K-Maro

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Baccalauréat général, année 2128


Série L : épreuve de français




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« Femme like U »


Donne-moi ton coeur baby,
Ton corps baby hey
Donne-moi ton bon vieux funk,
Ton rock baby, ta soul baby hey
Chante avec moi, je veux une femme like you
Pour m'emmener au bout du monde, une femme like you
Hey, donne-moi ton coeur baby,
Ton corps baby hey
Donne-moi ton bon vieux funk,
Ton rock baby, ta soul baby hey
Chante avec moi, je veux un homme like you
Bad boy tu sais qu' tu m' plais, un homme like you
Hey


Quand tu chantes, j'oublie, j'ai plus le moindre souci
J'ai le mal qui fuit, tu donnes un son à ma vie
Et puis j' sais pas qu'est-ce qui s' passe,
T'as ce regard dans la face
Qui me ramène à la case départ, là où j' suis parti,
Nous ramène à la soirée du bar quand on est sortis


Et c'est cette même complicité qui s'installe,
Ou quand on est sur la scène et qu'on brille sous la même étoile
Quand ta voix croise la mienne, que j'ai ta soul dans mes veines
Comme on va être cool dans les tiennes
Femme t'es belle mais quand tu chantes t'es sexy,
Flash sur elle, rock, soul baby


Complice on leur donne un bon son, like...
A la tv, Mary J.Blige glamourous, ton style et ton charme t'es fabulous
Un délice pour un macadam
Mhhm baby baby, si tu savais comme j' te mhhm baby baby
Crois-moi que l'atmosphère est parfaite,
Et plus tu chantes, plus je j' glisse sur la pente et j'perds la tête
Deux vies, deux voix qui s' rencontrent, deux histoires qui se racontent
Une chanson pour le dire, y'a les mots, les images pour le décrire
Une belle rencontre à l'ancienne, prends un flash! y'a d' la magie sur scène,
Le rideau tombe et c'est terminé
Une belle collabo, des mots sur une feuille, pour se rappeler


Donne-moi ton coeur, donne-moi ton corps,
Donne-moi ta soul, ton rock'n'roll
Je veux une femme like you, un homme like you

Cherchons l’inspiration :
Si je me rappelle bien, c’était lui K-Maro, avec sa moustache de Zorro, ses tatouages de Prison Break, et son coiffeur à l’évidence très tatillon.

Introduction

Le début des années 2000 constitue un tournant majeur dans le paysage musical et littéraire francophone, avec son lot unique d’innovations. C’est en effet la période où le R&B fait son apparition dans les chaumières, achevant brutalement le travail de sape opéré par les skyblogs sur divers aspects linguistiques, tels que la concordance des temps, l’utilisation du subjonctif, ou le « s » à la fin des mots au pluriel.

Chef de file de l'école romantique de ce mouvement, K-Maro a rythmé de ses créations poétiques l’amorce du XXIème siècle. Les albums « I am à l’ancienne », « Remix pour mes dingues » et « La Good Life », en plus de leurs titres éloquents, marquent l’éclosion d’une littérature faisant la part belle à la frivolité féminine et à la séduction. C’est d’ailleurs au sein de ce dernier recueil que figure l’œuvre qui nous intéresse : « Femme Like U ».

Célèbre ode à la joie de vivre et au gentlemanisme, ce poème, chanté à l’époque, décrit le bonheur résultant d’une rencontre amoureuse.

Dans un premier temps, nous nous attarderons sur le lyrisme des sentiments et de l’amour. Le deuxième axe de réflexion montrera l’accord de cette scène avec la nature environnante ; enfin, nous étudierons la forme non conformiste de ce poème, adapté pour être chanté.

L’invitation lyrique à l’amour

Cherchons l’inspiration :
L’amour le vrai, des étoiles plein les yeux, le cœur qui bat la chamade dans un tango malicieusement endiablé... Et malgré tout, quand on y pense, ce Dany n’avait de Brillant que le nom.

Le Romantisme prône l'expression des sentiments et des sensations. Ce poème décrit de manière très originale le plaisir d’un tête-à-tête amoureux dans un univers aux codes moraux bien différents de ceux inculqués d’ordinaire, tels que la décence, la politesse, ou le fait de s’abstenir de mentionner la beauté de la croupe d’une femme ouvertement en sa présence.

Nous étudierons d'abord les deux personnages en présence, puis nous montrerons que l'échange est d'abord visuel avant d'insister sur l'invitation très épicurienne à l'amour.

Du masculin et du féminin

Le thème du texte est la rencontre entre deux personnages : un « femme » qui représente la cible des propos, et un « je », qui est le poète. Le personnage féminin demeure assez mystérieux. Il n’est jamais nommé, simplement désigné par des termes mélioratifs comme « baby », voire même « baby baby » lorsque l’excitation atteint son paroxysme.

