une comédie gnan gnan, non, trop facile. Ce n'est pas non plus du cinéma psychédélique expérimental entièrement fait de phrases et d'images qui buttent sur le crâne de plus en plus violemment. Non. Ce n'est pas non plus une teenage story pseudo-pédophile (pourtant avec les années 80, c'était fort possible), non non NON NON ET NON !!!! C'est sans doute l'épreuve cinématographique la plus difficile à affronter : du cinéma Nouvelle-Vaguiste psycho-emotiono-prise-de-têtiste... Une sueur froide me traverse le dos quand j'écris cette phrase. Je relis alors le résumé derrière le coffret, et obtiens la confirmation qui vient m'achever. D'un côté je suis soulagé car je comprends mes différentes sensations depuis le début du film, mais d'un autre côté j'ai mal au ventre. Je n'en suis qu'à la première partie du premier film, et il y en a quatre. Le doute n'est plus possible, pour tenir, il va me falloir une bière.

La haine

Elle lui explique patiemment qu'elle ne l'aime pas, et lui au lieu de la gifler, il déprime tranquillement

Au bout d'une heure de film, je me sens vieilli d'environ 40 ans. Peut-être plus. La bière permet définitivement de tenir le coup, mais elle provoque aussi des effets secondaires. Par exemple, j'ai envie de tuer l'actrice principale. Ça fait UNE HEURE qu'elle est en train de changer d'avis toutes les deux minutes entre Charles, Maxence et l'autre, je sais plus son nom. Elle pense que l'amour de sa vie, c'est Charles. Elle explique cela à sa sœur, grand prix de la coupe de cheveux de merde dans le film, mais c'est une autre histoire. Puis face à Charles c'est le drame, elle lui explique que Maxence est celui avec qui elle peut faire sa vie, même si en vrai c'est Charles qu'elle aime. C'est pourquoi elle ira vivre avec l'autre dont le nom m'échappe, afin que son cœur soit soulagé de ne pas avoir à choisir. Et sa mère s'implique dans l'histoire parce qu'elle préfère Maxence. Mais pourquoi je raconte tout ça moi ?!?! Tu l'as constaté toi-même cher(e) lecteur/lectrice : ON S'EN FOUT !!!!!! RHAAAAAA !!!! Mais pourquoi aucun de ces mecs ne lui met une grosse tarte ? Ils attendent quoi ? Elle se fout du monde avec ses réflexions à la con qu'elle passe son temps à exposer à haute voix !

Bon, on se calme... J'ai l'impression qu'en fait les mecs sont ultra-passifs justement pour qu'on les trouve aussi énervants que la fille. Ah mais oui, tiens maintenant que j'y pense, j'ai envie de les tuer eux aussi. Et ce mal de crâne... Rha la vache, je subis, je pensais pas que ce serait si violent. J'avais déjà vu du Nouvelle-vague psycho-emotiono-prise-de-têtiste, ça s'appelait Jules et Jim, mais j'avais résisté assez facilement. Bizarre. Bon je vais donc me chercher une autre bière, sans quoi j'ai les mains libres et c'est dangereux. Mais j'ai fait une erreur, j'ai laissé le son assez fort et quand je suis devant le frigo pour prendre ma bière, j'entends des hurlements de rage sortir de la chambre du fond de l'appart. C'est mon colocataire, il semble contrarié. Il sort de sa chambre, et il fait une sale tête. "C'est quoi ce bordel ?!" me hurle-t-il dessus alors qu'il ne m'a jamais dit ça, même le jour où je suis rentré à 4h du matin et que j'ai joué de la poubelle à pédale. Je lui propose de venir lutter avec moi, et on se dit qu'à deux on devrait s'en sortir. On retourne donc s'assoir devant le conte d'une des quatre saisons et je me rends compte que mon colocataire a mieux suivi l'histoire que moi, puisqu'il sait même que le troisième mec s'appelle Quentin. Il prouve ainsi que les images sont totalement inutiles, voire même déconcentrantes.

Le dèbat

Le film se termine enfin. Je conseille définitivement de regarder ce film avec des gens autour, ça permet de se mettre à plusieurs pour engueuler l'acteur qu'il faut au moment qu'il faut, et c'est important. Mais un gros problème se pose face au générique de fin : peut-on décemment regarder un autre de ces films, quels sont les enjeux, les risques ?

