Ben Ali chassé du pouvoir, une "terrible injustice"
De notre envoyé spécial Ici Tolosa... Se ma tanta avia de ròdas ne faria un cari. - le 31 janvier 2011
Profiteur, menteur, gros, moche, capitaliste, tunisien,... tous les qualificatifs sont bons pour dénigrer l’ancien chef d’état dans la presse Européenne en ce moment. À en croire les rédactions qui l’encensaient jusqu’à la veille de sa destitution, un affreux dictateur vient d’être vaincu par son peuple oppressé. La libération. Le magnifique triomphe de la démocratie. Happy end à l’américaine. Applaudissements. Rideau.
Pourtant, et même si leur voix peine à se faire entendre, il existe des militants attristés par l’éviction du Tunisien, qui vont même jusqu’à parler d’une « terrible injustice ». Ils se sont rassemblés dans l’association B.E.N., acronyme pour « société protectrice des BEN », afin de lutter contre les discriminations dont ils sont victimes. Nous les avons rencontrés lors de leur réunion de crise.
« Cela n’a que trop duré », nous confie Ben Laden, amical gérant d’une petite compagnie d’aviation civile. « Après l’antisémitisme dans les années 40, la volonté de l’opinion publique à se chercher une tête de Turc systématique a stigmatisé les étrangers, même en Turquie. Appelons cela la période xénophobe. Or, depuis peu, on observe une recrudescence de racisme anti-Ben, comme aux heures les plus sombres de l’Histoire... »
Il fait bien entendu référence à leur ancêtre commun, le célèbre Ben Hur. Celui-ci, bienveillant gouverneur d’une province Romaine, avait été, du jour au lendemain, condamné à être un esclave et à enchainer les courses de chevaux pour le bon plaisir de l’empereur de l’époque, Péhemus. De plus, par souci d’injustice, son rival de l’époque avait bien pris soin de contaminer sa mère et sa sœur par la lèpre. Le parallèle avec l’expulsion de Ben Ali est effectivement criant.
« Moi-même », poursuit-il « je suis obligé de vivre terré dans une grotte au Pakistan, parce que je faisais de l’ombre à American Airlines. » Ce vieil homme à la mine fatiguée est en effet le célèbre inventeur des vols dits « porte à porte », où les avions vous déposaient non pas à l’aéroport, mais à votre maison ou votre bureau. « Ce concept était très couru par les hommes d’affaires, en particulier ceux du World Trade Center pour lesquels j’arrivais à affrêter des Boeing entiers. Devant le succès grandissant de mon entreprise, ils ont décidé de me retirer mes licences d’exploitation... »
La voix rendue chevrottante par la tristesse et sa gorge nouée, il vient de nous raconter son histoire sans colère, mais avec une rancœur bien légitime. Quand on lui demande qui sont « ils », la peur se lit dans son regard. « Ils sont partout », nous chuchotte-t-il simplement.
Et ils sont nombreux dans l’association à avoir des destins similaires. Tout à tour, nous écoutons le récit de Ben Affleck, acteur reconnu contraint de jouer dans des publicités pour Axe, celui de Ben Harper, un talentueux chanteur devenu la cible de hippies qui viennent à ses concerts dans le but de l’enfumer avec de la mari-juana, ou encore celui de Benzema, footballeur émérite accusé d’avoir donné de l’argent sans contrepartie à une prostituée légèrement à peine un tout petit peu mineure...
Ils sont Américains, Saoudiens, Français, Anglais. Ils sont jeunes, vieux, célèbres, inconnus, riches, riches. Unis pour un même combat, celui de la justice et de la tolérance. Parce que de la même façon que Ben Jésus-Christ et Ben Mahomet furent conspués de leur vivant en dépit de leurs innombrables qualités humanistes, un Ben Ali chassé du pouvoir, ce sont des millions de Tunisiens qui se retrouvent perdus, sans père spirituel.
C’est sur cette note mélancolique que se clôt la réunion. Chacun repart de son côté, reprendre le cours normal de sa vie, où il continuera à endurer chaque jour les persécutions et les quolibets, dans l’indifférence générale.
Ils se donnent néanmoins rendez-vous dans un an à Londres, pour une cérémonie devant le fameux monument dédié à leur lutte, Big Ben.
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