Elle est d’ailleurs à peine décrite. Deux traits la caractérisent :

  • la beauté, habilement sous-entendue : « t’es belle », « t’es sexy », et même un « t’es fabulous » laissant entrevoir que son charme est tel que le poète en perd son latin, et par la même occasion son français ;
  • la musicalité : d’innombrables références sont décelables concernant le « funk » et la « soul » de la demoiselle, bien que cela ne veuille strictement rien dire. Nous pouvons donc en déduire que l’auteur cherche à montrer ô combien les formes de son interlocutrice inspirent en lui une envie de s’essayer à des styles musicaux incongrus, à la manière des étourneaux et autres volatiles en rut au printemps.

Le personnage masculin est quant à lui évoqué par le pronom personnel tonique de la première personne : « moi ». Il s’agit du poète. Il est, comme souvent dans les poèmes de K-Maro, un jeune homme dont la franchise peut surprendre, mais qui n’en reste pas moins sentimental dans l’absolu.

De plus, il est celui qui maîtrise le regard et la parole. Il va être le seul à s’exprimer clairement dans le texte, la femme se contentant de bribes énigmatiques, telles que « un homme like you », représentant tout de même plus de la moitié de son temps d’expression.

Les rôles sont ainsi nettement délimités : la beauté est féminine, la parole est masculine. Sans doute un habile parallèle avec le gouvernement Italien de l’époque.

L’échange des regards

L’échange des regards est toujours essentiel dans la scène de rencontre. On constate ici que le regard est la principale cause des troubles amoureux du poète :


Et puis j' sais pas qu'est-ce qui s' passe,

T'as ce regard dans la face

Nous voyons ici que l’homme se révèle terriblement ému par l’œillade dont il est témoin, et ce d’autant plus que la femme a semblerait-il disposé ses yeux en plein milieu de son visage, plus exactement « dans la face ». Touché au plus haut point dans sa chair, il use alors d’une grammaire plus qu’approximative pour exprimer l’ampleur de sa confusion. Une allitération en « s » accentue cette impression, laissant supposer que le poète se retrouve penaud et presque zozottant, un filet de bave à la commissure des lèvres.

Cherchons l’inspiration :
Georges Brassens poussait le comble jusqu'à être lui-même une allitération en « s », pour ressembler à K-Maro.

La scène d’amour

La rencontre entraîne immédiatement l’invitation avec la citation « donne moi ton cœur baby ». Cette demande, ambigüe au demeurant, est éclairée par la périphrase « si tu savais comme j' te mhhm baby baby » et le tutoiement employé naturellement. On devine alors, en lisant entre les lignes, que le poète souhaite s’accoupler avec son acolyte féminin. La phrase « Le rideau tombe et c'est terminé » ne laisse d’ailleurs aucun doute quant à l’issue de la scène.

Le jeu de dialogue, employé à deux reprises, permet d’éclairer le scénario du poème. Lorsque la femme, intriguée par le mystérieux vocabulaire de son courtisan, répète qu’elle désire plus que tout « un homme like you », on se rend bien compte qu’elle ne saisit pas un traitre mot de ce qu’elle baragouine. Elle joue alors dans la surenchère, avec un « Bad boy tu sais qu' tu m' plais, un homme like you », avant de se taire, certainement honteuse, jusqu’à la fin de la chanson.

L’hymne à la nature

Le poète romantique aime à célébrer l’environnement qui l’entoure, et à se faire le traducteur des choses muettes, voire de son atroce musique. Ici, la nature est témoin et complice de la parade amoureuse, comme nous allons le voir par la suite.

Une scène bucolique moderne

Cherchons l’inspiration :
Je sais pas ce que ça veut dire bucolique, alors on n’a qu’à dire que ça me fait penser à un cd de Zouzou Pitchoun.
Il est carrément bucolique ! xD

Il s’agit d’une scène nocturne, riante et gaie. L’école romantique, avec Alphonse de Lamartine et Victor Hugo en chefs de file, avait préconisé de simplifier la langue poétique et ses métaphores. K-Maro respecte les préceptes de ses illustres ainés en utilisant un lexique très élémentaire. Seul le champ lexical de la faune jet-setteuse d’une soirée chez Patrick Sébastien est présent : « la soirée du bar », « magie sur scène ». Toute autre trace d’humanité a disparu, faisant de ce couple atypique un couple édénique sur le point de goûter le fruit défendu. À ce titre, le « donne-moi ton corps » rabâché à maintes reprises n’est pas si innocent qu’on pourrait le penser.