Analyse pseudo-objective de l'œuvre

Il s'agit dans un premier temps de faire le bilan du film pour en sortir la thèse. Pour commencer, il est important de bien étudier le coffret. On y voit des femmes, des hommes, on peut se réjouir de reconnaître un acteur du film qu'on vient de voir. Mais sinon, rien. Un fond blanc, et les quatre titres écrits en noir "Conte d'hiver, Conte de Printemps, Conte d'été, Conte d'automne". Mais, pourquoi utiliser le mot conte ? Il n'y a pas de princesse, pas de monstre, pas de beau chevalier... C'est étrange, on ne peut même pas vraiment dire que ça se termine bien, parce que si j'ai bien compris, deux des mecs seront dépressifs à vie après cette histoire, et l'un d'eux sera en plus fauché je crois bien. C'est bizarre, mais un facteur nous permet de ne pas trop réfléchir : Nouvelle-Vague, hop, on boucle tout, pas besoin d'explications.

On s'étonne tout de même du peu de similitude entre l'œuvre de Vivaldi et celle de Rhomer. Comment un même phénomène naturel peut-il inspirer des artistes si différemment ? On sent bien que cette question mène tout droit vers la mauvaise analyse.

On conclut rapidement qu'une analyse objective, ou même pseudo-objective est impossible, bien qu'on imagine tout de suite Télérama s'emporter dans une critique élogieuse.

Bilan humain

Le bilan humain, lui, est lourd. Le principe du cinéma nouvelle-vague est simple : on montre des gens qui passent leur temps à penser tout haut le genre de choses que la majorité des gens tentent de ne pas aborder. De cette façon, on oblige le spectateur à se prendre la tête, lui aussi. On imagine alors bien le caractère bout-en-train des réalisateurs, mais en tant que spectateur, il faut se blinder. Malheureusement, le dimanche matin, la carapace est fébrile et comme dirait l'autre, j'ai pris cher. En une heure et demi j'ai remis en cause ma relation amoureuse avec ce que je croyais être ma petite amie, et je me demande si je ne ferais pas mieux de me marier vite avec Loana pour m'assurer que mon cœur garde le meilleur de ma petite amie et qu'ainsi je vive heureux. Sans parler de mon colocataire, qui lui envisage clairement de réunir toutes ses ex avec sa petite amie pour leur dire à toutes qu'il les aime en même temps et voir laquelle saura le mieux affronter cette épreuve.

Par chance, notre téléphone ne fonctionnait pas à la fin du film.

Choix difficile

Bon, c'est pas tout ça mais j'avais décidé de ne rien faire de mon dimanche en bavant devant des films. Mais ce coffret ne fait que poser des problèmes. Non seulement il a tenté de me faire réfléchir sur des trucs malsains, mais en plus il m'oblige à faire des choix, plein de choix ! Est-ce raisonnable de regarder un autre conte, et si oui, lequel choisir ? Bon, visiblement, j'avais en fait visionné l'hiver. Un vote se tient alors avec mon colocataire avec comme choix :

  • NON
  • printemps
  • été
  • automne

Après un cinquième tour de scrutin, l'été l'emporte. Le doute s'installe dans la pièce. Ce choix a été principalement motivé par le fait que l'été c'était moins sombre que l'hiver, mais on n'est sûr de rien, c'est de la nouvelle vague...

Le vote, c'est le vote. Alors on insère le DVD, pleins d'espoir, dans le lecteur, qui stupidement décide de le lire, lui qui avait refusé "Le jour d'après"... Quel vendu !

La fin

Gaspard chante sa chanson de merde avec l'autre meuf, celle qu'il n'aime pas mais avec qui il veut zouker pour tester son amour interne

C'est dans les plus atroces douleurs que nous nous sommes rendus compte de notre erreur... Cette fois, la tête à claque principale est un garçon guitariste jeunesse UMP des années 80 qui se prend la tête entre trois filles sans même coucher avec une seule des trois qui de toute façon ne sont pas tops et passent en plus leur temps à se prendre la tête elles aussi... Mon colocataire, pris de spasmes violents à chaque intervention de Gaspard à l'écran, n'a pas résisté à la scène de la boîte de nuit où on danse sur du Miossec, et dans un râle proche de celui du fennec, il s'est coincé la tête dans le mécanisme du clic-clac pour mettre fin à sa douleur. Moi-même, c'est dans une transe incontrôlable que j'ai balancé la table basse dans la tronche de Gaspard au moment où il composait une chanson pour sa deuxième amoureuse. Ainsi mourra notre téléviseur. Depuis, on n'a jamais plus été les mêmes, et notamment, on n'a jamais plus eu une relation amoureuse plaisante.


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