Tout juste le poète sort-il de sa torpeur en comparant sa dulcinée aux icônes de son temps : « A la tv, Mary J.Blige glamourous » laissant transparaître, en plus d’une assiduité toute relative de l’auteur aux cours de français durant sa jeunesse, une admiration béate. De plus, cela met en place une présentation anthropomorphique, une personnification de la femme, jusqu’ici considérée comme un objet. Le poète s’est rendu compte qu’elle était dôtée de parole et de bon sens, lorsqu’elle s’est adressée à lui avec les termes élogieux suivants : « un homme like you Hey »

L’accord entre la scène et la nature

On remarque dès les premiers instants un parfait accord entre la jeune femme et son environnement direct. S’intégrant au tableau qu’il dépeint, le poète est abasourdi par tant de grâce. Ses cinq sens sont en pamoison :

  • La vue : « on brille sous la même étoile » Notons que la probabilité qu’il s’agisse d’une étoile existant réellement, genre l’étoile du berger ou l’étoile noire de Star Wars, est très faible ;
  • L’ouïe : « un bon son, like... » sans doute précurseur des boutons « Like » sur facebook ;
  • Le toucher : « Comme on va être cool dans les tiennes » en parlant des veines de sa promise. Ça n’a aucun sens, mais nous pouvons aisément nous imaginer K-Maro suant sang et eau pour se dégoter une rime en « ène », donc passons ;
  • L’odorat : « l'atmosphère est parfaite »
  • Le goût : « Un délice pour un macadam » Si l’on s’en réfère à la définition littérale de « macadam », à savoir « revêtement de chaussée fabriqué à base de pierres concassées et agglomérées », le message que le poète tient à transmettre est très énigmatique.

La chanson

Il s’agit d’une scène de bonheur ivre, où le rythme suit le sens, et le remplace même parfois avec des expressions comme «  Une belle rencontre à l'ancienne, prends un flash! » qui contribuent à la perplexité du lecteur. Loin de la rigidité d’autres auteurs de poèmes classiques tels que Didier Barbelivien ou Diam’s, K-Maro fait preuve de liberté jusque dans la métrique, ce qui fait de son œuvre un texte atypique.

Cherchons l’inspiration :
Si on trouve un « meilleur » dans l’œuvre de Barbelivien, on doit bien pouvoir trouver une rime dans un texte de K-Maro.

La liberté du poème

Ce poème débute par un double-refrain, puis enchaine avec une suite de quatre couplets à la longueur aléatoire, pour enfin terminer sur une autre série de refrains. C’est clairement n’importe quoi.

Au niveau des rimes, on retrouve le même style à l’aspect chaotique : alors qu’une forme en alexandrin débute chaque couplet, celle-ci tourne court plus ou moins rapidement pour laisser place à des vers sauvages dont la taille varie entre 6 et 9 syllabes. Ceci permet d’accélérer le rythme aux moments de plénitude et d’harmonie, c’est-à-dire lorsque le poète devient le plus ennuyé pour trouver une suite :


Femme t'es belle mais quand tu chantes t'es sexy

Cela transpire l’inspiration divine, et on se demande comment il pourrait bien produire un second vers de cette envergure.


Flash sur elle, rock, soul baby

La surprise est totale : qui aurait pu imaginer qu’il pourrait faire rimer « sexy » et « baby » au sein d’une phrase sans verbe ?

Répétitions et incantations

Dans la chanson, style plus libre que le poème pur, les phénomènes de répétition sont nombreux et très recherchés. L’œuvre commence d’ailleurs, comme certaines comptines, par un effet de paronomase : « ton cœur baby » avec « ton corps baby ». Ceci laisse présager de ce que sera le contenu de la suite, à savoir une description anatomique admirative et minutieuse ponctuée de mots anglais complices.

On retrouve d’ailleurs souvent le mot « baby », employé aussi bien par l’homme que la femme. Cela sert essentiellement à prouver leur passion commune pour les concerts de Johnny Hallyday, qui les rapproche autant.

Le poète souhaite concrètement que la femme lui confie son « rock », sa « funk » et sa « soul ». Il lui demande en effet très souvent. Ces invitations trouvent leur explication au milieu du texte, lorsque l’homme explique la raison de ces incessantes requêtes : « J'ai le mal qui fuit, tu donnes un son à ma vie »

...

Cependant, la chanson ne dure visiblement pas assez longtemps pour que l’on puisse deviner d’où provient cette fuite de son mal (sic) qu’il cherche désespérément à colmater avec divers styles musicaux.

Cherchons l’inspiration :
Ah ah ah ! Un elefunk, ça lui ferait bien mal au cul !

Conclusion

Ce texte présente donc un intérêt majeur : il apparaît comme une envolée lyrique célébrant un amour en coup-de-foudre, même si très vite le lecteur se rend compte que la moitié des phrases ne veulent rien dire, tandis que l’autre moitié est déchiffrable si et seulement si l’on change l’ordre des mots et de quelques lettres.

Cette œuvre constitue donc la base de la majeure partie des paroles de chansons actuelles. K-Maro fut le premier, en son temps, à saisir la futilité du sens général, des rimes et du français correct pour atteindre un succès national, reléguant ainsi les poètes d’un autre temps, tels que Jean de la Fontaine ou 90.26.61.92, au rang de simples faire-valoir.

Cherchons l’inspiration :
Viel cédai our fair mangié les clocherds.
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